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12. Litteralement, 2002, Nantes<br />

13. Maison tente, 2002, Köln<br />

Nick West<br />

Que se passe-t-il quand les gens sont invités à<br />

faire des commentaires sur des lieux spécifiques<br />

dans la ville?<br />

Y a-t-il des outils qui peuvent aider à créer un<br />

espace ouvert et permanent où inscrire ces commentaires?<br />

Telles étaient les questions implicites par lesquelles<br />

nous avons débuté notre recherche, Urban<br />

Tapestries [Tapisseries Urbaines] (un projet de<br />

Proboscis, Agence en conception basée à<br />

Londres. Puis, nous nous sommes donné pour<br />

objectif de concevoir des ensembles d’outils et de<br />

compétences qui permettront aux gens d’annoter<br />

l’espace urbain qu’ils habitent ou par lequel ils<br />

passent tous les jours. Nous partons du principe<br />

selon lequel, si on leur en donne l’occasion, beaucoup<br />

de gens aimeraient «laisser leur marque»<br />

dans la ville d’une manière ou d’une autre – que<br />

cela signifie laisser un mot pour les amis, imaginer<br />

ses propres circuits de promenade, développer des<br />

ressources documentaires sur place ou encore<br />

d’autres choses parmi des dizaines de possibilités.<br />

En bref, nous avons une forte intuition, commune à<br />

tout le groupe, qui nous dit que le meilleur chemin<br />

vers une valorisation géographique de la ville<br />

implique forcément de concevoir comment une<br />

large section de la population peut apporter sa<br />

pierre à la construction de l’édifice.<br />

Contexte: la recherche<br />

Lorsque nous avons commencé notre recherche,<br />

nous étions technologiquement agnostiques: le<br />

propos était plutôt de voir si les gens voulaient ou<br />

non annoter la ville. Pour explorer la possibilité de<br />

réalisation de telles annotations et savoir si les<br />

gens désiraient le faire, nous avons organisé une<br />

série de «bodystormings». Pendant ces séances,<br />

nous avons étalé une carte gigantesque d’un quartier<br />

du centre de Londres au sol, donné aux participants<br />

un paquet de post-it de couleur, et les avons<br />

envoyés sur la carte en chaussettes pour créer<br />

toutes les chaînes d’annotations qu’ils voudraient.<br />

Nous avons trouvé que presque tous les participants<br />

voulaient faire non pas une mais de multiples<br />

annotations et beaucoup en créèrent des<br />

dizaines. Ceci était vrai non seulement parmi les<br />

amateurs admis dans le temple des initiés du hitech,<br />

mais aussi parmi les nombreux groupes de<br />

seniors avec lesquels nous avons travaillé dans<br />

une maison de quartier locale. Le sujet de ces<br />

annotations allait de circuits historiques (ce à quoi<br />

nous nous attendions) à des histoires du même<br />

genre, datant de la Seconde Guerre Mondiale, en<br />

passant par les circuits des petits riens où l’on<br />

apprenait les disputes qu’une participante avait<br />

eues avec son ex petit ami. Des gens avaient créé<br />

des jeux rudimentaires, des circuits architecturaux,<br />

des feuilletons, des poèmes spatialisés, des<br />

histoires de famille et tout un méli-mélo d’autres<br />

thèmes dont la variété était franchement surprenante.<br />

Convaincus de ce que annoter la ville attirerait les<br />

foules, nous avons bâti deux prototypes. A la base<br />

de notre premier essai en public, un simple système<br />

client-auteur fonctionnant sur un ANP communiquait<br />

avec une base de données en empruntant<br />

un réseau sans fil Wi-Fi que nous avions installé<br />

dans un petit coin de Bloosmbury au centre<br />

Tapisseries urbaines: le spatial<br />

et le social sur votre portable<br />

de Londres. Il faisait froid, il pleuvait<br />

et le prototype ne parvenait pas<br />

à maintenir le contact. Mais là<br />

encore, nous fûmes agréablement<br />

surpris par la persévérance des participants<br />

à créer leurs annotations.<br />

Chaque participant écrivit ses propres<br />

réactions face à ce procédé de<br />

recherche sur le blogue que nous<br />

avions créé pour eux à http://urbantapestries.net/weblog.<br />

Nous avons ensuite créé un<br />

deuxième prototype fonctionnant<br />

sur un téléphone portable, et communiquant<br />

sur le réseau GPRS<br />

standard. Un groupe de participants<br />

a ainsi pu utiliser ce prototype<br />

de façon fiable pour annoter un<br />

carré de trois kilomètres de côté<br />

dans le centre de Londres, dont<br />

Oxford Circus était l’épicentre. Le<br />

logiciel permet de créer une annotation<br />

sous forme de texte, de son ou<br />

de photo (ou les trois à la fois) que<br />

l’on peut attacher à une adresse<br />

spécifique. Les annotations sont<br />

alors réunies sur des «chaînes»<br />

d’annotations et chaque auteur<br />

peut alors en créer de multiples.<br />

Les gens ont bien aimé utiliser le<br />

logiciel sur le portable et étaient<br />

intrigués par l’idée de l’utiliser pour<br />

quelque chose de complètement<br />

différent de ce qu’ils en faisaient<br />

habituellement, une nouvelle forme<br />

de communication avec son public<br />

diffus, tourné vers le futur au lieu<br />

d’un seul public préoccupé par l’instant<br />

présent.<br />

Au cours de notre recherche, nous<br />

avons réalisé que nous cherchions<br />

en fait à définir le point commun<br />

entre deux comportements urbains:<br />

l’un spatial et l’autre social.<br />

Spatialisation du social<br />

L’innovation la plus évidente<br />

d’Urban Tapestries (et de nombreux<br />

projets récents portant sur<br />

des recherches semblables) réside<br />

dans le nouvel éclairage projeté sur<br />

l’espace de la ville et la façon dont<br />

cet espace est créé. En elle-même,<br />

l’intime connaissance que ces projets<br />

apportent à la production de<br />

l’espace n’est pas particulièrement<br />

innovante. Mais ce qui semble digne<br />

d’intérêt, c’est que les annotations<br />

urbaines créent de l’espace dans ce<br />

qui a précédemment représenté une<br />

démarche entièrement sociale: l’utilisation<br />

de téléphones portables.<br />

Les portables sont apparus comme<br />

de fantastiques amplificateurs de<br />

l’éphémère et du quotidien: le nombre<br />

d’appels vocaux et de messages<br />

Urban Tapestries: The Spatial<br />

and the Social on your Mobile<br />

SMS continue à augmenter d’un<br />

mois à l’autre; cependant toutes<br />

ces communications sont fugaces<br />

et ne laissent aucune marque audible<br />

ou visible sur la métropole et sa<br />

conurbation. Au contraire, l’annotation<br />

urbaine permet aux gens de<br />

TELEPHONER CHEZ EUX dans un<br />

sens concret et physique: si les<br />

annotations sont sauvegardées –<br />

c’est-à-dire si elles deviennent permanentes,<br />

comme une école, une<br />

rue ou une place le sont – la<br />

construction de la ville où nous<br />

habitons gagne un tout nouveau<br />

groupe d’auteurs. Nelson a sa<br />

colonne à Trafalgar Square, Alsop<br />

sa bibliothèque à Peckam, mais<br />

maintenant Rachida peut punaiser,<br />

sur la devanture de son magasin,<br />

rue Ealing Broadway, ses commentaires<br />

sur le voisinage, Nigel peut<br />

épingler son circuit Samuel Pepys<br />

de Fleet Street – et ils sont des milliers<br />

d’autres à pouvoir en faire<br />

autant, les barrières d’entrée de<br />

l’annotation étant beaucoup plus<br />

faciles à franchir que celles qu’il<br />

faudrait pour laisser une marque<br />

physique tangible sur la ville.<br />

Cette spatialisation du social est<br />

essentiellement une chambre à nuages<br />

pour la vie de tous les jours: ce<br />

qui était auparavant invisible<br />

devient visible et laisse une trace<br />

derrière lui. Ce que nous proposons<br />

n’est ni plus, ni moins la création<br />

d’archives tridimensionnelles où<br />

fixer le passage de la vie quotidienne.<br />

Ce vaste et noble projet<br />

n’est pas si évident lorsqu’on parcourt<br />

des yeux les premières tentatives<br />

d’annotations, centrées sur la<br />

technologie et les tactiques – les<br />

hommes et les femmes de la ville<br />

ainsi que leurs voix ne sont encore<br />

que très peu tangibles dans ces<br />

expériences. Mais imaginez cette<br />

démarche dans 10 ou 20 ans d’ici, les<br />

strates qui s’accumulent devant des<br />

ordres de grandeur plus denses<br />

qu’un affichage sauvage ne pourrait<br />

jamais espérer atteindre. La clé<br />

ici est la persévérance: les messages<br />

conquièrent de l’espace par leur<br />

durée et en s’accumulant dans un<br />

lieu donné.<br />

La spatialité de cette démarche<br />

semble comporter deux aspects.<br />

Quelques annotations contiennent<br />

effectivement une composante<br />

spatiale spécifique: «C’est ici que<br />

Charles Dickens a vécu»; «Cool,<br />

j’ai rencontré ma première petite<br />

amie, ici dans Regent’s Park!».<br />

D’autres sont éphémères et singent<br />

le contenu de conversations courantes,<br />

de coups de téléphones et<br />

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