Untitled

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Avant-propos
Foreword
Serge Grouard
Maire d’Orléans, Député du Loiret
Mayor of Orléans, Member of National
Assembly for the Loiret département
Depuis 1999, la Ville d’Orléans devient pendant plusieurs
mois un lieu de présentation des recherches
les plus novatrices en matière architecturale grâce
à l’approche multiple et pluridisciplinaire
d’ArchiLab.
Cette manifestation vise à confronter les manières
d’être architecte aujourd’hui, à bousculer les
cloisonnements de pensée pour mieux saisir les
nouvelles organisations urbaines et repenser les
conditions d’occupation des espaces construits
ou à construire. ArchiLab est donc avant tout un
creuset d’idées et de projets qui fait d’Orléans un
lieu de débats sur les choix de développement
urbain indissociablement liés à des choix de
société.
Monsieur Bart Lootsma, le commissaire
d’ArchiLab 2004, propose cette année, une étude
de la réalité de la ville en explorant, entre autres,
Orléans, ses atouts, sa force au regard de l’actualité
urbaine européenne.
ArchiLab, organisé par la Ville d’Orléans, rassemble
institutions et associations et prend appui sur
l’expertise et les collections du Fonds Régional
d’Art Contemporain de la Région Centre, référence
majeure de l’architecture contemporaine.
ArchiLab est aussi une convergence de projets du
Conseil Régional de l’Ordre des Architectes, du
Conseil Architecture Urbanisme et Environnement
du Loiret, des Amis du Fonds Régional d’Art
Contemporain du Centre, des Cafés historiques en
Région, de la Direction Régionale des Affaires
Culturelles, la Caisse des Dépôts et
Consignations ainsi que des entreprises qui participent
à ce rendez-vous autour de l’architecture et
de l’urbanisme.
Je les remercie donc pour leur implication permettant
une nouvelle fois à Orléans d’être le lieu des
penseurs et des concepteurs de l’architecture
contemporaine.
For several months each year, since 1999, the City of Orléans
becomes a forum for the presentation of the most innovative architectural
research projects, and this thanks to the multiple and
multi-disciplinary approach adopted by ArchiLab.
The aim of this conference is to compare the various ways of being
of today’s architects, to shake up compartmentalized thinking, to
gain a better grasp of new types of urban organization, and to
rethink the conditions governing the use of constructed spaces, and
spaces awaiting construction.
Mr. Bart Lootsma, ArchiLab 2004’s curator, is this year proposing a
survey of the reality of the city by, among other things, exploring
Orléans, its assets, and its strengths in relation to the present state
of Europe’s cities.
ArchiLab, which is organized by the city of Orléans, brings together
institutions and associations, and is supported by the expertise and
collections of the Centre Region’s Regional Contemporary Art
Fund [FRAC Centre], now a major reference for contemporary
architecture.
ArchiLab is also a convergence of projects involving the Regional
Council of the Order of Architects, the Architectural Council for
City-Planning and Environment in the Loiret, the Friends of the
FRAC Centre, the Historic Cafés in the Region, the Regional Office
of Cultural Affairs, the Caisse des Dépôts et Consignations, as
well as firms and companies taking part in this encounter between
architecture and urbanism.
I duly thank them all for their involvement, which is once more
enabling Orléans to be a forum for thinkers and designers involved
in contemporary architecture.
Michel Sapin
Ancien Ministre
Président de la Région Centre
Former minister
Chairman of the Centre Region
La Région Centre soutient ArchiLab
depuis sa création et sa première
édition en 1999.
ArchiLab est un événement important
qui permet de réunir ceux qui
s’intéressent, s’interrogent et s’impliquent
dans les domaines de l’architecture,
que ce soit pour enseigner,
sensibiliser, échanger ou
créer. C’est l’occasion pour les participants
d’engager, de poursuivre
ou de mutualiser des réflexions et
des expériences sur la place et le
devenir de l’architecture internationale,
notamment au travers de l’enseignement
de cette discipline en
Europe et de sa diffusion auprès des
publics.
Depuis plusieurs années, notamment
dans les villes et les agglomérations,
on se questionne sur l’urbanisme
et ses enjeux pour restructurer
ou dynamiser un quartier, pour
mieux l’intégrer dans son environnement,
en prenant en compte ses
composantes sociales et économiques.
De nombreuses problématiques
peuvent ainsi trouver des
réponses au travers de projets d’architecture
innovants, menés dans le
cadre d’une démarche proposant
une approche dite plurielle de la
ville d’aujourd’hui et des enjeux liés
à son développement et en réunissant,
dans ce but, des experts internationaux.
Nul doute que la pertinence et les
intérêts des projets présentés à
ArchiLab contribuent à nourrir des
réflexions utiles aux pouvoirs
publics comme aux citoyens. Les
enjeux liés à l’urbanisme et les
choix d’architecture conditionnent
l’avenir d’une cité. Mieux comprendre
ces choix, c’est certainement
mieux appréhender la ville d’aujourd’hui
pour mieux envisager et
imaginer celle de demain.
The Centre Region has been supporting
ArchiLab since its creation and first
conference in 1999.
ArchiLab is a major event that helps to
bring together those interested in,
challenging and involved in the various
architectural disciplines, be it teaching,
informing, awareness-raising,
exchanging know-how, or creating.
It offers participants a chance to
become involved in, pursue and swap
lines of thinking and experiences on the
spot, as well as the future development
of international architecture, in particular
through the teaching of this discipline
in Europe, and its dissemination
among the public in all its forms.
For several years, and especially in
cities and built-up urban areas, people
are raising questions about urbanism
and city-planning and its challenges, in
order to restructure and galvanize a
neighbourhood, the better to incorporate
it in its environment, by taking into
account its social and economic factors.
Many different problem-sets can
thus find answers through innovative
architectural projects, undertaken as
part of a method proposing a so-called
plural approach to today’s city and to
the challenges linked with its development,
and by bringing international
experts together with this goal in mind.
There can be no doubt that the relevance
and interest of the projects presented
at ArchiLab help to fuel lines of
thinking that may be of use to public
authorities and citizens alike. The challenges
associated with city-planning
and the attendant architectural choices
made are conditioning the future of
cities. To gain a better grasp of these
choices is undoubtedly to gain a better
understanding of today’s city, the better
to plan for and design the city of
tomorrow.
Ann-José Arlot
Directrice, chargée de l’architecture
Ministère de la culture
et de la communication
Director, responsible for architecture
Ministry of Culture
and Communication.
Renforcer l’impact et la lisibilité des missions
conduites dans le domaine de l’architecture est
aujourd’hui un objectif prioritaire du ministère de
la culture et de la communication, qui souhaite
ainsi affirmer la place que doit prendre l’architecture
au sein des politiques culturelles de l’État.
En attestent les chantiers et les réformes engagés
en faveur de la formation des architectes, initiale
et continue, de l’enseignement de l’architecture et
de l’exercice du métier d’architecte.
En atteste le soutien renforcé consacré à la diffusion
des compétences françaises en architecture
et l’attention portée à la qualité de la maîtrise
d’ouvrage publique.
ArchiLab, manifestation d’exception sans équivalent
national à ce jour, né en 1999 de la volonté de la
Ville d’Orléans, est soutenu depuis cette date par
le ministère de la culture et de la communication.
À travers ArchiLab, c’est une réflexion sur toutes
les pratiques contemporaines de l’architecture et
les nouveaux enjeux liés au développement urbain
que veut soutenir le ministère de la culture et de la
communication, répondant ainsi aux attentes fortement
exprimées par tous les citoyens en matière
d’environnement architectural et urbain.
Les structures de diffusion telles que le Frac
Centre, appuyé par les services culturels de la Ville
d’Orléans, contribuent fortement au succès croissant
de la diffusion de l’architecture en France et à
son rayonnement à l’étranger. ArchiLab, au retentissement
international, en est le brillant exemple.
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Nowadays, one of the top priorities of
the Ministry of Culture and
Communication is to strengthen the
impact and readability of assignments
conducted in the architectural arena. In
this, the Ministry is also keen to assert
the place that architecture must occupy
within the Government’s cultural
policies.
The projects and reforms undertaken
to encourage the training of architects,
both initial and on-going, architectural
instruction, and the actual exercise of
the architect’s profession all attest to
this. As do the beefed up support given
to the dissemination of French knowhow
in architecture, and the attention
paid to the quality of public
contracting.
ArchiLab is an outstanding and to date
unparalleled national event, inaugurated
in 1999 at the bidding of the City of
Orleans; it has been supported since
then by the Ministry of Culture and
Communication.
By way of ArchiLab, the said Ministry is
eager to underwrite a line of thinking
about all contemporary architectural
practices as well as new challenges
associated with urban development,
thus meeting the expectations loudly
expressed by all citizens with regard to
the architectural and urban
environment.
Organizations whose brief involves
spreading the word – one such being
the FRAC Centre [Regional
Contemporary Art Collection], backed
up by the cultural departments of the
City of Orleans – are making an important
contribution to the spread of architecture
in France, and its sphere of
influence abroad. The internationally
acclaimed ArchiLab conference is a
shining example of this.
Marie-Ange Brayer
Directrice artistique d’ArchiLab
Art Director, Archilab
Depuis sa création en 1999, ArchiLab s’est affirmé comme une
plate-forme internationale de débats, de rencontres, qui a
sans nul doute renouvelé le discours critique sur l’architecture.
Cette manifestation, étroitement liée aux collections
d’architecture du FRAC Centre, fut impulsée par la Ville
d’Orléans. ArchiLab est arrivé à maintenir, année après
année, l’idée initiale d’un “festival” d’architecture consacré à
la jeune création. Entièrement tourné vers l’expérimentation,
ArchiLab a confronté de multiples démarches. Les projets les
plus conceptuels et radicaux y ont voisiné avec des réalisations
et discours plus pragmatiques. Certains architectes, qui
y furent montrés pour la première fois ou peu connus alors,
ont depuis trouvé leur place: ainsi Shigeru Ban, architecte du
futur Centre Pompidou à Metz ou Lars Spuybroek (NOX),
auteur d’une maison-folie à Lille. Certains ont entre-temps
construit: R&Sie en France et en Asie. Des “architectures
non-standard” ont également vu le jour, certaines d’entre
elles exposées au Centre Pompidou par Frédéric Migayrou,
l’un des fondateurs d’ArchiLab, comme le centre multimédia
“Hydrapier” construit à Haarlemmemeer aux Pays-Bas par
Asymptote, ou encore les entrées de stations de métro fabriquées
par des machines à commande numérique au Japon
par Makoto Sei Watanabe. ArchiLab fut ainsi parfois un tremplin,
parfois tout simplement un lieu de convivialité et
d’échanges, de croisements et d’hybridations. Après quatre
éditions consacrées à défendre une nouvelle génération d’architectes
et une édition consacrée aux collections du FRAC
Centre, un commissaire différent sera à chaque fois invité,
renouvelant ainsi le regard sur la manifestation. Nul ne
contestera cette année l’expertise et la culture de Bart
Lootsma, tout comme la singularité de son projet d’exposition
qui ne manquera pas de se démarquer des précédentes
éditions d’ArchiLab. Convoquant une relecture critique du
modernisme, celui-ci s’inscrira au croisement de pratiques
tout à la fois architecturales, artistiques et urbaines.
Since it was created in 1999, ArchiLab
has established a solid name as an
international forum for debate and discussion,
and meetings. As such, it has
undoubtedly revitalized the critical discourse
about architecture. This conference-cum-exhibition,
which is closely
connected to the FRAC Centre architecture
collections, has been keenly
supported by the City of Orleans. Year
after year, ArchiLab has managed to
maintain the initial idea of a “festival”
of architecture devoted to the work of
young architects. With experimentation
as its sole focus, ArchiLab has dealt
with many different methods and
approaches. The most conceptual and
radical projects have rubbed shoulders
with more pragmatic works and theories.
Some architects, either exhibited
at the conference for the first time or
then little known in France, have since
found their footing: this is the case with
Shigeru Ban, architect of the future
Pompidou Centre to be built in Metz,
and Lars Spuybroek (NOX), designer a
maison-folie in Lille. Some architects
have meanwhile been hard at work
building: R&Sie in France and Asia, for
example. “Non-standard
Architectures” have also seen the light
of day, and some of them have been
exhibited at the Pompidou Centre by
Frédéric Migayrou, one of the founders
of ArchiLab. One such is the
“Hydrapier” multimedia centre built at
Haarlemmemeer in the Netherlands by
Asymptote, another, the entrances to
metro stations produced by digitally
controlled machines in Japan by
Makoto Sei Watanabe. ArchiLab has
also at times acted as a springboard, at
others merely a place of conviviality
and exchanges, intersections and
hybridizations. After four conferences
devoted to championing a new generation
of architects, and one devoted to
the FRAC Centre collections, a different
curator will from now on be invited
for each event, thus introducing a new
eye each year. This year, the expertise
and culture of Bart Lootsma can be in
no doubt, and the same goes for his
exhibition plan which will certainly
stand apart from the previous ArchiLab
meetings. By inviting a critical re-reading
of modernism, this plan will lie at
the crossroads of practices that are at
once architectural, artistic, and urban.
7

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Sommaire
Content
Avant-propos
Foreword
4 Avant-propos du maire
Foreword Mayor
6 Avant-propos du président du Conseil
régional de la région Centre
Foreword Chairman Centre Regional
Council
Avant-propos du département du
Patrimoine
Foreword Heritage Department
7 Avant-propos du président du FRAC,
François Bordry
Foreword Président FRAC Bordry
Essais
Essays
10 Bart Lootsma
La ville à nu / The naked city
La ville à nu / The naked city
16 Lars Lerup
Thérapies de remplacement: le
domaine public contre le nouveau tribalisme
Replacement Therapies
20 Nikolaus Kühnert
L’Architecture Off
Off Architektur
26 Friedrich von Borries
Débrouillards au Mainstream-
Paradise !
Hip Hop, Nike et Corporate
Situationism
Welcome to Corporate-Situationism-
Mainstream-Paradise
32 Roemer van Toorn
La Société du Et
The Society of the And
Dérive
46 Wilfried Hou Je Bek
Un Urbanisme à créer soi-même
Do-It-Yourself-Urbanism
51 Boris Sieverts
À mes voyages
55 Boris Sieverts
Ohio Vitrine
61 Nick West
Tapisseries Urbaines:
le spatial et le social sur votre mobile
Urban Tapestries:
the Spatial and the Social on your Mobile
La ville à nu
The Naked City
67 Boeri Studio / Multiplicity
Entre le Port et la Ville, Stefano Boeri
Villa Marseilles, Boeri Studio
Solid Sea 2: Odessa / the World,
Multiplicity
77 MUST
EU 21 – Remanier le paysage
européen du XXI e siècle
Reshuffling the European Landscape
Unicity – Une Europe Rapide
Unicity
Internationalisme
Internationalism
87 Diego Barajas
Dispersion
94 Raumtaktik
Friedrich von Borries, Matthias Böttger
Sacs à Linge
Laundry Bags
Matchmaker Matchmaker
Matchmaker
Heterotopies
Heterotopias
101 Nathaniel Belcher, Stephen Slaughter
Harlem: le fabuleux ghetto
Harlem Ghetto Fabulous
106 ON / Stalker & Osservatorio Nomade
le vaisseau spatiale Corviale
Spaceship Corviale
Frontières
Borders
111 Studio Teddy Cruz
La frontière: un lieu d’origine
The Border, a Place of Origin
121 Eyal Weizman & Anselm Franke
Constructeurs et Guerriers, Eyal
Weizman
Builders and Warriors, Eyal Weizman
Foules intelligentes
Smart Mobs
129 Wim Cuyvers & Mark de Blieck
139 Bas Princen
Artificial Arcadia
Logiciel urbain
Urban Software
147 MVRDV
L’Architecture est un mécanisme
Architecture is a Device
153 STEALTH Group
Wild city
Urbanisme
Urbanism
161 Michael Bell
Rockaway Beach
167 CHORA
Toucher la seconde peau,
Raoul Bunschoten
Touching the Second Skin,
Raoul Bunschoten,
177 Maurice Nio & Paul Perry
Phase 3 d’Amsterdam 2.0
Shrinking Cities
187 Philipp Oswalt, Sybil Kohl,
Albrecht Schäfer,
3 Villes
3 Cities
191 Dan Pitera
Géographies Mutantes
Mutant Geographies
197 BAR,
Modellstadt
le “design behaviour”, Conor Moloney
Biotechnologie
Biotech
215 EZCT
Pourquoi la recherche et l’architecture
contemporaine devraient être si différentes,
Philippe Morel
Why contemporary research and architecture
should be so different, Philippe Morel
225 Zbigniew Oksiuta
Espaces congelés
et espaces de reproduction
Spatium Gelatum and Breeding Spaces
L’Architecture Media
Media Architecture
231 Petra Gemeinböck
Un élément tiers, autre
Something Third, Other
237 Knowbotic Research
naked bandit / here,
not here / white sovereign
Le pouvoir de la forme
The Power of Form
245 Evan Douglis
Helio-scope
251 Périphériques
Scary Monsters and Superfreaks
257 Weichlbauer Ortis
WohnDNA
Abstraction Concrète, Manuela Hötzl
Concrete Abstraction, Manuela Hötzl
263 Xefirotarch
la baie de Busan
:Drops:, Hernan Diaz Alonso
273 Crédits, biographies
9

10
Bart Lootsma
Commissaire d’ArchiLab 2004
Curator of d’ArchiLab 2004
Dans la production architecturale
internationale, en dehors du succès
mondial d’un Postmodernisme
banal et quotidien, nous voyons se
creuser de jour en jour le décalage
entre un modernisme modéré et discret,
panaché de traditions locales,
et une architecture qui ne vit que
sous les feux de la rampe internationaux
et attire massivement l’attention
des médias. Cependant,
nous prenons en même temps
conscience de ce que la révolution
technologique aussi bien que sociogéographique
des années 90 a pour
conséquence une série d’effets
émergents, dont de nouveaux problèmes
et possibilités qu’il est
nécessaire d’aborder. Au cours des
deux dernières années, un groupe
d’architectes amplifié a commencé
à se pencher sur ces phénomènes et
à développer des stratégies et des
méthodes nouvelles. Un aspect
important de cette nouvelle direction
empruntée par l’architecture
est qu’elle s’intéresse à la réalité de
la ville et ses nouvelles données, qui
se précisent aujourd’hui avec ou
sans l’intervention des architectes.
Et ceux-ci veulent, en tout premier
lieu, mettre la ville à nu.
La première position qui a été baptisée,
entre autres, de « réflexive »,
par moi-même dans SuperDutch ;
« moderne réflexive » par Ulrich
Schwartz, qui utilise le terme d’une
façon différente pour caractériser
l’architecture allemande ; et «
trans-moderne » par Otto
Kapfinger lorsqu’il traite de l’architecture
autrichienne récente. Cette
position apparaît donc comme une
reprise ou une amélioration des
stratégies nationales existantes
desquelles il me semble parfois
entendre de faibles échos émanant
du Régionalisme critique 1 . Les
architectes qui ont emprunté cette
direction commencent leur carrière
de façon pratiquement traditionnelle
en concevant des bâtiments
dans leur propre pays, ce qui leur
confère peu à peu une notoriété
internationale car leur œuvre
construite s’avère régulièrement de
qualité. Même si on peut trouver des
différences individuelles dans leur
œuvre, il semble qu’il y ait une certaine
homogénéité du point de vue
de l’approche et de l’esthétique.
La deuxième position est définie
par un groupe d’architectes qui, dès
le départ, étudient, travaillent et
enseignent dans le monde entier.
Herbert Muschamps a récemment
défini ce groupe de la manière suivante
: « Bon nombre d’entre eux –
La ville à nu The Naked City
ou devrais-je dire d’entre nous – sommes des banlieusards
déplacés : enfants de l’exode d’aprèsguerre,
envoyés vers les banlieues, nous avons
découvert au début de l’adolescence que nous
n’aurions apparemment jamais les moyens de
nous payer des maisons aussi agréables que celles
dans lesquelles nous avions grandi. Nous pouvions
toutefois nous payer des billets d’avion. C’est
ainsi que, dans les années 60 et 70, les enfants du
baby boom, affamés de différence et d’ailleurs
notoirement absents de la vie dans les banlieues,
se sont mis à faire, sans répit, le tour du monde.
Nous partîmes à la recherche d’endroits qui nous
impressionneraient, de bâtiments qui nous enseigneraient
de nouveaux regards à porter sur le
monde et de nouveaux styles de vie. [...] Alors que
l’architecture offre des destinations symboliques
à ce groupe, le design donne aux individus des
outils pour forger leurs nouvelles identités – à travers
les vêtements qu’ils portent, les gadgets
qu’ils utilisent, les meubles qu’ils choisissent pour
leurs appartements et maisons. Cette recherche
identitaire par le biais du design fait, jusqu’à un
certain degré, écho au mouvement Good Design
lancé par le Musée d’art moderne, la Conférence
d’Aspen sur le Design et l’Institut de Technologie
de l’Illinois. Aujourd’hui comme à cette époque
plus ancienne, les designers cherchent à travailler
à l’intérieur du système moderne de production et
de distribution de masse. L’esthétique du nouveau
design offre toutefois des visages beaucoup plus
variés.» 2
La génération dont Muschamps parle est celle de
Frank Gehry, Zaha Hadid et Daniel Libeskind. Ils
bâtissent dans le monde entier, dans des villes qui
veulent se démarquer dans un contexte de concurrence
mondiale. C’est la génération de l’ “effet
Bilbao”. À eux tous, ils forment une élite nouvelle,
radicalement sans attache. Parfois il est difficile
de dire à quelle nationalité ils appartiennent.
Gehry est-il américain ou canadien ? Zaha Hadid
est née à Bagdad, vit à Londres et enseigne à
Vienne. Que penser de Daniel Libeskind ? Est-il
polonais, allemand, américain ou simplement juif
? Rem Koolhaas aime à parler avec mélancolie de
sa jeunesse en Indonésie et a une relation
d’amour/haine avec les Pays-Bas. Il passe ses
week-ends à Londres, avec sa femme, et le New
York Times parle ouvertement de ses liaisons
avec des femmes dans le monde entier. Son livre
S, M, L, XL s’ouvre sur des schémas de son programme
de vols. Koolhaas s’est aussi moqué de
mon livre SuperDutch : « Imaginez quelle nausée
nous soulèverait s’il existait un livre intitulé
Super-Allemands, comme nous ririons des Super-
Belges; ricanerions des Super-Français, et nous
nous plaindrions des Super-Américains.» 3 Il se
trouve qu’après un début de carrière aux Pays-
Bas, la plupart des architectes présentés dans
SuperDutch travaillent aujourd’hui au niveau
international et ne veulent plus qu’on les considère
seulement comme des « Néerlandais ».
Pour cette génération, la mondialisation fut également
une expérience traumatisante, comme on
peut se le figurer en faisant des recherches dans
leurs biographies ou, plus souvent, à travers des
citations. Cela est lié au sentiment d’exil, auquel
ils réagissent avec agressivité. « Fuck context », a
écrit Rem Koolhaas en se référant à la mort de l’ur-
banisme. Au cours d’une conférence à Porto, il répondit à
Vittorio Lampugnani, qui plaidait en faveur de nos sites historiques,
dont nous devrions prendre un soin jaloux et respectueux
de façon à les partager comme nous partageons nos
maisons de famille, qu’il venait de calculer avec combien de
frères, de sœurs, de cousins, de nièces, il devrait partager
cette maison et que ce ne serait pas un partage équitable 4 .
Ainsi que Zaha Hadid me l’a récemment dit au cours d’une
interview : “Unsere Arbeit hat immer mit der Setzung von
Zäsuren zu tun, es ging immer um das einziehen neuer Linien,
um alle mögliche Arten der in diesem Moment freigesetzten
Energien. Die Strukturierung des Raumprogramms wurde
zum Beispiel zum wichtigsten Teil der Recherche, was natürlich
dazu führte, bestehende Typologien in Frage zu stellen.
Vom formalen Reper toire abgesehen, war dies der wichtigste
Teil unserer Arbeit.” [« Notre travail est toujours en lien avec
le placement de césures, il s’est toujours agi de l’introduction
de nouvelles lignes, de tous les types possibles d’énergies
libérées à ce moment. La structuration du programme
d’aménagement de l’espace est devenu par exemple la partie
essentielle de la recherche, ce qui a naturellement amené à
remettre en question les typologies existantes. Outre le
répertoire formel, tel était l’essentiel de notre travail. »] 5 .
Il s’agit là de la génération du Déconstructivisme. Elle aime
se considérer comme une nouvelle avant-garde, façonnée sur
le modèle de celles des années 20, notamment le
Constructivisme. Ses représentants en diffèrent fondamentalement
car ils ne prennent pratiquement jamais de position
politique, Manfredo Tafuri leur ayant appris que toute avantgarde
est de toute façon condamnée à être avalée par le capitalisme.
La génération actuelle ne se présente pas seulement,
selon les termes de Greg Chrysler dans son livre Writing
Spaces (Des espaces pour écrire), comme la génération des «
stratégies de perturbation » mais aussi comme « la génération
de la théorie » 6 . Et il n’a certainement pas existé de génération
qui produise autant de théorie pour justifier son œuvre
et lui donner une base sur laquelle s’appuyer – une prolifération
telle qu’on pourrait légitimement discuter ou non du fait
que leur architecture est la vraie architecture réflexive.
Parallèlement, ils baissent les armes devant la réalité que
constitue le capitalisme. Le caractère extravagant de leur
œuvre les amène à une position dans laquelle ils ne peuvent
guère travailler que pour une nouvelle élite capitaliste désirant
se démarquer, qu’il s’agisse de sociétés multinationales
importantes à la recherche d’une identité ou de villes qui,
dans le contexte de la concurrence internationale, cherchent
désespérément à attirer « la classe créative » ainsi que l’appelle
Richard Florida 7 .
Toujours est-il que, dans un contexte mondial, la relation
entre une certaine approche du design et la situation locale
est problématique et doit être redéfinie. Là encore nous
constatons une rupture. D’un côté nous assistons à la montée
d’une génération encore plus jeune pour laquelle le contexte
mondial n’est que le cadre normal dans lequel ils évoluent. Ils
étudient à l’étranger, participent à des concours internationaux
et se rencontrent dans des conférences et des expositions
internationales. Ils fondent les stratégies qu’ils utilisent
au niveau local sur la généralisation de théories comme celle
du chaos, de la complexité ou encore des systèmes.
Toutefois, même s’ils utilisent ces théories pour traiter des
situations locales – les éditeurs d’Assemblage ont même
suggéré un retour aux années soixante et à l’écologie, le plus
important est qu’à l’intérieur des projets naît une nouvelle
cohérence qui les rend encore plus autonomes et indépendants
que les expériences muettes et les exercices centrés
autour du langage architectural de la génération précédente 8 .
Ces architectes ont répondu avec le plus grand optimisme
aux changements imposés par la mondialisation et la techno-
logie et ils ont mis à profit l’utilisation des logiciels les plus
récents pour créer de nouvelles formes pleines d’audace. Le
cabinet Foreign Office Architects, fondé par un Espagnol et
une Irakienne à Londres mais qui se déplace à Tokyo suivant
les projets, est caractéristique de cette nouvelle mentalité.
Ils présentent leurs projets dans le pavillon espagnol aussi
bien que dans le pavillon britannique à la Biennale de Venise.
Alejandro Zaera et Farshid Moussavi enseignent à Rotterdam
et à Vienne. En matière de technologie numérique, Greg Lynn,
un de leurs représentants de pointe, fît une fois la remarque
suivante : « Si je branche mon ordinateur le matin, je ne me
demande pas ce qu’il peut faire pour moi mais ce que je peux
faire pour lui. » Les premières éditions d’ArchiLab représentèrent
un stade important pour cette génération numérique
mondiale. Ses créations correspondaient à merveille à la tradition
d’architecture radicale des années 60 si bien représentée
dans la formidable collection du FRAC Centre. Même si
les projets réalisés ne sont pas encore très nombreux, cette
œuvre a été très largement applaudie lors d’expositions
comme Utopies latentes à Graz en 2002 et Architecture non
standard au Centre Pompidou à Paris en 2003. Ce qui les relie
à leurs mentors de la précédente avant-garde déconstructiviste,
c’est qu’ils concentrent toute leur attention sur les bâtiments
à construire, sur l’Architecture avec un grand A, tout
en se permettant de brèves incursions dans l’infrastructure,
ce qui nous laisse aux prises « avec un monde sans urbanisme,
seulement de l’architecture, toujours plus d’architecture
» 9 .
Il faut vraiment se poser cette question, selon les termes de
Rem Koolhaas, « Qu’est-il arrivé à l’urbanisme? » 10 On n’a
certainement jamais autant écrit sur la ville et l’architecture.
D’innombrables ouvrages paraissent sur les villes et la ville.
La théorie architecturale tente de remplacer les règles traditionnelles
que l’urbanisme a formulées, à la différence que le
débat architectural ne permet plus d’aboutir à un consensus.
À sa place, on trouve un nombre croissant de positions individuelles
qui, dans l’ensemble, essaient de créer une architecture
exceptionnellement grandiose. Les architectes peuvent
réussir à trouver, sur le nouveau marché mondial, des créneaux
leur offrant des possibilités de réalisation. Les projets
de construction font l’objet de concours internationaux et
restent le seul secteur subventionné au sein de l’infrastructure
capitaliste. Mais cela ne produit pas des enseignements.
D’un autre côté, la géographie sociale, l’anthropologie, la
sociologie et la philosophie produisent la connaissance sans
toutefois inventer de recettes qui permettraient de créer de
l’architecture. D’après Koolhaas, « on peut facilement caricaturer
l’amalgame de notre sagesse : Derrida pense que
nous ne pouvons former un tout, Baudrillard que nous ne pouvons
être réels, et Virilio que nous ne pouvons pas nous trouver
Là. » Koolhaas propose donc de redéfinir l’urbanisme qui
ne sera plus une simple profession, mais également une
façon de penser, « une idéologie : pour accepter ce qui existe
». « L’échec apparent de l’urbanisme offre une occasion
exceptionnelle, le prétexte à une frivolité nietzschéenne.
Nous devons imaginer trente-six mille autres façons de
concevoir la ville, prendre des risques insensés, nous devons
oser être totalement dépourvus de sens critique, nous devons
tout avaler et pardonner à tout va. L’assurance que nous
échouerons doit devenir notre gaz hilarant ou notre oxygène ;
la modernisation, notre drogue la plus forte. N’étant pas responsables,
nous devons devenir irresponsables. Dans un paysage
de plus en plus opportuniste et provisoire, l’urbanisme
n’est plus ou ne doit plus être notre décision la plus solennelle,
l’urbanisme peut gagner en légèreté, devenir un Gai
savoir – Lite Urbanism (urbanisme allégé) 11 .
Nous voyons aujourd’hui un groupe d’architectes conscients
de ce que la révolution technologique
et socio-géographique des
années 90 a pour conséquence une
série d’effets émergents dont de
nouvelles possibilités qu’il est
nécessaire d’aborder. Ils ont
conscience du fait que la mondialisation
ne fait pas seulement se
regrouper de nouvelles concentrations
urbaines prospères dotées
d’”espaces de circulation” fluides,
mais qu’elle génère également de
nouvelles tensions et de nouveaux
conflits – parce que, par exemple, le
Tiers-monde d’antan vient s’imbriquer
à l’intérieur du monde occidental
– et même transforme de larges
zones en peau de chagrin. La dissolution
de l’État-nation et l’émergence
d’un nouveau type
d’”empire” capitaliste entraînent
une crise dans les États communistes
et les États providence. De vastes
territoires sont touchés dans le
monde, ceux-là exactement qui
étaient intimement liés aux programmes
de logement et à la planification
urbaine. Maintenant
découle de l’individualisation une
demande de plus grande diversité
architecturale et la nature et l’utilisation
de l’espace public sont en
pleine mutation. Plus important
encore peut-être, ce groupe d’architectes
qui ont le vent en poupe réalise
que l’architecture et l’urbanisme
ne sont pas nécessairement
le fait d’architectes. La politique,
que ce soit celle de l’État, de la ville
ou celle de grandes sociétés, mais
aussi celle d’organisations nouvellement
émergentes ou enfin celle de
multiples entités (multiplicities),
réorganise notre environnement.
Parfois, l’architecture est utilisée
de façon extrêmement brutale,
comme entre autres exemples ces
murs qu’Israël et les États-Unis
construisent. Mais il arrive encore
plus souvent que le tissu urbain soit
modifié de l’intérieur par l’introduction
de nouveaux programmes et de
nouvelles formes d’organisation.
Les nouveaux médias de communication,
parallèlement à une mobilité
individuelle en constante augmentation,
induisent de nouvelles cohérences
dans la ville et un usage différent
de l’espace public.
Au cours des deux dernières
années, un groupe d’architectes
croissant a commencé à se pencher
sur ces phénomènes et à développer
de nouvelles stratégies et
méthodes. Ce qu’il y a de capital
dans cette tendance, c’est que ces
architectes en question effectuent
leurs recherches avec les outils traditionnels
dont dispose l’architec-
ture : la cartographie, les plans, les élévations et
les coupes. Cette recherche est fondée sur des réalités,
interprétées par des architectes avec les
moyens dont ils disposent cependant ce sont les
écrits sur la ville qui fournissent les informations
dont elle se nourrit. Cette différence d’approche
fait pendant aux changements survenus en philosophie,
dont l’approche ontologique et cosmologique
est remplacée par des méthodes qui s’apparentent
plus
-et empruntent – à l’anthropologie et à la sociologie,
comme dans la trilogie de Peter Sloterdijks,
Sphären, par exemple 12 . Dans les expositions et les
publications, cette recherche est présentée le plus
souvent comme une déclaration culturelle à part
entière. Nous trouvons la même tendance dans
l’art contemporain, pour lequel de nombreux artistes
ont joué le rôle de cartographes, de photographes
ou de réalisateurs de reportages documentaires.
Il s’agit d’une recherche qui, selon les termes de
Hou Hanru, semble être tout à la fois « une mode
et une nécessité » 13 . Elle est à la mode parce que
ne pas différencier l’Art et les arts mineurs est
aujourd’hui très tendance ; de même que donner
libre cours à des phénomènes d’une grande banalité
ou à la nouveauté de l’instant présent. Elle est
toutefois nécessaire, parce que nous avons besoin
de comprendre ces phénomènes et les forces souvent
implicites mais néanmoins puissantes qui en
sont les moteurs, afin d’être capables de conserver
le rôle important que l’architecture peut jouer
pour de grands pans de la société et pas seulement
pour une élite. Très loin de Rem Koolhaas et de sa
proposition d’accepter ce qui existe et de se laisser
porter par cette vague, ces architectes font
preuve d’un nouvel engagement, même si les
résultats qui en découleront ne sont pas toujours
évidents. Dans le catalogue de Documenta XI,
Molly Nesbit médite sur cet engagement qui semble
dépourvu de l’aspect visionnaire traditionnellement
lié à l’Utopie, en architecture tout au
moins. « Doit-on considérer que l’image utopiste
elle-même est absente », se demande-t-elle, « ou
doit-on voir l’Utopie dans une image à laquelle il
manque un élément, une image aux poches vides?
» 14 .
La recherche actuelle souhaite, à plusieurs égards,
perpétuer la tradition initiée par les
Situationnistes comme Guy Debord et Constant
Nieuwenhuys. Pour toucher du doigt la réalité de la
ville comme “espace habité”, la dérive, une marche
à travers la ville, réapparaît sous différentes
formes – parfois même avec des intentions différentes
et plus claires. Les références à l’œuvre porteuse
d’inspirations de Guy Debord et d’Asger
Jorns, The Naked City, reviennent dans de nombreuses
analyses – même lorsqu’il s’agit d’une
plus grande échelle que le Paris des années 50. La
ville des Situationnistes semble, à bien des
égards, avoir pris corps. Elle apparaît comme une
suite de fragments sans liens, programmés avec
une certaine intensité ou dotés d’une certaine
atmosphère, reliés par des flux de circulation et de
communication. Mais les protagonistes de cette
ville ne sont pas seulement des bohémiens et une
avant-garde d’artistes, les habitants eux-mêmes
forment l’avant-garde : l’”homo ludens”, ludique et
11

12
créatif, s’adonnant à ses activités de loisirs au
même rang que les travailleurs et les immigrés
désespérément sans attache. Ils forment les
“Smart mobs” (foules intelligentes), ainsi
qu’Howard Rheingold les nomme : de nouvelles
organisations informelles nées de la montée des
réseaux informatiques sans fil 15 .
Cependant, on peut également considérer cette
recherche comme un retour aux “autres” origines
du Modernisme, dans lesquelles des architectes
tels que Le Corbusier, Hilberseimer, Neurath, Van
Eesteren et Van Lohuisen essayèrent de comprendre
en profondeur la ville de leur époque, de façon
à trouver des organisations nouvelles et mieux
adaptées. Dans leurs premières tentatives pour
venir à bout de la croissance chaotique des métropoles
du début du XX siècle, avec la montée des
masses populaires, la pollution, l’industrialisation
et les conséquences de la guerre, ils utilisèrent la
photographie et firent aussi librement des
emprunts aux sciences sociales, pendant environ
une dizaine d’années 16 . Il est peut-être vrai
qu’après cela, ils franchirent trop vite le pas de
l’étude à la planche à dessin, laissant peu de place
au changement et à la flexibilité, mais l’influence
de leurs projets a inspiré de nombreuses villes, qui
continuent à remplir leur rôle encore aujourd’hui.
Et même si nous devons revoir leurs conceptions
de façon radicale, elles sont au moins laissées à
notre disposition pour que nous y travaillions,
qu’elles soient source de controverse, que nous les
analysions, discutions, adaptions ou critiquions.
Un retour à l’origine du Modernisme – dans le cas
présent, à Hannes Meyer – dont nous constatons
toutefois aussi la présence dans des expériences
réalisées avec de nouveaux matériaux, issus par
exemple de la biotechnologie, et dans les
réflexions qu’ils inspirent.
Lentement, les architectes contemporains commencent
à développer de nouvelles méthodes de
contrôle et de conception qui ont soit directement
trait à une recherche entreprise, comme c’est le
cas dans l’œuvre de Raoul Bunschoten, soit sont
nourries par cette même recherche. Ce qui est
frappant, c’est que la plupart des méthodes
recherchent différentes formes d’interactivité,
ouvrant ce champ de création à des participants
encore plus nombreux. Au lieu de simplement utiliser
ou adapter les logiciels existants et disponibles,
conçus à l’origine pour d’autres applications,
par exemple pour des effets spéciaux dans l’industrie
cinématographique, nous voyons les architectes
commençant à développer et écrire leurs propres
logiciels. Et nous constatons très souvent que
les aspects de l’architecture et de l’urbanisme
vers lesquels ils se tournent le plus souvent sont
liés à l’organisation, au lieu d’être formels et
esthétiques ou concerner la réalisation.
L’architecture se résume de plus en plus à une simple
machine, pour paraphraser Winy Maas 17 .
On croit encore fortement au pouvoir de la forme.
Mais il semble que l’intérêt suscité par les aspects
formels de l’architecture part à la dérive, à côté de
celui pour la cohérence interne. L’architecture formelle
la plus récente semble être beaucoup plus
stratégique dans la façon dont soit elle s’adapte
soit manipule les éléments offerts par un site. Elle
recherche délibérément la propagation
que lui apporteraient d’autres
discours : la mode, la bureaucratie,
l’urbanisme et même la culture
populaire. On peut dire que cette
architecture est transmoderne dans
le sens que Jean Baudrillard indique
lorsqu’il parle de figures transpolitiques
dans Les Stratégies
Fatales 18 . C’est une architecture de
l’excès, comme les “Monstres “ de
Périphériques, qui planent au-dessus
du chaos existant, ou les plantes
carnivores étranges de
Xefirotarch qui avalent et digèrent
l’infrastructure.
Sera-t-il possible à nouveau, à un
moment donné, de renouer des discours
qui s’excluent l’un l’autre,
“l’architecture avec un A majuscule”
et la vie de tous les jours au
cœur de la ville, architecture et
urbanisme? Pourra-t-on à nouveau
rendre l’architecture disponible
pour de larges pans de population?
Nous devrons attendre pour le voir.
Mais tout du moins quelques architectes
travaillent-ils à nouveau sur
ce thème.
1. Bart Lootsma, SuperDutch, Thames &
Hudson, London, 2000; Ulrich Schwarz,
Neue Deutsche Architektur, Eine Reflexive
Moderne, Hatje-Cantz, Ostfildern-Ruit,
2002; Otto Kapfinger, Transmodernity,
Austrian Architects, Azw/Verlage Anton
Pustet, Austrian Cultural Forum, Vienna,
2002
2. Herbert Muschamp, New York Times
Magazine
3. Rem Koolhaas with Herman Hertzberger,
Rem, do you know what this is?, Hunch 3,
2001
4. Rem Koolhaas lors du débat Prototype
Seminar in Architecture Performing the
City, Porto, 2001
5. Zaha Hadid, Luxus für Alle, Gespräch mit
Zaha Hadid und Patrik Schumacher,
Architektur und BauForum, 4. Juillet 2003
6. C. Greg Chrysler, Writing Spaces,
Discourses of Architecture, Urbanism, and
the Built Environment, 1960-2000, Routledge,
New York and London, 2003
7. Richard Florida, The Rise of the Creative
Class, Basic Books, 2002
8. Computer Animisms (Two Designs for the
Cardiff Bay Opera House), Assemblage 26,
1995
9. Rem Koolhaas, What Ever Happened to
Urbanism? S,M,L,XL, 010 Publishers,
Rotterdam, 1995
10. Id.
11. Id.
12. Peter Sloterdijk, Sphären, Suhrkamp
Verlag, Frankfurt am Main, 1998-2004
13. Hou Hanru au vernissage de l’exposition
E-W/N-S, Bordeaux, 2004
14. Molly Nesbit, The Port of Calls, in Heike
Ander, Nadja Rother (ed.), Documenta XI-
Platform 5, catalogue d’exposition, Hatje
Cantz Publishers, Ostfildern, 2002
15. Howard Rheingold, Smart Mobs,
Perseus Publishing, 2003
16. Bart Lootsma, Research for Research,
Berlage Institute, Rotterdam, 2001
17. Winy Maas, “Architecture is a device”, in
Bart Lootsma, ArchiLab 2004 “The Naked
City”, HYX, Orléans, 2004
18. Jean Baudrillard, Les stratégies fatales
In the international architectural production, set aside the global
success of a banal and everyday Postmodernism, we can witness
an increasing discrepancy between a moderate and restrained
Modernism, mixed with local traditions, and an architecture that
depends on international stardom. The latter attracts a great deal of
attention from the media. However, at the same time we become
aware that the technological and socio-geographical revolution of
the nineteen nineties also produces a series of emerging effects,
new problems and possibilities that need to be addressed. Over the
last couple of years, an increasing group of architects has begun
investigating these phenomena and started to develop new strategies
and methods to deal with them. An important aspect of this
new direction in architecture is an interest in the reality of the new
urban conditions as they take shape today even without the intervention
of architects. These architects first want to see the city
naked.
The first position, which has been named among others ‘Reflexive’
(by Bart Lootsma in ao. SuperDutch), ‘Reflexive Moderne’ (Ulrich
Schwarz, who uses the term in a different way to characterize
German architecture), and ‘Transmodern’ (Otto Kapfinger about
recent Austrian Architecture), seems to be a reworking or upgrading
of nationally existing modernist strategies in which one can
sometimes hear faint echoes of Critical Regionalism. 1 The architects
that belong to this direction start their career in an almost traditional
way with buildings in their own country and gradually gain
international attention because of the consistent quality of their
built work. Even if the work is differentiated, there seems to be a
certain consistency in approach and aesthetics.
The second position is defined by a group of architects that study,
work and teach all over the world from the beginning. Herbert
Muschamp recently characterized this group as follows: “Many of
them, or should I say us, are displaced suburbanites: children of the
postwar suburban exodus who discovered by the onset of adolescence
the unlikelihood that we would ever be able to afford houses
as nice as the ones we grew up in. We could, however, afford plane
tickets. And so, in the 1960’s and 70’s, there commenced the restless
globetrotting of baby boomers, hungry for the sense of otherness
largely absent from suburban life. We went in search of places to
excite us, buildings to show us new ways of seeing and modes of
living.(…) While architecture provides symbolic destinations for
this group, design gives individuals the tools to construct their own
identities – through the clothes they wear, the gadgets they use, the
furniture they choose for their apartments and houses. To a degree,
the search for identity through design echoes the Good Design
movement promoted half a century ago by the Museum of Modern
Art, the Aspen Design Conference and the Illinois Institute of
Technology. Today, as in the earlier era, designers are seeking to
work within the modern system of mass production and distribution.
The new design aesthetic, however, is far more varied.” 2
The generation Muschamp speaks about is the generation of Frank
Gehry, Zaha Hadid and Daniel Libeskind. They build all over the
world in cities that want to distinguish themselves in a global competition.
It is the generation of the Bilbao-effect. Together they form
a new, radically footloose elite. Sometimes one does not even know
what nationality they belong to. Is Gehry an American or a
Canadian? Zaha Hadid was born in Bagdad, lives in London and
teaches in Vienna. What to think of Daniel Libeskind? Is he Polish,
German, American or simply Jewish? Rem Koolhaas likes to speak
melancholically about his youth in Indonesia and has a love-hate
relationship with the Netherlands. The weekends he spends with
his wife in London and the New York Times speaks openly about his
relationships with women all over the world. His book S,M,L,XL
opens with diagrams about his flight schedule. Koolhaas also made
fun about my book ‘SuperDutch’: “Imagine how we would puke if
there were a book called SuperGermans; laugh at SuperBelgians,
snicker at SuperFrench, complain about SuperAmericans.” 3 Indeed,
after a career start in the Netherlands, most architects in
SuperDutch work internationally today and do not want to be con-
sidered ‘Dutch’ any more.
For this generation, globalization was also a traumatic experience,
as can be reconstructed from their biographies and found in quotes
in many cases. It is linked to feelings of exile, on which they react
aggressively. “Fuck Context”, Rem Koolhaas wrote, referring to the
demise of urbanism. At a conference in Porto he replied Vittorio
Lampugnani, who made a plea that we should deal with our historical
cities carefully and respectfully, so that we can share them like
the home of our parents, that he had just calculated with how many
brothers, sisters, cousins and nieces he would have to share this
home, and that that would not be a fair share. 4 As Zaha Hadid told
me in an interview lately: ‘Unsere Arbeit hat immer mit der Setzung
von Zäsuren zu tun, es ging immer um das einziehen neuer Linien,
um alle mögliche Arten der in diesem Moment freigesetzten
Energien. Die Strukturierung des Raumprogramms wurde zum
Beispiel zum wichtigsten Teil der Recherche, was natürlich dazu
führte, bestehende Typologien in Frage zu stellen. Vom formalen
Repertoire abgesehen, war dies der wichtigste Teil unserer Arbeit’. 5
This is the generation of Deconstructivism. It likes to see itself as a
new avant-garde, modelled after the great avant-gardes of the nineteen
twenties, notably Constructivism. Very different from those
avant-gardes, they hardly ever take a political stance, as they have
learned from Manfredo Tafuri that every avant-garde is doomed to
be swallowed by capitalism anyway. This generation is, as Greg
Chrysler suggests in his book ‘Writing Spaces’ not just the generation
of ‘Strategies of Disturbance’ but also the ‘Generation of
Theory’. 6 And indeed, there has probably never been a generation
that produced so much theory to justify and embed their work –so
much that one could justifiably argue that their architecture is the
‘real’ reflexive architecture. At the same time, its surrender to the
reality of capitalism and the extravagant nature of their work drives
them into a position where they can almost only work for a new capitalist
elite that wants to distinguish itself, whether it is larger
multinational corporations in search of an identity or cities that, in a
global competition, are desperate to attract the ‘Creative Class’ as
Richard Florida calls it. 7
Still, in a globalized practice, the relationship between a certain
design approach and local conditions is problematic and has to be
redefined. And again we see a split.
On one hand we see the rise of an even newer generation for whom
the global context is the only normal context which they work in.
From the beginning on, they study abroad, compete in international
competitions and meet in international conferences and exhibitions.
They base their strategies to deal with a locality on generalizing
theories like chaos theory, complexity theory and systems theory.
However, even if they seem to use these theories to deal with
local conditions –the editors of Assemblage even suggested a
return to the nineteen sixties and to ecology – what is even more
important is that they produce a new coherence within the projects,
making them even more autonomous and self-contained than the
mute experiments and exercises with architectural language of the
generation before them. 8
These architects responded to the global and technological
changes most optimistically and they embraced the latest in computer
software to produce daring new forms. Characteristic for this
new mentality is ‘Foreign Office Architects’, an office founded by a
Spaniard and an Iraqi in London, but that moves to Tokyo if they
have a larger project there. They present their projects in the
Spanish just as well as in the British pavilion at the Venice
Biennale. Alejandro Zaera and Farshid Moussavi teach in
Rotterdam and Vienna. And where digital technology is concerned,
Greg Lynn, one of their foremost representatives, once remarked:
“If I turn my computer on in the morning, I don’t ask what it can do
for me, but what I can do for him.” The first ArchiLab presentations
were an important stage for this global digital generation. The work
they produced indeed fitted perfectly in the tradition of the radical
architecture of the nineteen sixties, which is so well represented in
the extraordinary collection of the FRAC Centre. Even if
not many projects have been realized yet, the work
found wide acclaim in exhibitions like Latent Utopias in
Graz in 2002 and Architecture Non Standard in the
Centre Pompidou in Paris in 2003. What links them with
their mentors from the deconstructivist avant-garde
before them is that they mainly focus on buildings, on
‘great architecture’, with an occasional excursion to
infrastructure, leaving us ‘with a world without urbanism,
only architecture, ever more architecture’. 9
Indeed, as Rem Koolhaas formulated it, “What Ever
Happened to Urbanism?” 10
There has probably never been as much writing on the
city and on architecture. Countless books appear on
cities and on the city. Architectural theory tries to
replace the traditional rules formulated by urbanism,
but the architectural debate does not produce a consensus
any more. Instead, there are ever more individual
positions that almost all try to produce exceptionally
great architecture. In the new global market architects
can be successful in finding niches that offer the
possibility of realization. Buildings are the subject of
international competitions and within capitalism infrastructure
is the only remaining field that is subsidized.
But this does not produce knowledge. On the other
hand: social geography, anthropology, sociology and
philosophy do produce knowledge, but no recipes that
would produce architecture.
According to Koolhaas, “our amalgamated wisdom can
easily be caricatured: according to Derrida we cannot
be whole, according to Baudrillard we cannot be real,
according to Virilio we cannot be There.” Koolhaas
therefore proposes a redefined urbanism that will not
only be a profession, but a way of thinking, “an ideology:
to accept what exists”. “The seeming failure of the
urban offers an exceptional opportunity, a pretext for
Nietzschean frivolity. We have to imagine 1,001 other
concepts of city; we have to take insane risks; we have
to dare to be utterly uncritical; we have to swallow
deeply and bestow forgiveness left and right. The certainty
of failure has to be our laughing gas / oxygen;
modernization our most potent drug. Since we are not
responsible, we have to become irresponsible. In a
landscape of increasing expediency and impermanence,
urbanism no longer is or has to be the most
solemn of our decisions; urbanism can lighten up,
become a Gay Science – Lite Urbanism.” 11
Today we see a group of architects that is aware that
the technological and socio-geographical revolution of
the nineteen nineties also produces a series of emerging
effects and new possibilities that need to be
addressed. They are aware that globalization does not
just produce new prosperous metropolitan concentrations
of urbanity and smooth “Spaces of Flows” but
that it also creates new conflicts and tensions
–because the former Third World folds into the First, for
example – and even causes large areas to shrink. The
dissolution of the nation state and the emergence of a
new kind of capitalist “Empire” produce a crisis of the
communist states and the welfare states. In large parts
of the world, exactly those were intimately connected to
housing programs and urban planning. Now, individualization
creates a demand for a greater diversity in
architecture and the nature and use of public space are
changing.
What is maybe even more important is that this emerging
group of architects realizes that architecture and
urbanism are not necessarily just produced by archi-
tects. Politics, be it in the form of the
state, the city or large corporations, but
also in the form of newer emerging
organizations or multiplicities reorganize
our environment. Sometimes they
are using architecture in the most brutal
way, as in the walls among others
Israel and the United States are building.
But even more often they change
the urban fabric from within by introducing
new programs and new forms of
organization. New communications
media, together with a radically
increased individual mobility produce
new coherences in the city and a different
use of public space.
Over the last couple of years, an
increasing group of architects has
begun investigating these phenomena
and started to develop new strategies
and methods to deal with them. What is
crucial to this tendency is that the
architects involved carry out their
research with the classical tools architecture
has at its disposal: cartography,
plan, elevation and section. This
research is based on realities, read by
architects with architect’s means but it
is informed by writings on the city. The
change in approach is also mirrored in
changes in philosophy, in which an
ontological and cosmological approach
has been replaced by methods that
come closer to and borrow from
anthropology and sociology, as in Peter
Sloterdijks Sphären trilogy for
example. 12 In exhibitions and publications
this research is often presented
as a cultural statement in itself. We find
the same tendency in contemporary art,
in which many artists played the role of
cartographers, documentary photographers
or film makers.
It is a research that, in Hou Hanru’s
words, seems both “fashionable and
necessary”. 13 It is fashionable because
it has become fashionable to make no
distinction between high and low art, to
indulge in banal phenomena and into
the newness of the now. It is however
necessary, because we need to learn to
understand these phenomena and the
often implicit but nevertheless powerful
forces that drive them to be able to
maintain the important role architecture
can play for large parts of the society
instead of just for an elite. Very different
from Rem Koolhaas, who proposed
to accept what exists and surf on
it, these architects show a new engagement,
even if it is not always clear what
the results of that engagement might
be. In the catalogue of Documenta 11,
Molly Nesbit meditates on this engagement
that seems to be missing a
visionary aspect that is traditionally
associated with Utopia, particularly in
architecture. “Is the utopian picture
itself to be considered missing’, she
13

14
asks herself, ‘or may we see utopia in a picture with
something missing, a picture that comes with empty
pockets?” 14
In many ways the current research looks for a continuation
of the tradition that was started by Situationists
like Guy Debord and Constant Nieuwenhuys. To get in
touch with the reality of the city as a ‘lived space’ the
dérive, a walk through the city, returns in different
forms –be it sometimes with different and clearer
intentions. References to Guy Debord and Asger Jorn
seminal work “The Naked City” appear in many analyses
–be it on a much larger scale than the Paris of the
nineteen fifties. In many ways, the Situationist city
seems to be realized. It appears as a loose collection of
fragments with a certain intensity of program and / or
atmosphere, linked by flows of traffic and communication.
But the protagonists of this city are not just gypsies
and an avant-garde of artists, the inhabitants
themselves are the avant-garde: the playful creative
‘homo ludens’ indulging in leisure activities just as well
as the desperately footloose workers and immigrants.
They form “Smart Mobs”, as Howard Rheingold calls
them: new informal organizations produced by the rise
of wireless computer networks. 15
But one can also see this research as a return to the
“other” origins of Modernism, in which architects like
Le Corbusier, Hilberseimer, Neurath, Van Eesteren and
Van Lohuizen tried to come to a deeper understanding
of the existing city of their time to be able to come up
with new, more appropriate organizations. In their first
attempts to come to terms with the chaotic growth of
the metropolises of the early twentieth century, with
the rise of the masses, with pollution, with industrialization
and the consequences of war they used photography
and borrowed from the social sciences just as
well. 16 This took almost a decade. Maybe it is true that
after that they made the step from survey to design too
quickly, leaving little space for change and flexibility,
but the influence of their projects has inspired many
cities that still function today. And even if we have to
radically revise their concepts, they did at least leave
them for us to work with, to vote for or against, to analyze,
to discuss, adapt and criticize. A return to the origins
of Modernism –in this case to Hannes Meyer – we
see however also in experiments with and reflections
on new materials, such as they are produced by
biotechnology.
Slowly, contemporary architects are developing new
methods for control and design that are either immediately
related to the research they do, as in Raoul
Bunschoten’s work, or nourished by it. What is striking
is that most methods are looking for different forms of
interactivity, opening the creative field for more participants.
Instead of simply using or adapting off the
shelve software, that was originally made for other purposes,
for example for visual special effects in the film
industry, we see that architects start developing and
writing their own software. Very often, we see that this
software focuses more on the organizational aspects of
architecture and urbanism than on formal and aesthetical
aspects and aspects of manufacturing. More and
more, architecture becomes a device, to paraphrase
Winy Maas. 17
Still, there is a great believe in the power of form. But it
seems that the interest in the formal aspects of architecture
drifts away from the interest in internal coher-
ence. The more recent formal architecture
seems to be much more strategic
in the way it either adapts to or tries to
manipulate the conditions of a site. It
deliberately wants to contaminate
itself with other discourses: fashion,
bureaucracy, urbanism and even popular
culture. This architecture might be
called Transmodern in the sense Jean
Baudrillard intends when talking about
transpolitical figures in Les Stratégies
Fatales. 18
It is an architecture of excess, like
Périphériques’ Monsters, that hover
over the existing chaos, or
Xefirotarch’s strange meat eating
plants, that swallow and digest infrastructure.
Will it be possible again at some point
to reconnect the discourses that now
seem to exclude each other, the “simply
great architecture” with the everyday
life in the city, architecture and
urbanism? Will it be possible to make
architecture available again to large
parts of the population? We will have to
see. But at least some architects started
working on it again.
1. Bart Lootsma, SuperDutch, Thames &
Hudson, London, 2000; Ulrich Schwarz, Neue
Deutsche Architektur, Eine Reflexive Moderne,
Hatje-Cantz, Ostfildern-Ruit, 2002; Otto
Kapfinger, Transmodernity, Austrian Architects,
Azw / Verlage Anton Pustet, Austrian Cultural
Forum, Vienna, 2002
2. Herbert Muschamp, New York Times Magazine
3. Rem Koolhaas with Herman Hertzberger,
Rem, do you know what this is?, HUNCH 3, 2001
4. Rem Koolhaas during a debate at the
Prototypo Seminar in Architecture Performing
the City, Porto, 2001.
5. Zaha Hadid, Luxus für Alle, Gespräch mit
Zaha Hadid und Patrik Schumacher, Architektur
und BauForum, 4. juli 2003
6. C. Greg Chrysler, Writing Spaces, Discourses
of Architecture, Urbanism, and the Built
Environment, 1960-2000, Routledge, New york
and London, 2003
7. Richard Florida, The Rise of the Creative
Class, Basic Books, 2002
8. Computer Animisms (Two Designs for the
Cardiff Bay Opera House), Assemblage 26, 1995
9. Rem Koolhaas, What Ever Happened to
Urbanism? S,M,L,XL, 010 Publishers,
Rotterdam, 1995
10. Idem
11. Idem
12. Peter Sloterdijk, Sphären, Suhrkamp Verlag,
Frankfurt am Main, 1998-2004
13. Hou Hanru at the opening of the exhibition E-
W/N-S, Bordeaux, 2004
14. Molly Nesbit, The Port of Calls, in: Heike
Ander, Nadja Rother (ed.), Documenta 11-
Platform 5, Exhibition Catalogue, Hatje Cantz
Publishers, Ostfildern, 2002
15. Howard Rheingold, Smart Mobs, Perseus
Publishing, 2003
16. Bart Lootsma (ed.), Research for Research,
Berlage Institute, Rotterdam, 2001
17. Winy Maas, Architecture is a device, in: Bart
Lootsma, ArchiLab 2004 The Naked City, HYX,
Orléans, 2004
18. Jean Baudrillard, Les stratégies fatales.
Paris: éditions Grasset & Fasquelle, 1983
15

16
Michael Bell Nouvelles Cités de réfugiés
Années 1990:
Los Angeles creuse son futur
Au début des années 1990, deux
livres suscitèrent de nombreuses
discussions dans le milieu architectural
et au-delà, en tant que tentatives
captivantes de décrire ce que
l’on commençait à nommer communément
«la ville contemporaine».
Le terme n’était pas nouveau –
c’était le titre de Zone1/2, The
Contemporary City édité par
Sanford Kwinter et Michel Feher
(MIT Press, 1987) –, mais ces livres,
rarement mentionnés de nos jours,
étaient consacrés à Los Angeles et
livraient deux tentatives essentielles
de réconciliation avec la cité
américaine d’après-guerre quarante
ans après. Dans City of
Quartz: Excavating the Future of
Los Angeles de Mike Davis (La
Découverte Poche, 2000) et Looking
for a City in America d’André
Corboz (Getty Center, 1992), il était
possible de trouver des écrivains
prédisposés à examiner la lutte des
classes et les inégalités économiques
en termes marxistes – prédisposés
aussi à une certaine mélancolie
dans la façon dont ils concevaient
la promesse inachevée de la
ville. Los Angeles devint la ville des
émeutes après l’annonce du verdict
de Rodney King: les deux auteurs
avaient vu la montée des tensions
raciales. Davis et Corboz considéraient
tous deux la ville – la ville
contemporaine – tout à la fois
comme le site de la clarté procédurale
et d’opérations instrumentales,
mais aussi comme une zone où il
était habituel de se sentir – ou
d’être effectivement – un réfugié.
Ces ouvrages exercèrent une
grande influence et participèrent à
la réorientation du débat sur la planification
et l’architecture vers la
géographie, les races et, plus généralement,
vers les conflits aigus et
palpables à Los Angeles à cette
période. Le terme de “ville contemporaine”
était utilisé dans les
années 1990 pour désigner une ville
à l’immense potentiel, mais troublée
et fragmentée par ses propres
processus autonomes.
Le livre de Davis était, littéralement,
une sorte d’histoire urbaine,
s’appuyant néanmoins sur le roman
noir pour présenter l’histoire de la
croissance et de la métamorphose
de Los Angeles. Tandis qu’on pouvait
juger impressionnante sa description
des jeux de pouvoir et de la
districtisation raciale à Los
Angeles – et, dans une large
mesure, historiquement correcte-,
c’est la façon dont il ouvrait la voie
pour établir une nouvelle relation
avec cette ville, mais, plus important
encore, avec la ville américaine
du futur, qui donna à son livre une
valeur durable. Ce terme de “ville
contemporaine” ne fut pas inventé
par Davis, mais City of Quartz:
Excavating the Future of Los
Angeles contribua à la réinvention
de la ville en tant que sujet pour une
nouvelle génération de théoriciens
de l’urbanisme et d’architectes. Les
architectes ne travaillaient plus sur
la cité historique, mais sur la compréhension
de notre époque et de
notre espace, sans avoir encore
acquis les nouveaux outils conceptuels
pour faire avancer leur travail
de manière significative.
Davis analysait les fondements du
pouvoir politique et économique à
Los Angeles, étudiant aussi sa géographie
littérale et sa croissance –
localisant ses scénarios avec des
plaques de rue réelles ainsi qu’à
l’intérieur des districts et des quartiers.
Il vit les jeux de pouvoir
concernant les capitaux et les relations
de travail. Plus important
encore, oscillant entre les circonstances
politiques et l’espace physique,
le récit de Davis créa une tension
qui attira l’attention sur l’ampleur
de l’échec d’une entreprise
visant à révéler pleinement le pouvoir
dans la géométrie physique et
l’organisation de la ville contemporaine.
Pourtant, dans tous les aperçus
culturels et économiques de la
ville, Davis n’aborda jamais directement
l’architecture, sauf dans un
petit chapitre intitulé “Frank Gehry
jouant Dirty Harry” dans lequel il
accusait Gehry de tourner le dos à
la ville avec la nouvelle bibliothèque
Goldwin élevée à Hollywood et
dotée d’un revêtement intérieur.
Davis ne comprit pas la complexité
du bâtiment inversé de Gehry, pourtant
ce travail fascina les architectes
dont le travail trouvait là une
nouvelle résolution, tout en étant
tourmenté par des forces situées
au-delà de son domaine et de ce qui
était à sa portée, d’un point de vue
professionnel et spatial.
Davis laissa le rôle de l’architecture
au sein de la ville dans une situation
exacerbée. Au mieux, troublée par
son propre manque d’action, l’architecture
devenait un site local à
partir duquel reconstruire un
espace urbain, mais aussi une subjectivité
urbaine. On pourrait évidemment
trouver le même scénario
chez d’autres auteurs: l’action
New Cities of Refugees
architecturale a été généralement
présentée comme éclipsée par les
finances urbaines et les procédures
économiques pendant tout le XX e
siècle, pourtant Davis lançait un
message urgent aux architectes
pour qu’ils apportassent de nouvelles
réponses. Les histoires formelles
de l’architecture? ses histoires
plastiques? étaient en crise mais, si
la ville contemporaine pouvait être
décrite d’une façon nouvelle, c’était
aussi le cas d’une nouvelle forme
d’architecture contemporaine. Le
message de Davis – les structures
de pouvoir de la ville étaient dangereusement
prédatrices car cachées
– invoquait une architecture qui
devait tout à la fois porter le fardeau
du lieu littéral et donner une présence
au réseau sous-jacent d’intérêts
privés qui construisaient la
ville.
Looking for a City in America
L’ouvrage d’André Corboz était
plus conventionnellement architectural
et essentiellement urbain dans
la présentation de ses divisions de
propriété, des mathématiques et de
la géométrie des formes urbaines.
Pourtant, son sous-titre: “Down
these streets a man must go” («Ces
rues doivent être arpentées par
l’homme ») rapprocha Corboz de
Davis dans la mélancolie et l’ébauche
existentielle de la ville. Corboz,
contrairement à Davis, se consacrait
à la syntaxe de la ville: s’opposant
à Robert Venturi, Denise Scott
Brown et Steven Izenour dans
L’Enseignement de Las Vegas
(1972-1995 pour la traduction) et à
Colin Rowe et Fred Koetter dans
Collage City (1978-2002 pour la traduction),
Corboz caractérisait The
Order of the American City
(Princeton, 1996) de Mario
Gandelsonas de «base solide pour
une analyse de la morphologie
urbaine américaine». Cet ouvrage,
une analyse du mapping figurefond
des villes américaines, avait
été lu avec sympathie par Corboz,
alors que L’Enseignement de Las
Vegas était, selon lui, basé sur l’«
épiphénomène» des médias et de la
publicité et que Collage City tendait
vers «l’irresponsabilité
dadaïste». Tout comme Davis,
Corboz ne cherchait pas tant à mettre
au point une nouvelle théorie de
la syntaxe urbaine formelle – même
s’il applaudissait des deux mains
l’ouvrage de Gandelsonas – qu’à
aborder une crise politique et
sociale au sein d’une ville, laquelle,
malgré ses qualités “monotones” et
“indifférenciées”, effaçait les pos-
sibilités économiques et sociales,
dont certains la considéraient
dépourvue. La ville de Corboz était,
au pire, formée d’êtres humains
“entrepôts” – son analyse s’efforçait
de projeter la ville dans des
structures formelles, politiques et
historiques, son sujet urbain s’appuyant
sur la primauté et la littéralité
de la forme physique, tout en
étant conscient qu’il fallait aborder
les politiques et les économies
sous-jacentes à ces formes. Selon
Corboz, la ville américaine avait
toujours été destinée à rester indifférenciée
et, d’une certaine façon,
dépourvue d’ancrage par rapport au
centre ville historique. La ville américaine
était «physiocratiquement»
dérivée d’une profonde opposition
à une capitale monarchique, écrivait
Corboz – il s’appuyait sur l’ordonnance
de 1785 de Thomas
Jefferson en tant que quadrillage
syntaxique originel qui stabilisa les
plaines américaines, tout en soutenant
leur extension et subdivision
perpétuelle. La grille toujours
ouverte du continent américain dissipe
le centre de la ville en un paysage
continu, mais aussi enveloppant
et infini qui, en tant que forme
urbaine actuelle, a cessé de fournir
son échappatoire habituelle du pouvoir
centralisé; au lieu de cela, il
représente un vide d’entropie
sociale et de monotonie.
Dans l’introduction de Looking for
a City in America, Kurt Forster
offrait une approche de la ville et du
domaine social et politique qui justifiait
la valeur politique et la résonance
de l’enquête de Corboz. La
qualité de l’introduction de Forster
résidait en grande partie dans sa
compréhension de l’inégalité
raciale, comme dans le travail de
Davis. «La ville historique physiquement
compacte, écrivait
Forster, est depuis longtemps
considérée comme le creuset où
l’alchimie d’une vie multiraciale et
multiculturelle nouvelle pourrait
fonctionner, mais la réalité des
conditions de vie des villes américaines
a rarement été en mesure de
concrétiser ces espoirs.» Lorsque
les deux livres ont été publiés, il
apparaissait clairement que les
relations raciales ne fonctionnaient
ni dans les périphéries – la cité tentaculaire
– ni dans le centre historique
dense comme New York. La
plus importante question, même si
on ne la posait pas directement,
était la suivante: dans quelle
mesure la forme physique de la cité
jouait-elle un rôle dans les relations
sociales ou politiques entre les élé-
ments constitutifs de la ville contemporaine? Looking for a
City in America a été publié par le Getty Center qui établissait
alors à l’époque sa propre légitimité en termes de relations
raciales et sociales à Los Angeles. En tentant de dissimuler
la qualité de citadelle de sa conception urbaine et l’aspect
monolithique de son pouvoir financier, le livre de Corboz
a dû être publié à la fois comme l’une des missions du Getty
d’aborder les scénarios culturels enchâssés dans son historicisme
artistique ainsi que la complexité multiraciale de la
ville où il siégeait. Il s’agissait de chercher une ville nouvelle;
une compréhension autre de l’urbanisme susceptible de soutenir
le développement de Los Angeles, sans avoir recours à
l’urbanisme dense de New York ou à la forme protohistorique
du Nouvel Urbanisme qui émergeait alors. Corboz et Davis
tentaient d’habiter à nouveau les espaces inchoatifs de Los
Angeles et d’autres cités tentaculaires. Les deux ouvrages
localisaient ce nouvel aménagement précisément dans le
domaine du sujet dont les vies publiques et privées étaient
écartelées entre des ordres du jour en concurrence et des
structures de pouvoir pas toujours présentes physiquement.
Le “terrain vague” 1 américain
L’introduction de Forster au livre de Corboz tenait en deux
pages, pourtant elle sut captiver un public de théoriciens de
l’urbanisme en devenir qui, comme Corboz, commençaient à
tester les limites d’un autre terme clé de la récente théorie de
l’urbanisme, celui de “terrain vague”. Ce terme, que les écrits
de Manuel de Solá-Morales avaient fait connaître en Europe,
est décrit – ou devrait-on dire qu’il n’est pas décrit, sciemment
– comme une perspective panoramique, mais bouleversée,
qui a gagné de l’amplitude et perdu de la cohérence en
approchant la périphérie des bâtiments. Le “terrain vague”
décrivait l’incapacité de l’architecture à donner cohérence à
ses abîmes, à ses vides, à ses trous, qui abondent dans la ville
contemporaine. L’implication de l’argument de Solá-Morales
résidait dans le fait que la masse et la présence littérale des
bâtiments, de l’architecture, n’avaient guère d’importance
dans la formation du paysage urbain contemporain, la pratique
architecturale devait donc accepter un rôle marginal d’un
point de vue économique et spatial. L’espace négatif était
prédominant dans l’urbanisme contemporain de nombreuses
périphéries européennes nouvelles. “Terrain vague” était un
défi conceptuel et littéral pour les architectes, attirant l’attention
vers les espaces adjacents à l’architecture, non seulement
hors du discours conceptuel, mais hors de notre
domaine professionnel. Dans sa logique de base, il défiait les
architectes de pouvoir donner de la cohérence à des espaces
situés au-delà des limites de leurs pratiques.
L’introduction de Forster légitima une version nord-américaine
potentielle du “terrain vague”. Looking for a City in
America était, en partie, une mission de reconnaissance
chargée de définir le terrain urbain sur lequel le Getty avait
commencé à se situer; ses implications plus larges visaient à
situer un ensemble de théoriciens qui cherchaient à se distinguer
de l’intérêt renouvelé pour la forme de la ville historique.
A la suite des émeutes de 1991 à Los Angeles, Corboz et
Forster cherchaient une vision nouvelle de la géographie distendue
de la ville américaine d’après-guerre – une aventure
intellectuelle essentielle était offerte à un groupe de théoriciens
plus jeunes qui voyait des liens entre les idées européennes
d’un “terrain vague” et les périphéries des villes
comme Phoenix, Houston, Los Angeles et Atlanta aux États-
Unis. Les dessins de Looking for a City in America de Bruce
Mau sont antérieurs à SMLXL réalisé avec Rem Koolhaas qui
abordait, dans son essence, des conditions semblables dans
le monde entier. Les pleines pages débordantes et rythmées
de Mau évoquaient l’extension du vide de la ville, marquant le
début effectif d’un processus de révélation de la beauté
sublime dans l’espace fragmenté de Los Angeles.
Davis et Corboz firent tous deux des portraits de
citoyens des villes dans cet espace vide – leurs
sujets naviguaient dans un territoire dont les
dimensions oscillaient entre une cartographie littérale
de tailles de sort, de lignes de propriété et
les propriétés invisibles du pouvoir qui délaminent
ces formes physiques.
2001: New York cache ses doutes
À New York, le terme de “terrain vague” semble,
de prime abord, moins pertinent qu’à l’échelle
nationale. Pourtant, en 2001, la cité s’est lancée
dans un objectif à long terme pour rezoner ses cinq
arrondissements de manière à affirmer la densité
urbaine historique de la ville. Ce rezonage est destiné
à conserver la compétitivité de la ville par rapport
aux autres possibilités régionales et nationales,
tant pour le commerce que pour le logement.
Certaines zones de New York, effacées par la violence
au plus fort de la lutte pour les droits civils
dans les principales cités américaines (années
soixante), sont des sites de réurbanisation, à
l’image de Far Rockaway et de Harlem. De nouvelles
identités raciales et économiques sont promues,
alors que la ville tente de consolider ses fondations
en tant que cité hôtesse pour les institutions
financières du monde entier et en tant que
centre de la culture globale. Au cours des cinq
années qui ont précédé le 11 septembre, New York
a commencé à cacher ses doutes sur son avenir. En
densifiant son centre et consolidant ses périphéries,
New York affirme que la ville continue de tenir
son rôle de forme épique d’urbanisme. Notre
recherche est centrée sur un aspect majeur du
redéveloppement de la ville. Notre recherche et
notre travail de design sont issus de la rencontre
entre la péninsule de Rockaway et le terrain libre
d’Arverne et d’Edgemere.
Arverne et Edgemere sur la péninsule Far
Rockaway dans le Queens (New York) détiennent
les plus grandes surfaces de terrains aménageables
de la ville. Plus de cent cinquante hectares de
terrain sont vacants depuis qu’ils ont été dégagés
pendant l’ère des lois de destruction des bidonvilles
et le renouveau des années soixante. La propriété
ne s’est jamais redéveloppée, malgré le
besoin pressant en logements abordables et en
services dans les environs. La volonté politique et
le capital pour reconstruire étaient, il y a peu
encore, éclipsés par les batailles idéologiques sur
ce qui devait être bâti et pour qui. Le vide sublime
de ces cent cinquante hectares donnant sur
l’océan oppose un démenti à l’habillage stratégique
de l’organisation raciale des zones contiguës;
ses espaces vides opposent un démenti au manque
de mobilité sociale ou économique auxquels
sont confrontés les habitants des logements
sociaux voisins. Ces terrains sont la propriété du
HPD (Departement of Housing, Preservation and
Development), une section du gouvernement de la
ville basé sur un modèle d’obsolescence planifiée.
Le HPD est l’unique établissement à espérer disparaître
après avoir distribué avec succès ses
biens en terres et en logements auprès de nouveaux
partenaires publics et privés. Fondé en 1971,
le HPD a été le récipiendaire de propriétés pour la
ville depuis les risques de faillite du milieu des
années 1970 et les forclusions sur les
propriétés new-yorkaises. Dans le
processus de développement, le
HPD fait en sorte que les propriétés
retournent sur le marché à des
valeurs inférieures pour donner une
incitation financière au développement.
A Arverne et Edgemere, trois
zones de logements sociaux forment
les limites des propriétés du
HPD avec l’objectif de déconcentrer
la pauvreté dans des zones de
logements sociaux, tandis que des
logements suivant le cours du marché
immobilier se développeront et
concerneront des personnes ayant
un niveau de revenu plus élevé que
les habitants historiques de la zone.
Arverne est une île, formant une
barrière, accablée par une culture
de la pauvreté spécifique aux logements
fédéraux des États-Unis.
L’histoire du site, avant l’instauration
de la loi, lorsqu’il était un
espace ouvert, forme aujourd’hui
un hybride d’attributs ruraux et
urbains, placé au dernier arrêt de la
ligne ferroviaires. La présence de
Jamaica Bay et des espaces vides
des propriétés de la ville, ainsi que
la longue durée du trajet jusqu’à
Manhattan, ont fait de ce lieu un
avant-poste rural. Les nouveaux
logements bâtis à Arverne seront
subventionnés par le HPD, mais la
stratégie de développement dissimulera
ces fonds dans les logements
qui suivent le cours du marché
immobilier. Contrairement aux
maisons qui jouxtent ce sites, ces
nouveaux logements ne révèleront
pas leurs subsides. Bien que financés
par la ville, les logements apparaîtront
sans soutien financier de
l’État – le but du HPD est de diminuer
les signes extérieurs d’assistance.
Rockaway – le dernier
recours pour une population hétérogène,
racialement et économiquement
; qui vit au-dessous du seuil de
pauvreté – sera déconcentré par de
nouveaux habitats et un nouvel
urbanisme presque traditionnel.
En décrivant la séparation des
espaces de travail et d’habitation,
caractéristique de la cité moderne,
Rafael Moneo a décrit un scénario
où le problème de la ville devient
celui du logement. À Arverne, le
problème du logement est véritablement
“le problème de la ville”,
habiter dans ces périphéries éloignées
mais encore urbaines est tout
à la fois une condition urbaine et
domestique. De la même façon, la
condition urbaine est domestique
lorsque les gens tentent de naviguer
dans le vaste tissu imparfait et le
17

18
vide étendu de la ville. En l’absence
de meilleurs moyens de transport,
d’emplois mieux rémunérés ou d’un
redéveloppement urbain sur une
vaste échelle, une nouvelle architecture
pour Arverne doit retenir les
événements des domaines public et
individuel – des processus étatiques
qui avaient construit des centres
d’habitat et des sujets liés à l’habitat
jusqu’au développement actuel
lié au marché. Dans tous les cas,
l’architecture doit agir et aborder
des éléments situés hors de son
domaine propre.
Le but est de fournir un objectif qui
rendra au sujet urbain un quota de
poids, d’origine et de temps qui
confirme sa présence, ajuste le
pouvoir des procédures de commodité
et des techniques d’aliénation,
mais laisse aussi peut-être de côté,
de façon tragique, le sujet seul,
cherchant à établir de nouvelles
relations sociales, de nouvelles
communications. Des histoires plus
anciennes de l’espace urbain et
architectural ont été redynamisées
en naviguant dans l’espace imparfait
de la cité moderne la plus
récente ou, plus précisément, celle
qui a été connue en tant que ville
contemporaine. Il s’agit de techniques
provisionnelles conçues par
un sujet qui habite une ville ayant
défié des moyens de subsistances
immédiats.
1990’s: Los Angeles Excavates its Future
In the early 1990’s two books were widely discussed in
architectural and broader circles as poignant attempts
to describe what was starting to be commonly termed
the “contemporary city.” The term was not new – it was
the title of Zone 1/2, The Contemporary City edited by
Sanford Kwinter and Michel Feher – but both books
which today are rarely mentioned focused on Los
Angeles, and both were essential attempts to come to
terms with the post-war United States city forty years
into its evolution. In Mike Davis’ City of Quartz:
Excavating the Future of Los Angeles and André
Corboz’s Looking for a City in America, it was possible
to find writers that were pre-disposed to examining
class struggles, and economic inequity in Marxist
terms – predisposed to a certain melancholy in how
they viewed the inchoate promise of the city. Los
Angeles became the site of the riots that followed the
announcement of the Rodney King verdict, and both
authors saw this racial tension rising. Davis and
Corboz both could be said to view the city – the contemporary
city – as site of both procedural clarity, and
instrumental operations, yet also as a zone where it
was common to feel like – if not actually be – a refugee.
The books gained wide influence, and can be credited
with helping to renew an architectural and urban planning
conversation on geography and race, and more
generally on the strife that was vivid and palpable in the
Los Angeles at the time. The term contemporary city
was relied on during the 1990’s as a term that indicated
a city of immense potential, but also a city that was distressed,
and fragmented by its own self-sustaining
processes.
Davis’s book was in its literal form a type of urban history
– but it also relied on a noir like fiction to convey its
narrative history of Los Angeles growth and metamorphosis.
While it was possible to find his narrative
description of power plays and racial districting in Los
Angeles compelling and to a large extent historically
accurate – what gave his book lasting value was the
way it opened the door to enter into a new relationship
with Los Angeles, but more importantly to the later day
United States city itself. The term contemporary city
was not Davis’ term, but City of Quartz helped re-invent
the city a subject for a new generation of architect’s
and urban theorists. As architects were no longer working
on the historic city, but instead on understanding
our time, and our place, without having yet acquired the
new conceptual tools to meaningfully work move forward.
Davis analyzed the underpinning of political and economic
power in Los Angeles; but he also read the literal
geography and growth of Los Angeles – locating his
scenarios by way of literal street signs and within districts
and neighborhoods – he read the power plays
over assets and labor relations. More importantly, however,
Davis’ narrative oscillating between political circumstance
and physical place created a tension that, in
effect, called attention to the degree to which power
failed to be fully revealed in the physical geometry and
organization of the contemporary city. In all of the cultural
and economic sketches of Los Angeles, however,
he never directly touched on architecture except in a
small chapter titled “Frank Gehry as Dirty Harry” in
which he accused Gehry of turning his back on the city
with an inward facing, and insular new Goldwyn Public
Library sited in Hollywood. Davis misunderstood the complexity of
Gehry’s inside out building, yet, his work fascinated architects
whose work was enabled by a new sense of purpose, but also tormented
by forces beyond its province and beyond it professional
and spatial reach.
Davis left the architecture’s role in the city in an exacerbated condition;
at best troubled by its own lack of agency, architecture became
a local site from which to re-construct urban space, but also to reconstruct
urban subjectivity. Of course one could look at other
authors to depict this same scenario: architectural agency has
been commonly depicted as eclipsed by urban finance, and economic
procedures throughout the twentieth century, yet Davis’s
urgency invited architects to respond anew. Architecture’s formal
histories – its plastic histories – were in crisis, yet if the contemporary
city could be newly described, so too could a new form of contemporary
architecture. Davis’s message – that the city’s power
structures were dangerously predatory precisely because they were
not revealed – invoked an architecture that needed to carry both the
burden of literal place, and give presence to the underlying network
of private interests that constructed the city.
Looking for a City in America
André Corboz’s book was more conventionally architectural and
essentially urban in its presentation of property divisions, and the
mathematics and geometry of urban form. Yet his subtitle – “Down
these mean streets a man must go” – made Corboz a partner of
Davis in the both the melancholy, and the existential drafting of the
city. Corboz, unlike Davis, focuses on the syntax of the city: in contra-position
to Robert Venturi’s, Denise Scott Brown’s and Steven
Izenour’s Learning from Las Vegas and Colin Rowe’s and Fred
Koetter’s Collage City, Corboz characterized Mario Gandelsonas’s
The Order of the American City as creating a “firm groundwork for
an analysis of American urban morphology.” Gandelsonas’s work,
an analysis of the figure ground mapping of American cities, was
sympathetically read by Corboz; Learning from Las Vegas was considered
to be based in the “epiphenomena” of media and advertising
by Corboz; Collage City verges on “Dadaist irresponsibility,” he
wrote. Corboz, like Davis, was not so much seeking to determine a
new theory of urban formal syntax, even as he applauded
Gandelsonas’s work, but to address a social and political crisis
within a city that despite it “monotonous” and “undifferentitated”
qualities is also effacing and for many devoid social or economic
opportunity. Corboz’s city, at its worst, “warehouses” human beings
– his analysis sought to project the city in formal and political historical
structures; his urban subject is reliant on the primacy and
literalness of physical form, but also aware it is the policies and
economies beneath these forms that need to be addressed. The
American city, according to Corboz, was always intended to remain
undifferentiated and in some sense un-anchored to a historic city
center. The American city is “physiocratically” derived from a deep
opposition to a monarchial capital city writes Corboz – he relys on
Thomas Jefferson’s Land Ordinance of 1785 as the originary syntactic
grid, that both stabilized the American plains, but also sustained
their perpetual extension and subdivision. The open ended
grid of the American continent dissipates the center city into a continual,
but also enveloping and endless landscape that as a present
day urban form has ceased to provide its original escape from centralized
power: instead it represents a vacuum of social entropy and
monotony.
In the introduction to Looking for a City in America, Kurt Forster
offered a view of the city, and of the social and political realm that
substantiated the political value and resonance of Corbozs’ inquiry.
The vantage of Forster’s introduction was to a large degree derived
from a sense of racial inequality, as it was in Davis’ work. “The
physically compact historic city,” wrote Forster, “has long been
considered the crucible where the alchemy of new multiracial and
multicultural life could take hold; but the reality of inner-city condi-
tions in the United States has rarely been able to sustain these
hopes.” When both books were released, it was clear that racial
relations were not being sustained by either the edge city – the
sprawling city – or the dense historic center city such as New York.
The most significant question was, however, implied, if not asked
directly; to what degree did the physical form of the city play a role
at all in social or political relations between the constituents of the
contemporary city? Looking for a City in America was published by
the Getty Center, which at the time was establishing its own legitimacy
in racial and class relations in Los Angeles. In trying to dissimulate
the citadel quality of its own urban design, and the monolithic
quality of its own financial power, Corboz’s book must have
been published as part of the Getty’s mission to address both the
cultural scenarios embedded in its own art historicism, and the
multi-racial complexity of its host city. The mission was a search for
a new city; an alternative understanding of urbanism that could
sustain the development of Los Angeles without resorting to the
dense urbanism of New York City or the proto-historic form of then
burgeoning New Urbanism. Corboz and Davis were attempting to
newly re-inhabit the inchoate spaces of Los Angeles and other
world sprawling cities and both books placed located this new
inhabitation precisely in the realm of the subject whose private and
public lives were drawn between competing agendas and not
always physically present power structures.
American Terrain Vague
Forster’s introduction to Corboz’s book was just two brief pages
long, yet it quietly captivated an audience of emerging urban theorists
who, like Corboz, were beginning to test the limits of another
key term in recent urban theory – “terrain vague.” The term had
common understanding in Europe through the writing of Manuel de
Solá-Morales. Terrain vague, in the Solá-Morales use of the phrase,
described – or one should say quite purposefully failed to describe
– a panoramic, yet distracted perspective that gained breadth, yet
lost coherence, as it approached the periphery of buildings. Terrain
vague – as a term – described architecture’s inability to give coherence
to the chasms, the vacancies, and gaps, that are rife in the
contemporary city. The implication of Solá-Morales argument was
that the mass and literal presence of buildings – of architecture –
mattered little in the formation of the contemporary urban landscape,
and as such architectural practice needed to come to terms
with a role that was spatially and economically marginal. Negative
space was predominant in contemporary urbanism in many new
European edge cities. Terrain vague was a conceptual as well as literal
challenge for architects: it called attention to the spaces adjacent
to architecture, and not only outside our conceptual discourse,
but our side our professional realm as well and in its essential logic
it challenged architects to seek to cohere spaces that were beyond
the boundaries of their practices.
Forster’s introduction gave legitimacy to a potential North
American version of terrain vague. Looking for a City in America was
in part a reconnaissance mission charged with defining the urban
ground upon which the Getty had begun to situate itself; its broad
implications were to situate an array of urban theorist who sought
an alternative to a renewed interest in historic city form. Corboz
and Forster, in the wake of the 1991 Los Angeles riots, were looking
for a new view to the distended geography of the American postwar
city – the veracity of the book’s publisher offered intellectual
venture capital to tentative group of younger theorist who saw links
between European ideas of a terrain vague and edge cities in the
United States such as Phoenix, Houston, Los Angeles and Atlanta.
Looking for a City in America was designed by Bruce Mau, prior to
his completion of SMLXL with Rem Koolhaas which in at its core
addressed similar conditions worldwide. With Mau’s characteristic
full-page bleeds and rhythmic pacing, the book evoked the expansive
blankness of the city it addressed, and in effect began a
process of revealing a sublime beauty in fragmented space of Los
Angeles. Davis and Corboz both portrayed their urban citizens
against this emptied space – their subjects navigated a
territory whose dimensions vacillated between a literal
cartography of lot sizes and property lines, and the otherwise
invisible properties of power that delaminate
from these physical forms.
2001: New York City Conceals it Doubts
In New York the term terrain vague would at first seem
less relevant than it does in a national context, yet in
2001 the city began a long range goal to re-zone sectors
of all five boroughs in a way that is intended to affirm
the cities historic urban density. The re-zoning is
intended to keep New York City competitive with
national and surrounding regional alternatives for both
commercial and housing uses. Areas of New York City
that were effaced by violence at the height of the civil
rights strife in United States center cities during the
1960’s are again sites of re-urbanization – Far Rockaway
and Harlem are two examples. New racial and economic
identities are being instigated as the city attempts to
shore up its foundations as host city to the worlds
financial institutions and as a center of global culture.
In the five years before 9/11 New York City had begun to
conceal its doubts about the future; by densifying its
core and shoring up its outer edges the New York is
affirming that the city still sustains it role as the epic
form of urbanism. Our work focuses on one major front
of the city’s redevelopment. Our research and design
work, is drawn from encountering the Rockaway peninsula
and the open land at Arverne and Edgemere.
Arverne and Edgemere on the Far Rockaway peninsula
in Queens, New York, hold the largest developable
tracts of land in New York City. More than three-hundred
acres of land have sat vacant since they were
cleared during the waning era of slum clearing laws,
and 60’s era urban renewal. The property was never
redeveloped despite a critical need for affordable housing,
and other services in the area. The political will and
the capital to re-build were until recently eclipsed by
ideological battles about what and for whom to build.
The sublime blankness of three hundred acres of
oceanfront land in New York City belies the strategic
make up of the immediate areas racial organization; its
vacant spaces belie the lack of social or economic
mobility the inhabitants of the adjacent public housing
face. The property is owned by the New York
Department of Housing, Preservation and
Development; a sector of the city government that is
based on a model of planned obsolescence. The HPD is
in the unique condition of hoping to eventually disappear
after it successfully distributes its land and housing
assets into new public/private partnerships. The
HPD was founded in 1971, and it has been the receivership
for properties for the city since the mid-1970’s near
bankruptcy of the city and foreclosures on property in
New York. The HPD’s role in the development process is
one in which holdings are returned to the market at valuations
that are lowered to form a financial incentive to
development. At Arverne and Edgemere, three eras of
public housing form the borders to the HPD property –
with a goal to deconcentrate the poverty in the areas
public housing, new market rate housing will be developed
that is intended to serve a much higher income
level than the area has historically housed.
Arverne’s is a barrier island wracked by a culture of
poverty unique to the United States federal housing.
The site’s pre-legal history – the original open land – is
today a hybrid of rural and metropolitan
attributes. Sited at the final stop of the
A train, Arverne is part of metropolitan
New York, but the presence of Jamaica
Bay, and the vacant expanses of city
property, as well as the long commute
to Manhattan make Arverne an rural
outpost. The new housing built at
Arverne will with the support of the
HPD subsidized, but the development
strategy will fold these funds into the
general guise of market rate housing.
Unlike the housing that surrounds the
site this new housing will not reveal its
subsidies. The housing, while supported
by the city – will in effect appear to
be financially stateless – the HPD’s
goal is to diminish the outward signs of
its assistance. Rockaway – a place of
last resort for a racially and economically
heterogenous population of citizens
living below the poverty line – will
be de-concentrated by new quasi-traditional
housing and a new quasi-traditional
urbanism.
In describing the separation of working
and dwelling spaces that are characteristic
of the modern city, Rafael
Moneo described a scenario in which
the problem of city becomes that of the
house. At Arverne the problem of housing
is indeed “the problem of the city”;
dwelling in these remote but still urban
edge conditions is both an urban and
domestic condition. The urban condition
is likewise a domestic one as people
try to navigate the inchoate fabric
and expansive emptiness of the area. In
the absence of better transportation,
higher paying jobs or full scale urban
redevelopment, a new architecture for
Arverne must retain events from both
the public and individual domains –
from the state processes that have
constructed prior housing milieus and
subjects, to the market guise development
now takes. In either case, architecture
must act to address attributes
beyond its local province.
The goal is to provide a lens that
returns to its urban subject a quotient
of weight, origin and time that verifies
their presence, adjusts the power of
commodity procedures, and techniques
of alienation, yet also perhaps tragically
leaves its subject on their own and
seeking a new set of social relations,
communications. Earlier histories of
architectural and urban space have
been reinvigorated in navigating the
inchoate space of the late modern city,
or more precisely what has become
known as the contemporary city. These
are provisional techniques, devised by
a subject who inhabits a city that has
defied immediate sustenance.
19

20
Lars Lerup Thérapies de remplacement:
le domaine public
contre le nouveau tribalisme
Le champ de bataille de cette polémique
est the Lite City (la Ville
Light), que l’urbaniste Tomas
Sieverts nomme Zwischenstad, la
ville intermédiaire, ni ville ni banlieue
à proprement parler. Houston
(Texas) – ma ville d’adoption – est
l’archétype qui semble prendre le
pas sur tous les modèles d’implantation
moderne. Ici, des milliers de
stimuli ou d’événements, tels de
minuscules îlots surpeuplés regroupés
en archipel, s’activent et se désactivent,
desservis par tout un arsenal
d’infrastructures qui vont des
autoroutes aux systèmes de traitement
des eaux usées. Ce monde
affiche un sourire figé de la vie privée;
pourtant, derrière les apparences,
un changement se profile. La
question la plus pressante qui
taraude ceux qui l’étudient (qui ne
sont pas nécessairement ses occupants)
est de savoir combien de
temps l’agglomération survivra-telle
sans une dimension publique si
essentielle à la santé et à la prospérité
de la vieille ville?
L’avènement du royaume semi-privé
«Jésus a fait descendre l’Évangile
sur la place du marché, sur la place
du village – partout où le peuple se
rassemblait. Le Lakewood
International Center est destiné à
devenir la “place du village” de
Houston. Avec plus de deux millions
de visiteurs venant chaque
année assister aux différentes
manifestations, il ne saurait y avoir
de repère plus évident ou familier
dans la ville. Son seul emplacement
nous permettra de transmettre un
message d’espoir à bien plus de
gens que n’importe quel autre programme
d’action directe dans l’histoire
de Houston.
Aujourd’hui, c’est un lieu où sont
organisés concerts et manifestations
sportives. Au Compaq Center,
des millions de spectateurs ont
admiré les prouesses des sportifs et
des «entertainers» les plus talentueux
des États-Unis. Son histoire
est marquée par l’excellence et le
couronnement de la carrière de
nombreux champions sportifs.
Perpétuant ainsi cette belle et
remarquable tradition, le Lakewood
International Center deviendra un
lieu qui couronnera des “champions
de la vie”.»
Site web deLakewood Center 2004 1
Le remplacement progressif de
l’homme social et politique par une
multitude d’agents privée – chacun
s’acquittant des tâches qui leur
incombent – se manifeste surtout
dans les changements spatio-sociaux de l’agora,
où le zoon politikon d’Hannah Arendt exerçait
autrefois sa citoyenneté par la parole et par l’action.
Dans la ville moderne, cet ancien espace, lieu
de naissance mythique de la démocratie en action,
a disparu – non pas dans sa structure architecturale,
mais définitivement dans son rôle politique.
La totale mobilité de l’environnement social et
technique du monde moderne et sa cohorte de postes
de télévision, de téléphones portables et de
connexions Internet a détruit la ville en tant qu’espace
politique de manière plus catégorique que
n’importe quelle autre révolution sociale ou technique
antérieure. Plus motivée par des raisons
politiques, la quête de l’urbanität (urbanité ou ce
que j’appelle plus généralement stimuli), est devenue
dans certain cas un exercice purement nostalgique
et désuet, à savoir la recherche d’une apparence
particulière; ou bien la manifestation mercantile
de la fièvre acheteuse qui sévit dans les
centres commerciaux. Ce sont là deux formes de
thérapie de substitution destinées à faire passer
un rassemblement d’intention pour une communauté
traditionnelle alors que son objectif réel est
la construction d’une communauté sélective.
L’église de Lakewood est à cet égard un exemple
typique. Sur le site web qui lui est consacré,
Lakewood fait directement référence à l’ancienne
“place du village” de la Terre Sainte et rend similaire
la vie de la communauté traditionnelle propre
au domaine public partagée par l’ensemble des
citoyens (y compris Jésus) avec la “place du village”
à l’intérieur de sa propre église. Cependant,
seuls le messager (le révérend Joel Osteen) et ses
ouailles y ont droit de cité. Les Romains, les usuriers,
les colporteurs, les spectateurs – les citoyens
– ont cédé la place à la foule bigarrée des psys,
éducateurs chargés de l’enfance en difficulté, spécialistes
des soins aux sinistrés et autres guides
spirituels. Cet habile tour de passe-passe a transformé
“le public” en “semi-privé”, peuplant l’espace
avec des “Champions de la Vie”. La “police
municipale” de la place du village a été remplacée
par des “agents de sécurité”, et l’espace public
s’est privatisé. Omniprésente, l’Organisation
Non-Gouvernementale (ONG) a pris la relève de la
ville. Comme Alain Touraine le dit de manière provocante:
«La ville et la société n’existent plus.»
Au-delà de la place spirituelle de Lakewood et de
tout le cortège d’autres pseudo-places, on ne
trouve que le système : les rues, le goudron des
parkings, les technologies d’application, les autoroutes
interminables. Nous sommes arrivés Après
la Ville.
La question
Tout ceci est-il juste et bon? L’inexorable privatisation
de la ville est-elle une bonne chose ou bien
est-elle juste indomptable, voire inévitable,
relayée par la lueur angoissante de millions de
postes de télévision, la sonnerie des téléphones
portables et le bruissement de la culture des emails
– la netocracie au travail? Est-ce là un simple
glissement du hardware de la rue vers le software
du Net? Ce que j’ai, non sans ironie, appelé la
Thérapie de remplacement – créatrice de fac-similés
du réel – est tout ce qui reste de la ville!
Derrière l’ironie se cache ma peur, empreinte toutefois
de nostalgie, que la perte de l’ancienne
Replacement Therapies:
the public domain
versus the new tribalism
agora, même dans ses déformations issues du XX e siècle, ne
soit la porte ouverte à de nouveaux problèmes inconnus, qui,
au final, brideront ce que nous avons connu comme étant la
liberté et cette denrée précieuse qu’est le bien public. La loi
anti-terroriste et les hordes d’agents de sécurité sont déjà là,
prêts à pallier les lacunes publiques.
Pourtant, le revers de cette sombre prédiction est porteur
d’un potentiel, celui-là même qui réside dans le changement,
dans la conviction que la transformation de la ville est sans
fin. Malgré l’actuelle tendance à la privatisation et à la dispersion,
des forces sous-jacentes – aussi vieilles que le premier
cercle autour du feu indigène – crépitent désormais dans les
méandres des conurbations tentaculaires, de Tokyo à la
Ruhrgebiet. Je fais ici allusion à la formation de nouveaux
groupes sociaux ou communautés d’intention qui essaient de
joindre les deux bouts dans l’ombre de la tranquillité autosatisfaite
du mode de vie des banlieues. J’ai comparé la formation
de ces communautés tribales aux anciens chasseurs qui
ne sont plus en quête de nourriture mais d’une communauté:
ce sont les chasseurs light. Comme Bas Princen, architecte
et photographe, l’a découvert aux Pays-Bas, les chasses light
sont légion: observation des oiseaux, aventures en 4X4 et
motos tout terrain, pêche à la ligne sur la plage, parapente,
cerf-volants, rassemblements d’amateurs d’avions télécommandés,
jeux de guerre paramilitaires. Ces communautés
d’intention (souvent orchestrées via les téléphones cellulaires
ou Internet) utilisent des espaces latents (à la fois privés
et publics) disséminés dans le paysage construit de ce minuscule
pays. Au même moment, dans des villes telles que
Londres, New York ou Tokyo, une chasse light plus explicite,
basée sur la compagnie, se déroule à grand renfort de téléphones
portables. Un nouveau logiciel, Dodgeball, permet
aux jeunes qui font la tournée des bars d’utiliser des messageries
pour construire un réseau social toujours croissant sur
les modèles de l’amitié – une expansion délibérée des fameux
six degrés de séparation. Dès lors, les formations de ces
“mobs” (“attroupements-éclairs”) sont-elles juste un nouveau
loisir ou bien la thérapie de substitution pour la “perte
de communauté”, plus ostensiblement, la perte du “domaine
public”? Sont-elles le signal d’une résurrection du domaine
public – une nouvelle “intelligence” en devenir – qui part de la
base? La démocratie populaire naît d’une prise de
conscience collective que l’ancienne formule urbaine faite
d’espaces publics policés est révolue et que toute reconstruction
d’un nouveau domaine public doit advenir dans le cadre
de l’atome même de la communauté: le collectif d’intention –
la tribu – en tant que produit de la nanotechnologie socio-politique
émergente.
La face sombre
David Marquand, l’éminent politologue anglais, a parfaitement
disséqué ce cadavre en décomposition qu’est le bien
public au Royaume-Uni dans son livre intitulé Decline of the
Public: The Hollowing-Out of Citizenship (Polity, 2004) qui
plante le décor de la lutte pour un avenir meilleur dans l’immense
conurbation tentaculaire. Il entrevoit deux voies possibles,
d’évolution de la Ville Light (à part les scènes de foule
déjà évoquées: l’une serait de suivre les propositions de
Joseph Schumpeter et d’instaurer des primes à l’attention
des promoteurs (les actuels constructeurs de ce type de villes)
afin de pallier l’absence d’un “espace public”; l’autre
serait de poursuivre la lourde et complexe construction d’un
nouveau “domaine public” tel qu’il est illustré par les travaux
de William Gladstone dans la Grande-Bretagne du XIX e siècle
– un domaine qui sert de terrain neutre entre la place du marché
et le secteur public, sa création étant dictée par des professionnels
en étroite collaboration avec les citoyens. La voie
de la prime étant d’une compréhension aisée, je me propose
ici d’explorer cette deuxième voie en suivant les règles qui
gouvernent le marché et ses différentes manipulations qui
nous sont si familières à nous qui vivons dans le monde occidental.
Trois “propositions reliées” corroborent un domaine public en
bon état de marche. Marquand écrit (et je paraphrase):
«Le domaine public possède sa propre culture et ses propres
règles en matière de prise de décision.
Le domaine public est à la fois inestimable et précaire – un
cadeau de l’histoire toujours vulnérable.
Un état interventionniste agressif, tel que l’État britannique
(et américain) moderne peut systématiquement affaiblir les
institutions et les pratiques qui entretiennent le domaine
public.»
Peut-être cela suggère-t-il que la traditionnelle ville déterminée
par le marché adepte du laissez-faire et dotée d’un secteur
public faible pourrait être le cadre idéal pour l’émergence
d’un domaine public. Marquand écrit:
«[…] Les étrangers sont des partenaires égaux dans la vie
commune de la société – lieu de multiples épanouissements
humains qui ne peuvent s’acheter sur le marché ou exister
dans la communauté restreinte du clan ou des intimes du cercle
familial.» 2
En tant qu’espace, le domaine public ainsi défini est une écologie
socio-politique qui prévaut en tant que force à l’intérieur
de la communauté plus vaste, s’érigeant en rempart contre le
solipsisme de la vie et des intérêts privés et même de la municipalité
et de sa bureaucratie. Dans d’autres articles, j’ai suggéré
que les dommages collatéraux des intérêts privés – pollution,
embouteillages, isolement – dans la Ville Light tentaculaire
constituent aussi une écologie dont le ciment est non
pas la nationalité mais la toxicité.
Lorsque la pollution devient visible (à la fois dans l’atmosphère
et dans les statistiques de santé), lorsque l’eau est polluée
par les rejets industriels et agricoles et lorsque les
embouteillages et les trajets quotidiens pour se rendre sur son
lieu de travail deviennent un problème récurrent et obsédant,
les organismes actuels chargés des banlieues, depuis le marché
jusqu’au secteur public, semblent incapables de faire
face; ils ne sont pas disposés à s’attaquer aux questions politiquement
sensibles relatives à la prise en charge du nettoyage
des “déchets involontaires”. C’est là que la loyauté de
la communauté devient nécessaire mais, comme le fait observer
Marquand: «Cela ne peut avoir lieu que dans le domaine
social à l’abri du pouvoir du marché.» 3 Un pouvoir qui,
aujourd’hui, a fait main basse sur tous les aspects de la Ville
Light. Le projet de construire une loyauté de communautés
permettant aux citoyens de travailler ensemble sur un pied
d’égalité et aux professionnels de prodiguer des conseils,
parce qu’ils sont respectés, exige un processus long et complexe:
une telle loyauté est hautement spontanée et reste dispersée
dans bien des camps où, à l’instar de la levure, elle
attend de fermenter ses alentours. Le succès sera lié à une
fermentation généralisée englobant les organismes d’État,
les organisations caritatives, les ONG, les syndicats et les
associations de bénévoles. Des intérêts privés engagés dans
la sauvegarde du bien public peuvent aussi apporter leur
pierre à l’édifice. Par-dessus tout, une telle loyauté exige un
transfert culturel, un abandon des intérêts privés et l’édification
d’un sens de l’urgence commune qui conduit à une action
commune, à la citoyenneté. Les solutions de remplacement
sont toutes rebattues: un nouvel ensemble de missions de
type militaire à l’instar du vaste projet d’autoroute aux États-
Unis à l’instigation du président Eisenhower, du Congrès et
des intérêts industriels, tous hors de portée de la communauté.
De mon point de vue, la création d’un domaine
public, sous quelque forme que ce soit, est du ressort
du public, quelle que soit la forme que ce dernier
revêt.
Le revers de la médaille
Les humains peuvent-ils survivre selon de vastes
archipels constitués de poches d’intimité défendables
construits et imaginés par une poignée de
promoteurs collaborant étroitement avec le secteur
public? En observant la canopée vert tendre
des arbres, l’affairement en matière de construction
immobilière et le flot incessant des imposants
véhicules utilitaires de sport sur l’autoroute de
Houston, j’ai dû me résoudre à contrecœur à
répondre que oui. Mais combien de temps les
effets secondaires de ces “positivités” désordonnées
passeront-ils inaperçus jusqu’à ce qu’ils prolifèrent,
telle une chaleur indésirable lors d’une
expérience, pour donner naissance à une énorme
bulle toxique se refermant non seulement sur les
pauvres mais aussi sur les riches et les
privilégiés? Tous partageront la même écologie
toxique qui se formera spontanément à partir de la
pollution de l’atmosphère, de la formation d’ozone
sur les surfaces pavées et les millions de toits de
bitume, d’accumulations de nitrate dans les nappes
phréatiques et de métaux lourds dans les sols,
le tout couronné par les embouteillages et l’isolement
des personnes âgées et des jeunes. Et comment
cette toxicité interagira-t-elle avec les nouvelles
positivités sous la forme de masses toujours
plus intelligentes? Assisterons-nous à la naissance
d’une nouvelle guérilla, d’abord sous la
forme d’actions semblables à celles menées par
les groupes d’autodéfense de Seattle pour “arrêter
les pollueurs” ensuite sous la forme de groupes
d’action politique en proie à la prise de conscience
que nous avons tous notre part de responsabilité
dans la toxicité? Peut-être de tels groupes influenceront-ils
les élections et finiront-ils par former un
interstice entre le secteur purement privé et le soidisant
“secteur public” qui sont aujourd’hui les
serviteurs des intérêts privés. C’est alors que la
Ville Light aura fini de jouer les Cendrillon pour
entrer dans l’histoire prestigieuse de la ville en
passe de franchir la prochaine étape de son évolution.
1. Lakewood.com : L’église de Lakewood, actuellement située
en dehors de l’Inner Loop de Houston, sera en 2005 l’Inner Loop
et accompagnera donc ce retour général vers la ville. L’ancien
Compaq Center, lieu dédié aux sports et aux spectacles, est
en cours de transformation pour devenir le Lakewood
International Center
2. David Marquand, Decline of the Public: The Hollowing-Out
of Citizenship (Cambridge, England: Polity Press, 2004), p. 27
3. Marquand, p. 28
The battle-space for this polemic is the
Lite City that urbanist Tomas Sieverts
calls the Zwischenstadt, the inbetween-city
that is neither a City nor a
true suburb. Houston, Texas – my own
adopted city – is the archetype that
seems to dominate all modern settlement
patterns. Here thousands of
stims, or events, like tiny, intensively
inhabited islands in an archipelago, are
turned on and off, serviced by a sea of
infrastructures from freeways to
sewage systems. This world wears a
fixed smile of privacy, yet despite its
appearance, it is also changing. The
most pressing question for its students
(but not necessarily for its occupants)
is how long can the sprawl survive
without a public dimension so essential
to the health and prosperity of the
old City?
The Rise of the Semi-
Private Realm
Jesus brought the gospel into the market
place, the village square – everywhere
people gathered, and The
Lakewood International Center will
become the “village square” of
Houston. With more than 2 million people
currently attending events each
year, there is hardly a more visible or
familiar landmark in the city. Its location
alone will allow us to present a
message of hope to more people than
any outreach in the history of Houston.
Today, it is a sports and concert arena.
At the Compaq Center, millions of people
have watched the most gifted
sports figures and entertainers in
America. Its history has been one of
excellence, crowning champions in the
world of sports.
And continuing in that great and awesome
tradition, The Lakewood
International Center will become a
place that will crown “Champions of
Life.”
Lakewood Center Website 2004 1
The progressive replacement of social
and political man with a multitude of
private agents – all on their own
errands – is best seen in the socio-spatial
changes of the agora, where
Hannah Arendt’s zoon politikon once
exercised his citizenship in speech and
action. In the modern city, this ancient
space, the mythical birthplace of
democracy in action, has disappeared –
if not its architectural form, then definitely
its political role. The total mobility
of today’s social and technical environment,
with its arsenal of television
sets, cell phones, and Internet connections,
has destroyed the City as a political
space more completely than any
previous social or technical revolution.
No longer undertaken for political pur-
21

22
poses, the search for urbanität (urbanity, or what I call
more generically stim) has become in some cases a
purely nostalgic and quaint exercise – a quest for a particular
appearance – and in other cases a mercantile
attempt to achieve retail frenzy through the shopping
mall. Both are a form of replacement therapy that disguises
a willed gathering as a traditional community
while its real purpose is the construction of a selective
community – Lakewood Church being a case in point.
On its website, by making direct reference to the
ancient “village square” of the Holy Land, Lakewood
equates the traditional community life of the public
domain shared by all citizens (including Jesus) with the
“village square” inside its own church, although here
only the messenger (Pastor Joel Osteen) and his flock
have entry. Gone are the Romans, the moneylenders,
the hawkers, the kibitzers – the citizens – all replaced
by the flock, which variously includes psychiatric counselors,
childcare workers, disaster assistants, and the
spiritual leader. This subtle sleight of hand has transformed
“the public” into the “semi-private”, populating
the space with “Champions of Life”. The “city cops” of
the village square have been replaced by “security”,
and public land has become private space. The ubiquitous
non-governmental organization (NGO) has taken
over for the City. As Alain Touraine says provocatively:
«City and Society no longer exists. » Beyond
Lakewood’s spiritual square and an assortment of other
pseudo-squares lies only the system: the streets, the
parking tarmacs, the runoff technologies, the endless
freeways. We have arrived After the City.
The Question
Is this all well and good? Is the relentless privatization
of the city good or just unstoppable, even inevitable,
conducted in the eerie glow of millions of TV screens,
the buzz of cell phones, and the whir of the e-mail culture
– the netocracy at work? Is this simply a shift from
the hardware of the street to the software of the Net?
What I have ironically referred to as replacement therapy
– creating facsimiles of the real – is all there is left of
the City! Behind the irony hides my fear, however nostalgic,
that losing the ancient agora, even in its twentieth-century
deformations, means leaving the gate open
for new and unknowable problems that in the end will
curtail what we have known as freedom and that most
precious commodity, the public good. A flood of Patriot
Acts and cadres of rent-a-cops are already here, waiting
to fill the public lacuna.
Yet, on the bright side of this dark prediction lies the
potential imbedded in change itself – in the belief that
the transformation of the City will never end, and
despite the current descent into privatization and dispersion,
underlying forces as ancient as the first gathering
around the aboriginal fire are even now sputtering
in the nooks and crannies of sprawling conurbations
from Tokyo to the Ruhrgebiet. I am referring to the formation
of new social clusters, or willed communities,
that are eking out their existence in the shadows of the
self-satisfied tranquility of the suburban life style. I
have likened the formation of such tribal communities
to ancient hunters, no longer in pursuit of food but in
search of community: they are the lite hunters. As the
architect-photographer Bas Princen has found in The
Netherlands, lite hunting abounds: bird-watching, 4X4
off-road adventuring, trail biking, surf casting, parasailing,
kite flying, radio-controlled airplane meets, paramilitary
war games. These willed communities (often
orchestrated via cell phones or the Internet) utilize dormant space
(both private and public) all across the constructed landscape of
this tiny country. Meanwhile in cities like London, New York, and
Tokyo, a more explicit lite hunting for companionship is taking place
with the help of cell phones. Dodgeball, a new software program,
allows young barhoppers to use text messaging to build an everexpanding
social network along friendship patterns – a deliberate
expansion of the famous six degrees of separation. Now, are the
formations of such “mobs” just a new leisure activity or are they
replacement therapy for the “loss of community”, more pointedly,
the loss of the “public domain”? Do they indicate a resurrection of
the public domain – a new “smartness” in the making – from the
bottom up? Grassroots democracy grows from a collective realization
that the ancient urban formula of policed public space is
defunct and that any reconstruction of a new public domain must
happen within the very atom of community: the willed collective –
the tribe – as a product of the emergent sociopolitical nanotechnology.
The Dark Side
David Marquand, the English political scientist, exquisitely dissects
the decaying corpse of the public good in the United Kingdom
in his book Decline of the Public: The Hollowing-Out of Citizenship
(Polity, 2004), setting the stage for the struggle to find a better
future for the vast sprawling conurbation. He sees two potential
paths in the evolution of the Lite City (aside from the mob scenes
just discussed): one would be to follow Joseph Schumpeter’s
propositions and establish incentives for developers (the actual
builders of these types of cities) to deal with the lack of a “public
space”, and the other would be to follow the cumbersome and elaborate
construction of a new “public domain” as exemplified by
William Gladstone’s work in nineteenth-century Britain – a domain
that serves as a neutral ground wedged between the marketplace
and the public sector, its creation guided by professionals in close
contact with the citizens. I will explore the latter path since the
incentive path is easy to understand, following as it does the rules
of the market and its various manipulations so familiar to all of us
living in the Western world.
Three “interconnected propositions” support a well-functioning
public domain. Marquand writes (and I paraphrase):
“ The public domain has its own distinctive culture and decisionmaking
rules.
The public domain is both priceless and precarious – a gift of history
that is always at risk.
An aggressive interventionist state, such as the modern British
(and US) state, can systematically enfeeble the institutions and
practices that nurture the public domain.”
This may suggest that the traditional laissez-faire, market-driven
city with its weak public sector may be the ideal setting for the
emergence of a public domain. Marquand writes:
“[…] strangers encounter each other as equal partners in the common
life of society – a place of forms of human flourishing which
cannot be bought in the market-place or found in the tight-knit community
of the clan or the family intimates.” 2
As a space, the public domain so defined is a sociopolitical ecology
that prevails as a force within the larger community, forming a bulwark
against the solipsism of privacy, private interests, and even
City Hall and its various bureaucracies. In other writing I have suggested
that the collateral damage of private interests – pollution,
traffic congestion, isolation – in the sprawling Lite City also forms
an ecology, one held together not by citizenship but by toxicity.
When pollution becomes visible (both in the air and in the health
statistics), when water is fouled by industrial and agricultural
waste, and when traffic congestion and commuting become a
recurring and nagging problem, today’s suburban agencies, from
the market to the public sector, seem
unable to cope; they are unwilling to
tackle the often politically sensitive
issues of paying for the cleanup of
“unintended surplus”. Here is where
community loyalty is needed, but as
Marquand observes, “it can be forged
only in the social realm protected from
market power” 3 , a power now dominating
all aspects of the Lite City. The project
to construct a community loyalty
enabling citizens to work together as
equals and professionals to give advice
because they are respected entails a
lengthy and complicated process: such
loyalty is highly spontaneous and
remains dispersed in many camps
where, like yeast, it waits to ferment its
surroundings. Success will depend on
a widespread fermentation encompassing
state agencies, charities,
NGOs, trade unions, and voluntary
associations. Private interests committed
to the public good may contribute,
too. Most of all, such loyalty
requires a cultural shift away from selfabsorbed
private interests to a sense
of common urgency, one that in the end
leads to common action – to citizenship.
The alternatives are all too familiar:
a new set of military-like missions,
such as the great freeway project in the
US instigated by President
Eisenhower, Congress, and industry
interests, all beyond the reach of the
citizenry.
In my view the creation of a public
domain, in whatever forms it needs to
take, is the task of the public, in whatever
form it will take.
The Bright Side
Is it possible for human settlements to
survive as vast archipelagos of defensible
pockets of privacy, built and
developed by a cadre of developers in
close tandem with the public sector?
Looking out over the spring-green
canopy of trees, the bustling building
activity, and the steady flow of SUVs
on the freeway in Houston, I find my
first answer is a reluctant yes. But for
how long will the side effects of all
these uncoordinated “positivities”
remain unnoticed until, like unwanted
heat in an experiment, they proliferate
into a huge toxic envelope enclosing
not only the poor but the rich and the
privileged? All will share the same
toxic ecology spontaneously constructed
of air pollution, ozone formation on
paved surfaces and millions of asphaltshingled
roofs, nitrate accumulations
in the groundwater, and heavy metals
in the ground, the whole bound up in
traffic congestion and the isolation of
the elderly and the young. And how will
this toxicity interact with the new posi-
tivities in the form of ever-smarter
mobs? Will a new guerilla warfare
evolve, first as vigilante Seattle-like
actions to “shut down the polluters”
and later as political action groups
gripped with the realization that we are
all culprits of the toxicity? Perhaps
such groups will affect elections and
so finally insert a wedge between the
purely private and the so-called “public
sector”, now the handmaidens of private
interests. At that time the Lite City
will wake up from its Cinderella sleep
and join the glamorous history of the
City as it takes the next step in its evolution.
1. Lakewood.com: The Lakewood Church, currently
located outside Houston’s Inner Loop, in
2005 will move inside the Loop and so join the
general flight back to the city. The former
Compaq Center, a site for sports and entertainment,
is being transformed into the Lakewood
International Center
2. David Marquand, Decline of the Public: The
Hollowing-Out of Citizenship (Cambridge,
England: Polity Press, 2004), p. 27
3. Marquand, p. 28
23

24
Nikolaus Kuhnert
L’architecture off désigne un nouveau
type de culture en réseau. De
Hambourg à Leipzig, de Cologne à
Berlin, de plus en plus de groupes
s’associent et se définissent
comme des “groupes de travail
mobile”. Simultanément dans les
villes, des plateaux se constituent:
un grand nombre d’architectes ont
recours aux échanges, se font
connaître du public, travaillent en
réseau.
Architectes off 1960 / 2000
Cette nouvelle culture en réseau
commence en Off. Elle se caractérise
par l’abandon de l’égomanie de
la génération paternelle. Des
réseaux apparaissent en substitution
aux architectes stars.
Aujourd’hui, ces réseaux s’appellent
Netzwerke AA_Anonyme
Architekten, osa_Office for subversive
Architecture, Team 444,
Raumlabor, SNAG (Super New
Action Group), tandis que dans les
années soixante ils se nommaient
Coop Himmelb(l)au, Haus-Rucker-
Co et Missing Link. Que signifie
cette nouvelle vague (allemande)
de réseaux?
Dans les années soixante, les noms
étaient un programme. Ils représentaient
une nouvelle culture politique,
analogue à la culture pop, en
partie même inspirée par celle-ci,
alors qu’aujourd’hui ils se justifient
différemment.
«Les groupes se constituent pour
une occasion, un projet, puis se dissocient
de nouveau ou continuent à
exister en tant que potentialité. On
reste en contact, on garde le label et
si un nouveau projet se présente:
let’s (start again) ». La structure
ouverte des réseaux, ainsi définie
par Christophe Dell, n’est en fait à
première vue qu’un mode de gestion
d’une crise due à des conditions
économiques pitoyables.
L’état des commandes et les perspectives
économiques ne permettent
guère les engagements à long
terme et encore moins une adresse
fixe. Les groupes vivent de travaux
alimentaires. L’un travaille une fois
là, une fois ailleurs, pendant que
l’autre a un poste à l’université et
que le troisième passe son diplôme.
Comparativement, les années 1960
donnent l’impression d’avoir été un
pays de cocagne. Un optimisme
novateur permanent et peu entaché
par la critique régnait alors. Une
fois les dommages de guerre disparus,
les villes commencèrent à se
moderniser profondément, tout
d’abord au niveau de leur infrastructure,
puis des cités périphéri-
Architecture off
ques simultanément à la réhabilitation de quartiers
ouvriers situés à l’intérieur des villes. Les
architectes radicaux ont été les premiers à s’élever
contre ce mouvement moderne déprécié visant à
la modernisation. Cela démarra en Angleterre
avec Archigram, puis en Italie avec Superstudio et
Archizoom et en Autriche, avec Coop-
Himmelb(l)au, Haus-Rucker-Co et Missing Link,
pour finir dans toute l’Europe. Le programme, ainsi
que l’écrit Wilfried Kühn en prenant l’exemple de
la situation en Autriche, tentait de baser la culture
sur la politique et de renoncer à un message de
combat, ce qui paraît étrangement paradoxal
aujourd’hui: «Tout est architecture » (Hans
Hollein).
Les écrits de Reyner Banham, réédités sous le titre
Design by Choice, constituent un indicateur des
combats culturels des années 1960 qui se retrouvaient
dans cette déclaration. Ils procurent une
impression exacte des bouleversements se profilant
après la fin du Fordisme. L’objet du débat était
une culture égalitaire: se libérer de fausses
contraintes et recouvrer la liberté ici et
aujourd’hui. Bien que ce programme se soit attaché
même aux détails –au sein des bureaux d’architecture
une nouvelle familiarité avait cours, on
se tutoyait, les hiérarchies semblaient abolies et si
ce n’était pas le cas, leur fondement était objectif
– l’égalitarisme euphorique n’a pas préservé ces
groupes du fait que, de façon sous-jacente, un certain
degré d’égomanie et plus tard, avec la réussite
économique, un certain degré de culte du
génie, inconnus jusque-là, puissent se développer:
Archigram – Peter Cook, OMA – Rem Koolhaas,
Coop-Himmelb(l)au – Wolf Prix, Missing Link –
Adolf Krischanitz. D’anciens architectes radicaux
étaient devenus des stars et les groupes égalitaires,
des machines de travail ancestrales.
Le «projet de l’architecture conceptuelle impulsé
par l’Architettura Radicale (demeure malgré sa fin
peu glorieuse) la promesse à tenir » (Kühn) des
années 1960. Ce projet a pourtant essayé pour la
première fois de thématiser le changement culturel
intervenu lors du passage de la société industrielle
à la société de consommation. Un moyen fut
de se réfugier dans l’art pour mobiliser son potentiel
subversif. Mais, à la différence des années
1960, aujourd’hui ni le fait de se réfugier dans l’art
ou de se replier dans l’architecture ne sont d’une
quelconque aide. Car aujourd’hui le problème,
c’est l’architecture. La formulation pointue de
Wilfried Kühn, «Aujourd’hui, une génération plus
tard, tout n’est pas architecture, mais l’architecture
est tout » signifie: la société de masse a
usurpé l’architecture depuis longtemps et l’a déconstruite
en international styling, les radicaux
d’autrefois étant les protagonistes de ce tournant.
Cette évolution est irréversible et ne peut être
annulée que ce soit par l’évocation du caractère
statique de l’architecture ou par l’exagération de
son caractère symbolique comme on le croit dans
la tradition d’Aldo Rossi (IBA Neu / Planwerk
Innenstadt) ou de Robert Venturi. Le temps est
également passé outre ces espoirs.
Utilisation intermédiaire, construction intermédiaire,
ville intermédiaire
Une autre voie semble être plus instructive. Elle
interroge la potentialité de la ville et tente de la
Off Architecture
saisir dans des stratégies allant des questions de l’utilisation
à celles de l’architecture et de la ville. Il faut en outre ajouter
que la question de la potentialité de la ville ne peut être
confondue avec une compréhension traditionnelle du vide, ce
qui se conçoit aisément lorsque l’on se rappelle que les
débats autour du “Enable” – l’incitation à, la stimulation à –
renvoient aux deux grands projets d’Alison et Peter
Smithson et d’Oswald M.Ungers: Berlin – la ville ouverte, et
Berlin – l’archipel urbain vert. Cela signifie qu’en insistant sur
la potentialité de la ville, il ne faut pas attiser à nouveau un
débat autour du «vide, du rien, du Nevada conceptuel »
(Koolhaas), des espaces intermédiaires entre les
“Landcastles” (Smithson) ou les “archipels” (Ungers).
L’accent se trouve plutôt mis sur la ville dans son ensemble et
à cet égard sur la «ville dans la forme du possible », ainsi que
la nomme Urs Füssler, alors que Wilfried Kühn reconnaît de
toute façon que ce décalage de l’accent est une condition
préalable des “pratiques situatives”. Ce revirement n’est pas
non plus nouveau au sens propre. Città analoga ou Entwerfen
und Denken in Vorstellungen, Metaphern und Analogien de
Rossi ou Ungers l‘anticipaient. À l’inverse, le réalisme sans
illusion est nouveau. Il projette des questions de l’architecture
non plus sur les contre-mondes d’une Città analoga ou
d’une ville européenne, mais voit dans la ville, comme elle est
“trouvée” – “as found” disait-on dans les années 1960 – uniquement
la matière de «situations qui incitaient à penser à
l’avenir, à faire des projets dans l’avenir, à progresser »
(Füssler). Il s’agit d’une ville post-européenne et d’une mise
en situation qui ne sont plus liées dans un projet envahissant,
motivé politiquement. Aujourd’hui, la devise pourrait être non
plus progetto e utopia, mais progetto e realismo, à l’exemple
de Manfredo Tafuri.
Dans un manifeste rétroactif pour Berlin, Wilfried Kühn pose
les bases de cette mise en situation. Le point de départ se
trouve dans les efforts des Smithson à lire la ville d’aprèsguerre
avec les yeux de Guy Debord et à passer à un nouveau
concept de ville. Ce concept ordonne la ville non plus d’après
la dichotomie moderniste de la vieille ville et de la ville nouvelle,
mais d’après les “Landcastles” et “Greenways”, archipels
et vides, «lieux de densité atmosphérique » et de flux de
circulation. Il permet ainsi d’identifier les «générateur(s) defacto
d’urbanité » que Wilfried Kühn repère dans des «projets
situatifs. Berlin aujourd’hui: (le) projet Urban Catalyst [...]
intitulé Utilisation intermédiaire du Palais de la
République». Avec ce projet, le groupe Studio Urban
Catalyst essaie de réaffecter de façon productive le Palais de
la République de Berlin, actuellement vide, afin d’essayer,
d’une part, de trouver de nouvelles utilisations pour des bâtiments
inoccupés et, d’autre part, de faire de la politique pour
et avec ces concepts d’utilisation. Car il est prévu de raser le
Palais de la République et de le remplacer par un remake du
Château de Berlin démoli dans les années 1950.
Dans sa présentation, l’agence Urban Catalyst explique
qu’avec les utilisations intermédiaires, il ne peut plus s’agir
«de concevoir des espaces pour un programme donné», mais
de trouver des programmes pour des espaces donnés, de
développer un projet, de déclencher une campagne de médias
et de faire un travail d’intérêts à la manière du lobbying. Cela
veut dire : devenir actif et communicatif dans chaque situation
spécifique.
Des projets comme celui de l’Utilisation intermédiaire du
Palais ne sont plus orientés ni sur l’objet, ni sur le processus
au sens classique du terme. Il s’agit d’une orientation sur le
processus qui est l’un des nouveaux sujets dominants. Les
projets d’utilisation intermédiaire sont des projets de mouvement
classiques. Ils veulent s’immiscer, mettre quelque
chose en mouvement, mais ne pas se réduire à mobiliser des
militants de projets. Politiquement, ils se voient d’une
manière différente de celle des années 1960. Ils recherchent la
publicité, et non plus la contre-publicité, mais la publicité
dominante des médias afin d’éveiller l’attention et l’intérêt
pour la publicité partielle du projet. Pour cela ils ont recours à
toutes les techniques possibles pouvant permettre au projet
de communiquer, qu’il s’agisse de bandes dessinées, de logiciels
d’animations ou d’images informatiques pour visualiser
le contexte politique, de plans ou de maquettes pour l’articulation
du programme – à chaque fois il s’agit de rendre le projet
apte à la communication indépendamment des techniques
et des médias utilisés. La communication se trouve alors à
égalité avec la fonction, donc à côté de l’arsenal traditionnel
des techniques architectoniques. Plus encore: la communication
devient un mode de projet autonome, avec ses pratiques
spécifiques qui s’approprient et refaçonnent l’arsenal des
techniques. Ainsi se dessinent les contours d’un nouveau profil
professionnel: l’architecte en tant qu’acteur de communication;
à ce titre, il réagit progressivement au déclin de la
publicité bourgeoise: d’une part, en essayant de réactiver le
flux d’informations interrompu entre le caractère partiellement
public et le caractère totalement public des médias et,
d’autre part, du fait que pour réussir à imposer le projet, il
crée des partenariats qui passent au-dessus des partis dans
le but d’appliquer une politique réaliste et réalisable pour le
projet.
Le projet Utilisation intermédiaire du Palais montre en outre
à quel réalisme conceptuel a conduit le tournant situationniste
de la théorie architecturale. Une utilisation intermédiaire
est générée à partir d’un “contenant vide”, une
construction intermédiaire et une ville intermédiaire à partir
d’une architecture conceptuelle. Des concepts qui étaient
autrefois le privilège de cercles d’architecture s’apprêtent à
passer entre les mains de la majorité. L’utilisation intermédiaire
du Palais de la République peut mobiliser l’opinion
publique alors que le renvoi à la potentialité abstraite du
Palais désaffecté demeure académique.
Il faut encore remarquer qu’à la différence de la ville intermédiaire,
le concept de construction intermédiaire désigne pour
le moment et avant tout une perspective. Alors que la désignation
de ville intermédiaire s’est imposée pour la ville fondée
sur la voiture, pour la ville post-européenne, celle donc
des agglomérats fonctionnels de type insulaire et reliés
ensemble par des voies de circulation à vitesse variable. Elle
a remplacé les anciennes désignations de sprawl et metropolitan
area; les derniers exemples de construction intermédiaire
remontent au métabolisme des années 1960.
Mégastructures et cellules. Le métabolisme était la première
tentative par accentuation du service et de la cellule habitat,
à donner forme aux besoins modifiés d’après l’individualisme
et les liens interchangeables. Alors que le langage formel du
métabolisme s’est apparemment épuisé, la tendance à l’individualisme
ne s’est pas seulement développée mais s’est
aussi élargie socialement. Pourtant, la ville post-européenne,
tout comme les conditions d’existence individualistes qui lui
correspondent, manque apparemment de représentations
claires. Nous cherchons à saisir ces représentations avec les
concepts de construction intermédiaire et de ville intermédiaire
et à les anticiper en termes de politique de l’architecture.
Bureau plus, projet plus, architecture plus
Christopher Dell voit naître dans ces groupes une nouvelle
“sociabilité light” utilisant “l’amitié (comme) force de motivation”.
Même si l’on ne va pas jusqu’à y voir déjà les signes
précurseurs d’un nouveau contrat de social, l’on peut tout de
même affirmer que les débuts d’un changement de génération
se dessinent. Cela s’exprime d’abord et avant tout dans
la question du profil professionnel et dans le fait de savoir
sous quelle forme appréhender les besoins de communication
des sociétés de masse.
Deuxième exemple: la façade-médias de la
Kunsthaus de Graz en Autriche –Maison de l’Art –
du groupe Realities United, résultant de l’association
[kunst und technik]eV, dont le profil professionnel
varie en fonction des situations, entre planificateurs
de médias, programmeurs d’interfaces
et designers, n’ont pu obtenir la mission de développement
de la façade media de la Kunsthaus de
Graz que lorsqu’il est devenu de plus en plus manifeste
que le concept de départ des architectes
Peter Cook et Colin Fournier ne devait pas être
réalisé. La façade était conçue comme une “membrane
communicative”; “communicative” signifiant
un lien; la diffusion de la lumière étant restée
indéterminée lors du concours. La pénétration de
la lumière devait se faire au moyen de ce que l’on
appelle des “canons de lumière”, sortes d’yeux
sortant de la façade, et de plaques acryliques
transparentes intégrées dans la façade. Ce dernier
point n’a pas pu être réalisé et le premier demeure
presque inefficace.
Ce n’est qu’avec l’installation d’une façademédias
entre le soubassement et l’enveloppe latérale
en plexiglas que le concept de départ d’une
“membrane communicative” a pu être réalisé au
moins en partie. Dans la réalité, la façade est une
machine énorme avec une interface et un modulateur
visuel qui traite les informations et organise
les vues. Par sa fonction d’interface, la façade
informe au moyen de textes, d’icônes et de films
du programme en cours à la Kunsthaus et par làmême
agrandit sa surface d’exposition à presque
1000 m 2 – pour les installations et les performances,
tandis que par sa fonction de modulateur visuel et,
tout comme pour l’Appartement Charles de
Beistegui de Le Corbusier, elle dégage seulement
certaines vues sur la ville: sur le Schloßberg, sur la
vieille ville et ses environs.
Contrairement à l’impression d’une transparence
inondée de lumière donnée par la Kunsthaus du
fait de sa “peau” en plexiglas pré-exposée, les salles
d’exposition sont isolées hermétiquement du
monde extérieur. Guidé par les escaliers roulants,
stimulé par de la musique, on glisse jusqu’aux salles
d’exposition situées au premier et au deuxième
étages pour pénétrer ensuite au sein de ce
“friendly alien” ainsi que Peter Cook et Colin
Fournier ont eux-mêmes baptisé leur vaisseau
spatial ayant atterri de façon si inopinée à Graz.
Du reste, il n’y a qu’à Graz qu’il pouvait s’arrimer
car la ville devenait capitale culturelle de l’Europe
en 2003. Cette impression de vaisseau spatial se
renforce encore lorsqu’on repart de la Kunsthaus,
en particulier le soir, lorsque le bâtiment s’enfonce
dans le gris de la nuit et que les icônes de la
façade-médias resplendissent alors d’autant plus
clairement dans le ciel sombre.
Cette façade-médias est l’événement de la
Kunsthaus de Graz. Grâce à elle et en très peu de
temps, la Kunsthaus de Graz est elle-même devenue
une icône.
Issue des exigences contradictoires de communication
et de lévitation, la façade-médias y répond
unilatéralement dans le sens de la communication
et anticipe ainsi un conflit inter-générations touchant
au futur profil professionnel des architectes.
Des générations qui se retrouvent face à face dans
le conflit: d’une part, une jeune génération ayant
une grande compétence en matière de communication
et un profil professionnel incertain; d’autre
part, un architecte-star ayant un
profil professionnel généraliste et
un flair sûr de ce qui est moderne.
La question porte sur la perspective
professionnelle des architectes:
l’architecte va-t-il évoluer vers l’acteur
de communication et le médiateur
afin de satisfaire aux exigences
de communication des sociétés
de masse développées, ou bien vat-il
rester le généraliste d’autrefois
qui, en raison de ces évolutions, se
recroqueville encore un peu plus
dans sa coquille? La question de la
compétence communicative est le
premier tournant décisif:
La compétence communicative
commence. Le bureau n’est plus le
bureau classique. Le bureau est une
salle d’exposition, une plate-forme
de discussion, un bar. Bureau plus.
Elle se poursuit par le projet. Le projet
n’est plus le projet classique. Le
projet est communicatif, situatif et
temporaire. Projet plus.
Et elle se termine par l’architecture.
L’architecture n’est plus l’architecture
classique. L’architecture est
une architecture communicative :
Architecture plus. archplus.
Ce facteur “plus” ouvre des perspectives.
Les débats et les pratiques
à venir auront pour tâche de les
dégager.
Cet article est une version révisée de l’éditorial
de Off-Architektur 1, Szenen, archplus
166, octobre 2003; les citations sont de
Christopher Dell, Improvisation braucht
Methode. Sieben Takes; Urs Füssler, Das
Carambol-Prinzip; et de Wilfried Kühn,
Situationen, Modelle entnommen, Off-
Architektur 1 und 2, Szenen und Netzwerke,
archplus 166 und 167, octobre 2003.
25

26
Off architecture means a new type of network culture.
From Hamburg to Leipzig, from Cologne to Berlin, more
and more groups are joining together and describing
themselves as “mobile work groups”. Forums are being
set up simultaneously in cities, and a great many architects
are having recourse to exchanges, are becoming
known to the public, and are working in networks.
Off architects 1960 / 2000
This new network culture started out as an “off” phenomenon
– as in “off”-Broadway. It was hallmarked by
abandoning the egomania of its fathers’ generation.
Networks appeared to replace star architects. Today,
these networks have names such as Netzwerke AA-
Anonyme Architekten, osa-Office for Subversive
Architecture, Team 444, Raumlabor, and SNAG (Super
New Action Group), while in the 1960s they were called
Coop Himmelb(l)au, HausRuckerCo and Missing Link.
What is the significance of this new (German) wave of
networks?
In the 1960s, names were a programme. They represented
a new political culture, akin to Pop culture, and even
partly inspired thereby, whereas today they invite a different
explanation.
“Groups are formed for an occasion, a project, and then
break up again, or else carry on existing as a potential
collective. People stay in touch, keep the label, and if a
new project turns up, say: Let’s (start again)”. The open
structure of networks, thus defined by Christopher
Dell, is actually at first glance just a method of managing
a crisis due to lamentable economic conditions. The
state of commissions and orders, and the economic
prospects were scarcely favourable to long-term commitments,
and even less so to a fixed address. Groups
merely made ends meet. People worked here one day,
there the next, while others worked at universities and
others still studied for degrees. Comparatively speaking,
the 1960s gave the impression of having been a
milk-and-honey period. At that time there reigned an
on-going innovative optimism, barely tarnished by criticism.
Once the damage left by the war had vanished,
cities started to undergo far-reaching modernization,
first and foremost at the level of their infrastructure,
then in the form of outlying housing complexes, at the
same time as the rehabilitation of working-class neighbourhoods
in inner city areas. Radical architects were
the first to rise up against this much-disparaged modern
movement aimed at modernization. This movement
started in England with Archigram, then in Italy with
Superstudio and Archizoom, and Austria, with Coop-
Himmelb(l)au, Haus-Rucker-Co and Missing Link, and
ending up all over Europe. The programme, as written
by Wilfried Kühn, taking the example of the Austrian
situation, tried to base culture on politics, and give up
any combative message, which seems oddly paradoxical
these days: “Everything is architecture” (Hans
Hollein). The writings of Reyner Banham, reissued
under the title Design by Choice are a pointer to the cultural
battles of the 1960s, which recurred in this declaration.
They give a precise impression of the upheavals
taking shape after the end of Fordism. The discussion
topic was an egalitarian culture: working free from
phoney restrictions and recovering freedom here and
today. Although this programme focused on details,
too, within architecture offices there was a new familiarity,
people called each other by their first names, and
hierarchies seemed done away with; and if this was not
so, their foundation was objective – euphoric egalitarianism
did not preserve these groups because, in an
underlying way, a certain degree of egomania and, later on, with
economic success, a certain degree of genius cult, hitherto
unknown, were able to develop: Archigram – Peter Cook, OMA –
Rem Koolhaas, CoopHimmelb(l)au – Wolf Prix, Missing Link –
Adolf Krischanitz. Old radical architects had become stars and
egalitarian groups had turned into ancestral work machines.
The “project of conceptual architecture driven by Radical
Architecture (which had little glory in spite of its end) [was] the
promise to be kept” (Kühn) of the 1960s. This project nevertheless
tried for the first time to render thematic the cultural change occurring
as industrial society shifted to consumer society. One way was
to take refuge in art, so as to mobilize its subversive potential. But
unlike in the 1960s, these days neither the fact of taking refuge in art
nor a retreat into architecture offer any assistance whatsoever.
Because, today, the problem is architecture. The specific formulation
made by Wilfried Kühn: “Today, a generation later, not everything
is architecture, but architecture is everything”, means that the
mass society usurped architecture long ago and deconstructed it
as international styling; and the radicals of yore were leading players
in this turning-point. This development is irreversible and cannot
be cancelled out, be it by the evocation of the static character of
architecture or by the exaggeration of its symbolic character as we
think of it in the tradition of Aldo Rossi (IBA Neu / Planwerk
Innenstadt) or Robert Venturi. Time has also moved beyond these
hopes.
Intermediate use, intermediate construction,
intermediate city
Another way seems to be more instructive. It questions the potential
of the city and tries to grasp it within strategies ranging from
issues of usage to issues of architecture and city. It should also be
added that the issue of the city’s potential should not be muddled
with a traditional understanding of the void, something which can
easily be conceived when one remembers that the discussions
around the idea of “Enable”-incitation..., stimulation...”– refer to the
two major projects of Alison and Peter Smithson and Oswald
M.Ungers: Berlin – open city, and Berlin – green urban archipelago.
This means that by stressing the city’s potential, it is not necessary
to once more stir up a discussion around the “void, nothingness,
conceptual Nevada” (Koolhaas) of the intermediate spaces
between “Landcastles” (Smithson) and “archipelagos” (Ungers).
The accent tends to be put on the city as a whole and in this respect
on the “city in the form of the possible”, as Urs Füssler calls it,
whereas Wilfried Kühn in any event recognizes that this lapse of
accent is a prior condition of “situative practices”. Nor is this
about-face new, in the strict sense. Città analoga and Entwerfen und
Denken in Vorstellungen, Metaphern und Analogien proposed by
Rossi and Ungers anticipated it. Conversely, realism without illusion
was new. It no longer projected questions of architecture onto
the counter-worlds of a Città analoga or a European city, but saw in
the city – ”as found”, as people said in the 1960s – solely the matter
of “situations which prompted thoughts of the future, of executing
projects in the future, and progressing” (Füssler). What was
involved was a post-European city and a situation which were no
longer associated in an invasive and politically motivated project.
Today, the motto might be no longer progetto e utopia, but progetto e
realismo, following the example of Manfredo Tafuri.
In a retroactive exhibition for Berlin, Wilfried Kühn laid the foundations
of this situation. The point of departure lay in the Smithsons’
efforts to read the postwar city through the eyes of Guy Debord,
and move towards a new urban concept. This concept organized the
city no longer in accordance with the modernist dichotomy of the
old city and the new city, but based on the “Landcastles” and
“Greenways”, archipelagos and voids of “places of atmospheric
density” and circulation flows. It thus helped to identify the “de
facto generators of urbanity”, which Wilfried Kühn located in “situative
projects. Berlin today: [the] Urban Catalyst project [...] titled
Intermediate Use of the Palace of the Republic”. With this project, the
Studio Urban Catalyst group tried to
productively rehabilitate and reassign
the Palace of the Republic in Berlin,
currently empty, in order to try, on the
one hand, to find new uses for the
unoccupied buildings and, on the other,
come up with policies for and with
these concepts of use. For there was a
plan to level the Palace of the Republic
and replace it with a remake of Berlin
Castle, which was demolished in the
1950s. In its presentation, the Urban
Catalyst agency explained that with
intermediate uses it could no longer be
a matter of “designing spaces for a
given programme”, but of finding programmes
for given spaces, developing
a project, triggering a media campaign,
and working for interests, rather like
lobbying. This means: becoming active
and communicative in every specific
situation. Projects like the intermediate
use of the Palace are no longer oriented
either towards the object, or
towards the process, in the classic
meaning of the word. What is involved
is not an orientation towards the
process, which is one of the new predominant
subjects. Intermediate use
projects are classic projects involving
movement. Their intent is to interfere,
put something in motion, but not to be
reduced to mobilizing project activists.
Politically speaking, they see themselves
differently from the way they
saw themselves in the 1960s. They are
looking for publicity, not counter-publicity
any more, but the predominant
publicity of the media, in order to catch
attention to and interest in the partial
advertisement of the project. To this
end they have recourse to all possible
techniques – and technology – capable
of getting the project to communicate,
be it in the form of comic strips, animation
software, or computer-generated
images for visualizing the political context,
plans and maquettes for the
arrangement of the programme – whenever
it is a question of making the programme
suitable for communication
independently of the techniques and
media used. Communication is thus on
a par with function, so it sits alongside
the traditional arsenal of architectonic
techniques. Further: communication
becomes a type of autonomous project,
with its specific practices which appropriate
and refashion the arsenal of
techniques. This is how the outlines of
a new professional profile are taking
shape: the architect as someone
involved in communications; in this
respect, he reacts progressively to the
decline of bourgeois advertising: on the
one hand by trying to reactivate the
interrupted flow of information
between the partly public character
and the totally public character of the
media and, on the other, by the fact
that, in order to successfully impose the project, he creates partnerships
which pass over the parties with the aim of applying a
realistic and realizable policy for the project. The Intermediate Use
project for the Palace also shows the kind of conceptual realism to
which the Situationist turning-point of architectural theory led. An
intermediate use is generated from an “empty container”, an intermediate
construction and an intermediate city from a conceptual
architecture. Concepts which were once the privilege of architectural
circles are getting ready to pass into the hands of the majority.
The intermediate use of the Palace of the Republic can mobilize
public opinion while the reference to the abstract potential of the
disused Palace remains academic. It is also worth noting that,
unlike the intermediate city, the concept of intermediate construction
designates for the time being, and above all, a perspective.
While the intermediate city designation has been imposed upon
the city based on the automobile, for the post-European city – the
city, that is, of insular functional clusters, linked together by variable-speed
circulation thoroughfares. This has replaced the old
designations of “sprawl” and “metropolitan area”; the latest examples
of intermediate construction go back to the metabolism of the
1960s. Megastructures and cells. Metabolism was the first attempt,
by emphasizing services and habitat cells, to give shape to requirements
altered by individualism and interchangeable links. While the
formal language of metabolism has apparently run out of steam, the
tendency towards individualism has not just developed, but also
broadened, socially speaking. However, the post-European city, just
like the individualist conditions of existence corresponding to it,
apparently lacks clear representations. We are trying to understand
these representations with the intermediate construction and city
concepts, and anticipate them in terms of architectural policy.
Office plus, project plus, architecture plus
Christopher Dell sees the emergence in these groups of a new
“light sociability” using “friendship (as) motivating force”. Even if
we do not go as far as seeing the forewarnings of a new social contract
here, it is all the same possible to assert that the first stirrings
of a change of generation are appearing. This is expressed first and
foremost in the issue of the professional profile and in the fact of
knowing in what form one is to understand the communication
requirements of mass societies. Second example: the mediafaçade
of the Graz Kunsthaus (Art Centre) in Austria, designed by
the Realities United group, issuing from the [kunst und technik]eV
association, whose professional profile varies from one situation to
the next, between media planners, interface programmers and
designers, which only clinched the job of developing the Graz
Kunsthaus media-façade when it become increasingly obvious that
the essential concept proposed by the architects Peter Cook and
Colin Fournier was not going to be carried through. The façade was
designed as a “communicative membrane”; “communicative”
meaning a link; the light distribution remained indeterminate during
the competition. The penetration of light into the building was to be
achieved by means of what is called “light cannons”, which are eyelike
features jutting from the façade, and transparent acrylic sheets
incorporated in the façade. This last point was never realized and
the first is still more or less ineffectual. It was only with the installation
of a media façade between the foundations and the lateral
plexiglas envelope that the basic concept of a “communicative
membrane” was at least partly executed. In reality, the façade is an
enormous machine with an interface and a visual modulator which
processes information and data and organizes views. Through its
interface function, the façade informs by way of texts, icons and
films of the programme in progress at the Kunsthaus, and thereby
enlarges its exhibition area to almost 1000 sq.m / 10,750 sq.ft-for
installations and performances-, while, through its visual modulator
function and, just as with the Charles Beistegui Apartment by
Le Corbusier, it only singles out certain views over the city: across
to the Schlossberg, the old city, and its environs. Unlike the impression
of something transparent awash with light, as given by the
Kunsthaus by means of its pre-exposed plexiglas “skin”, the exhibi-
tion rooms of the Kunsthaus are hermetically insulated
from the outside world. Guided by escalators, stimulated
by music, you glide to the exhibition rooms located
on the first and second floors, to then make your way
inside this “friendly alien” – as Peter Cook and Colin
Fournier themselves christened their spaceship which
had landed in such an unexpected way in Graz. What is
more, it is only at Graz that it was able to find a mooring,
because Graz was Europe’s cultural capital in 2003.
This spaceship impression is further heightened when
you leave the Kunsthaus, at night in particular, when the
building is plunged into the greyness of night, and the
icons on the media-façade shine forth all the more
brightly against the dark sky. This media-façade is the
Graz Kunsthaus event. Because of it, and in no time
whatsoever, the Graz Kunsthaus has itself become an
icon. Originating from contradictory requirements of
communication and levitation, the media-façade
responds unilaterally to them in the sense of communication,
and thus anticipates an inter-generational dispute
to do with the future professional profile of architects.
Generations which find themselves face-to-face
in the duel: on the one hand, a young generation with a
great deal of competence communications-wise, and a
vague professional profile; on the other, a star-architect
with a general practitioner’s professional profile and a
sure hunch about what is modern. The issue involves
the professional prospect of architects: will the architect
evolve towards the communication figure and the
mediator in order to meet the communication needs of
developed mass societies, or alternatively will he
remain the general practitioner of old who, because of
these developments, huddles a little deeper still into
his shell? The matter of communicative competence is
the first decisive turning-point:
Communicative competence begins. The office is no
longer the classic office. The office is an exhibition
room, a discussion platform, a bar. Office plus.
It proceeds by way of the project. The project is no
longer the classic project. The project is communicative,
situative and temporary. Project plus.
And it ends with architecture. Architecture is no longer
classic architecture. Architecture is a communicative
architecture: architecture plus. archplus.
This “plus” factor is opening up prospects. The task of
forthcoming discussions and activities will be to sort
them out.
This article is a revised version of the editorial in Off-Architektur 1,
Szenen, archplus 166, October 2003; the quotations are from
Christopher Dell, Improvisation braucht Method. Sieben Takes; Urs
Füssler, Das Carambol-Prinzip; and from Wilfried Kühn, Situationen,
Modelle entnommen, Off-Architektur 1 und 2, Szenen und Netzwerke,
archplus 166 und 167, October 2003.
27

28
Friedrich von Borries
Mainstream-Paradise – Hip Hop,
Baskets et espace urbain
Music Runs the City
New York, 3 novembre 2003.
Sean Jean Combs alias P. Diddy
alias Puff Daddy, Rap-Star, compositeur
et également créateur de
mode depuis deux ans, court le
marathon. Plusieurs gardes du
corps l’accompagnent, il porte un
jogging Nike blanc et des Nike Air
Shoxs NX. Les chaussures sont de
fabrication spéciale et doivent atténuer
les problèmes de genoux de
Combs. Pour chaque mile parcouru,
il collecte des dons financiers destinés
à des institutions sociales soutenant
des jeunes défavorisés. À la
fin de l’opération, deux millions de
dollars ont été réunis.
Combs veut non seulement aider les
jeunes au niveau financier mais
également montrer, par son investissement,
que la discipline et la
recherche de performances sont
des qualités positives. La campagne
“Diddy Runs the City“ est soutenue
par des partenaires comme
McDonald, MTV, Pepsi et Nike.
“Nike a André Agassi et Tiger
Woods“, explique Combs, “et maintenant
ils m’ont aussi“.
Le 21 janvier 2003, Adidas présente
une édition spéciale de l’Ultrastar
dédiée au co-fondateur du groupe
Run-DMC, Jason Mizell alias Jam
Master Jay, tué par balle dans le
Queens (New York) en 2002. La
chaussure comportant la photo et la
signature de Jam Master Jay est
fabriquée à 5000 exemplaires et
n’est en vente que dans certaines
boutiques Adidas ainsi que dans le
magasin de chaussures de sport
préféré de Run-DMC, Moe’s
Sneaker Spot, situé dans le quartier
de Jamaica dans le Queens. Le
produit de la vente de la JMJ
Ultrastar est vendue 100 dollars au
profit du programme de bourses de
la NYC Scratch DJ Academy fondée
par Mizell. Lorsque le groupe
Run DMC –ou ce qu’il en reste – est
apparu sur scène au cours des MTV
Video Music Awards 2003, environ
300 invités portant des chaussures
Adidas blanches firent des signes
aux caméras.
Début 2003, Nike a également présenté
un “Rapper-Sneaker“: la
Nike Air Burst blanche et grise,
aussi appelée “Shady Burst“, est
en vente au prix de 120 dollars dans
des Niketowns sélectionnées (San
Francisco, New York City, Las
Vegas, Hawaii, Chicago). Marshall
Débrouillards au Mainstream-
Paradise! Hip Hop, Nike
et Corporate Situationism
Mathers alias Eminem alias Slim Shady en a fait
lui-même l’esquisse. Mille exemplaires numérotés
de la chaussure portent ses logos en plusieurs
endroits: “E” sur la semelle intérieure, “Air Slim
Shady” sur la languette et “Shady Records“ sur la
semelle. Le produit de la vente est reversé à
Marshall Mathers Foundation qui apporte son soutien
à des jeunes défavorisés. Sur Internet, la
Shady Burst se vend actuellement au prix de 400
euros environ.
Ghetto Culture
Apparu dans les années 70 dans les “ghettos” du
sud du Bronx new-yorkais, le Hip Hop raconte la
vie quotidienne et urbaine de la Black
Community: l’envie de consommer, le sexe, la drogue,
la violence et le rêve d’argent facile. Le
groupe Run DMC fondé en 1982 a permis au rap noir
de devenir un phénomène courant et remporte un
certain succès commercial. Ainsi, à la différence
des “pères fondateurs” du rap, ils ne se présentaient
pas en uniformes fantaisistes et funky mais
en vêtements de ville, tenue du combat quotidien
pour la survie – vêtements noirs et chaussures de
sport blanches.
«My Adidas / walk through concert doors / and
roam all over coliseum floors / I stepped on stage,
at Live Aid / All the people gave an applause that
paid / And out of speakers I did speak / I wore my
sneakers but I’m not a sneak / My Adidas cuts the
sand of a foreign land / with mic in hand I cold took
command / my Adidas and me both askin P / we
make a good team my Adidas and me /we get
around together, rhyme forever / and we won’t be
mad when worn in bad weather / My Adidas./My
Adidas.. / My Adidas / they’re black and white,
white with black stripe / the ones I like to wear
when I rock the mic / (...).» 1 – Vingt ans après My
Adidas, le Hip Hop est un courant musical dominant
et passe sur toutes les stations de radio et
émissions musicales à travers le monde. Le Hip
Hop représente la structure mentale des jeunes,
reflète leur détachement dans notre société et leur
désir de liberté tout comme leur désir de richesse –
une culture de jeunesse qui est à la fois une protestation
et une affirmation.
Le rappeur idéal est issu de la classe sociale inférieure
noire, a déjà vendu de la drogue et est
sexiste. Étant originaire du ghetto urbain, il lui
semble légitime d’exhiber de façon excessive les
signes extérieurs de richesse pour prouver son succès.
Et en même temps, il peut raconter avec
authenticité des affaires de drogue, de meurtre et
de guerre des gangs. Ainsi parle-t-il aussi bien des
gens de la base qui n’ont pas accès aux produits
de luxe de notre culture de consommation, que de
ceux qui, faisant partie de la couche moyenne
consommatrice, rêvent d’une alternative à leur
ennui et leur vie ordinaire. Avec lui, la culture du
ghetto – combat pour la survie, drogue, violence –
est stylisée en une attitude artistique. Le succès
global du Hip Hop repose sur la combinaison de la
promesse de bonheur de la révolte pop des années
soixante (sexualité excessive, envie d’ivresse,
satisfaction immédiate des besoins) et des lois du
marché du capitalisme (compétition, culte des
stars, fétichisme de la consommation). Le ghetto
sert alors de scène à une parabole concernant le
Smart guys in Mainstream-Paradise!
Hip Hop, Nike and Corporate
Situationism
combat pour la survie dans un capitalisme globalisé.
Urban Survival
Le Hip Hop et les chaussures de sport forment, avec l’image
de la culture de ghetto, la sainte Trinité du Mainstream-
Paradise dans la société de compétition capitaliste. Le
ghetto reproduit la dureté de l’espace urbain quotidien – il
caricature en tous les cas le fait que nous nous croyons à une
distance de sécurité, le rap se pare pour le moment d’une aura
d’improvisation dans la structure répétitive d’un monde
homme-machine ; et les chaussures de sport incarnent une
disposition au combat dans une compétition permanente (fit
for survival), les conditions d’existence économiques de l’urbanité
moderne – souple, dynamique, compétitive – sont intériorisées
comme un style de vie. En tant qu’élément de la
tenue de combat urbaine (Jil Sander, Prada, Donna Karan), la
chaussure de sport symbolise un double point de vue, un
besoin de “s’enfuir”: à la fois un désir de libération d’une
pression concurrentielle au sein d’une société désolidarisée;
et une la promesse d’une épreuve remportée dans cette
société justement compétitive.
Branding contre débrouillards ou la Sub-Culture
comme moyen de collaboration?
Image de marques et construction d’identité
“Branding“ signifie attribuer une identité à une famille de
produits, la doter d’attributs émotionnels afin de la rendre
ainsi attrayante pour le consommateur, lequel s’intéresse
moins à un produit qu’à un attribut du produit comme offre
d’identification. Les exemples clairs décrits précédemment
permettent ainsi de comprendre les croisements complexes
qui existent dans les stratégies actuelles de marketing entre
produits de consommation (ici: les chaussures de sport),
biens culturels (ici: le hip hop) et espace urbain (ici: le
ghetto). Au moyen d’ attributs qui lui sont offerts, le consommateur
élabore son style comme un manifeste d’une identité
artificielle.
Les consommateurs adoptent, non sans les modifier, les
offres d’identification spécifiques aux marques imaginées
par les stratèges du marketing mais les distillent, les recodent
et les recollent dans un contexte identitaire individuel
plus vaste. Le consommateur est récalcitrant, il suit sa propre
idée et est créatif. Consommer devient un acte créateur qui
est productif en soi. C’est ainsi que Michel de Certeau décrivait
le consommateur comme un débrouillard astucieux et
subversif: «le pendant à une production rationalisée, expansive
(…) et spectaculaire est une autre production qui est qualifiée
de “consommation”: celle-ci est astucieuse et dispersée
mais elle se propage partout sans faire de bruit et de
façon presque invisible car elle ne s’exprime pas par des produits
particuliers mais par la manière de côtoyer les produits
imposés par un ordre économique dominant.» 2
Ce mode de comportement pourrait alors être compris
comme le triomphe du consommateur subversif sur les stratégies
de marketing – si ces dernières ne s’étaient pas emparées
depuis longtemps de ce soit-disant débrouillard subversif.
Car, au cours des récentes évolutions de la politique des
marques et de la recherche de tendance, l’idéal des consommateurs
formulé par Certeau au début des années 80 est sorti
de ses gonds dans les années 90. Depuis, les consommateurs
astucieux – appelés “Early Adaptors” dans le jargon – sont
observés, courtisés, intégrés, et, par leurs nouveaux styles,
donnent le ton à la collection suivante. Par exemple, un
Global Player tel H&M a besoin de trois semaines exactement
pour transposer une tendance épiée en un produit très à
la mode, en vente dans ses magasins. 3
Événement de marques et production clandestine
“Just do it” est le message central énoncé par l’image de
marque de Nike depuis 1988 – un slogan qui invite à sortir de la
vie quotidienne. Pour la firme, “Just do it” est aussi l’appel à
une nouvelle idée de soi que l’on pourrait nommer “The Nike
Way Of Life”. Au sens de “Just do it”, non seulement le champion
couronné de succès est apte à devenir un héros Nike,
mais aussi le vieux monsieur de quatre-vingts ans qui va
encore faire son jogging. Vivre cet esprit Nike signifie “aller
au-delà de ses propres limites”. Et “Just do it” de signifier que
chacun peut réussir à se libérer des entraves qu’il s’est luimême
imposées.
Une des images les plus claires de ces entraves est la ville
réglementée et son train-train. Un spot publicitaire de Nike
des années 90 indique clairement ce que “Just do it” peut
signifier pour l’urbanité. Il montre un match de tennis entre
André Agassi et Pete Sampras sur la Cinquième Avenue, au
centre de New York. Lorsque la rue devient un court de tennis
et le trottoir une tribune, le mode fonctionnel de la ville semble
levé, la logique du quotidien violée. En associant Agassi,
le génie enfant terrible, et Sampras, l’athlète de perfection,
Nike a mis en scène par ce clip publicitaire, le rêve par lequel
briser le principe “same shit, different day”. Dans un contexte
de routine quotidienne citadine, la pratique du sport devient
un acte de libération. Just do it.
Naturellement André Agassi et Pete Sampras ne sont que
des représentants, des écrans de projection. Nous mêmes ne
sommes pas destinés à vivre ce genre de choses. Mais, afin
de pénétrer dans la mémoire et les émotions des consommateurs
et ainsi au centre de la construction identitaire, la possibilité
doit être offerte à l’acheteur potentiel de faire l’expérience
de l’image de marque dans son propre corps. Ainsi,
Nike a organisé différents événements à Berlin depuis qu’y a
été ouverte la Niketown en 1999, qui ont fait de l’espace
urbain un espace de marques temporaire. Lors de ces animations,
il était possible de vivre le “Just do it” comme une
action personnelle. Parmi ces interventions, on peut citer le
fameux “Nikepark”, le “Nike-Eventspace” sur le terrain de
l’ancien stade de la jeunesse mondiale, la “Bezirksbattle”
(pour laquelle des équipes de football se sont formées dans
différents quartiers de la ville avec la coopération de l’inspection
académique), ou encore les cours de sport pour les jeunes
des zones à problèmes telles que le Kreuzberg et enfin, la
campagne “Show Your Freestyle” qui a été étendue à toute
l’Allemagne.
Grâce à ces interventions, la marque Nike est non seulement
devenue un acteur de la ville mais aussi l’un de ses créateurs.
À Berlin, la firme (tout comme d’autres marques d’ailleurs)
fait fonction de sponsor, de partenaire et de promoteur de différentes
scènes sub-culturelles déterminant une tendance.
Nike essaie en outre et de plus en plus fréquemment, de s’introduire
par des “opérations masquées” dans le code source
culturel du groupe cible “en scène: les jeunes jusqu’à 35 ans”.
Des actions discrètes comme l’ouverture d’un club temporaire
au cœur de Berlin (Presto-Lounge) ainsi que l’essai très
publicitaire d’utiliser le Palais de la République comme Nike-
Eventspace temporaire avec des exploitants de club et des
artistes originaires de la sub-culture berlinoise, comptent
parmi ces manifestations.
Ces évolutions ne sont pas les dernières à remettre violemment
en cause l’image romantique de “débrouillard subversif”
du consommateur. Le débrouillard a-t-il revu ses priorités
et serait-il devenu un collaborateur, une aide docile du marketing
global ? Des métropoles comme Berlin ou Londres se
sont-elles transformées en laboratoires surdimensionnés de
styles de vie et de tendances de la vie quotidienne, en champs
expérimentaux pour lanceurs de mode et chercheurs
de tendance auxquels font solidairement
appel les sub-cultures et les services de
marketing? La sub-culture est-elle devenue, parallèlement
à la solution progressive de la différence
entre production et consommation, un style avantgardiste
“volontaire” du marketing global?
La ville future comme espace de marques
Les Niketowns peuvent être considérées comme
le point de départ et le centre organisationnel
d’actions et d’interventions par lesquelles la firme
essaie de pénétrer dans la structure mentale de la
ville. On suppose à la base de cette tentative
d’empiètement dans la “mental map” qu’un
“Mainstream-Paradise” est le rêve de la plupart
des personnes appartenant à la classe moyenne
globale, paradis dans lequel sont offerts des événements
directement consommables et de qualité
constante qui permettent de vérifier sans cesse la
construction identitaire personnelle. Le marketing
urbain de Nike équivaut dans ce cas à une tentative
de réalisation des Niketowns en tant que fragment
de ce Mainstream-Paradise dans la ville
réelle. Pour les stratèges du groupe, espace urbain
signifie avant tout “destination événementielle
spécifique aux marques”. Dans ce contexte, les
campagnes de marketing berlinoises de Nike
acquièrent une nouvelle signification culturelle
puisqu’elles participent d’une manière avant-gardiste
à ériger une ville de marques à venir. Lors de
la campagne en faveur de l’ouverture d’une
Niketown à Berlin en 1999, d’autres moyens présentaient
déjà cette continuité de Niketown. Les
affiches annonçaient : “Des stades, il y en plus que
tu ne crois. L’un d’entre eux se trouve directement
sous ce poster.” Ce n’est pas seulement le grand
magasin de sport de Tauentzien qui est la vraie
Niketown mais toute la ville. Welcome to
Niketown.
“La grande civilisation à venir va construire des
situations et des aventures” écrivaient les
Lettristes internationaux en 1954: “Une science de
la vie est possible. L’aventurier est davantage
celui qui laisse l’aventure arriver plutôt que celui à
qui elle arrive. (...) La part de chaque petit hasard,
que l’on nomme destinée, va se réduire. Pour cela,
une architecture, un urbanisme et une expression
plastique puissante dont nous possédons les premiers
fondements se rejoignent”. 4 Étude de marché,
étude de tendance, brandscaping – valorisation
de la marque, mise en scène d’atmosphères
spécifiques au groupe contribuent-elles à une
“science de la vie”? Les interventions urbaines de
Nike sont-elles les “situations et les aventures”
d’une civilisation à venir?
Corporate Situationism – résistance ou affirmation?
Les dernières utopies et leur feinte
Si l’on applique le cliché du “situationnisme” aux
campagnes urbaines de Nike, l’on finit par se
poser la question qui peut sourdre au cœur de la
conception élargie de Niketown et de modèle de
“ville comme espace d’événement spécifique à la
marque“: avons-nous affaire dans la Niketown
imaginaire à une satisfaction affirmative, devenue
commerciale, de la vision d’une ville situationniste
– le Corporate-Situationism-Mainstream-
Paradise? 5
L’urbanisme de Nike présente des
similitudes non seulement avec la
critique drastique de la ville mais
aussi avec le modèle emphatique
d’une “autre ville pour une autre
vie“ telle qu’elle a été défendue par
les situationnistes. D’une part, le
groupe d’articles de sport représente
la ville existant réellement
comme un espace réglementé et
limitatif et, d’autre part, il veut la
transformer en un espace événementiel
plein de tensions. La
Niketown imaginaire en tant que
mise en scène ou simulation d’une
meilleure réalité réagit précisément
à chacun des abus de la ville
moderne, également désignés par
Debord et ses compagnons :
absence d’enchantement, d’inconnu,
d’imprévisible. Les espaces
de marques urbains remplissent
ainsi justement chaque brèche vide
de sens que l’urbanisme moderne a
ouvert dans la ville en la divisant
fonctionnellement et en éliminant
tout ce qui est méprisable, impénétrable
et sombre.
La ville des situationnistes devait
être marquée par la survenance
d’événements fortuits et par la
modification et le renversement
constants des rapports dominants.
C’est pourquoi, ils voulaient relayer
le ‘zoning’ fonctionnel par une ville
du jeu et de l’aventure: “Nous
revendiquons l’aventure. Certains
se mettent à la chercher sur la lune
puisqu’ils ne la trouvent plus sur la
terre. Nous, nous misons tout
d’abord et en permanence sur un
changement sur cette terre. Notre
projet est de créer des situations ici
– des situations nouvelles. Nous
tenons compte de la violation des
lois qui entravent le développement
d’activités efficaces dans la vie et
dans la culture. Nous sommes au
début d’une nouvelle ère et
essayons de concevoir dès
aujourd’hui l’image d’une vie heureuse
et d’un urbanisme unitaire –
l’urbanisme pour le plaisir.” 6
Lorsque Nike transforme un tunnel
de métro en une rampe pour skateurs,
lorsque l’on peut y jouer au
basket et au football, les règles légitimes
de la ville rationnellement
planifiée sont alors remises en
cause pour un temps – ceci ne correspond-il
pas à une désaffectation,
à un détournement au sens
strict des situationnistes ? Et si cela
se passe non pas dans n’importe
quelle station de métro mais dans
celle se trouvant sous le Reichstag 29

30
– après tout le siège du pouvoir législatif, Nike
montre alors des possibilités d’utilisation de la
ville qui se rapprochent totalement de celles des
situationnistes. Avec une différence importante
cependant: alors que les Situationnistes recherchaient
la liberté, l’excès, le Corporate
Situationism spécifique aux marques recherche
une image assurée, contrôlable et consommable
de la liberté. Nike n’a pas pour objectif une forme
de vie libertaire mais une illusion de marketing 7 ,
laquelle produit une absence de liberté. Et simultanément
masque celle-ci. Il semble que les agences
de marketing globales aient appris quelque chose
des promesses de bonheur des mouvements artistiques
du 20 ème siècle et des divers mouvements de
guérilla politiques et artistiques. Car la Niketown
comme paradis des possibilités d’exploration
mises en scène et contrôlées n’a rien d’une feinte
soigneusement élaborée.
Contre-courant
Cette stratégie de l’adaptation des formes d’expression
de la culture de protestation se trouve
confrontée aujourd’hui à une certaine résistance à
la monopolisation insidieuse et à la transformation
des espaces publics par Nike et d’autres firmes,
ou à la volonté de manifester au moins un
certain contre-courant – mais ces aspirations tournent
toujours court du fait de leur manque de voix
ou sont de plus en plus poussées par les stratèges
du marketing à “tourner la page”. Adidas a ainsi
engagé le pirate de marques, Ora-Ito, comme designer
de produits, 8 et Nike a également essayé de
s’adjoindre des artistes du mouvement Street-Art
pour créer ses campagnes publicitaires. 9 De quoi
ont donc l’air les formes de protestation et les tactiques
de guérilla si les stratèges du marketing
eux-mêmes sont des guérilleros recrutés par les
Global Players?
Vienne, début de l’automne 2003. Sur la Karlsplatz
se trouve un container Nike informant que la
Karlsplatz sera rebaptisée “place Nike” au début
de l’année 2004 et qu’une sculpture ‘Swoosh’ de 36
mètres de long doit y être placée. Un site Internet
présente ce projet, ayant pour titre “Nikeground –
Re-Thinking Space” 10 , de façon détaillée et avec
un esthétisme Nike parfait. D’après la page Web,
les grandes places de 13 villes du monde ne commémoreront
plus le souvenir de rois ou de généraux
décédés mais porteront le nom de Nike. Un
mouvement de défense s’élève contre cette scandaleuse
annonce. Quelques jours après l’installation
du container, Nike fait clairement savoir qu’il
ne s’agit en aucun cas d’une campagne publicitaire
de la firme et la ville de Vienne conteste
l’existence de toutes négociations avec Nike sur le
fait de rebaptiser la Karlplatz. Mais très vite, le
container et le mouvement de défense se révèlent
être une mise en scène critique des marques due à
Public Netbase, plate-forme viennoise et artistique
de communication, et au collectif artistique
italien 0100101110101101.ORG – tromperie médiatique
ayant pour objectif de tenter d’éveiller l’attention
à la domination de l’économie dans tous les
domaines de la vie.
Californie, 1993. Des activistes du Front de
Libération de Barbie achètent 300 poupées Barbie:
le modèle “Talking Barbie” et son pendant masculin
“Talking G.I. Joe”. Ils ouvrent l’emballage avec
précaution, démontent les poupées et échangent leurs puces
vocales. Puis, ils remballent le tout et replacent les poupées
dans les rayons. La silhouette de soldat se met alors à demander
“I love school. Don’t you?” tandis que la poupée féminine
déclare d’une voix martiale “Dead men tell no lies”. Cette
action qui a eu beaucoup d’écho dans les médias voulait
prouver l’existence de clichés liés au sexe.
Ces deux formes de protestation sont équivalentes dans leur
utilisation tactique de l’économie de l’éveil médiatique. Elles
ont essayé d’être aussi spectaculaires que possible et d’avoir
une résonance médiatique importante afin, par ce biais, de
renforcer l’effet de ces actions. Dans les deux types de processus,
on a essayé d’inverser la répartition inégale des forces
entre les groupes de protestation opérant localement et
les entreprises agissant mondialement. Cette stratégie
consistant à éveiller l’attention a été décrite par Herfried
Münkler comme un comportement typique pour les conflits
asymétriques dans le développement du terrorisme et de la
guérilla. 11 Tout aussi f ructueuses que soient ces campagnes
au niveau de leur résonance médiatique et tout autant qu’elles
puissent contribuer à faire prendre conscience du problème
– il reste un inconvénient: de par leur structure même,
elles sont défensives et demeurent affirmatives malgré leur
contre-courant. Pour parvenir à être efficaces au sein d’une
économie de l’éveil, les actions sont contraintes de se soumettre
à cette logique qu’elles essaient justement de critiquer:
la logique du marketing. Elles ne présentent ainsi
aucune alternative positive, aucun contre-modèle à l’impératif
du devoir-acheter.
Le bâtisseur de rêves
Que signifie tout cela pour les architectes? L’idéal situationniste
d’un architecte est celui d’un créateur de processus et
d’atmosphères qui apporte de l’espace à l’épanouissement
de la liberté individuelle: “The architect (...) will henceforth
be a builder not of single forms but of complete ambiences.” 12
L’architecte du Corporate-Situationnism-Mainstream-
Paradise est aussi le concepteur de mondes de la sensation
et du vécu. Il ne conçoit toutefois pas d’espaces libres au
sens situationiste mais uniquement des intérieurs de spectacle,
spécifiques aux marques. Et il en est ainsi pour chaque
“whore” que Philip Johnson a désigné comme role model à la
corporation des architectes. Le repli, fréquent aujourd’hui,
dans l’esthétisme et la technologie qui libère superficiellement
de la “collaboration” n’épargnera pas aux architectes et
aux urbanistes une révision fondamentale de leur domaine
d’attributions. Au contraire – se réjouissant d’éventuelles
passations de commande, ils concevront des espaces physiques
et médiatiques dans lesquels des aventures et des situations
liées à une marque pourront être découvertes et vécues
dangereusement. “Goodbye” le maître d’œuvre – “hello” le
bâtisseur de rêves !
Le bâtisseur de rêves est une putain, il guette les commandes
lucratives. Il doit être offensif face aux modifications des
conditions et des exigences de la réalité, abandonner le rigorisme
moraliste et esthétique des temps modernes et se
consacrer à la place aux pratiques quotidiennes de la
consommation d’événements. Contrairement aux consommateurs-débrouillards
à la Michel de Certeau, il ne succombe
pas à l’idée fausse de se croire en avance par rapport à ses
adversaires. Le bâtisseur de rêves qui se prostitue avec fierté
ne sait que trop bien que la prétendue avance du débrouillard
n’est que de courte durée, que ses soi-disant astuces de résistance
ne sont usurpées que pour des améliorations immanentes
au système. Mais si l’architecte veut être plus qu’un
débrouillard inconséquent, l’absence excessive de scrupules
est recommandée. Il n’y a plus guère que l’architect without
attitude radicalement opportuniste, oscillant entre marché,
avant-garde et critique, et donnant
le vertige à ses opposants par sa
danse derviche exagérée qui, par
ses tactiques d’utilisation de l’espace,
est capable de garantir des
événements non déterminés et
ainsi quelque chose proche de la
liberté. 13
Friedrich von Borries est architecte et tacticien
d’espace à Berlin de même qu’éditeur
de la Collection Blindstadt (www.blindstadt.de)
1. Guy-Ernest Debord, Gil J. Wolman et. al.
(Internationale lettriste): “Antwort auf die
Frage“ (1954), in: Roberto Ohrt: Phantom
Avantgarde. Eine Geschichte der
Situationistischen Internationale und der
modernen Kunst , Hamburg 1990, S. 79
2. Voir Tom Holert: “Brainware im
Strukturwandel“, in: Sven Ehmann, Axel
Fischer, Krystian Woznicki (Hrsg.):
Sneakers etc., Berlin 2002. – Le concept
“Corporate Situationism“ m’est apparu
pour la première fois en tant que mot-clé
dans l’interview cité et n’a, jusqu’à présent,
pas été davantage développé par Holert
3. Constant: “Eine andere Stadt für ein
anderes Leben” (1959), in: Der Beginn einer
Epoche. Texte der Situationisten, Hamburg
1995, S. 80
4. Voir Ada Louise Huxtable: The Unreal
America, New York 1997, S. 90ff
5. C’est au moins ce que rapportait le magazine
Page dans son édition 10 / 2003. Pour
moi, une telle demande n’a pas encore reçu
de réponse d’Ora-ito. L’annonce semble crédible
dans la mesure où les marques piratées
n’apparaissent pour le moment sur le
site Web d’Ora-Ito que sur le lien “old page“.
6. Voir Swoon / toyshop: “I want to be part of
the city that I live in“, in: arranca! Numéro
28, hiver 2003 / 2004
7. Voir www.nikeground.com
8. Voir Herfried Münkler: Die neuen Kriege,
Reinbek bei Hamburg 2003, page 189 et suivantes
9. Constant: “Rapport inaugural de la
Conférence de Munich “ (1959), in:
Mark Wigley: Constant’s New Babylon,
Rotterdam 1998, page 101
10. Voir également dans ce sens: Anna
Klingmann: “Flüssiger Postmodernismus“,
in: Regina Bittner (Editeur): Event City,
Frankfurt/Main 2001, page 333
Mainstream-Paradise – Hip Hop, Sneakers and Urban Space
Music Runs the City
New York, 3 November 2003.
Sean Jean Combs alias P. Diddy alias Puff Daddy, Rap-Star, composer
and also fashion creator for the last two years, is running the
marathon. Several bodyguards are accompanying him. He is wearing
a white Nike sweat suit and Nike Air Shoxs NX. The shoes have
been specially made and are needed to alleviate Combs’ knee problems.
For each mile covered, he collects donations on behalf of
social welfare institutions helping disadvantaged young people. By
the end of the operation, $2 million had been collected.
Combs not only wants to help the young financially, he wants to
demonstrate, by his investment, that discipline and the search for
performance are positive qualities. The “Diddy Runs the City“ campaign
is supported by partners such as McDonalds, MTV, Pepsi and
Nike. “Nike has André Agassi and Tiger Woods”, explained Combs,
“and now they have me too”.
On the 21 January 2003, Adidas presented a special edition of
Ultrastar dedicated to the co-founder of the group Run-DMC,
Jason Mizell alias Jam Master Jay, shot dead in Queens (New York)
in 2002. 5,000 examples of the shoe carrying the photo and signature
of Jam Master Jay were produced and sold in selected Adidas boutiques
as well as the favourite sports shoe shop of Run-DMC,
Moe’s Sneaker Spot in the Jamaica neighbourhood of Queens.
Revenue from the sale of the JMJ Ultrastar sold for $100 was
donated to the grants programme of the NYC Scratch DJ Academy
founded by Mizell. When the group Run DMC – or what remains of it
– appeared on stage during the MTV Video Music Awards 2003,
around 300 guests wearing white Adidas shoes signalled to the
cameras.
At the beginning of 2003, Nike also presented a “Rapper-Sneaker”:
the white and grey Nike Air Burst, also called the “Shady Burst”,
sold for $120 in selected Niketowns (San Francisco, New York City,
Las Vegas, Hawaii, Chicago). Marshall Mathers alias Eminem alias
Slim Shady was himself the designer. A thousand numbered pairs
of the shoe carried his logos in several areas : “E” on the inner sole,
“Air Slim Shady” on the tongue and “Shady Records“ on the sole.
Income from the sale was given to the Marshall Mather’s
Foundation supporting young disadvantaged persons. On the
Internet, the Shady Burst is currently selling for around 400.
Ghetto Culture
First seen in the 1970s in the ghettos of the south of the New York
Bronx, Hip Hop relates the daily urban life of the Black community:
the need to consume, sex, drugs, violence and dreams of easy
money. The group Run DMC formed in 1982 helped Black rap
become a common phenomenon and achieve some commercial
success. Unlike the “founding fathers” of rap, they did not wear
funky fantasy clothes but appeared in town wear, daily combat kit
for survival – black clothes and white sports shoes.
“My Adidas/ walk through concert doors/ and roam all over coliseum
floors/ I stepped on stage, at Live Aid/ All the people gave an
applause that paid/ And out of speakers I did speak/ I wore my
sneakers but I’m not a sneak/ My Adidas cuts the sand of a foreign
land/ with mic in hand I cold took command/ my Adidas and me
both askin P/ we make a good team my Adidas and me/ we get
around together, rhyme forever/ and we won’t be mad when worn in
bad weather/ My Adidas./ My Adidas../ My Adidas/ they’re black
and white, white with black stripes/ the ones I like to wear when I
rock the mic/ (...).” 1 – 20 years after “my Adidas”, hip Hop has
become a dominant musical current heard on radio stations and
music shows throughout the world. Hip Hop is a representation of
the mental structure of the young, reflecting their detachment from
society and their desire for liberty and wealth – a youth culture that
is both a protestation and an affirmation.
The ideal rapper comes from the Black lower classes, has already
sold drugs and is sexist. Coming from the urban ghetto, it seems
legitimate for him to ostentatiously exhibit outward signs of wealth
to prove his success. At the same time he can recount with authen-
ticity drug deals, murders and gang warfare. He can
talk of ordinary people who don’t have access to the
luxury products of our consumer culture, and those,
who, coming from the consumer middle-class, dream of
an alternative to their boredom and humdrum lives. For
him, the ghetto culture – the combat for survival, drugs
and violence – has been stylised into an artistic pose.
Global success of Hip Hop is based on a combination
of a promise of gratification stemming from the pop
revolt of the 1960s (excessive sexuality, intoxication, the
immediate satisfaction of needs) and the market laws
of capitalism (competition, the star cult, consumer
fetishism). The ghetto in this context is the scene of a
parable representing a fight for survival amid global
capitalism.
Urban Survival
Hip Hop and sports shoes form, with the ghetto culture
image, the holy trinity of the Mainstream Paradise in
competitive capitalist society. The ghetto reflects the
severity of day-to-day urban conditions – in any case, it
shows that we believe ourselves to be at a secure distance.
Rap surrounds itself with an aura of improvisation
within the repetitive structure of a man-machine
world; and sports shoes personify a combative attitude
within a continuously competitive environment (fit for
survival). The conditions of economic existence in the
modern urban environment – flexible, dynamic, competitive
– have been internalised into a lifestyle. As an
item of urban combat clothing (Jil Sander, Prada,
Donna Karan), sports shoes symbolise a dual viewpoint:
a need to “run away” – a desire to liberate oneself
from competitive pressures within a fragmented
society; and the proof that a race has been won in this
same competitive society.
Branding versus Smart Guys or the Sub-Culture
as a Way of Collaborating?
Brand image and identity construction
“Branding” signifies attributing an identity to a family
of products, providing it with emotional symbolism so
as to make it more attractive to consumers who are
more interested in the product’s symbolism as a means
of identification than the product itself. The clear examples
described beforehand enable us to understand the
complex interlinkings that exist in current marketing
strategies between articles of consumption (here,
sports shoes), cultural phenomena (here, hip hop) and
urban space (here, the ghetto). Through the symbols
the consumer is offered, he can create a style, a manifesto
for an artificial identity.
Consumers adopt, not without making changes, the
specific elements of identification in brands imagined
by marketing strategists, but filter, recode and reuse
them in a wider context of personal identification. The
consumer is recalcitrant, has his own ideas and is creative.
Consumption becomes a creative act which is in
itself productive. Michel de Certeau described consumers
as subversive but astute “smart guys” : “the
counterpart of rational, expansive and spectacular production
is another production that is known as “consumption”:
this is clever and widely dispersed but
occurs everywhere silently and almost invisibly as it is
not expressed through specific products but by the way
in which the products imposed by the dominant economic
order are perceived.” 2
This mode of behaviour can be understood as the triumph
of the subversive consumer over marketing
strategists – if only the latter had not for a long time
already vanquished the so-called subversive
“smart guy”. Following changes
in brand policies and a search for new
trends, the consumer ideal formulated
by Certeau in the 1980s became
unhinged in the 1990s. Since then,
smart consumers – so-called “Early
Adapters” in the jargon – have been
observed, courted, integrated, and,
through their new styles, provide the
tone for new collections. For example, a
Global Player such as H&M needs
exactly three weeks to convert a trend it
has detected into a highly fashionable
product on sale in its shops. 3
The coming of brands and clandestine
production
“Just do it” is the key message provided
by the brand image of Nike since
1988 – a slogan that invites us to escape
daily life. For the firm, “Just do it” is
also a call for a new perception of the
self, one that can be called “The Nike
Way of life”. In the message of “Just do
it”, it is not only the champion crowned
with success that is able to become a
Nike hero, but also the old gentleman
of 80 years of age who is still jogging.
Living the Nike spirit means “going
beyond one’s own limits”. And “Just do
it” signifies that anybody can succeed
in breaking out of the shackles he has
imposed on himself.
One of the most obvious of these
shackles is the regulated city and its
humdrum routines. An advertising spot
for Nike in the 1990s clearly indicated
what “Just do it” can signify for urban
living. It showed a tennis match
between André Agassi and Pete
Sampras on Fifth Avenue in the centre
of New York. When a road becomes a
tennis court and a pavement a grandstand,
the functional workings of the
city appear to have been suspended
and the logic of daily life violated. By
associating Agassi, the gifted enfant
terrible, and Sampras, the perfect athlete,
Nike illustrated with this advertising
clip a dream that shattered the
expression “same shit, different day“.
In the context of day-to-day town life,
the practice of sport becomes an act of
liberation. Just do it.
Naturally André Agassi and Pete
Sampras are only representatives, projection
screens. We ourselves are not
meant to live this sort of experience.
But in order to be able to penetrate the
memory and emotions of consumers
and thereby access the construction of
their inner identities, potential buyers
have to be able to experience the
brand’s image within their own bodies.
Accordingly, Nike has organised several
events in Berlin since the opening of
Nike town in 1999, transforming the
urban environment into an environment
31

32
for temporary brands. During these events, it was possible
to live “Just do it” as a personal affirmation.
Among these occurrences can be cited the famous
“Nikepark”, the “Nike-Event space” on the grounds of
the former world youth stadium, the “Bezirksbattle”
(for which a number of football teams were created in
various neighbourhoods with the cooperation of the
school authorities), sports training for the young in
problem areas such as Kreuzberg and, lastly, the “Show
your Freestyle” campaign which was extended to the
whole of Germany.
As a result of the these events, the Nike brand has not
only become an urban player but also one of its creators.
In Berlin, the firm (like other brands), plays the
role of sponsor, partner and promoter for various trendsetting
subculture scenes. Nike is also trying, and
increasingly frequently, to get involved via “concealed
operations” in the cultural source code of the target
group: “on stage: young persons up to 35 years of age”.
Discreet initiatives such as the opening of a temporary
club in the heart of Berlin (Presto-Lounge) or the highly
publicised attempt to use the Republic Palace as a temporary
Nike-Eventspace with club managers and artists
drawn from the Berlin sub-culture, are just some of
these events.
These trends are not the last ones to fundamentally call
into question the romantic image of the consumer as a
“subversive smart guy”. Has the smart guy changed his
priorities and become a collaborator, a docile assistant
for global marketing? Have metropolises such as Berlin
and London been transformed into oversized laboratories
of lifestyles and trends, large-scale experiments
for fashion and trend setters, serving the needs of subcultures
and marketing strategists? Has the subculture,
like the progressive shift in relations between production
and consumption, become a “voluntary”
adjunct of global marketing.
The town of the future, a playground for brands
Niketowns can be considered as the starting point and
the organisational centre for action and initiatives by
the firm in its attempt to penetrate the mental structure
of the town. One supposes that lying behind this
attempt to encroach on the “mental map” is the fact
that the “Mainstream Paradise” is the dream of the
majority of the global middle-class, a paradise in which
directly consumable events are on offer, of constant
quality and enabling the construction of personal identities
to be constantly verified. Nike’s urban marketing
is equivalent therefore to an attempt to create
Niketowns as a fragment of Mainstream Paradise in
actual towns. For group strategists, urban space signifies
“event-oriented locations specific to brands”. In
this context, the Berlin marketing campaigns of Nike
acquire new cultural significance as they participate in
an avant-garde manner in creating a future “city of
brands”. During the campaign in support of the opening
of a Niketown in Berlin in 1999, other resources were
already available suggesting Niketown continuity.
Posters announced: “Stadiums: there are more of them
than you think. One of them is directly beneath this
poster.” It’s not just the Tauentzien sports shop that is
the real Niketown but the town as a whole. Welcome to
Niketown”.
“The great civilisation that is coming is going to create
situations and adventures” wrote international Lettrists
in 1954: “A science of life is possible”. The adventurer is
more someone who lets adventures happen than someone
to whom they happen. (...) The share of chance
events, what we refer to as destiny, is diminishing. For
that to happen, architecture, urbanism
and a powerful form of plastic expression,
the basis of which we already possess,
need to come together”. 1 Market
studies, trend studies, brandscaping –
brand enhancement, the creation of
specific group atmospheres, do they
contribute to a “science of life”? Nike’s
urban events, are they the “situations
and adventures, of a future civilisation?
Corporate Situationism –
Resistance or Affirmation?
The last utopias and rusing
If one applies the cliche of “situationism”
to the urban campaigns of Nike,
one ends up asking the question that
can emerge at the heart of the wider
concept of Niketown and the model of
the town “as a space for specific brand
events”: are we dealing, in the imaginary
Niketown, with an affirmative, but
now commercial satisfaction, of the
vision of a situationist town – the
Corporate-Situationist-Mainstream-
Paradise? 2
Nike’s urbanism has similarities not
only with a drastic critique of the town
but also with the emphatic model of
“another town for another life” argued
for by situationists. On the one hand,
the family of sports articles represents
the town as a regulated and defined
space and, on the other, it wants to
transform it into an event-oriented
space full of tensions. The imaginary
Niketown, as a production or simulation
of a better reality, reacts, specifically,
to each injustice of the modern
town, also pointed out by Debord and
his companions: an absence of
enchantment, of the unknown, of the
unpredictable. Areas for urban brands
can therefore step into every breach
empty of meaning that modern urbanism
has opened up in the town, dividing
it up functionally and eliminating everything
that is contemptible, incomprehensible
and dismal.
A Situationist town needs to be
marked by the emergence of surprise
events and by changes and constant
upheavals to dominant forces. Which is
why they wanted to replace functional
zoning by towns full of games and
adventure: “We want adventure. Some
people begin to look on the moon when
they cannot find it on earth. We, first of
all, and continuously, are looking for
change on this earth. Our project is to
create situations here – new situations.
We consider violating laws that prevent
the development of effective action in
our lives and culture. We are at the
beginning of a new age and are trying
to conjure up an image of a happy life
and a unified urbanism – urbanism for
pleasure.” 3
When Nike transforms an underground
tunnel into a ramp for skaters, and when one can play football or
basketball there, the legitimate rules of a rationally planned town
are called into question for a time – does this not correspond to a
suspension, a diversion in the strict meaning of the situationists?
And if that occurs not just in any subway station but in the one
under the Reichstag – after all the seat of legislative power – then
Nike shows how the town can be used in a way that is entirely similar
to that desired by the situationists. With one important difference
however: while the situationists were looking for liberty and
excess, corporate situationism specific to brands is looking for a
stable, controllable and consumable image of freedom. Nike’s
objective is not a form of free lifestyle but a marketing illusion 4
which in fact creates the opposite. And at the same time masks it. It
would seem that the global marketing agencies have learned something
from the promises of happiness that emerged from the artistic
movements of the 20 th century and various artistic and political
guerrilla movements. Niketowns as paradises for directed and controlled
exploration can in no way be considered carefully constructed
ruses.
Counter-current
The strategy of adapting expressive forms of protest culture is
today coming up against a certain amount of resistance to what is
perceived as an insidious monopolisation and transformation of
public areas by Nike and other firms, or at least a desire to affirm a
counter-current – but these aspirations are short lived for lack of
support and are increasingly pushed aside by marketing strategists
wanting to “turn the page”. Adidas has engaged the brand pirate
Ora-Ito as a product designer 5 and Nike has also tried to employ
artists from the Street-Art movement to create its advertising campaign.
6 What form do they take then these protest and guerrilla tactics
if marketing strategists themselves are guerrillas recruited by
Global Players?
Vienna at the beginning of autumn 2003. On the Karlsplatz is a Nike
container informing the public that the Karlsplatz is due to be
renamed “Nike Square” at the beginning of 2004 and that a
“Swoosh” sculpture 36 metres long is going to be erected there. An
Internet site presents this project with the title “Nikeground – Re-
Thinking Space” 7 , giving details and with perfect Nike aesthetics.
According to the Web page, all the major squares in 13 towns
throughout the world will no longer be commemorating the memory
of kings or dead generals but will carry the name of Nike. A defence
movement emerges to contest the scandalous announcement. A
few days after setting up the container, Nike clearly indicated that it
was in no way an advertising campaign for the firm and the city of
Vienna denied the existence of any negotiations with Nike on
renaming Karlplatz. Shortly afterwards, the container and the
defence movement turn out to be a staged event criticising brands
by Public Netbase, a Viennese artistic communications platform,
and the Italian art group 0100101110101101.ORG – a media deception
aimed at drawing attention to the domination of economics in every
area of life.
California, 1993. Activists of the Barbie Liberation Front buy 300
Barbie dolls: the “Talking Barbie” model and its masculine equivalent
“Talking GI Joe”. They carefully opened the packaging, took
apart the dolls and exchanged their vocal chips. They then repacked
everything and put the dolls back on the shelves. The silhouette of
the soldier then began to ask “I love school, don’t you?” while the
female doll declared with a martial voice “Dead men tell no lies”.
The event, which was widely reported on in the media, was an
attempt to demonstrate the existence of sex-related cliches.
Both these forms of protest are equivalent in their tactical use of
the awakening economy. They attempt to be as spectacular as possible
and to create a substantial impact in the media to strengthen
the force of their demonstrations. In both types of process, an
attempt was made to invert the unequal distribution of strengths
between protest groups operating locally and corporations acting
globally. This attention drawing strategy has been described by
Herfried Münkler as a typical form of behaviour in asymmetrical
conflicts involving terrorism and gorilla activities. 8 Although these
campaigns may be effective in terms of
their media resonance and contribute
to wider awareness of problems, they
have a drawback: by virtue of their
structure, they are defensive and, in
spite of the counter-current, remain
affirmative. To be effective within an
awakening economy, action has to submit
to the logic it attempts to criticise:
the logic of marketing. Such action
therefore contains no positive alternative,
no counter-model to the imperative
of having to buy.
The builder of dreams
What does all that signify for architects?
The situationist ideal for architects
is to be a creator of processes
and ambiances that provide space for
the flowering of individual liberties:
“The architect (...) will henceforth be a
builder not of single forms but of complete
ambiences.” 9 The architect of
Corporate-Situationist-Mainstream-
Paradise is also a designer of worlds of
sensation and living. However, he does
not design spaces of freedom in the situationist
sense but uniquely interiors
for spectacles specific to brands. And
this goes for all the “whores” identified
by Philip Johnson as role models for
the corporation of architects. The withdrawal,
frequent today, into aesthetics
and technology, superficially providing
freedom from “collaboration”, will not
save architects and urban developers
from fundamentally revising the attributes
of their function. On the contrary,
happy to receive potential orders, they
will design physical spaces in which
adventures and brand-related situations
can be discovered and experienced
dangerously. Goodbye the project
manager, hello the builder of
dreams!
The builder of dreams is a whore, on
the lookout for lucrative orders. He has
to be reactive to changes in the conditions
and requirements of reality, abandon
the moral and aesthetic rigour of
modern times and in turn devote himself
to the practical requirements of
event-based consumption. Contrary to
the consumer-smart guys of Michel de
Certeau, he will not succumb to the
false idea of believing himself ahead of
his adversaries. The builder of dreams
who prostitutes himself with pride
knows only too well that the so-called
lead of the smart guy is short lived, that
his ruses to resist are only embraced to
make immanent improvements to the
system. But if the architect wants to be
more than just an inconsequential
smart guy, he shouldn’t be entirely
without scruples. Nowadays, there only
seem to be “architects without attitudes”,
radically opportunistic, oscillating
between market-based, avantgarde
and critique but, with their exag-
gerated dervish dance, and their tactical
uses of space, they are able to build
for every type of event and therefore
create something approaching freedom.
10
Friedrich von Borries is an architect and space
tactician in Berlin as well as editor of the
Blindstadt Collection (www.blindstadt.de and
www.raumtaktik.de).
1. Soundtrack from “My Adidas”, Run DMC,
Raising Hell, 1984
2. Michel de Certeau, Kunst des Handelns,
Berlin 1988, S. 13
3. Vgl. H&M-Chef Rolf Eriksen: “Die Deutschen
lieben Hennes & Mauritz”, in Frankfurter
Allgemeine Sonntagszeitung, 16. 11. 2003
4. Guy-Ernest Debord, Gil J. Wolman et. al.
(Internationale Letrriste): “Antwort auf die
Frage“ (1954), in: Roberto Ohrt: Phantom
Avantgarde. Eine Geschichte der
Situationistischen Internationale und der modernen
Kunst, Hamburg 1990, S. 79
5. Tom Holert : “Brainware im Strukturwandel“,
in Sven Ehmann, Axel Fischer, Krystian Woznicki
(Hrsg.): Sneakers etc., Berlin 2002. – The concept
“Corporate Situationism“ was seen by me for
the first time as a keyword in the above interview
and has not, up to now been further explained by
Holert
6. Constant: “Eine andere Stadt für ein anderes
Leben” (1959), in Der Beginn einer Epoche. Texte
der Situationisten, Hamburg 1995, S. 80
7. Ada Louise Huxtable: The Unreal America,
New York 1997, S. 90ff.
8. At least this is what the magazine Page
reported in its 10/2003 issue. For me, such a
request has not yet received a response from
Ora-ito. The announcement appears credible
given that pirated brands for the moment only
appear on the web site of’Ora-Ito in the “old
page” section
9. Swoon/toyshop, “I want to be part of the city
that I live in“, in arranca! Issue 28, winter
2003/2004
10. www.nikeground.com
11. Herfried Münkler: Die neuen Kriege, Reinbek
bei Hamburg 2003, page 189 and following.
12. Constant: “Rapport inaugural de la
Conférence de Munich “ (1959), in
Mark Wigley: Constant’s New Babylon,
Rotterdam 1998, page 101
13. Also with this meaning: Anna Klingmann:
“Flüssiger Postmodernismus“, in Regina Bittner
(Editor), Event City, Frankfurt/Main 2001, page
333
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Roemer van Toorn La Société du Et The Society of the And
Un nouveau fantôme hante le
monde – le fantôme du Et. C’est le
spectre de l’urbanité, celui de la
multitude qui hante la société. Tous
les pouvoirs culturels, technologiques,
économiques et intellectuels
du monde – tant à gauche qu’à
droite – se sont emparés de ce fantôme.
Jadis, les forces dominantes
étaient la séparation et la spécialisation,
la lutte pour la clarté et la
réduction du monde à des proportions
calculables. Désormais, nous
parlons d’un monde unique basé sur
la simultanéité, la mobilité, la
migration, la fluidité, la multiplicité,
la réflexivité, le risque, la lutte
urbaine, l’incertitude, la théorie du
chaos, l’hybridation, la diaspora, la
schizophrénie, l’hétérotopie, l’immersion,
l’espace des flux, la culture
de l’extension, les cyborgs, etc.
Le monde d’alternative (Ou / Ou)
dans lequel nous vivions et agissions
est devenu de plus en plus une
illusion. Notre modernité ne se
développe plus essentiellement en
termes d’instrumentalisation, de
rationalité et de linéarité, mais est
orientée par les règles des effets
secondaires. Dans une certaine
mesure, la modernité pourrait être
considérée plus idéologique, tandis
que la Société du Et serait plus
pragmatique… Dans la Société du
Et, la vie se caractérise par une
complexité qui tend à devenir toujours
plus chaotique. D’une façon
ou d’une autre, les conflits et les
expériences libératrices émergentes
créent une voie au-delà des
polarités alternatives (Ou / Ou). Le
proche et le lointain s’entremêlent;
le local et le global fusionnent et
s’influent mutuellement. Toute
chose est pénétrée et dépendante
de tout le reste; ce qui compte ce
n’est pas une, deux choses – quel
que soit le nombre d’ailleurs-, mais
la conjonction Et. Non seulement le
caractère global, diffus et amorphe
du Et bouleverse toutes les relations,
mais aussi toutes les identités
passées basées sur le verbe
“être”. Le Et n’est pas seulement
une collection d’éléments, mais un
système de relations complexes
dans l’espace orchestrées par des
rythmes temporels différents. Les
relations entre les différents éléments
peuvent être constituées de
discours, d’institutions, de formes
architecturales, de décisions régulatrices,
de lois, de mesures administratives,
de déclarations scientifiques,
de différences culturelles,
de propositions philosophiques,
morales et économiques, etc.
Alors que le temps de communication
implose et se rétrécit à la taille
inexistante de l’instant, l’espace et les marqueurs
spatiaux cessent d’avoir de l’importance, du
moins pour ceux dont les actions peuvent se
déplacer à la vitesse du message électronique.
Nous vivons apparemment dans un monde fragmenté,
formé de collages d’images, de signes,
d’imaginations, de fonctions et d’activités avec
des milliers de connections et d’intensités coexistantes.
Tandis que nous déplorons la perte de la
forme dominante et de l’abondance d’un junkspace
(espace poubelle informe), nous apprécions
les avantages d’une mobilité accrue. Des espaces
efficaces et confortables d’interconnexion se
mêlent, paradoxalement, aux mondes de l’exclusion
et de l’absence de connexion au sein de la
même structure. Si la cohérence et l’intégration
existent dans la Société du Et, elles proviennent
de la circulation du pouvoir au sein de l’infrastructure
technologique, d’agences interdépendantes
et imbriquées, de pratiques et de connaissances à
l’échelle globale. Une chose est sûre: les oppositions
binaires qui définissaient le conflit moderne
sont devenues floues. La logique dialectique, qui
aida le modernisme à parcourir le monde, de l’objectivité
contre la subjectivité, de la proximité
contre l’éloignement, du fait contre la valeur, de la
ville contre la campagne, a fait en sorte que nous
ne puissions comprendre la réalité comme étant à
la fois réelle Et virtuelle, humaine Et inhumaine,
utopique Et dystopique, locale Et globale, hétérogène
Et homogène. Le nouveau paradigme de la
puissance dans la Société du Et s’impose par des
hiérarchies différentielles de subjectivités hybrides
et fragmentaires. Avec l’aide du Et, nous commençons
à voir que la société est formée d’une
infinité de variables en état de flux constant,
qu’elle ne crée pas de divisions, mais reconnaît, au
contraire, les différences existantes ou potentielles,
les célèbre et les manie avec une économie
générale de contrôle.
L’espace dans le Et
La structure spatiale contemporaine est formée de
nombreuses vitesses et imaginations différentes;
elle est tout à la fois le produit et le site de réseaux
relationnels divers qui se multiplient, offrent des
juxtapositions absolues et de grandes tensions, se
connectent parfois et d’autres fois pas. Pour certains,
la Société du Et crée une liberté sans précédent
vis-à-vis des obstacles physiques, leur information
flotte indépendamment de leurs corps en
mouvement. Les personnes travaillant dans la
localité sont liées aux lieux, mais les actionnaires
ne sont aucunement liés à l’espace, ils peuvent
acheter n’importe quelle action qu’elle soit proche
ou éloignée d’un point de vue géographique. Cette
élite de directeurs est à l’aise dans des chambres
d’hôtel uniformes et anonymes, dans les somptueuses
réceptions des hôtels du monde entier,
partout et nulle part. Pour l’élite de la mobilité,
cela signifie, littéralement, la désincarnation, la
nouvelle apesanteur du pouvoir. Pour d’autres,
cela annonce l’impossibilité de s’approprier et de
domestiquer la localité dont ils ont peu de chance
de parvenir à se libérer. Les pauvres se trouvent
isolés et contraints de payer à prix fort leur nouvel
isolement. La classe moyenne est à l’aise partout.
Tout se trouve à portée de main. Il s’agit d’une
classe moyenne qui a fait le choix de l’isolement et
paye volontiers sans compter. Il existe une controverse à propos
de ce qui peut être révélé sur la forme du “nous” au lieu
seulement du “je”, ou identité collective, sur ce qui retient les
gens ensemble dans des conditions d’individualisation avancée,
maintenant que le facteur d’opposition n’est plus un
consensus sur la religion, le statut, la classe, les identités
masculine et féminine, etc.
L’espace public dans le sens classique – un modèle représentationnel
de la communauté – n’existe plus. Il a été remplacé
par l’espace de transition. Bien sûr, cela ne veut pas dire que
les gens ne se rencontrent plus ou qu’ils ne partagent pas un
intérêt commun. La tendance actuelle de remplir les espaces
publics, où des non-espaces devenus espaces, avec des individus
et des institutions ne cessera de se développer. De plus
en plus de lieux, qui n’ont jamais été conçus comme tels, sont
concédés pour former un nouveau type d’espace public. Cet
espace a été transformé en un lieu de circulation où l’on va et
vient. Là, nous attendons sans fin, tandis que, dans le même
temps, nous nous dirigeons vers un autre lieu. Cela signifie
aussi qu’une nouvelle relation se formera entre ce qui est à
l’intérieur et ce qui est à l’extérieur. Le résultat en constituera
une évidente décomposition de ce qu’on entend actuellement
par public. Être humain dans notre nouveau monde signifie se
déplacer. Notre sphère privée et publique s’établit de plus en
plus dans le flux, dépendant moins de la domination d’un
emplacement spécifique localisé. C’est pourquoi nous vivons
dans un paysage urbain très fragmenté qui «harmonise » tout
avec tout, et peu importe que cela soit homogène ou hétérotopique.
Renouveler de l’Intérieur
La nature hétérogène du Et, ainsi que ses effets, ne sont pas
nécessairement prévisibles, ce qui signifie qu’une vaste
gamme de résultats positifs et négatifs peuvent être générés
par le développement, sans les attribuer à une métanarration
ou exiger que nous considérions uniquement l’imposition en
jeu. Néanmoins, dans le même temps, un tel ensemble agit
pour obtenir des effets généraux servant une fonction stratégique
dominante dans notre monde globalisé d’entreprise. Le
paradigme de la différence, de la fluidité et de l’hybridité au
sein de la Société du Et – tant célébré par les avocats contemporains
de l’émancipation – fait aussi partie intégrante des
stratégies de colonisation de la globalisation d’entreprise.
Bien que le quotidien urbain, capitaliste et moderne pousse
vers une homogénéité accrue de la vie de tous les jours, les
disjonctions irréconciliables, nées dans le Et plein d’interstices
anachroniques, ne permettent absolument pas de penser
à la modernisation uniquement en termes négatifs. Rien n’est
jamais parfaitement cohérent dans la Société du Et : ses cultures
sont toujours partielles et pleines de formations hybrides.
L’étude de Michel de Certeau a confirmé l’impossibilité
d’une colonisation totale de la vie quotidienne par un capitalisme
tardif, soulignant que des choix sont toujours possibles
puisque les individus et les institutions organisent les ressources
et choisissent les méthodes par le biais d’arrangements
particulièrement créatifs. Au lieu de chercher une position
à l’extérieur de la Société du Et, il vaut mieux pénétrer
dans son territoire et affronter ses flux homogènes et hétérogènes
dans leur complexité globale.
Dans une telle situation, les valeurs, les stratégies et les instruments
anciens ne fonctionnent plus. Les promoteurs,
architectes, artistes, corporations, médias, juristes, scientifiques
et multinationales conçoivent tous des espaces et des
images nouveaux afin de donner une direction à cette nouvelle
réalité. Un vide a été créé dans lequel un niveau d’innovation
inconnu jusqu’alors a une chance de réussir car personne
ne possède vraiment la réponse appropriée à cette
situation. La recherche, l’analyse et l’expérimentation ascen-
dante sont préconisées par presque tous ceux qui ont des
intérêts dans ce paysage artificiel de la Société du Et. Il s’agit
de reformuler dans une ambiance économiquement correcte,
l’effondrement de la démocratie nationale, où la société de
réseau pourrait être un lieu de socialisation, d’aventure, de
suspense, de différences, sans devenir un espace hétérogène
où rien n’a plus d’importance, à moins qu’elle ne devienne un
état totalitaire. Cette société comprend la mégacité dotée de
sa nouvelle identité de classe moyenne, qui est la force dominante,
dirigée par le profit et la compétition, pleine de transformations
et de fragmentations individuelles et collectives
avec une abondance de luxe, de loisirs, de confort et de virtualité.
Voir au-delà du cliché
Lorsque nous commençons à regarder avec l’œil du Et, nous
dépassons la pensée dualiste, et cherchons les éléments qui
renouvellent la société de l’intérieur. Il vaut mieux préférer
des travaux qui agissent avec et au sein de la Société du Et,
qui fixent un ordre du jour collectif et public en communication
directe avec la modernisation. La victimologie de la théorie
critique ne laisse aucune place à des lectures plausibles
capables d’accomplir un projet dans le contexte matérialiste
du quotidien, de l’aliénation et de la “commodification”.
L’éloignement ne doit pas être pensé comme une difficulté à
surmonter, mais comme une position à l’intérieur de laquelle
de nouveaux horizons peuvent s’ouvrir. Ce sont les balbutiements
créatifs au sein de la Société du Et qui comptent, par
opposition aux formes d’usage dominantes traditionnelles.
Selon Gilles Deleuze, le Et «n’est ni l’un ni l’autre, il est toujours
entre les deux, c’est la frontière, il y a toujours une frontière,
une trace ou un flux qui s’évanouit, mais nous ne la
voyons pas car elle est à peine visible. Pourtant, c’est le long
de cette trace évanescente que les choses se passent, qu’elles
se concrétisent, que des révolutions sont ébauchées ». En
tant que créateurs d’espace, nous devrions capitaliser sur les
moments de libération dans la Société du Et. Ce devrait être
une volonté de vérité qui domine la multiplicité de sensations
tout en établissant une notion nouvelle du public contre les
mécanismes néo-libéraux de la privatisation qui accompagnent
le projet de globalisation.
Avec les photographies de la Société du Et, j’essaie de montrer
que nous vivons dans une modernité nouvelle que nous
n’avons pas encore appris à regarder, bien qu’elle soit devenue
une réalité de notre vie quotidienne. Le défi ne consiste
pas seulement à illustrer et à comprendre combien notre réalité
change, quelles origines sont perdues ou même détruites,
mais aussi à inviter celui qui regarde à commencer à voyager
pour devenir un détective et aller au-delà de la première
impression donnée par chaque photographie. Avec ce voyage
en images, le spectateur est mis au défi de faire un montage.
Un dialogue plein d’ambiguïtés, de contradictions et de positions
devrait se manifester. Tandis que le spectateur est invité
à regarder les faits, il commence à voir au-delà du stéréotype,
au-delà de la banalité abêtissante du monde, de la reproduction
routinière et mécanique. Le format des images est choisi
non seulement pour que soit décodé ce qu’on “lit” (comme
aux informations télévisées), mais aussi pour voir le jeu libre,
les morceaux inachevés, les juxtapositions, les fossés et les
ouvertures dans la Société du Et. Le défi réside dans le fait de
tirer une image vraie de la Société du Et, de libérer l’image de
tout programme antérieur, de la situer hors d’un point de vue
ou d’un regard fixe, de se délivrer de la suffocation du cliché.
A new spectre is haunting the world – the spectre of
And. It is the spectre of urbanity, one of the multitude
that haunts society. All the cultural, technological, economical
and intellectual powers in the world – both on
the left and the right – have embraced this spectre.
Formerly the dominant forces were separation and specialization,
the struggle for clarity and the reduction of
the world to calculable proportions; now we talk about
One World based on simultaneity, mobility, migration,
fluidity, multiplicity, reflexivity, risk, urban warfare,
uncertainty, chaos theory, hybridization, diaspora,
schizophrenia, heterotopia, immersion, the space of
flows, the culture of sprawl, cyborgs and so on. The
Either-Or world in which we lived and acted became
increasingly an illusion. Our modernity no longer develops
mainly in instrumental, rational and linear terms;
instead it takes its direction from the rules of side
effects. In a certain sense Modernity might be considered
more ideological, while The Society of the And is
more pragmatic… In The Society of the And, life can be
characterized by a complexity that tends to become
ever more chaotic. In one way or another, conflicts and
liberating experiments emerge that cut a path beyond
all Either-Or polarities. The near and the far interweave;
the local and global blend and impact each other.
Everything is infused with, and dependent on everything
else; what counts isn’t two or three or however
many, it is the conjunction And. The global, diffuse and
formless character of the And rocks not only all relations,
it rocks all kinds of earlier identities based on the
verb “to be”. The And is not simply a collection of elements
but a system of complex relations in space
orchestrated by different time rhythms. The relationships
between the various elements may consist of discourses,
institutions, architectural forms, regulatory
decisions, laws, administrative measures, scientific
statements, cultural differences, philosophical, moral
and economic propositions, and so on.
With communication time imploding and shrinking to
the no-size of the instant, space and spatial markers
cease to matter, at least for those whose actions can
move with the speed of the electronic message. We live
apparently in a fragmented world of collages of images,
signs, imaginations, functions, and activities with myriad
ways of connections and intensities that coexist
with each other. While we complain about the loss of
dominant form and the abundance of junkspace, we
enjoy the advantages of being more and more mobile.
Efficient and comfortable spaces of interconnection
interweave paradoxically with the worlds of exclusions
and disconnection within the same fabric. If there is
coherence and integration within The Society of the
And, it comes from the circulation of power within the
technological infrastructure, of interlocking, interdependent
agencies, practices and knowledge on a global
scale. One thing is for sure the binary oppositions that
defined Modern conflict have been blurred. The dialectic
logic, which helped Modernism to navigate in the
world – of objectivity versus subjectivity, of the near
versus the far, of fact versus value, of the city versus the
countryside – ensured that we could not understand
reality as being both real And virtual, human And nonhuman,
utopian And dystopian, local And global, heterogeneous
And homogeneous. The new paradigm of
power in The Society of the And rules through differential
hierarchies of hybrid and fragmentary subjectivities.
With the help of the And we start to see that society
is a myriad of variables that are in a constant state of
flux, it does not create divisions but rather recognizes
existing or potential differences, celebrates them, and
manages them within a general economy
of control.
Space in the And
The contemporary spatial fabric is
made out of many different speeds and
imaginations, and is both the product
and site of multiplying and diverse relational
networks, offering stark juxtapositions
and huge tensions, which sometimes
connect and sometimes do not.
For some people The Society of the And
creates an unprecedented freedom
from physical obstacles, their information
floats independently from their
shifting bodies. The people who work in
the locality are bound to place, but the
shareholders are in no way space-tied,
they can buy any share at any nearness
or distance geographically. This managerial
élite is at home in uniform,
anonymous hotelrooms and extravaganza
hotel lobbies all over the world,
everywhere and nowhere. For the élite
of mobility, this means, literally, dephysicalization,
the new weightlessness
of power. For others, it portends
the impossibility of appropriating and
domesticating the locality from which
they have little chance of cutting themselves
free. The poor find themselves
cut off and forced to pay the heavy
price of their new isolation. The middle
class is at home everywhere.
Everything is close at hand; nothing is
out of reach, far away. It is a middle
class that has chosen a voluntary isolation
and pays for it lavishly and willingly.
There exists a kind of controversy, in
whatever form the “we” instead of only
the “I”, or collective identity can be discovered
or uncovered, that predominantly
holds people together under
conditions of advanced individualization,
now that the opposing factor is no
longer a consensus on religion, status,
class, male and female identities and
the like.
Public space in the classical sense – a
representational model of the communal
– no longer exists. It has been
replaced by the space of transition.
This of course does not mean that people
no longer meet or share a common
interest. The current tendency to occupy
public spaces, like non-places as
places, by individuals and institutions
will only grow. More and more places,
which are not even designed as such,
are lent to shape a new kind of public
space. Public space has been altered
into a kind of traffic, a coming and
going. In this traffic we wait endlessly
while we at the same time are on the
move to another place. This also means
that a new relationship will emerge
between that which is interior and that
which is exterior. The result will be an
obvious decomposition of what is now
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known as public space. So to be human in our new
world means to be moving. Our private and public
sphere is more and more established in flux, less
depending on the dominance of one specific localized
place. That’s why we live in a very fragmented patchwork
cityscape which “harmonizes” everything with
everything, and it does not matter if it is either homogeneous
or heterotopic.
To Renew from Within
The heterogeneous nature of the And and its effects
are not necessarily predictable, which means that a
wide range of both positive and negative outcomes can
be generated through development without attributing
these to a metanarrative, or requiring that we solely see
imposition at play. At the same time, though, such
ensembles operate to achieve overall effects thereby
serving a dominant strategic function within our corporate
global world. The paradigm of difference, fluidity
and hybridity within The Society of the And – so celebrated
by contemporary advocates of emancipation –,
is today very much part of the colonization strategies of
corporate globalism too.
Although the urban, capitalist, and modern everyday is
pushing towards increased homogeneity in daily life,
the irreconcilable disjunctions born in the And full of
anachronistic interstices still make it impossible to
think of modernization as only negative. Nothing is ever
fully coherent in The Society of the And: its cultures are
always partial and full of hybrid formations. Michel de
Certeau’s work confirmed the impossibility of a full colonization
of everyday life by late capitalism and
stressed that potential alternatives are always available,
since individuals and institutions arrange
resources and choose methods through particular creative
arrangements. Instead of searching for a position
outside The Society of the And it is better to enter the
terrain of the And and confront its homegenizing and
heterogenizing flows in all its global complexity.
In this And condition old values, strategies and instruments
no longer work. Property developers, architects,
artists, corporations, the media, lawyers, scientists and
multinationals are all devising new spaces and images
in order to give a lead to this new reality. A vacuum has
been created in which an unprecedented degree of
innovation has a chance of success because nobody
knows what the appropriate response to this situation
really is. Research, analysis and experiment bottom-up
are (is)being promoted by almost all the parties that
have a stake in this artificial landscape of The Society of
the And. The point is to reformulate in the midst of economical
correctness, the collapse of national democracy,
and how the network society, where the mega-city
with its new middle-class identity is the dominant
force, driven by profit and competition, full of individual
and collective transformations and fragmentation, with
an abundance of luxury, leisure, comfort and virtuality,
could be a place of sociality, adventure, suspense, different
differences, without becoming a heterogeneous
space were nothing matters any more or a totalitarian
state.
Looking beyond the cliché
When we start looking with the eye of the And we surpass
dualistic thinking, looking for those instances that
renew society from within. Preferable are works that
operate with and within The Society of the And; that sets
a collective and public agenda in direct communication
with modernization. The victimology of
critical theory leaves no room for plausible
readings capable of completing a
project in the mundane context of the
everyday including that of alienation
and commodification. Estrangement
must not be thought of as something to
overcome, but as a position from within
which new horizons can open. What
counts are the creative stammerings
within The Society of the And, as
opposed to conforming and dominants
forms of use. The And is, according to
Gilles Deleuze, “neither the one nor the
other, it is always between the two, it is
the boundary, there is always a boundary,
a vanishing trace or flow, only we
don’t see it, because it is scarcely visible.
And yet it is along this vanishing
trace that things happen, developments
are made, revolutions are
sketched out.” As spacemakers, we
should capitalize on the liberating
moments within The Society of the And.
It should be a desire for truth that masters
the multiplicity of sensations while
constructing a new notion of the public
against the neo-liberal mechanisms of
privitization that accompany the project
of globalization.
With the photos of The Society of the
And, I try to show that we are experiencing
a new modernity that we have
not yet learned to look at, although it is
becoming true in our everyday lives.
The challenge is not only to illustrate
and understand how much our reality is
changing, and which origins have been
lost or even deleted, but also to invite
the viewer to start traveling, to become
a detective, to start to look beyond the
first impression of each photo. With
this travelogue of images, the viewer is
challenged to carry out a montage. A
dialogue full of ambiguities, contradictions
and positions will come into
being. While the viewer is invited to
look to the facts, s / he starts to see
beyond the stereotypical, beyond the
world of stupifying banality, routine and
mechanical reproduction. The format of
the images is chosen that you not only
decode, and decipher what you “read”
(as in the television news); no, you are
also invited to see the free play, the
unfinished pieces, the juxtapositions,
gaps and openings within The Society
of the And. The challenge is to extract a
genuine image from The Society of the
And, free the image from any prior program,
outside point of view, and fixed
gaze, to release ourselves from the suffocation
of the cliché.
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1. Mountain near Todi, Umbria, Italy, 2000 2. Kowloon Island, Hong Kong, China, 1997 4. Museums Quartier, Vienna, Austria, 2003
3. Schiphol Airport, Amsterdam,
5. Check Point Charlie, Berlin,
The Netherlands, 2001
Germany, 2004
6. Media and film company, Los Angeles,
United States of America, 1999
7. Schiphol Airport, Amsterdam,
The Netherlands, 2003
Ici, en Ombrie (Italie), nous regardons le monde sur cette haute montagne et
pouvons y lire les implications suivantes: il y a d’abord la croix catholique
romaine, un clair exemple de notre première modernité, mise en place il y a
quelques décennies. Nous voyons qu’il s’agit d’un produit industriel. C’est
un bel ouvrage d’architecture tectonique. Une construction en acier, symbole
de la religion, qui représente une institution de confiance collective.
Nous voyons que cette croix n’est pas faite en pierre, elle n’est pas définie à
partir de notre modernité zéro, ne vient pas d’une société agricole avec des
valeurs établies depuis des siècles. C’est un symbole issu de notre première
modernisation industrielle, où la différence dialectale entre être chez soi et
sans toit, être aliéné par la technologie, est bien implantée. À côté, nous
voyons un monde totalement autre, un endroit totalement différent. Un prototype
de notre époque transitoire. C’est une architecture qui ne remplit
plus aucune fonction symbolique. Nous pourrions même nous demander
quel est le nouveau rôle de l’architecture en contemplant cette “créature”.
Dans tous les cas, il s’agit d’une construction de grandes dimensions, qui
peut être complétée à l’infini et changée selon nos besoins. Elle est très flexible,
bel exemple d’une tectonique “efficace”, une architecture comprise
comme une infrastructure. C’est peut-être une logique trouble ne nécessitant
ni projet ni symbolisme. Elle exprime le pouvoir de l’individualisme, des
médias, de la technologie et des joueurs institutionnels universels. Ce que
vous ne voyez pas – c’est derrière mon dos en réalité – c’est que cette structure
remplace même le poste militaire en ruines sur la colline. Le pouvoir
n’opère plus par le biais de mécanismes disciplinaires sur le site, mais par
contrôle virtuel. L’ancienne notion de territoire est bouleversée. Cette rationalité
non-linéaire, qui semble chaotique, tout en étant extrêmement efficace
par l’intermédiaire de son réseau de câbles, représente assez précisément
notre Société du Et. Elle exprime clairement que nous vivons dans la
technologie. Nous ne sommes plus entourés par la technologie, comme dans
notre première modernité, mais nous en faisons partie. Ce satellite exprime
clairement le fait que la technologie n’est pas simplement attachée à notre
corps, mais qu’elle fait partie de notre corporalité dans l’espace. Les marqueurs
fixes de l’espace ne fonctionnent plus linéairement. Les distinctions
d’ici et maintenant ne signifient plus rien, c’est pourquoi je parle de la
Société du Et et non de la société alternative (Ou / Ou) telle que la
représente la croix catholique romaine. Comme vous le voyez sur cette
montagne, la première et la seconde modernité sont à l’œuvre. Cela signifie
que notre première modernité n’est pas simplement remplacée par la seconde,
mais qu’elles se mêlent ou vivent côte à côte. Cela pourrait être compris
comme une nouvelle conjonction ET entre ces deux modernités.
Here in Italy, Umbria, overlooking the world on this high mountain we can read the
following implications: First of all there is the Roman Catholic Cross, a clear-cut
example of our First Modernity. Placed there some decades ago. What we see is
that it is an industrial product. It is a fine piece of tectonic architecture. A steel construction
symbolizing what religion is standing for. This design represents an institution
of collective trust. We see that this cross is not made out of stone, it is definitely
not from our Zero Modernity, it is not coming from an agricultural society
with a long period of values established over centuries of time. It is a symbol coming
out of our first industrial modernization, where the dialectical difference
between being at home and homeless, being alienated through technology is in fact
in place. On the other side of the slide we see a totally different world, a totaly different
place in fact. A prototypical example of our transition at time. It’s an architecture
that no longer fulfils any symbolic function. We might even ask ourselves
what the new role of architecture is, when looking at this creature. In any case it is a
large construction, to add to forever and to change according to our needs, it is very
flexible, even a superb kind of “efficient” tectonics, an architecture as infrastructure.
It’s perhaps fuzzy logic with no need for design or symbolism. It expresses the
power of individualism, the media, technology and global institutional players.
What you do not see (which is behind me in fact) is that it even replaces the military
post on this hill which is a ruin by now. Power no longer operates through mechanisms
of discipline on site but by virtual control. The old notion of territory is
turned-upside down. This non-linear rationality, which looks chaotic, but is highly
efficient at the same time, through its network of cables, represent our Society of
the And rather accurately. It makes clear that we inhabit technology. We are no
longer surrounded by technology as in our First Modernity, we are in it, part of it.
This satellite in Umbria makes clear that technology is not just attached to our
body, but part of our physicality in space. Fixed markers in space no longer work in a
linear manner. Distinctions of here and there no longer mean anything, that’s why I
speak ofThe Society of the And, and not of an Either / Or society as represented by
the Roman Catholic Cross. As you can see here on this mountain, both the First
and Second Modernity are in operation. This means that our First modernity is not
simply replaced by a Second Modernity. But that they intertwine or live beside each
other. This can be understood as yet another AND conjunction between these two
modernities.
39

40
8. Gated community, Las Vegas, USA, 1999
9. Hairdresser and livingroom, Dali,
China, 2000
10. Touristshop, Lijiang, China, 2000
11. Tibatian closter, Zhongdian, China, 2000
41

42
12. San Paolo, Brazil, 2002 13. Roofgarden hotel, Kuala Lumpur,
Malaysia, 1997
14. 5 th Avenue, New York City, USA, 2003
43

44
15. Apple computer store, New York City,
USA, 2003
16. Lobby Urban Planning museum,
Shanghai, China, 2000
17. Parking garage, Hong Kong, China, 1997
18. Floriade park exhibition,
Haarlemmermeer, The Netherlands, 2002
45

46
19. L’Opera area, Paris, France, 2001
20. Toystore, Boston, USA, 2003
47

48
Wilfried Hou Je Bek
socialfiction.org
«Examinez une fois de plus ces horribles
farfadets, et ces monstres
sans forme et ces statues sévères,
rigides et sans anatomie, mais ne
vous en moquez pas, car elles sont
les signes de la vie et de la liberté de
chaque ouvrier qui frappa la pierre.»
John Ruskin (1853)
La forme suit les envolées
de l’imagination
Horace Walpole (1717-1797) était
psychogéographe bien avant que le
mot ne soit inventé au début du XX e
siècle. Ses contributions culturelles
furent multiples: il écrivit un roman
gothique, Le Château d’Otrante, il
rédigea un texte important sur l’art
des jardins et inventa le terme de
“sérendipité” (le fait de trouver
quelque chose d’utile par hasard en
cherchant autre chose). Il était également
un symbole pour la “turriphilie”
(le désir obsessionnel de
construire des tours). Comme
William Beckford – son contemporain,
auteur de romans gothiques
également passionné par les tours,
Horace Walpole est souvent considéré
comme un spécimen banal
d’excentricité romantique.
Pourtant, les psychogéographes
admirent Walpole pour sa rare capacité
à créer, apparemment par accident,
de nouvelles sensibilités
comme un produit dérivé de sa
générosité. L’architecture est l’un
des nombreux moyens d’expression
auquel Walpole s’essaya. En vingt
ans, il reconstruisit une modeste
demeure de style Tudor en un célèbre
château gothique sur
Strawberry Hill près de Windsor
(Londres). Tant l’intérieur que l’extérieur
de ce “château-jouet” furent
soigneusement dessinés pour susciter
une grande variété de sensations
chez ses visiteurs. Cette atmosphère
psychogéographique soigneusement
mise en place créa une
rétroaction chez Walpole, lui inspirant
l’écriture du Château d’Otrante,
un livre définissant et dépassant le
genre qui trouve son aboutissement
avec la série des Harry Potter.
Gardant le lecteur en haleine de la
première à la dernière ligne,
Walpole le divertit en lui servant à
un rythme effréné ce qui deviendrait
plus tard des clichés: interventions
de fantômes, sorcellerie, pièces
hantées, passages secrets et
sombres donjons. C’est l’ironie pure
de Walpole qui le sauva de l’unidimensionnalité
caractérisant ses
disciples: sa générosité agit simultanément
à plusieurs niveaux mais
ce don fut trop immense pour être
apprécié à sa juste valeur.
Un urbanisme à créer soi-même:
Psychogéographie, générosité,
sérendipité et “turriphilie”
Psychogéographie
En psychanalyse, le mot “psychogéographie” est utilisé en
relation avec une hystérie basée sur un phénomène de lieu.
Vous êtes parfaitement sain d’esprit, vous pénétrez dans une
pièce donnée et, en l’espace d’un instant, vous avez basculé
dans la folie. Lorsque cette réaction n’est pas le fait d’une
névrose individuelle mais est partagée par l’ensemble de
l’humanité, on parle de psychogéographie. Albert Camus
suggéra une autre forme de comportement suscité par un lieu
en racontant l’histoire d’un homme qui, hypnotisé par le
soleil, la plage et l’océan, commet un meurtre. Ce sont les
rapports fictifs de cerveaux intuitifs essayant de comprendre
la situation qui conduisent à des actes extrêmes. Les deux
cas constituent des preuves circonstancielles de l’existence
d’un élément impossible à isoler: le pouvoir du paysage qui
nous contraint à adopter un comportement particulier et qui,
parfois, prend le dessus sur la volonté.
En réalité, cette interaction est beaucoup plus complexe que
ne l’ont supposé des générations d’urbanistes, de politiciens,
radicaux et “behavioristes”. L’urbanisme a été à l’origine
d’un grand nombre de projets essayant de faire coïncider le
comportement humain à la structure urbaine. Walpole illustre
la présomption selon laquelle les effets psychogéographiques
peuvent être artificiellement créés, non comme un processus
linéaire, mais comme un déroulement d’événements
émergents, c’est-à-dire issus de la “sérendipité”.
L’importance de ces conséquences indirectes de la morphologie
urbaine est réapparue comme un sujet pertinent dans l’urbanisme
à la fin des années 1950, lorsque Kevin Lynch a
modestement reformulé le besoin d’objets architecturaux qui
génèrent un sens dans son concept d’“imageabilité”, à savoir
«cette qualité dans un objet physique qui lui procure une
grande probabilité d’évoquer une image forte chez n’importe
quel observateur .»
Générosité
Do-It-Yourself Urbanism:
Psychogeography, Generosity,
Serendipity and Turriphilia.
L’émergence du mouvement gothique à la fin du XVIII e siècle
a été expliquée comme un moyen d’inventer de nouveaux
mystères à une période où la science résolvait les plus
anciens, dont celui de l’arc-en-ciel. Pour contrecarrer cette
inflation poétique, Walpole – et c’est encore plus vrai pour
Beckford – se focalisa sur l’Orient: un domaine imaginaire de
califes et de harems, de nomades mystérieux et de chameaux
entêtés, de djinns et de goules, de palais lointains où raconter
une histoire peut vous sauver la vie. La psychogéographie des
lointains déserts arabiques n’avait guère à voir avec la réalité,
mais de telles géographies spéculatives fonctionnent comme
un milieu où l’on peut préparer des solutions expérimentales
à des problèmes qui ne sont pas encore appréciés. Pendant
son séjour en Égypte, Flaubert excella dans cette fiction spatiale
en écrivant que la nationalité ne devrait pas être basée
sur le lieu de naissance, mais sur celui où l’on se sent chez
soi. Cette psychogéographie pour passeport constitue un
antidote aux systèmes de contrôle géographique qui sont
devenus inutilisables. La mère patrie de Flaubert est celle
d’un nomade: elle est généreusement répartie sur la surface
du globe. Ses localisations exactes sont conservées dans une
base de données, ses qualités décrites en PML
(Psychogeographical Markup Language), une application
d’un format de données agnostique qui permet de comparer
vos petites zones de mère patrie avec celles des autres, chacun
s’entraidant pour trouver des endroits où chacun se sentirait
comme chez lui. L’attraction psychogéographique du
nomade en tant qu’icône est évidente: le nomade ne vit pas
dans, mais avec le désert où l’être humain n’a aucune prise et
où les villes ne peuvent être que provisoires. Le nomade se
méfie des cités, sources d’agression et de compétition, lieux
qui transforment les membres d’une tribu en rivaux. Tout cela,
ainsi que la méfiance politique pour un mode de
vie mobile, a transformé le nomade en une anomalie
historique. Celui-ci, à la générosité légendaire,
est un spectre, et qu’y a-t-il de plus gothique que
les spectres? Ce n’est pas une coïncidence si
Walpole a ajouté le terme de “sérendipité” à notre
vocabulaire dans ses contes persans. Peut-être
Kathy Acker avait-elle tout ceci en tête lorsqu’elle
prédit dans l’Empire of the Senseless que, dans
quelques années, Paris serait détruite par la jeunesse
algérienne comme vengeance justifiée de
descendants de nomades contre leur colonisateur.
Sérendipité
Traditionnellement, les psychogéographes adoptent
des techniques surréalistes pour principe
directeur de navigation aléatoire. L’ère post-freudienne
exige, cependant, d’autres paradigmes
pour les découpages urbains. L’idée, selon laquelle
de simples règles mathématiques peuvent aboutir
à des comportements imprévisibles, est appliquée
de nos jours à l’exploration des villes. De petits
algorithmes génératifs (comme: deuxième à gauche,
première à droite, deuxième à droite, répéter)
génèrent un parcours aux étranges tournants
menant à des circumnavigations désorientées
s’enchevêtrant à travers les ponts et les quais sans
issue. À l’image d’entrées logiques, les rues peuvent
être programmées et les promenades algorithmiques
utilisées pour programmer un ordinateur
pédestre – Turing – comme une optimisation
grotesque de la fonctionnalité de l’espace urbain.
Les promenades psychogéographiques sont des
approches systématiques s’attaquant aux images
mentales préconçues et indiscutables de paysages
urbains ou ruraux.
Les promenades psychogéographiques génèrent
de façon active l’apparition de la “sérendipité”:
idées, vues splendides, situations étranges, transvaluations
sauvages, psychologie humaine servie
comme un vaudeville permanent, derniers airs de
danse s’échappant des fenêtres d’une voiture,
idées soudaines dans les mathématiques des
réseaux de rues, inventions et invitations. Les
cités offrent avec générosité, mais l’étendue de
cette générosité est hors de notre portée, sa carte
ne pouvant exprimer sa richesse. Chaque parcelle
de la cité revêt autant d’importance et fait autant
partie d’un tout que n’importe quelle autre. Mais,
vous ne trouverez pas tout ceci en le cherchant.
Certaines personnes ne sont absolument pas faites
pour la psychogéographie car elles n’ont pas la
capacité d’aborder des situations sans limites. Si
vous ne vous demandez pas immédiatement ce
qu’il pourrait se passer en exécutant l’algorithme
présenté ci-dessus, vous êtes l’une d’entre elles.
Une série d’expérimentations a prouvé que, dans
chaque rue que vous croyez connaître comme
votre poche, peut se dissimuler d’intéressants
lutins restés jusqu’alors inaperçus. La psychogéographie
utilise la promenade non seulement parce
qu’un rythme lent permet un examen minutieux de
l’endroit où vous marchez, mais aussi parce que la
marche est indispensable à la méditation. C’était
un fait bien connu des philosophes péripatéticiens
comme Aristote, alors qu’Henry Miller, un marcheur
passionné, découvrit cette vérité par
hasard. Par ses nombreuses rencontres fortuites
avec des gens qu’on lui avait appris à mépriser, il
surmonta les préjudices raciaux
avec lesquels il avait été élevé.
“Turriphilie”
La psychogéographie est l’art de
l’intervention, un tour de prestidigitation
de la fiction urbaine dans
l’arrière-cour des individus: cristallomancie
architecturale dans un
langage formel qui se met à
l’échelle de l’imagination psychogéographique.
Il s’agit de faire en
sorte que quelque chose se passe,
non pas des événements, mais
quelque chose de plus intemporel,
moins limité par la gravité. Une
chose qu’on qualifiera après coup
de “fantomatique” pour la rendre
compréhensible: atmosphères,
associations – d’abord programmé
pour exister, abandonné ensuite
pour se développer selon la logique
du moment, adapté à ses circonstances
spatiales. Les bâtiments
construits par les passionnés des
tours permettent de comprendre la
générosité et la “sérendipité” en
tant qu’architecture interventionniste
dans votre arrière-cour. Ces
constructeurs délaissent le bon
sens ou les lois de la nature. En leur
temps, Walpole et Beckford consultèrent
tous deux des architectes
patentés, mais leur regard pratique
fut considéré comme assommant et
leurs suggestions ignorées si elles
étaient susceptibles d’amoindrir la
grande vision d’un gothique ressuscité.
La tour principale de Beckford
à Fonthill Abbey s’écroula peu
après son achèvement, mais
Beckford n’en fit peu cas et
ordonna immédiatement sa reconstruction.
De la même façon,
Walpole fit tout pour que ses visions
architecturales deviennent réalité.
Après vingt ans de labeur, ce dernier
– qui n’était pas démuni – était
ruiné. Il s’y attendait, mais semblait
ne pas s’en soucier. La “turriphilie”
apparaît donc comme une activité
plaisante et extrêmement prenante
qui est particulièrement attirante
pour les spectateurs non-initiés.
Pour un passionné, le plaisir de
construire est plus important que la
brève satisfaction d’achever.
L’aspect, l’impression, la fonction
de Strawberry Hill étaient
constamment sujets à des modifications.
Son apparence extérieure
ne semblait jamais assez splendide
: cette passion est aussi l’art d’en
faire trop, d’ajouter généreusement
des lutins, des passages secrets et
des monuments inutiles destinés à
des héros oubliés depuis longtemps.
Cette passion se définit
comme le défi de pouvoir compiler
49

50
la plus grande balade psychogéographique
existante. C’est comme
un jeu de Lego, mais avec de vrais
matériaux. La folie de Walpole n’a
rien à voir avec l’architecture dragéifiée
de Disneyland ou de Las
Vegas. Il s’agit là d’un kitch ornemental
et faux : la passion devenue
pathologique. Le lutin de Walpole et
de Beckford, mais aussi celui de
Ruskin, n’est pas un effet spécial,
mais le signe de l’honnêteté et de la
générosité dont l’espace urbain a
tant besoin aujourd’hui.
En fait, la psychogéographie n’est
pas une question d’intervention, en
construisant (ou détruisant) des
objets physiques, mais d’élaboration
de structures narratives sur ce
qui existe déjà. La “turriphilie” est
juste une façon d’ajouter une histoire
dans l’escarcelle des légendes
urbaines et des villes invisibles apocryphes
qui donnent un sens aux
espaces dans lesquels nous habitons.
On côtoie le sublime avec
cette tour qui s’écroule après son
achèvement. Mais les ressources
pour construire en niant les lois de
la gravité sont, malheureusement,
inégalement réparties et rarement
recherchées. Pourtant, comme
Walpole, qui construisit finalement
sa tour avant tout pour créer de nouvelles
histoires qui embelliraient sa
propre vie, nous pouvons faire
pareil, même si le médium est différent.
Cela nous ramène au langage
pyschogéographique (PML). Peutêtre
ne s’agit-il que de la création
d’un fou d’informatique associée à
une mauvaise compréhension de la
notion de réseau sémantique mais,
s’il ne s’agit pas de construire des
tours en brique; arranger des données
conviendra tout aussi bien. Si
les algorithmes peuvent accroître
l’expérience, peut-être est-il possible
de télécharger la “sérendipité”,
comme l’on peut découvrir la plage
sous les pavés. Des dispositifs
computationnels portables alliés à
des pratiques de mapping communes
nous donnent progressivement
la capacité de construire des cartes
adaptées, infiniment plus précises
sur chaque lieu que le territoire luimême.
Cette psychogéographie ne
vous dira pas où trouver le hamburger
le plus proche, mais sera une
fenêtre sur un logiciel gothique
placé au-delà de votre mode expérimental
habituel. Des packages personnalisés
de significations pour
des lieux qui n’existent pas ou pour
laisser des souvenirs de votre
ancienne chambre avant votre
déménagement constitue un urbanisme
que l’on crée soi-même sans
avoir de problème avec les permis
de construire. Votre jardin est de
toute façon trop petit pour y
construire une tour. L’urbanité est un
état d’esprit. Avec le langage PML
vous pouvez créer ou conserver vos
propres expériences, vous pouvez
les utiliser plus tard pour modifier
votre espace, mais aussi partager
votre bibliothèque de données PML
avec vos amis. Cet logiciel gothique
que vous avez toujours avec vous,
servira de guide dans votre cité,
comme un démon personnel. La production
du démon est basée sur les
données dont on l’a nourri, mais les
résultats inattendus issus de son
analyse offrent une telle augmentation
des modes d’expérimentation
traditionnels, que votre appréhension
de l’espace urbain sera transformée
en quelque chose qui se distinguera
nettement des expériences
des autres, jusqu’à ce que, bien sûr,
chacun apporte sa contribution au
royaume de la psychogéographie,
centrée sur un logiciel gothique.
Merci à Nick d’epram.org pour m’avoir
signalé le concept de “turriphilie”.
La plupart des œuvres majeures de Walpole,
de Beckford et de Ruskin se trouvent sur
Internet.
Notification pour le copyright: Ce texte n’a
pas de copyright, sans aucune autre condition.
La réutilisation de ce texte comme on
l’entendra est vivement encouragée.
“Examine once more those ugly goblins,
and formless monsters, and stern
statues, anatomyless and rigid; but do
not mock at them, for they are the signs
of the life and liberty of every workman
who struck the stone” – John Ruskin
(1853)
Form Follows Flights of Fancy
Horace Walpole (1717-1797) was a psychogeographer
long before the word
was invented in the early 20 th century.
His contributions to culture are many:
he wrote a gothic novel called The
Castle of Otranto, he authored an
important text on garden design, he
coined the term “serendipity”(finding
something unexpected and useful
while searching for something else),
and he was a true icon of turriphilia [the
manic desire to build towers]. Walpole,
like his contemporary and fellow turriphiliac
gothic writer William
Beckford, is often regarded as a specimen
of a predictable kind of romantic
eccentric. Psychogeographers however,
admire Walpole for his rare ability to
create, seemingly by accident, new
sensibilities as a by-product of his generosity.
Architecture was one of many
mediums of expression Walpole tried
his hand at. In a period of 20 years he
turned an unassuming Tudor mansion
into a famous gothic castle on
Strawberry Hill near Windsor, London.
Both the interior and exterior of
Walpole’s ‘toy-castle’ were meticulously
designed to provoke a vast array
of sensations in its visitors. This carefully
engineered psychogeographical
atmosphere created a feedback loop
with its creator when it inspired
Walpole to write his The Castle of
Otranto, a book that simultaneously
defined and superseded the genre that
culminated in Harry Potter. Tongue-incheek
from the first syllable to the last,
Walpole entertained his readers by
serving them at breakneck speed what
would become predictable clichés:
ghostly interventions, witchcraft,
haunted rooms, secret trapdoors and
dark dungeons. Through sheer irony
Walpole was saved from the onedimensionality
that characterises his
followers: Walpole’s generosity works
at several levels at once and he gave
too much for some to grasp the immensity
of the gift.
Psychogeography
In psychoanalysis the word “psychogeography”
is used in relation to phenomena
of location – based hysteria:
you are perfectly sane, you enter a particular
room and within a split second
you are stark raving mad. Only when
this response is universally shared and
not dependent on a random individual
neurosis, can this power of a room be
called psychogeographic. Albert
Camus suggested another form of
place-induced behaviour by telling the
story of a man who, hypnotized by a
conspiracy of sun, beach and ocean,
committed a murder. These are the fictional
reports of intuitive minds trying
to grasp the conditions that lead to
extreme deeds. Both are circumstantial
evidence for the existence of something
impossible to isolate: the power
of landscape to force us into certain
behaviour, sometimes even overpowering
our will. As it turned out, this interaction
is much more complex than generations
of urban planners, politicians,
political radicals and behaviourists
suspected. Urban planning has had its
fair share of projects attempting to
hardwire human behaviour in urban
structure. Walpole exemplifies the suspicion
that psychogeographic effects
can be artificially created, not as a linear
process, but as an emergent, that is
serendipitous, unfolding of events. The
importance of these indirect consequences
of urban form resurfaced as a
relevant subject in urban planning in
the late 1950`s when Kevin Lynch modestly
rephrased the need for architectural
objects that generate meaning, in
his concept of imageability, “that quality
in a physical object which gives it a
high probability of evoking a strong
image in any given observer “.
Generosity
The emergence of the gothic movement
in the late 18 th century has been
explained as a means to invent new
mysteries during a period when science
was clearing away all the old
ones, most notably the rainbow. To
attack this inflation of the poetic,
Walpole – and this is even more true for
Beckford – turned his attention to the
Orient: an imaginary domain of caliphs
and harems, of mysterious nomads and
stubborn camels, of djinns and ghouls,
of distant palaces where a story can
save your life. This psycho-geography
of distant Arab deserts had little to do
with reality, but speculative geographies
like these function as a domain in
which experimental solutions for problems
not yet understood can be prepared.
Flaubert, during his stay in
Egypt, excelled in this spatial fiction
when he wrote that nationality shouldn’t
be based on where you are born, but
where you feel at home. This psychogeography
for a passport antidotes the
traditional geographical control systems
that have become unworkable.
Flaubert’s motherland is one of a
nomad: it is generously distributed
around the globe, its exact locations
saved in a database, its qualities described in PML,
Psychogeographical Markup Language, an application agnostic data
format, that allows you to compare your pockets of motherland with
those of others, helping each other to find places where you might
feel at home too. The psychogeographical attraction of the nomad
as icon is obvious: the nomad does not live in a desert, he lives with
the desert, a landscape on which human will has no grip and in
which cities are impossible to maintain. Cities that are distrusted
by the nomad as nothing but a source of aggression and competition,
a place that turns former tribesmen into rivals. All this, and the
political distrust of a mobile lifestyle, has turned the nomad into a
historic anomaly. The nomad, legendary for his generosity, is a
spectre, and what is more gothic than spectres? It is no coincidence
that Walpole added serendipity to our vocabulary in his Persian
Tales. Perhaps Kathy Acker had all this in mind when she predicted
in the Empire of the Senseless that in a few years Paris will be
destroyed by Algerian youth, as the justified revenge of the children
of the nomads on their colonizer.
Serendipity
Traditionally, psychogeographers adopted surrealist tactics as the
guiding principle for navigation without habit; post-Freudian times
however demand other paradigms for urban space cut-ups. The
insight that simple mathematical rules can result in unpredictable
behaviour, is these days applied to the exploration of cities. Small
generative algorithms (like: second left, first right, second right,
repeat) generate a route filled with strange turns leading into misdirected
circumnavigations exploding into the depths of bridges
and embankments without turns. Like logic-gates, streets can be
programmed, and algorithmic walks can be used to program a
Turing-complete pedestrian computer as a grotesque optimisation
of urban space’s functionality. Psychogeographical walks are systematic
approaches directed against preconceived and unquestioned
mental images of landscapes, urban or rural.
Psychogeographical walks actively create situations for serendipity
to occur in: ideas, marvellous views, strange situations, wild
transvaluations, human psychology served as permanent vaudeville,
the latest dancehall-tunes playing from car-windows, sudden
insights into streetgrid mathematics, inventions and invitations.
Cities are generous in what they offer, but the extent of their generosity
is beyond our grasp, their map unable to express its richness,
every bit of city is just as relevant, and just as much part of the
whole, as any other bit. But you cannot find all this by looking for it.
Some people are totally unsuited for psychogeography because
they lack the ability to deal with open – ended situations; if you do
not immediately wonder what might happen when you would execute
the above algorithm, you are one of them. Experiment after experiment
has proven that every street you always thought you knew as
the back of your hand can hide interesting goblins previously unnoticed.
Psychogeography employs the walk not only because the slow
pace allows for close scrutiny of the place you are walking in, but
because walking is imperative to thinking. This was common knowledge
to peripatetic philosophers like Aristotle, while Henry Miller,
an ardent pedestrian, discovered it serendipitousally. Through his
many random encounters with the people he was taught to despise,
Miller overcame the racial prejudices he was brought up with.
Turriphilia
Psychogeography is the art of intervention, a conjuring of urban fiction
in other people’s backyard: architectural scrying, in a language
of form, that scales to the speed of psychogeographical imagination.
It is about making something happen, not events, but something
more timeless, something less confined by gravity.
Something afterwards called “ghostly” to make it understandable:
atmospheres, associations, meme: first bootstrapped into existence,
afterwards left alone to unfold according to the logic of the
moment, adapted to its spatial circumstances. Turriphiliac buildings
drive home the point of generosity and serendipity as intervention-
ists architecture in your backyard. Turriphiliac builders
disregard common sense and even the laws of nature.
At times both Walpole and Beckford consulted proper
architects, but their practical regards were regarded as
a nuisance, their suggestions ignored, deemed diminishing
to the grand vision of gothic re-enactment. The
main tower of Beckford’s Fonthilll Abbey collapsed
soon after its completion, but Beckford took it like a
good sport and immediately ordered its rebuilding.
Walpole, also, spared little to live up to his architectural
visions. After 20 years of constant activity Walpole,
by no means poor, was bankrupt. He saw it coming but
he did not seem to care. He shows turriphilia as a
pleasant and highly addictive activity that is most of all
highly engaging to innocent bystanders. To a turriphiliac
the fun of building is more important than the shortlived
satisfaction of completion by Strawberry Hill’s
look, feel and function were constantly subject to overhaul,
its outward appearance never looking quite splendidly
enough: turriphilia as the art of overdoing it,
excelling in generously adding goblins, trapdoors and
useless monuments to heroes long forgotten.
Turriphilia is the challenge to compile the biggest psychogeographical
joyride in existence, it is played like a
game of Tetris, but with real bricks. Walpole’s folly has
nothing to do with the sugar-coated architecture found
in Disneyland or Las Vegas. These are mock, superficial
ornamental kitsch: turriphilia turned pathological. The
goblin of Walpole and Beckford, and of Ruskin too, is no
special effect, it is the sign of the honesty and generosity
that urban space needs so much at the moment.
In the end psychogeography is not about intervening
through constructing (or demolishing) physical objects
but about constructing narrative structures on top of
what already exists. Turriphilia is just one way to add a
story to the bag of urban legends and apocryphal invisible
cities that give meaning to the spaces we inhabit.
There is sublimity in a remarkable tower hitting the
ground right after its completion, but the resources to
build in denial of the laws of gravity are unfortunately
not equally distributed, and not very often sought after
either. But just like Walpole in the end was building his
tower first and foremost to create new stories to
enhance his own life, so likewise can we, even though
our medium might be different. This brings us back to
the afore mentioned Psychogeographical Markup
Language. Perhaps this is just a product of geekdom
coupled with a badly understood notion of the semantic
web, but if turriphilia with bricks is out of the question,
arranging bits of data will do as well. If algorithms can
augment experience, then perhaps serendipity can be
downloaded while the beach will turn out to be beneath
the pavement after all. Portable computational devices
in combination with collaborative mapping practices,
are slowly delivering us the ability to construct detailed
location-aware, ad-hoc, maps that are more detailed
than the territory. This psycho-geography on your
device will not tell you where to find the nearest hamburger,
it will be a window on gothic softspace layered
on top of your common mode of experience. Authoring
packages of meaning for non-places or leaving memories
related to your old room before you move to a new
one, is Do-It-Yourself urbanism without having to mess
with building permits. You are garden is too small for
your turriphiliac purpose anyway. Urbanity is a state of
mind. With PML you can create / record your own experiences,
you can use them at other times to alter your
experience of space, and as such behaviour, and you
can also share your library of PML data with friends.
This gothic softspace you carry with
you at all times, which will guide you
through your city like a personalised
demon. The output of this demon is
based on previous input, but the unsuspected
results it derives from
analysing this, results in such augmentation
of common modes of experience,
that it will change the feel of urban
space into something very much unlike
the experience of everybody else, until
of course everybody else starts to contribute
to the realm of the psychogeographically
inclined gothic softspace
as well.
Thanks to Nick of epram.org for pointing me to
the concept of turriphilia.
Most major works of Walpole, Beckford and
Ruskin can be found on-line.
Copyright notice: This text is free of copyright,
without any further conditions. Re-use of this
text in any way you see fit is highly encouraged.
51

52
Boris Sieverts À propos de mes voyages About my Trips 1. Amphithéatre, 2001, La Courneuve
2. Nippes symmatriae, 2000, Köln
3. Türkische Gärten Hürth, 1997, Köln
Depuis 5 ans, je guide des touristes ainsi que des
citadins intéressés originaires des environs à travers
des villes de banlieue: ces lieux situés entre
les centres-ville cultivés, très souvent figés depuis
longtemps tels des emblèmes, et la campagne cultivée
qui les entoure, également établie dans une
forme de paysage. Ces voyages se déroulent dans
des zones dont l’existence est plutôt assimilée à
des noms de sortie d’autoroute et à des endroits
où se trouvent des fournisseurs de matériaux qu’à
des lieux réels généralement connus. Avec ces
“voyages organisés”, le plus souvent pour plusieurs
jours, à pied ou à vélo, j’essaie de rendre ces
territoires lisibles en tant que paysages hautement
complexes.
Le patchwork affirmé de choses apparemment
sans forme qui caractérise les fragments sur lesquels
je me concentre, génère une qualité que je
nomme “persistance esthétique”: un paysage
dont la destinée, la lecture, la reconnaissance
n’est jamais terminée, parce que, pour le saisir
dans son ensemble, la vie d’un homme ne suffit
pas, parce que celui-ci est en mutation permanente,
et qu’il renferme des zones interdites ou
inaccessibles, parce que ses contrastes sont trop
grands pour pouvoir les penser ensemble ou parce
que ses ruptures, ses strates et les récits qu’il
contient sont trop nombreux pour pouvoir les
englober dans un raisonnement.
Les thèmes qui s’imposent toujours à moi dans la
recherche de ces lieux et qui par la suite deviennent
également déterminants pour les voyages
proposés, se divisent en deux catégories:
la première catégorie concerne les qualités qui
marquent la réalité de la vie quotidienne des personnes,
des animaux et des plantes vivant et fréquentant
ces zones. Parmi ces particularités, il
faut souligner le potentiel utopique de ces zones.
Celui-ci devient perceptible grâce à:
– La constitution et le maintien de zones de “libertinage”,
c’est-à-dire de zones qui se trouvent pour
ainsi dire dans la sphère cachée de notre monde
contrôlé. Elles offrent un espace aux expériences
sociales et créatrices. Construction et expérience
de la vie n’y font souvent qu’un. Le bricolage
engendre une économie en cercle fermé. Les lieux
de vie sont définis par l’usage et non par la propriété.
Ils sont de ce fait un espace pour une vie
non aliénée. J’aime les appeler “biotopes
humains”.
– Par analogie en quelque sorte, la constitution et
le maintien de biotopes naturels se trouvent sur
des espaces résiduels découlant de la planification
des transports, anciennes décharges, champs
et jardins abandonnés à proximité des villes, gravières,
etc. Très souvent, les biotopes humains et
naturels se jouxtent tout en se complétant.
La deuxième catégorie d’avantages des paysages
citadins spontanés concerne leurs qualités esthétiques.
Celles-ci ont une signification qui dépasse
largement les besoins individuels et les nécessités
vitales quotidiennes des divers groupes sociaux
dans la mesure où ici, aux lisières non modelées
de nos métropoles, s’offre une chance immense
d’examiner et d’étendre les canons esthétiques
admis par la société. Parmi les expériences esthétiques
et les processus de perception liés à l’étude
de ces zones, les suivants me semblent particulièrement
importants:
– Ces étendues incitent à décoder sur un mode
esthétique un monde apparemment “inesthétique” à l’œil de
l’habitué: alors se manifeste une richesse sans pareille de
structures acceptant les types de lecture les plus divers, de
fragments qui renvoient aux contextes fonctionnels anciens
les plus étranges, de processus de changement qui à plus longue
échéance sont également inépuisables sur le plan esthétique.
– Les périphéries sauvages des grandes villes constituent
l’une des dernières grandes aventures. Elles sont l’inexploré,
du sublime à l’insignifiant et recèlent de plein de surprises et
de secrets: les fragments peuvent toujours être recomposés
en nouveaux contextes de vie “pour un jour”.
– Elles comportent une invitation non seulement à assembler
intellectuellement des choses disloquées, à les interpréter, à
créer des liens associatifs, mais aussi à franchir et à apprendre
à décrypter les trous dans les clôtures et toutes les autres
limites estompées de système et de milieu que l’on peut
découvrir en y regardant de plus près.
– Elles apprennent à faire la différence entre la valeur des choses
et leur raison d’être.
– Elles obligent tout un chacun à supporter et à apprécier
d’être étranger.
– Elles offrent la possibilité de reconnaître des différences et
des convergences culturelles au-delà des poncifs habituels et
insuffisants de l’origine, de l’éloignement spatial, du niveau
d’instruction et du niveau de vie;
– de confronter des clichés transmis à sa propre expérience;
– de faire une lecture du territoire: la clé de lecture de nos
conurbations, habituellement qualifiées de façon polémique
de “désordonnées”, se trouve dans leur appréhension du territoire.
Car considéré comme territoire, donc du sol sur lequel
se trouvent les choses, leur manière spécifique de “se trouver
là” devient évidente, oui, on reconnaît d’une certaine manière
une des conditions de base de l’architecture: à savoir qu’elle
crée d’abord des objets qui se trouvent là et que la modification
de cet état par l’accumulation de plusieurs constructions
dressées de façon significative les unes par rapport aux
autres constitue un cas unique et une performance culturelle
remarquable au-delà de laquelle tout est loin d’être primitif.
Lorsque l’on a accepté que l’architecture est quelque chose
qui se trouve là, la marge des villes commence à plaire. Des
bâtiments en apparence quelconques deviennent des monuments
et des lotissements stigmatisés en cités-dortoirs
deviennent des entités villageoises.
Lorsque les maisons ne doivent plus former de rues mais qu’à
la place, vues de la prairie en friche, du champ ou de la gravière
voisine, elles deviennent des éléments parlants de notre
milieu de vie, alors, le champ, la prairie en friche, la gravière,
la sous-couche en grave de l’impasse surdimensionnée et
jamais achevée qui aboutit à l’aire de retournement d’un
quartier pavillonnaire, l’espace bétonné desservant les garages,
le tracé de la ligne haute tension, la zone d’aménagement
différé voisine… en bref: le territoire lui-même sur lequel ou à
côté duquel se dressent les choses, devient “l’environnement”,
le “milieu” dans lequel on se trouve.
Lorsqu’en 1997, j’ai invité pour la première fois des amis et des
connaissances à me suivre pendant deux jours à travers ma
patrie d’adoption, l’Est de Cologne, je n’étais pas du tout sûr
qu’ils sauraient reconnaître le charme de la région. Jusque-là,
je m’étais promené la plupart du temps seul ou en compagnie
de quelques personnes. J’avais d’abord eu recours aux photos
pour témoigner de mes impressions. Lorsque j’ai constaté
que les images intérieures résultant de ces excursions étaient
plus importantes que les photos, l’idée me vint de proposer
des circuits.
L’expérience du voyage de groupe organisé réussit… Et un
jour, j’appelai ce projet “Agence de voyages urbains”.
Les voyages proposés par l’agence de voyages urbains associent
entres autres: espaces en friche et lotissements de tou-
tes sortes, parkings, chantiers de
démolition, lacs artificiels formés
dans des gravières, bois, champs,
jardins, autoroutes, écoles, ports,
foyers pour réfugiés, voies ferrées,
terrains militaires, zones industrielles,
aéroports, tunnels, impasses,
petits sentiers, zones alluvionnaires,
décharges, et enchaînements
d’espaces allant du merveilleux au
brutal. Ils assemblent pour un, deux
ou trois jours, les fragments d’espaces
fractionnés en contextes de vie.
Ce sont alors des modèles grandeur
nature montrant la manière dont cet
espace, alors espace d’aventure
pour randonneurs curieux, peut
devenir un environnement expressif,
impliquant l’addition d’éléments
fonctionnels. La complexité
des réalités se trouvant directement
les unes à côté des autres ou se chevauchant
et s’interpénétrant, transmet
aux participants le sentiment
d’un voyage de plusieurs semaines.
L’offre actuelle d’excursions comprend
l’ensemble de la banlieue de
Cologne, d’importantes parties de
la banlieue parisienne, la région de
la Ruhr sous diverses formes ainsi
que, telle une frange urbaine intramuros,
une visite guidée le long de
la voie express nord-sud de la ville
de Cologne. S’y ajoutèrent, à titre
de travaux réalisés dans le cadre de
l’atelier d’architecture et d’art, des
excursions à travers la banlieue est
de la ville française de Nantes et le
long de la route nationale B1 / A40
du bassin de la Ruhr. Une excursion
a été mise en place pour le compte
du ministère des Transports hollandais
et de la Fondation hollandaise
pour l’Art dans les espaces publics
(SKOR) au cours de laquelle sont
expliqués les aspects paysagers
des autoroutes à l’exemple de la
rocade périphérique de Rotterdam.
(Le programme complet peut être
consulté sur le site: www.neueraeume.de)
For the past five years I’ve been working as a guide in
suburban towns for both tourists and citizens hailing
from the area who are interested. The kind of towns that
lie between city centres with all their culture, often long
since frozen like emblems, and the cultivated countryside
surrounding them, likewise set in a form of landscape.
These trips take place in areas whose existence
tends to be linked with the names of motorway exits
and places where you find suppliers of materials, rather
than with real places known to one and all. With these
“organized trips”, which usually last for several days,
on foot or by bicycle, I try to make these territories
readable as extremely complex landscapes. The marked
patchwork of apparently formless things, that typifies
the bits I focus on, creates something with a quality
that I call “aesthetic persistence”: a landscape whose
destiny, reading and recognition is never complete,
because, in order to grasp it in its entirety, the life of a
person is not enough, because it is in a state of ongoing
change, because it encloses prohibited and inaccessible
zones, because its contrasts are too great to
be able to conceive of them together, or because its
breaks, layers and the narratives it contains are too
numerous to be able to encompass them in any one
argument. The themes which invariably come to the fore
in my search for these places, which subsequently also
become decisive for the trips on offer, can be divided
into two categories.
The first category has to do with the qualities which
mark the reality of people’s daily lives, and the lives of
animals and plants living in and frequenting these
zones. It becomes perceptible thanks to:
– the formation and upkeep of zones of “debauchery”
(libertinage), i.e. zones which occur, so to speak, in the
hidden sphere of our controlled world. They offer a
space for social and creative experiences. In it, the construction
and experience of life often become one. The
makeshift aspect gives rise to a closed-circle economy.
Life places are defined by use and not by ownership. As
a result, they are a space for a non-alienated life. I really
like calling them “human biotopes”.
– By analogy, in a way, the construction and upkeep of
natural biotopes occur in residual spaces issuing from
the planning of transport, old dumps and tips, abandoned
gardens close to cities and towns, gravel pits,
and so on. In many instances, human and natural
biotopes rub shoulders and complement each other.
The second category of advantages of spontaneous
urban landscapes – cityscapes – has to do with their
aesthetic qualities. These qualities have a meaning
which goes well beyond individual needs and the vital
daily necessities of the various social groups, in so far
as, here, on the non-modelled outskirts of our metropolises,
there is a huge opportunity to examine and extend
the aesthetic canons admitted by society. Among the
aesthetic experiences and the perceptive processes
associated with the study of these zones, the following
seem to me of special significance:
– these expanses prompt a decoding, based on an aesthetic
method, of an apparently “kinaesthetic” world, in
the eye of the person accustomed to it: there then
appears an unparalleled wealth of structures accepting
the most diverse types of reading, of fragments referring
to the oddest age-old functional contexts, and of
processes of change which, in the longest term, are
also inexhaustible at the aesthetic level.
– The wild outskirts of major cities represent one of the
last great adventures. They are the unexplored zone,
from the sublime to the insignificant, and they are filled
with surprises and secrets: the bits and pieces can
53

54
always be put back together in new life
contexts for a day...
– They include an invitation not only to
intellectually assemble dislocated
things, interpret them, and create associative
links, but also to negotiate, and
learn how to decipher the holes in the
fence and all the other blurred boundaries
of system and environment that
can be discovered by taking a close(r)
look.
– They learn how to make the distinction
between the value of things and
their reason for being.
– They oblige all and sundry to put up
with, and appreciate, being alien.
– They offer the chance to: recognize
cultural differences and convergences
over and above the usual and inadequate
clichés to do with origins, spatial
distancing, the degree of instruction
and the standard of living; and to:
– compare clichés transmitted to one’s
own experience;
– make a territorial reading: the key to
reading our conurbations, usually
polemically described as disorderly, is
to be found in their grasp of the territory.
For when regarded as territory, thus
related to the ground on which things
are to be found, their specific way of
“being there” becomes clear, yes, and
in a way we recognize one of the basic
conditions of architecture: namely, that
it first of all creates objects which end
up there, and that the modification of
this state, by the accumulation of several
constructions erected in a significant
way in relation to each other,
forms a one-off case and a noteworthy
cultural performance beyond which
everything is far from being primitive.
When this has been accepted, namely
that architecture is something that is
there, the edge of cities starts to be
pleasurable. Apparently more or less
anonymous buildings become monuments,
and housing estates stigmatized
as dormitory towns become village
entities. When houses no longer
have to form streets but, instead, seen
from the fallow grassland beyond, from
fields, or from the nearby gravel pit,
they become eloquent elements of our
living environment, so, the field, the fallow
grassland, the gravel pit, the gravel
underlay of the outsized and never
completed cul-de-sac that ends up in
the turning area of a neighbourhood of
low-rise housing, the concrete area for
the garages, the path of the power line,
the zone of neighbouring deferred
refurbishment... in a word: the territory
itself, on which or beside which things
rise up, all become “the environment”,
the “milieu” in which we find ourselves.
In 1997, when, for the first time, I invited
friends and acquaintances to come
with me for two days on a walk through
my adopted homeland, the east end of
Cologne, I was not at all sure that they
would manage to recognize the
region’s charm. Hitherto, I had done
most of my walking on my own, or with
just a handful of people. First of all, I
used photos to record my impressions.
When I realized that the interior
images resulting from these excursions
were more important than the
photos, I had the idea of proposing circuits
and tours. The organized group
trip experience was a success... And
one day I called this project “Agence
de voyages urbains” or “Urban Travel
Agency”. The trips offered by the
Urban Travel Agency associated
among other things: fallow areas and
all manner of housing estates,
carparks, demolition sites, manmade
lakes in gravel pits, woods, fields, gardens,
motorways, schools, ports,
refugee centres, railway lines, military
sites, industrial zones, airports, tunnels,
cul-de-sacs, small paths, floodprone
areas, tips and dumps, and
sequences of spaces ranging from
wonderful to brutal. For one, two or
three days they encompass bits and
pieces of areas broken up into living
contexts. They are thus life-size models
showing how this space – then an
adventure area for curious hikers – can
become an expressive environment,
involving the addition of functional elements.
The complexity of the realities
situated in each other’s immediate
vicinity, or straddling each other and
intermingling with each other, transmits
to those taking part the feeling of
a trip lasting several weeks. The current
schedule of excursions includes all the
suburbs of Cologne, major parts of
suburban Paris, the Ruhr region in various
forms, as well as, akin to an intramuros
urban fringe, a guided tour along
the north-south highway of the city of
Cologne. Added to this, as works produced
as part of the art and architecture
workshop, are excursions through
the eastern suburbs of the French city
of Nantes, and along the B1 / A40 highway
in the Ruhr basin. An excursion
has been organized on behalf of the
Dutch Ministry of Transport and the
Dutch Foundation for Art in Public
Places [SKOR], during which the landscaping
aspects of motorways, following
the example of the Rotterdam ring
road, are explained. (The complete programme
may be consulted on the website:
www.neueraeume.de).
Sur la série des maisons coupées
About the Series of Sectioned Houses
Je ne photographie les maisons que rarement.
Le plus souvent je photographie des
situations, j’essaie alors de représenter
comment les choses se situent les unes par
rapport aux autres. Mais il m’arrive occasionnellement
de photographier différentes
constructions, notamment lorsqu’elles
constituent en quelque sorte un archétype.
Dans ce cas, l’environnement ne joue aucun
rôle. Je l’ai tout simplement coupé et éliminé.
Cette suppression s’est alors faite en
toute indépendance et a permis de renforcer
la particularité des constructions.
I only rarely photograph houses. Usually I photograph
situations. So I try to show how things are
situated in relation to each other. But occasionally
I will photograph different constructions, in
particular when they form a sort of archetype. In
this case, the environment plays no part. I have
simply cut and done away with it. This elimination
is thus carried out in total independence,
and helps to bolster the specificity of the constructions.
1. Modern in Kriesgrube, 2002, Köln
2. Snack, 2002, Bochum
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56
3. Modernité Rhénane, 2002, Köln
4. Modernité à la Rhénane 2, 2002, Köln
5. Maison à Nantes, 2002, Nantes
6. Station de tramway, 2002, Köln
7. Maison bric à brac, 2002, Bochum
57

58
8. Parking, 2002, Köln
9. Escalier, 2002, Pierrefitte sur Seine
10. Parking, 2002, Köln
11. Mercedes Bleses, 2002, Köln
59

60
12. Litteralement, 2002, Nantes
13. Maison tente, 2002, Köln
Nick West
Que se passe-t-il quand les gens sont invités à
faire des commentaires sur des lieux spécifiques
dans la ville?
Y a-t-il des outils qui peuvent aider à créer un
espace ouvert et permanent où inscrire ces commentaires?
Telles étaient les questions implicites par lesquelles
nous avons débuté notre recherche, Urban
Tapestries [Tapisseries Urbaines] (un projet de
Proboscis, Agence en conception basée à
Londres. Puis, nous nous sommes donné pour
objectif de concevoir des ensembles d’outils et de
compétences qui permettront aux gens d’annoter
l’espace urbain qu’ils habitent ou par lequel ils
passent tous les jours. Nous partons du principe
selon lequel, si on leur en donne l’occasion, beaucoup
de gens aimeraient «laisser leur marque»
dans la ville d’une manière ou d’une autre – que
cela signifie laisser un mot pour les amis, imaginer
ses propres circuits de promenade, développer des
ressources documentaires sur place ou encore
d’autres choses parmi des dizaines de possibilités.
En bref, nous avons une forte intuition, commune à
tout le groupe, qui nous dit que le meilleur chemin
vers une valorisation géographique de la ville
implique forcément de concevoir comment une
large section de la population peut apporter sa
pierre à la construction de l’édifice.
Contexte: la recherche
Lorsque nous avons commencé notre recherche,
nous étions technologiquement agnostiques: le
propos était plutôt de voir si les gens voulaient ou
non annoter la ville. Pour explorer la possibilité de
réalisation de telles annotations et savoir si les
gens désiraient le faire, nous avons organisé une
série de «bodystormings». Pendant ces séances,
nous avons étalé une carte gigantesque d’un quartier
du centre de Londres au sol, donné aux participants
un paquet de post-it de couleur, et les avons
envoyés sur la carte en chaussettes pour créer
toutes les chaînes d’annotations qu’ils voudraient.
Nous avons trouvé que presque tous les participants
voulaient faire non pas une mais de multiples
annotations et beaucoup en créèrent des
dizaines. Ceci était vrai non seulement parmi les
amateurs admis dans le temple des initiés du hitech,
mais aussi parmi les nombreux groupes de
seniors avec lesquels nous avons travaillé dans
une maison de quartier locale. Le sujet de ces
annotations allait de circuits historiques (ce à quoi
nous nous attendions) à des histoires du même
genre, datant de la Seconde Guerre Mondiale, en
passant par les circuits des petits riens où l’on
apprenait les disputes qu’une participante avait
eues avec son ex petit ami. Des gens avaient créé
des jeux rudimentaires, des circuits architecturaux,
des feuilletons, des poèmes spatialisés, des
histoires de famille et tout un méli-mélo d’autres
thèmes dont la variété était franchement surprenante.
Convaincus de ce que annoter la ville attirerait les
foules, nous avons bâti deux prototypes. A la base
de notre premier essai en public, un simple système
client-auteur fonctionnant sur un ANP communiquait
avec une base de données en empruntant
un réseau sans fil Wi-Fi que nous avions installé
dans un petit coin de Bloosmbury au centre
Tapisseries urbaines: le spatial
et le social sur votre portable
de Londres. Il faisait froid, il pleuvait
et le prototype ne parvenait pas
à maintenir le contact. Mais là
encore, nous fûmes agréablement
surpris par la persévérance des participants
à créer leurs annotations.
Chaque participant écrivit ses propres
réactions face à ce procédé de
recherche sur le blogue que nous
avions créé pour eux à http://urbantapestries.net/weblog.
Nous avons ensuite créé un
deuxième prototype fonctionnant
sur un téléphone portable, et communiquant
sur le réseau GPRS
standard. Un groupe de participants
a ainsi pu utiliser ce prototype
de façon fiable pour annoter un
carré de trois kilomètres de côté
dans le centre de Londres, dont
Oxford Circus était l’épicentre. Le
logiciel permet de créer une annotation
sous forme de texte, de son ou
de photo (ou les trois à la fois) que
l’on peut attacher à une adresse
spécifique. Les annotations sont
alors réunies sur des «chaînes»
d’annotations et chaque auteur
peut alors en créer de multiples.
Les gens ont bien aimé utiliser le
logiciel sur le portable et étaient
intrigués par l’idée de l’utiliser pour
quelque chose de complètement
différent de ce qu’ils en faisaient
habituellement, une nouvelle forme
de communication avec son public
diffus, tourné vers le futur au lieu
d’un seul public préoccupé par l’instant
présent.
Au cours de notre recherche, nous
avons réalisé que nous cherchions
en fait à définir le point commun
entre deux comportements urbains:
l’un spatial et l’autre social.
Spatialisation du social
L’innovation la plus évidente
d’Urban Tapestries (et de nombreux
projets récents portant sur
des recherches semblables) réside
dans le nouvel éclairage projeté sur
l’espace de la ville et la façon dont
cet espace est créé. En elle-même,
l’intime connaissance que ces projets
apportent à la production de
l’espace n’est pas particulièrement
innovante. Mais ce qui semble digne
d’intérêt, c’est que les annotations
urbaines créent de l’espace dans ce
qui a précédemment représenté une
démarche entièrement sociale: l’utilisation
de téléphones portables.
Les portables sont apparus comme
de fantastiques amplificateurs de
l’éphémère et du quotidien: le nombre
d’appels vocaux et de messages
Urban Tapestries: The Spatial
and the Social on your Mobile
SMS continue à augmenter d’un
mois à l’autre; cependant toutes
ces communications sont fugaces
et ne laissent aucune marque audible
ou visible sur la métropole et sa
conurbation. Au contraire, l’annotation
urbaine permet aux gens de
TELEPHONER CHEZ EUX dans un
sens concret et physique: si les
annotations sont sauvegardées –
c’est-à-dire si elles deviennent permanentes,
comme une école, une
rue ou une place le sont – la
construction de la ville où nous
habitons gagne un tout nouveau
groupe d’auteurs. Nelson a sa
colonne à Trafalgar Square, Alsop
sa bibliothèque à Peckam, mais
maintenant Rachida peut punaiser,
sur la devanture de son magasin,
rue Ealing Broadway, ses commentaires
sur le voisinage, Nigel peut
épingler son circuit Samuel Pepys
de Fleet Street – et ils sont des milliers
d’autres à pouvoir en faire
autant, les barrières d’entrée de
l’annotation étant beaucoup plus
faciles à franchir que celles qu’il
faudrait pour laisser une marque
physique tangible sur la ville.
Cette spatialisation du social est
essentiellement une chambre à nuages
pour la vie de tous les jours: ce
qui était auparavant invisible
devient visible et laisse une trace
derrière lui. Ce que nous proposons
n’est ni plus, ni moins la création
d’archives tridimensionnelles où
fixer le passage de la vie quotidienne.
Ce vaste et noble projet
n’est pas si évident lorsqu’on parcourt
des yeux les premières tentatives
d’annotations, centrées sur la
technologie et les tactiques – les
hommes et les femmes de la ville
ainsi que leurs voix ne sont encore
que très peu tangibles dans ces
expériences. Mais imaginez cette
démarche dans 10 ou 20 ans d’ici, les
strates qui s’accumulent devant des
ordres de grandeur plus denses
qu’un affichage sauvage ne pourrait
jamais espérer atteindre. La clé
ici est la persévérance: les messages
conquièrent de l’espace par leur
durée et en s’accumulant dans un
lieu donné.
La spatialité de cette démarche
semble comporter deux aspects.
Quelques annotations contiennent
effectivement une composante
spatiale spécifique: «C’est ici que
Charles Dickens a vécu»; «Cool,
j’ai rencontré ma première petite
amie, ici dans Regent’s Park!».
D’autres sont éphémères et singent
le contenu de conversations courantes,
de coups de téléphones et
61

62
d’e-mails: «Liz, appelle-moi quand tu verras cette
annotation »; «MILLWALL EN FORCE!!!» Mais en
outre une spatialité indirecte est à l’oeuvre ici:
même la note la plus fugace acquiert un caractère
spatial une fois inclue dans de plus amples archives
métropolitaines d’annotation urbaine. Les
futurs archéologues de la cité seront ravis de trouver
ces scories verbales, visuelles et orales de
notre âge épinglées comme des éphémères, leurs
coordonnées géographiques repérées et n’attendant
plus que les analyses de ces chercheurs.
En fait, il pourrait se faire que des annotations
urbaines très largement disponibles encouragent
une re-spatialisation du social – dans le sens où
les gens prendront plus conscience des endroits où
ils se trouvent et comment ils se situent par rapport
à ces lieux s’ils peuvent les annoter à loisir. Il
est intéressant de remarquer que, dans plusieurs
des nombreux programmes d’annotations proposés,
chaque point, chaque photo, chaque commentaire
est totalement atomisé: il se tient seul, à part
et sans lien avec d’autres annotations éventuelles.
Par contre, dans Urban Tapestries, chaque annotation
fait partie d’une chaîne plus large. On pourrait
donc en conclure que Urban Tapestries attire
plus d’annotations qui se rapportent précisément
à la ville, simplement du fait que la création d’une
chaîne d’annotations spatiale force l’angle de vue
du participant à traverser l’étendue physique de la
ville.
Il ne faut pas imaginer que la spatialisation du
social et de l’éphémère fixera à jamais ces objets
dans le béton. Bien sûr, on racontera toujours des
histoires; on continuera à gribouiller des graffitis,
à laisser ça et là, partout, des mots doux, des affiches
de spectacle et des publicités – et ces aspects
de notre communication sociale, comme nos
appels téléphoniques d’aujourd’hui, ne constitueront
pas un phénomène spatial. Mais là encore, la
version physique de ces mêmes phénomènes n’est
pas non plus vraiment spatiale, puisque la part
réservée au commercial dans l’environnement bâti
– que ce soit des panneaux publicitaires ou des
parcs d’entreprises – revêt souvent une qualité
analogue, celle d’être «de partout et de nulle
part».
Tout ce que nous pouvons faire est d’indiquer un
antidote: offrir des occasions à la vie de s’accumuler,
de s’incruster, d’évoluer, de se stratifier et
de se sédimenter sur un support visible et permanent.
Les flux de la vie quotidienne existent déjà –
notre modeste contribution est de suggérer un
moyen d’archiver cette vie au milieu des flux quotidiens
qui sont les nôtres, tout en espérant que
ceux-ci commenceront à façonner de manière plus
concrète les environnements physiques où ils s’accomplissent.
Bref, la nature sociale de tous les messages véhiculés
par portable devient de plus en plus spatiale,
au fur et à mesure que ces messages virtuels sont
archivés et associés à des lieux spécifiques.
Socialisation du spatial
De façon analogue, la nature élitiste de l’environnement
bâti (en fait, combien d’architectes y a-t-il
par tranche de 100 000 habitants?) est sur le point
de se démocratiser grâce à la nature ouverte de
systèmes d’annotation comme Urban Tapestries.
Dans la mesure où les annotations dans un tel système se
spatialisent, leurs auteurs deviennent de ce fait les créateurs
d’un nouveau vernaculaire virtuel qui façonnera de plus en
plus l’expérience urbaine que nous partageons.
La qualité la plus remarquable de ces nouvelles annotations
est que leur adresse prédominante puisse devenir plus géographique
que personnelle. Au lieu de passer un coup de fil à un
ami, nous allons «téléphoner» à un endroit par le simple fait
d’en créer l’annotation. (Ces points géographiques fournissent
alors peut-être la réponse implicite à la question si courante
dans les appels sur portables: «Où es-tu?»).
Ces nouveaux bouts d’espaces différeront de l’espace tel que
nous le connaissons actuellement. D’une part, ils ne sont évidemment
pas de nature exclusivement physique, puisque des
dizaines de personnes peuvent annoter le même point qu’occupe
physiquement un seul bâtiment. D’autre part, la visibilité
réelle de ces annotations est assez faible par rapport aux
éléments de l’environnement actuellement bâti. Au lieu de
simplement regarder dans sa direction, il faut se servir de
matériel spécialisé, intérieurement manipulé par des logiciels
complexes, pour finir par ne visualiser l’annotation que sur le
minuscule écran d’un portable ou d’un ANP, qui correspond à
peut-être moins de 1% de l’étendue de notre champ de vision
normal.
Donc, si nous devons «voir» ces annotations de la même
façon que notre environnement bâti, nous devons entraîner
notre attention et la focaliser, ce qui constitue un immense
défi dans l’état actuel d’évolution de ces outils. Cependant,
ce qui importe, c’est que ces expériences indiquent un changement
en devenir dans la topologie de l’espace urbain telle
que nous la percevons. Les villes ne seront pas seulement
ouvertes, comme elles le sont à l’heure actuelle, à une grande
diversité d’habitants et d’expériences, mais l’environnement
bâti se dotera de façon exponentielle de plus d’architectes.
L’enjeu est de trouver des moyens d’incruster l’intelligence
culturelle dans cet environnement – c’est-à-dire, plus précisément,
le long de et sur les itinéraires que nous parcourons jour
après jour. Ces annotations ne seront qu’indirectement sociales:
leurs auteurs ne se parleront pas, mais laisseront leur
commentaire, tel un message urbain dans une bouteille, pour
que d’autres puissent le lire. Leur public est implicite plutôt
qu’explicite. La socialité qui en découle est moins une cause
qu’un résultat. Le social se forme par accumulation, de multiples
annotations apparaissant à un même endroit, ou sur un
même thème. Ce n’est pas que ce processus n’existe pas
déjà dans notre environnement physique, mais ce passage
vers le virtuel peut en accélérer le mouvement de façon considérable.
Ces modestes expériences présagent d’archives urbaines
ouvertes et permanentes, dont chaque entrée sera enracinée
dans l’espace géographique déjà occupé par la ville. Ainsi,
l’annotation urbaine devient un processus d’involution, phénomène
plus intense qu’étendu: un frein au développement
tentaculaire des banlieues.
Nick West est architecte de l’information chez Proboscis, agence en conception
basée à Londres, et poursuit actuellement ses études de doctorat en «Cultural
Studies» à Goldsmiths College, Université de Londres.
Vous pourrez vous amuser pendant des heures à consulter les résultats détaillés
de notre recherche sur www.urbantapestries.net .
What happens when people are invited
to make comments about specific locations
in the city?
Are there any tools that can help create
an open, persistent field in which these
comments can be placed?
Those were the implicit research questions
that we started with in Urban
Tapestries (a project by Proboscis, a
Creative Studio based in London. Our
goal became the design of toolsets and
skillsets that will allow people to annotate
the urban spaces that they inhabit
and pass through every day. Our premise
is that, given half a chance, lots of
people would like to “leave their mark”
on the city in some way – whether that
means leaving notes for friends, devising
their own walking tours, developing
in-place information resources, or any
one of dozens of other possibilities. In
short, we have a strong group hunch
that the best path toward enhancing
the geography of the city necessarily
involves designing a way to allow contributions
from a broad section of the
population.
Background: the Research
As we started our research, we were
technology-agnostic: the point,
instead, was to see whether or not people
wanted to annotate the city. To
explore the possibilities of (and the
desire for) such annotations, we
arranged a series of “bodystormings”.
During these sessions, we laid a huge
map of a central London neighbourhood
on the floor, gave the participants
a stack of coloured post-it notes, and
sent them out on the map in their sock
feet to create whatever string of annotations
that they might want. We found
that almost every participant was interested
in creating not one, but multiple
annotations – and many created
dozens. This was true not only among
the denizens of the usual high-tech
demographic, but also among multiple
groups of seniors that we worked with
at a local community centre. The subject
of these annotations ranged from
history trails (the expected) to parallel
histories of World War II to breadcrumb
trails documenting the arguments
one participant had with her exboyfriend.
People created rudimentary
games, architectural tours, serialised
stories, spatialised poems, family histories,
and a welter of other topics – the
variety was frankly surprising.
Convinced that annotating the city
would be a strong draw, we built two
prototypes. Our first public trial was
based on a simple authoring client running
on a PDA, and communicating
with a database over a WiFi mesh network
that we set up in a small section
of Bloomsbury in central London. The
weather was cold and rainy and the prototype was flaky, but we
were again pleasantly surprised by the participants’ perseverance
in creating their annotations. Each participant wrote their own reactions
to the research process on the blog we created for them at
http://urbantapestries.net/weblog .
We then created a second prototype running on a mobile phone,
and communicating over the standard GPRS network. A group of
participants was able to reliably use this prototype to annotate a 3kilometre
square of central London centred on Oxford Circus. The
software allows the creation of a text, sound or photo annotation (or
all three) that can be attached to a specific address; the annotations
are collected into “threads” of annotations, and each author
can create multiple threads.
People liked using the software on the phone, and were intrigued
with the idea of using the phone for something much different than
their usual purposes – a new form of communication, with a diffuse,
future audience instead of a particular audience in the here and
now.
In the process of our research, we realised that we were attempting
to define the common ground between two strands of urban behaviour:
the spatial and the social.
Spatializing the Social
The most obvious innovation of Urban Tapestries (and many similar
recent research projects) is a renewed focus on the space of the
city and how that space is created. In and of itself, the insight these
projects bring to the production of space is not especially groundbreaking.
But what does seem noteworthy is that urban annotations
create space through what has previously been an entirely social
process: the use of mobile phones. Mobiles have been a fantastic
amplifier of the ephemeral and the everyday: numbers of voice calls
and SMS messages continue to increase each month – and yet all
of those communications are fleeting and leave no visible or audible
mark on the greater metropolis. In contrast, urban annotation
allows people to PHONE HOME in a concrete physical sense: if the
annotations are saved – that is, if they become persistent in the
same way that a school or a street or a square is persistent – then
the construction of the city we inhabit gains a completely new set of
authors. Nelson has his column in Trafalgar Square, Alsop has his
library in Peckham, but now Rashida can tack her neighbourhood
comments to her storefront on Ealing Broadway, Nigel can peg his
Samuel Pepys Tour to Fleet Street – and a potential thousand others
like them, the barriers of entry to annotation being much smaller
than those for leaving a tangible physical mark on the city.
This spatialisation of the social is essentially a cloud chamber for
everyday life: what was once invisible now becomes visible and
leaves its trace behind. What we are proposing is no less than the
creation of a three-dimensional archive for the passage of everyday
life. This grand scope is not so obvious when scanning the current
early attempts at annotation, with their focus on technology and
tactics – the people of the city and their voices are still largely
intangible in these experiments. But imagine the process 10 or 20
years down the line, where the layering gradually becoming orders
of magnitude more dense than a flyposting wall could ever hope to
achieve. The key here is persistence: the messages acquire qualities
of space as they endure and accrete in a particular location.
The spatiality of this process seems two-fold. Some annotations
will, of course, carry a specifically spatial component: “Here’s
where Charles Dickens lived”; “Cool, I met my first girlfriend here
in Regent’s Park!” Others will be ephemeral, aping the content of
current conversations, phone calls, and e-mails: “Liz, call me when
you see this annotation”; “MILLWALL RULES!!!” But there’s an
indirect spatiality at work here, too: even the most fleeting of notes
becomes spatial once it is placed in a larger metropolitan archive of
urban annotation. Future urban archaeologists will be grateful to
find the verbal, visual and audio ephemera of our age already
tagged with a geographical coordinate and awaiting their analysis.
It could be, in fact, that the availability of widespread urban annotation
could actually encourage a conscious re-spatialisation of the
social – in the sense that people will be more aware of
their places and their placement within it if they have
the ability to annotate it at will. Interestingly, in many of
the currently proposed annotation schemes, each point
or photo or comment is completely atomized: it stands
on its own, unconnected with any other annotations. In
Urban Tapestries, however, each annotation is part of a
larger “thread” of annotations. As a result, it seems
that Urban Tapestries draws out more annotations that
are specifically about the city, merely by dint of the fact
that creating a spatial thread of annotations forces the
arc of the participant’s attention to travel across the
physical expanse of the city.
It shouldn’t be imagined that the spatialisation of the
social and the ephemeral will lock these artifacts in
concrete. Obviously, there will still be stories told; graffiti
scrawled; love letters, band announcements and
commercial advertisements left anywhere and everywhere
– and these aspects of our social communication,
like our phone calls now, won’t be a spatial phenomenon.
But then again, the physical version of these
same phenomena isn’t truly spatial either: commercialised
parts of the built environment – whether billboards
or office parks – often have a similar “placeless”
quality.
All we can do is point toward an antidote: to offer the
opportunity for accretion, encrustration, evolution, layering,
and sedimentation of life in a visible, persistent
medium. The flows of everyday life exist already – our
small contribution is to point to a way in which an
archive of this life can be created in the midst of our
daily flows, in the hope that these flows will begin to
more concretely shape the physical environments in
which they take place.
In sum: the social nature of all the messages delivered
via mobile phones is becoming more spatial, as these
virtual messages are collected into a persistent archive
and become associated with specific locations.
Socializing the Spatial
In a similar process, the elite nature of the built environment
(what’s the distribution of architects per
100,000 population?) is poised to become more democratic
because of the open nature of annotation systems
like Urban Tapestries. To the extent that the annotations
in such a system become spatial, it makes the
authors of those annotations the co-creators of a new
virtual vernacular that will more and more shape the
shared experience of the city.
The most salient quality of these new annotations is
the fact that their predominant address may become
geographical rather than personal. Instead of phoning a
friend, we will “phone” a place as we create an annotation
to it. (Perhaps these geographical points then
become the implicit answer to the question so common
in mobile calls: “Where are you?”)
But these new bits of space will be different from the
space we now know. For one thing, they are obviously
not physically exclusive, since dozens of people could
annotate the same spot occupied by only one physical
building. For another, the actual visibility of these annotations
is quite low compared to elements of the current
built environment. Instead of merely directing our
gaze in its direction, we must use specialised equipment,
manipulated internally by complicated software,
and in the end see the annotation only within the confines
of the tiny screen of a phone or a PDA – maybe
less than 1% of the size of our normal field of vision.
So if we are to “see” these annotations in the same way
that we see our built environment, our
attention must be trained and focused;
that’s a tall order given the current
stage of development of these tools.
But the important point is that these
experiments point to a potential
change in the perceived topology of
urban space. Not only will cities be
open as they currently are to a wide
variety of inhabitants and experiences,
but the built environment itself will
acquire exponentially more architects.
The challenge is to find ways to embed
cultural intelligence within the built
environment – or, more precisely,
alongside and within the pathways that
we traverse from day to day. These
annotations will be only indirectly
social: their authors won’t talk directly
to one another; they will leave their
commentary, like urban messages in a
bottle, for others to read. Their audience
is implicit rather than explicit.
Sociality only emerges as the result
rather than being the motivating cause.
The social builds by accretion, by the
appearance of multiple annotations at
the same place, or on the same theme.
Not that this process doesn’t already
occur in our physical settings; but the
virtualisation of the process can accelerate
it greatly.
These small experiments foreshadow
an open and persistent archive of the
city, with each entry grounded in the
geographical space that the city
already inhabits. Urban annotation
thus becomes a process of involution,
an intensive rather than an extensive
phenomenon: a potential anti-sprawl.
Nick West is an Information Architect with
Proboscis, a creative studio based in London,
and is working toward a PhD in Cultural Studies
at Goldsmiths College, University of London.
You can entertain yourself for hours with the
details of our research at www.urbantapestries.net
.
63

1. Les participants d’une session de «bodystorming»
ont été invités à annoter la ville à
l’aide de stylos, de post-it et en chaussettes.
Participants in a bodystorming session were
invited to annotate the city using pens, post-it
notes, and sock feet.
2. Annoter la ville n’était pas une partie de
plaisir seulement pour les mordus du numérique
– quelques vieilles dames venant d’une
maison de quartier voisine s’y sont mises à
cœur joie.
Urban annotation wasn’t fun just for the digerati
– some older ladies from a local Community
Centre joined in with gusto.
3. Après une heure de «bodystorming», la
carte était couverte d’annotations... à quoi
ce palimpseste ressemblerait-il dix ans plus
tard?
After an hour of bodystorming, the map was
filled with annotations…what would this
palimpsest look like after 10 years?
4. Notre premier essai en public en décembre
2003 utilisait des ANP et des réseaux
sans fil Wi-Fi.
Our first public trial in December 2003 used
PDAs and a WiFi mesh network.
5. Chaque participant à nos essais de
décembre 2003 avait reçu un livret d’instructions
où figurait une carte de la zone choisie
pour les essais – soit un rayon de 10 pâtés de
maisons à Bloomsbury, dans le centre de
Londres.
Each participant in our December trial received
an instruction pamphlet with a map of the trial
area – a 10-block radius in Bloomsbury, in central
London.
6. Au cours de notre deuxième essai public
en juin 2004, des téléphones portables et le
réseau GPRS ont été utilisés. Les participants
pouvaient annoter n’importe quel lieu
dans un rayon de 1_ kilomètres autour de
Oxford Circus, à Londres.
Our second public trial in June 2004 used mobile
phones and the GPRS network. Participants
could annotate anywhere within 1_ kilometres of
Oxford Circus in London.
7. Le client de Tapisseries urbaines vous permet
de choisir une adresse donnée et de
créer une annotation la concernant à l’aide
de texte, de son ou de photos. On peut relier
ces annotations les unes aux autres en chaînes.
The Urban Tapestries client allows you to select
a particular address and create an annotation
about it using text, sound or a photo. You can
string these annotations together into threads.
64 65
© 2004 Proboscis

66
Boeri Studio,
Multiplicity
Les zones portuaires italiennes – et
plus généralement celles de
l’Europe méditerranéenne
(Barcelone, Marseille, Gênes,
Naples, Trieste, Le Pirée,
Salonique, …) – présentent trois
caractéristiques particulières.
Même s’ils sont souvent considérés
comme des entités homogènes uniques,
les ports de la Méditerranée
sont avant tout des territoires pluriels,
polyvalents, où coexistent différents
paysages et environnements
: les zones commerciales, les
zones touristiques, les espaces de
production, les grandes aires ouvertes
à la mobilité des marchandises
et des passagers, mais aussi des
niches d’espaces résidentiels, des
lieux de rencontre, des espaces
ludiques. À cette variété d’espaces
à l’intérieur d’un périmètre fermé
s’ajoute l’orographie des côtes italiennes,
qui, souvent, resserre la
ville historique sur les ports et l’empêche
de se déplacer vers les zones
extérieures (à la différence de ce qui
s’est produit dans les ports
d’Europe du Nord). Les ports des
grandes villes d’Europe du Sud sont
donc inextricablement associés à
leur cité. Comme les villes dont ils
sont issus, les ports italiens et
méditerranéens sont des espaces
tolérants et métissés, susceptibles
d’abriter une extraordinaire variété
de comportements et d’espaces à
l’intérieur d’un environnement compact,
cohérent et clair. Circuler à
Naples, à Gênes, à Palerme, à
Marseille ou à Salonique, entre le
centre médiéval et le port, revient à
traverser des paysages urbains nettement
distincts, qui se succèdent
rapidement, sur quelques centaines
de mètres, et qui, en leur sein, présentent
toujours une grande
richesse de déclinaisons et de
variations. Cette caractéristique,
ce code génétique des grandes villes
portuaires de l’Europe du Sud,
est une question sur laquelle il faudrait
aujourd’hui se pencher avec
attention.
La deuxième caractéristique des
ports – pas uniquement les ports de
Méditerranée – est leur centralité
intrinsèque. Il faut comprendre le
port, non pas comme le dernier prolongement
de la ville sur l’eau,
comme un waterfront (un terme qui,
Entre le port et la ville
(Stephano Boeri)
Between Port and City
(Stephano Boeri)
appliqué aux zones portuaires, est hypocrite et trompeur),
mais comme un lieu médian entre l’eau et la terre urbaine; un
lieu intermédiaire à tous égards, qui entretient des rapports
avec les deux environnements qui le jouxtent: le paysage
marin et le paysage terrestre. Les flux de marchandises et de
passagers qui proviennent de ces deux paysages se rencontrent
sur les quais – qui ne sont pas par hasard de grands
espaces ouverts et fluides – et déterminent la centralité du
port.
En d’autres termes, le port est le lieu artificiel d’une centralité
mobile: c’est là que se passent l’échange et la circulation des
marchandises qui défilent sur les quais et sur les môles. C’est
un territoire doté de règles et de principes clairs, où les espaces
ouverts sont souvent plus stables et plus importants que
les contenants construits. Cette centralité “mobile” constitue
l’un des aspects les plus intéressants de la conception
des zones portuaires urbaines: d’un côté, elle s’oppose à la
centralité statique de la ville historique et, de l’autre, elle la
stimule.
La troisième caractéristique des ports italiens et d’Europe du
Sud concerne justement leur extraordinaire mobilité. Les
ports sont des espaces en mutation permanente: par fragments,
par zones, par couloirs, ils évoluent comme des espaces
imprévisibles. Pour concevoir le projet d’une zone portuaire,
il faut apprendre à affronter la question de l’incertitude
et de l’imprévisibilité de l’avenir. D’autant plus que l’avenir
en question est souvent dicté par des choix et des stratégies
qui se décident à des dizaines de milliers de kilomètres
de distance, dans les bureaux d’une compagnie exotique ou
en pleine mer, sur le pont d’un grand navire porte-conteneurs,
par exemple. C’est justement l’absence de prévisions fiables
sur l’évolution de l’économie et du marché qui oblige souvent
ceux qui travaillent dans les ports à prendre la responsabilité
directe d’une stratégie d’intervention. Ainsi, il arrive souvent
qu’il n’existe aucun scénario qui puisse justifier la nécessité
d’une action, laquelle se manifeste au contraire dans toute
son intentionnalité, dans une parole “politique”: l’action se
justifie ainsi sans le recours à des raisonnements déductifs.
C’est en raison de ces caractéristiques particulières, qui distinguent
nettement les ports des centres historiques contigus
et qui, en même temps, dévoilent leur histoire commune, qu’il
faut éviter l’hypocrisie d’une fausse promesse d’”intégration”
entre le port et la ville. Dans les villes côtières italiennes,
il s’agit en somme d’affronter le rapport entre le port et la
ville – une source fréquente de conflits et de malentendus – en
évitant les tendances opposées et spéculaires à la séparation
rigide (comme ce fut le cas par le passé) et à l’intégration
mécanique des deux territoires (une attitude qui, souvent,
dissimule une volonté d’hégémonie de l’une sur l’autre). La
cohabitation entre les deux territoires, ainsi que leurs relations
réciproques, ne sont possibles qu’à partir d’une clarification,
non seulement de leurs analogies et de leurs “syntonies”,
fruit de décennies de cohabitation et d’utilisation d’infrastructures
communes, mais aussi de leurs différences. Ces
différences sont physiques, spatiales, mais aussi culturelles
et sociales: elles plongent leurs racines dans une gestion politique
et économique du territoire différente, mais aussi dans
l’inertie de deux imaginaires différents.
À l’opposé, réclamer une “intégration” implique souvent de
suggérer, en tout ou en partie, l’effacement des traits distinc-
tifs d’un des deux territoires, de ses
caractéristiques, comme ce fut le
cas, par exemple, lors des grandes
interventions ludico-commerciales
qui, sur le modèle nord-américain,
ont colonisé, homologué et donc
assassiné un grand nombre de
zones urbaines “métissées” dans
les villes méditerranéennes (c’est
ce qui s’est produit à Barcelone, par
exemple). Ce n’est qu’à la condition
de préserver, voire de clarifier
davantage leur nature irréductiblement
différente que les paysages
des quais, celui des rues et des places
pourront de nouveau se toucher
sans que n’apparaissent des interstices
résiduels.
Ce qui est en jeu, en effet, c’est une
alternative radicale au modèle des
grands ports américains et orientaux,
où d’immenses esplanades
destinées au mouvement des conteneurs
alternent avec les môles brillantinés
destinés aux voyages organisés,
avec “marinas”, fast-food
avec figures de proue, serveurs avec
bandeau, parcs d’attractions thématiques
et grandes aires de stationnement.
Les grandes villes portuaires méditerranéennes
– Gênes, Naples,
Athènes, Salonique, Barcelone,
Marseille, Alexandrie – peuvent et
doivent éviter l’arrogante monotonie
de cette opposition, parce qu’elles
sont encore des lieux complexes
et composites, où le travail est
associé à la pause, les voitures aux
conteneurs, les grands navires aux
palais historiques. Ce sont encore
des lieux où l’architecture peut susciter
des surprises, des changements
d’échelle, des résonances
entre espaces différents et distants.
C’est donc une vision complète
de la ville – il ne s’agit pas
d’un simple problème de modernisation
– qui est réclamée de ceux
qui s’occupent de la transformation
des ports des villes d’Europe du
Sud.
Italian docklands, and more generally those of the
Mediterranean (Barcelona, Marseilles, Genoa, Naples,
Trieste, Piraeus, Salonika etc.) display three peculiar
characteristics.
Despite them often being considered as a homogeneous
single entity, Mediterranean ports are above all
versatile and plural territories, where different landscapes
and environments coexist: business parks,
tourist facilities, manufacturing zones, large open
areas for the mobility of goods and passengers, and
also niches of residential areas, entertainment and
meeting places etc. This variety of spaces within a
closed perimeter, added to the orography of the Italian
coasts which often prevents displacement to external
areas by compressing the historical city onto the Ports
(unlike that northern European ports), means that the
Ports of large southern European cities are inextricably
interconnected with the city. Like the cities from which
they emerge, Italian and Mediterranean Ports are tolerant
and hybrid spaces, capable of accommodating an
extraordinary variety of activities and spaces within a
compact, coherent and clear environment. Moving
between the medieval centre and the Port in Naples,
Genoa, Palermo, Marseille or Salonika means crossing
a rapid succession of distinctly different urban landscapes
within just a few hundred metres, but they are
nonetheless always rich with declensions and variety
on the inside. This character or genetic code of large
southern European port cities is today a theme requiring
careful consideration.
The second character of Ports (and not only those of
the Mediterranean) is their intrinsic centrality. The Port
should not be understood as the last layer of the city on
water, like a “waterfront” (a hypocritical and misleading
term when applied to port areas), but as a middle
ground between water and city. To all intents and purposes,
it is an intermediary place, entertaining relations
with both the landscape and seascape on either side.
The flows of goods and passengers from these meet on
the docks (which are not by accident primarily large,
open and fluid spaces) and determine the Port’s centrality.
In other words the Port is an artificial place with a
mobile centrality, where the exchange and circulation of
goods passing through the docks and quays takes
place. It is a territory equipped with clear rules and
principles, where open spaces are often more stable
and important than buildings. “Mobile” centrality represents
one of the most interesting themes in urban
dockland planning. This is because on the one hand it
opposes the static centrality of the historical city and
on the other hand it stimulates it.
Finally, the third characteristic of Italian and southern
European Ports has to do with their extraordinary
mobility. Ports are continually changing spaces: by way
of sections, areas and corridors, but this also makes
them unpredictable.
Planning in a dockland area means learning to deal
with the question of future uncertainty and unpredictability.
This is also because the future is frequently
dictated by choices and strategies made tens of thou-
67

68
sands of kilometres away, for example
in the offices of a foreign company or
on the bridge of a large cargo ship at
sea. The absence of reliable economic
and market forecasts often obliges
those operating in the Ports to assume
direct responsibility for an intervention
strategy.
It happens so often that there are no
scenarios from which to deduce the
necessity of an action, which is instead
completely intentional – in a word,
political and argued without appealing
to any deductive reasoning.
Precisely because of these specific
characteristics clearly distinguishing
Ports from adjacent historical centres
and at the same time revealing their
common history, it is necessary to
avoid the hypocrisy of a false promise
of “integration” between Port and city.
The relationship between Port and city
in Italian coastal cities (frequently a
source of bitter conflict and misunderstanding)
must be dealt with above by
all avoiding the opposing and mirrorlike
tendencies of rigid separation (as
in the past) and the two territories’
mechanical integration (an attitude
often hiding claims of hegemony by
one over the other). The cohabitation
between the two territories, and their
reciprocal pairing, is only possible by
starting from a clarification of their differences,
aside from their similarities
and “syntonies”, matured over decades
of coexistence and communal use of
infrastructure. The differences are
physical and spatial, but also cultural
and social. They root themselves in a
different political and economic territorial
management, but also in the inertia
of two different imaginations.
Calling for “integration” frequently
means suggesting the quashing in
whole or in part of the distinctive features
of one of the two territories. This
has happened for example with the
large leisure/commercial interventions
on the north American model,
which have colonized, standardized
and therefore killed off many “hybrid”
urban areas in the Mediterranean city,
as in Barcelona.
The dock landscape and the city
streets and squares can only become
reacquainted without creating residual
cracks by preserving or rather further
clarifying their irreducibly different
nature.
In fact an alternative radical on the
model of large United States and oriental
Ports is involved, where only
immense areas for the movement of
containers and the shining quays for
group tourism are alternated. They
have the “Marinas”, fast food restaurants
with figureheads, waiters with
headbands, theme parks and large
parking lots.
The large Mediterranean port cities –
Genoa, Naples, Athens, Salonika,
Barcelona, Marseille, Alexandria – can
and must avoid the overbearing monotony
of this contrast, because they are
still complex and composite places,
where work mixes with resting places,
cars with containers and big ships with
historical buildings. They are still
places where architecture can generate
surprises, changes in scale and
resonance between different and distant
spaces.
It is therefore an entire idea of the city,
and not simply a problem of modernization,
which lies in wait for those occupied
in the transformation of the ports
of southern European cities.
Solid Sea
(Multiplicity)
Que se passe-t-il en Méditerranée?
Le grand bassin d’eau qui pendant des années a été décrit
comme étant «le berceau de la civilisation», le nœud de traditions
millénaires et le point de rencontre de cultures diverses,
est peut-être en train de changer de nature.
La Méditerranée est en train de devenir une «Mer Solide». Un
territoire sillonné par des itinéraires prédéterminés et des
frontières insurmontables, subdivisé en bandes d’eau spécialisées
et rigoureusement réglementées.
Quelles que soient sa biographie et son identité, celui qui
s’est aventuré dans les eaux de Solid Sea est contraint de les
abandonner et d’accepter une identité embrigadée: touristes
de croisière, militaires, pêcheurs, marins, immigrés clandestins,
techniciens de sous-marins et de plates-formes.
Identités rigides, spécialisées, qui se croisent tous les jours
dans ses eaux sans communiquer et souvent même sans se
regarder, condamnées dans leurs itinéraires préfixés. La
Méditerranée est de nos jours un grand continent, située
entre l’Europe, l’Asie mineure et l’Afrique. Un continent
liquide, mais entaillé à différentes profondeurs par des couloirs
impénétrables, subdivisé par de hautes barrières dans
lesquelles alternent des enclos spécialisés et des grandes
plaines déshabitées, entouré le long de ses rives par des
entonnoirs d’entrée et de sortie qui répondent de plus en plus
à des logiques d’exclusion et de séparation.
1, 2, 3, 4. Odessa, courtesy Armin Linke
Un nouveau Continent dont on ne
connaît pas encore la géographie.
Grâce à Solid Sea, Multiplicity souhaite
promouvoir une recherche sur
la nouvelle nature de la Méditerranée
et dessiner un atlas actualisé
concernant ses paysages et les turbulences
qui les parcourent.
What is going on in the Mediterranean?
Could the very nature of this enormous basin of water, often
referred to as «the cradle of civilization», source of ancient traditions
and point of intersection for so many diverse cultures, be
evolving into something entirely different?
The Mediterranean is becoming a Solid Sea: A territory crisscrossed
by predetermined itineraries and insurmountable borders,
subdivided into specialized and strictly regulated strips of water.
Regardless of one’s biography and identity, anyone entering the
Solid Sea is compelled to abandon these and to accept an imposed
identity: cruise ship tourist, soldier, fisherman, sailor, illegal immigrant,
submarine or oil rig technician; rigid, specialized identities
encountering each other every day in these waters, without communicating,
and often not even looking at each other, condemned to
follow their preordained route. Nowadays, the Mediterranean has
become a great continent, lying between Europe, Asia Minor and
Africa; a liquid continent, gashed at different depths by impenetrable
corridors, subdivided by high barriers in which specialized
enclosures and great deserted plains alternate, its shores surrounded
by funnels for entry and exit, answering more and more to
the logic of exclusion and separation.
The geography of a whole new continent remains to be discovered
there. Through Solid Sea, Multiplicity wishes to promote research
into the Mediterranean’s changing nature and to design an updated
atlas of its landscapes and turbulent waters.
Solid Sea 02: Odessa / The World
(Armin Linke)
L’histoire paradoxale de deux grandes
embarcations nous permet de
comprendre la nouvelle nature de la
Méditerranée. D’un côté le bateau
ukrainien Odessa, qui est resté bloqué
pendant des années dans le
port de Naples avec une partie de
son équipage, parce qu’il a été
séquestré par le Tribunal. De l’autre,
The World Residensea, un
bateau de croisière de luxe: une
ville flottante complètement autonome
et en réseau avec le monde.
De 1995 à 2002 pendant sept ans,
l’Odessa n’a pas pu quitter le port
de Naples, parce qu’il était sous
séquestre à la suite de la banqueroute
de la Compagnie Blasco
(Back Sea Shipping Company),
compagnie battant pavillon
Soviétique. Le commandant
Vladimir Lobanov et huit autres
hommes de l’équipage ont continué
à vivre à bord du bateau, sans car-
69

70
burant, sans eau et sans lumière, en essayant de
garantir un minimum de maintenance des locaux
et des machines, sans abandonner le bateau, en
espérant recevoir les arriérés de leurs salaires dès
que la vente aux enchères après faillite ait été
adjugée. Mais inévitablement, durant ces sept longues
années, les ponts, la grande salle de danse,
les restaurants élégants se sont lentement dégradés,
et le bateau de croisière a été peu à peu le
théâtre d’une véritable attente exténuante durant
laquelle deux membres de l’équipage ont perdu la
vie.
La vidéo a été tournée à bord du bateau en janvier
2001, lors du Jour de l’An ukrainien, sur invitation
de Matteo Fraterno qui, durant le projet L’Attesa –
Laboratorio Odessa (2001-2002), en collaboration
avec l’Osservatorio Nomade, avait organisé à bord
du bateau un laboratoire où participaient différents
artistes, avec l’implication de l’équipage et
du Port. C’est seulement en 2002, lorsque le bateau
fut vendu aux enchères que la longue attente de
l’équipage prit finalement fin et que l’Odessa
quitta le port de Naples. Cependant, aujourd’hui
encore, l’Odessa est à nouveau sous séquestre
après que le nouvel armateur ukrainien ait été tué.
Un nouvel équipage est en train de
vivre à bord du bateau, en Ukraine,
la même situation d’isolement et
d’attente.
The World Residensea. est un
grand bateau de croisière qui a levé
l’ancre en 2002 et qui comprend 110
appartements de luxe pour une
communauté internationale de multimillionnaires
qui, grâce à ces
appartements, obtiennent également
l’identité de “citoyens offshore”.
Garantissant à bord tous les
plus luxueux conforts de la jet-set
(terrains de golf, casinos, instituts
pour les soins du corps, restaurants
de luxe, théâtres…), le grand bateau
de croisière se déplace dans la
Méditerranée pour suivre les événements
les plus mondains et les plus
spectaculaires, du Festival du
Cinéma à Cannes au Grand Prix de
Monaco de Formule 1, en empruntant
des itinéraires non encore par-
courus par le tourisme traditionnel et offrant à ses hôtes la
possibilité de jouir des services et des richesses des ports où
il accoste, sans être en contact avec les autres «habitants de
la mer» . Relié par satellite au réseau de l’information et aux
bourses du monde entier, The World est un monde parallèle
en mouvement, isolé sur la mer, mais connecté au reste de la
planète.
Odessa / The World est un projet d’Armin Linke. Le montage
vidéo est de Carlotta Cristiani. La vidéo Odessa a été réalisée
à l’occasion du projet L’Attesa – Laboratorio Odessa (Naples
2001-2002) de Matteo Fraterno, en collaboration avec
l’Osservatorio Nomade. On remercie Bruno Oliviero et Maki
Gherzi.
The paradoxical history of two great ships enlightens us as to the
Mediterranean’s new nature. On one hand, we have the Ukrainian
vessel the Odessa, which remained blocked for years in the port of
Naples with part of its crew aboard, because it was seized by the
Courts. On the other, The World Residensea, a luxury cruise liner: a
fully autonomous floating city, while on the high seas still retaining
remote access to the entire world.
The cruise ship Odessa for seven years never once left the port of
Naples, from 1995 to 2002, because it had been seized following the
bankruptcy of the Blasco Company (Back Sea Shipping Company),
registered in the former Soviet Union. The captain, Vladimir
Lobanov, along with eight other crew members continued living on
board, without fuel, water or electricity, while trying to ensure a
minimum upkeep of the ship and maintenance of the machine
rooms. They never abandoned the vessel, hoping to receive back pay
from the eventual auctioning of the ship after bankruptcy had been
pronounced. Inevitably, however, over those seven long years, the
decks, ballroom, elegant restaurants slowly deteriorated. Little by
little, the cruise ship became the backdrop for an interminable wait,
during which two crew members lost their lives.
The video was shot aboard the ship in January 2001, during the
Ukrainian New Year, at the invitation of Matteo Fraterno. He had
organized the event, during project L’Attesa – Laboratorio Odessa
(2001-2002), in collaboration with the Osservatorio Nomade, a labo-
ratory hosting various artists with the involvement of
the crew members and the Port. Finally, in 2002, the long
wait ended with the ship’s sale at auction. The Odessa
left the port of Naples. However, the ship has since
been seized once again after its new Ukrainian owner
was killed. A new crew now lives on the ship, in the
Ukraine, in the same state of limbo and isolation.
The World Residensea, a great cruise ship, first weighed
anchor in 2002. It contains 110 luxury apartments housing
an international community of millionaires, to whom
it provides the special status of “off-shore citizen”. On
board, one finds all the sumptuous luxury comforts the
jet set demands (putting greens, casinos, health spas,
luxury restaurants, theaters…) as the magnificent vessel
sails around the Mediterranean in pursuit of the
most prestigious and spectacular events on offer. From
the Cannes Film Festival to the Formula 1 Grand Prix of
Monaco, it follows itineraries still untouched by traditional
tourism, providing its guests with opportunities
to partake in all the services and riches of the ports
where it docks, without ever having to meet up with
those other “sea inhabitants”. Linked by satellite to the
information networks and stock exchanges of the whole
planet, The World is a parallel universe in motion, iso-
lated at sea, yet maintaining its remote
connection with the rest of the earth.
Odessa / The World is an Armin Linke
project. The video editing was done by
Carlotta Cristiani. The video Odessa
was shot during the project L’Attesa –
Laboratorio Odessa (Naples 2001-2002)
of Matteo Fraterno, in collaboration
with the Osservatorio Nomade. Our
thanks to Bruno Oliviero and Maki
Gherzi.
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72
La Villa Méditerranée, Marseille
(Boeri Studio)
C’est au cabinet Boeri Studio que va être confiée
la conception de la Villa Méditerranée à Marseille.
Dans le concours ouvert pour la construction de la
Villa Méditerranée à Marseille, un grand bâtiment
surplombant les quais de la ville, le 1 er prix a été
attribué à Boeri Studio.
La Villa est un bâtiment de 7 000 m 2 , à caractéristiques
multiples, qui abritera les bureaux du quartier
général de la région PACA.
On l’utilisera pour faire de la recherche et regrouper
de la documentation sur la Méditerranée, on y
trouvera un grand centre de congrès, un espace
pour les expositions, une médiathèque, des services
pour les réceptions et des hébergements pour
les chercheurs et les artistes en résidence.
Le coût de la construction de la Villa est estimé à
20 millions d’euros et la durée de sa construction à
deux ans.
Boeri Studio will be designing the Villa
Méditerranee in Marseille, France.
Boeri Studio has been awarded 1rst
prize in the competition for the building
of La Villa in Marseille, a large building
overlooking the city’s wharfs.
La Villa is a 7000 sq. meter multifeatured
building that will house the of
offices of the Provence-Alpes-Côtes
d’Azur headquarters.
The building will be used for research
and documentation on the
Mediterranean, a large congress center,
an exhibition space, a media center,
reception services and residential
facilities for research workers and
artists.
Costs of La Villa’s construction are
estimated at 20 million euros:
Construction is evaluated to last two
years.
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1. Plan masse
Master plan
2. Vue depuis la mer
View from the sea
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76
MUST EU 21: Remanier le paysage
européen du XXI e siècle
(Robert Broesi, Pieter Jannink
Wouter Veldhuis)
Global – repositionner l’Europe
Au début du XXI e siècle, de nouveaux
réseaux économiques et
électroniques relient les lieux à
l’échelle globale. Cette tendance
aboutit à un développement synchronique
et paradoxal. Le monde
communique de plus en plus. Dans
le même temps, de nouveaux pactes
apparaissent. Ceux-ci, purement
économiques, veulent rivaliser
à l’échelle planétaire; l’Union
européenne contre les États-Unis
contre la Chine contre
l’Association des pays du Sud-Est
asiatique. Dans ce contexte, les
pouvoirs économiques et politiques
au sein de l’Union européenne sont
parvenus à un accord. L’Union européenne
veut devenir une économie
puissante, sinon l’économie du
savoir la plus compétitive de la planète
avant 2010. En fait, cet objectif
reflète les développements importants
déjà en cours qui accentueront
la transformation physique du
paysage européen.
Augmentation de la mobilité, changement
des méthodes de production
et un marché ouvert et libre
entre les États-membres de
l’Europe sont des réalités parfaitement
actuelles. De plus, l’agriculture
subira des transformations
majeures, d’une façon ou d’une
autre. Dans les décennies à venir, le
charbon et le pétrole ne pourront
plus répondre aux demandes énergétiques
croissantes. Et les environnements
urbains vivants deviennent
de plus en plus importants en
tant que base d’une innovation
créatrice. Considérés conjointement,
ces développements demandent
une nouvelle perspective du
paysage européen en tant que système
urbain. C’est là un grand défi
pour les architectes (paysagistes)
et designers urbains ! Comment les
territoires urbains et ruraux établiront-ils
un lien entre eux? Quelles
interventions mettront en valeur
des qualités existantes en Europe?
Quelles autres qualités pourront
s’ajouter? Quelles conditions
seront capables de rationaliser et
d’améliorer l’interaction entre les
centres de créativité et de connaissance?
Avant tout, il faut essayer
de comprendre quelles forces
modèlent actuellement le paysage
européen.
Le courant dominant –
l’Europe comme un menu
Les frontières nationales des pays
formant l’Union européenne ne cessent
de perdre de l’importance en
tant que caractéristique définissant
le lieu où vivent les gens. Le passage
d’un pays à l’autre est facilité.
Les différents réseaux de transport
et d’information mettent plus de
lieux, réels et virtuels, à la portée
des individus. Une liberté plus
grande au sein de l’UE devient
synonyme d’une vie quotidienne et
d’orientations spatiales qui ne sont
plus limitées par les frontières
nationales. Un Européen peut choisir
l’endroit qui lui convient le
mieux, quel qu’il soit, et le lieu
choisi ne se trouvera pas nécessairement
à l’intérieur des frontières
de son pays. Son but est de tirer le
plus grand avantage possible de la
diversité offerte par l’Europe, qu’il
s’agisse d’un environnement résidentiel
attractif, d’un cadre pour la
production ou les loisirs. Ce faisant,
il utilise des réseaux de transport
efficaces et profite de la grande
diversité des cultures et des paysages
européens.
Le nouveau processus d’augmentation
d’échelle spatiale auquel prennent
part de nombreux individus est
une caractéristique importante de
ce développement. La proportion de
gens, en valeur absolue, libres de se
déplacer dans l’espace européen
n’a jamais été aussi importante.
Emportant sa culture avec lui, où
qu’il aille, l’Européen mobile
influence et est influencé par les
modes de vie locaux. L’Europe est
donc recouverte d’une nouvelle
strate culturelle, avec des effets
spatiaux visibles. L’Union européenne
crée les conditions pour des
flux libres de personnes au sein de
son territoire. Mais la véritable
transformation de la ville et du pays
est un processus ascendant
apporté par le courant dominant :
des citoyens individuels, des collectivités
et des organisations de toutes
sortes.
EU 21: reshuffling the European
landscape of the twenty-first century
(Robert Broesi, Pieter Jannink
Wouter Veldhuis)
Unicity.
Global – repositioning Europe
At the beginning of the twenty-first
century new economic and electronic
networks link locations on a global
scale. This trend results in a synchronic,
paradox development. The world is
getting more and more interconnected
but at the same time new pacts emerge.
These, merely economic pacts want to
compete on a global scale; the
European Union versus the United
States versus China versus the
Association of South East Asian
Nations. In this context the political
and economic powers within the EU
have come to an agreement. The EU
wants to become a powerful, if not the
most competitive knowledge economy
in the world by 2010. Actually this focus
reflects major developments which are
taking place already and that will
enhance the physical transformation of
the European landscape.
Growth of mobility, changes in production
methods, and the open, free market
between member states in Europe
are thoroughly topical realities.
Furthermore, agriculture will undergo
mayor transformations, one way or the
other. In the coming decades coal and
oil will no longer be able to fulfil the
increasing demand for energy. And
urban living environments are becoming
more and more important as a basis
for creative innovation. All together
these developments ask for a new perspective
on the European landscape as
an urban system. A big challenge for
(landscape-) architects and urban
designers! How will urban and rural
territories relate to each other? Which
interventions can enhance existing
qualities in Europe? Which qualities
can be added? Which conditions can
streamline and improve the interaction
between centres of creativity and
knowledge? Before all, let’s try to
understand which forces are really giving
shape to the European landscape
nowadays.
The mainstream –
Europe as a menu
The national borders of the countries
making up the EU are losing more and
more of their importance as features
that define where people live. Crossing
from one country to another is getting
easier. The various transport and information
networks are bringing ever
more places, both physical and virtual,
within reach of the individual.
Increased freedom within the EU is
coming to mean that people’s daily
lives and spatial orientations are no
longer limited by national borders. A
European can choose whatever place is
best for him, and the place he chooses
will not necessarily be inside the borders
of his own country. His aim is to
take the best possible advantage of the
diversity Europe has to offer, whether
as a desirable residential environment
or as a setting for production or recreation.
In so doing he makes use of efficient
transport networks and takes
advantage of the wide range of
European landscapes and cultures.
One important feature of this development
is a new up scaling process in
which large numbers of individuals can
now participate. The absolute number
of people who are free to move through
European space has never been so
great. Taking his own culture with him
wherever he goes, the mobile European
influences and is being influenced by
the local way of life, so Europe is covered
by a new layer of culture, with visible
spatial effects. The EU creates the
conditions for free flows of people
within its territory. But the true transformation
of town and country is a bottom-up
process, brought about by the
mainstream: individual citizens, collectives
and a great variety of organizations.
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1. Parcs
Parks
2. Lacs
Lakes
3. Haute Altitude: au-dessus de 1000 m
High ground: above 1,000 meters
4. Base Altitude: en dessous de 100 m
Low ground: below 100 metres
5. Humidité: plus de 1.200 mm de pluie par an
Wet: more than 1,200 mm of rain per year
6. Sécheresse:
moins de 400 mm de pluie par an
Dry: less than 400 mm of rain per year
7. Climat méditerranéen
Mediterranean climate
78 79
8. Climat nordique
Northern climate

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9. Réseau des trains à grande vitesse
High speed railway network
10. Autoroutes et routes à péage
Motorways and toll roads
11. Ferries
Ferries
12. Vols à petits budgets et aéroports
Low budget flights and airports
L’espace européen – le pays des “euroscapes”
En effet, l’espace européen est remodelé, refaçonné, réorganisé
par ses utilisateurs. En conséquence, des endroits particuliers
– répartis sur tout le continent – peuvent être considérés
comme les composantes d’un système unique. Un système
formé de lieux de ce type constitue un “euroscape”:
euro désigne la structure spatiale et économique offrant aux
Européens une liberté individuelle considérable et scape renvoie
aux résultats physiques tangibles de l’utilisation d’un
espace résultant de flux à travers les frontières. Ainsi chaque
“euroscape” est une expression spécifique des circulations
actuelles des personnes en Europe. Un “euroscape” marque
un lien existant entre des “lieux”, des “systèmes” et des “utilisateurs”.
Les “utilisateurs” européens sont des individus, des collectivités
et d’innombrables organisations commerciales, noncommerciales
et à but non-lucratif. Leurs activités déterminent
le type d’“utilisateurs” qui sont des touristes, des propriétaires
d’une résidence secondaire, des travailleurs traversant
quotidiennement les frontières, des distributeurs ou des
expatriés. Chaque individu peut jouer des rôles différents à
des moments différents. Son activité détermine les lieux où,
en Europe, il déploie ses activités. Les “lieux” sont les points
de l’“euroscape” où l’on s’installe, les endroits où l’impact
physique des circulations des personnes devient visible. Cet
impact peut être créé par l’organisation de l’espace public,
l’architecture, la taille d’un bâtiment ou la qualité des services.
Chaque demande structurelle sur l’espace influencera la
façon dont il sera organisé. Les “systèmes” relient un endroit
avec le reste du monde, pas seulement d’un point de vue physique,
mais aussi virtuel et organisationnel.
Les emplacements prévus pour une activité spécifique
dépendent de conditions liées aux lieux et régies par un système,
qui ont toutes un effet décisif pour déterminer si un site
donné se trouvera, ou non, sur le menu de l’utilisateur. Les
facteurs géographiques et climatiques donnent une bonne
indication du type de zone. Les pluies y sont-elles abondantes
ou rares ? L’altitude, basse ou élevée? Fait-il chaud ou froid?
Se trouve-t-on sur la côte ou dans l’arrière-pays? Les alentours
sont-ils boisés ou rocailleux? S’agit-il d’un terrain
marécageux où sont disséminés des lacs ou d’une vaste
plaine sableuse? Les facteurs naturels de ce type donnent les
bases constitutives du caractère d’un lieu, mais les influences
humaines commencent aussi à avoir un impact plus fort
encore sur la façon dont un lieu est perçu. L’aspect le plus
visible pourrait être désigné comme le facteur “constructions
en dur”. L’endroit est-il doté de bâtiments rares ou
nombreux? Semble-t-il vide ou plein? Beaucoup de gens
vivent-ils là ou très peu? Le terrain bâti – ou non bâti – de
cette zone est-il attrayant ou repoussant? En fonction des
individus, des ouvrages de référence comme les guides
Michelin ou Lonely Planet peuvent donner des indications
utiles.
Le choix d’un lieu peut aussi être fortement influencé par son
profil économique. L’Europe renferme des territoires dotés
d’économies faibles et fortes, des zones où la pression économique
est élevée et d’autres où elle est basse. Cette différenciation
va beaucoup plus loin que le Produit National Brut.
Pour un individu, le coût d’un produit spécifique peut être
décisif. Des personnes en quête d’un nouvel environnement
résidentiel seront très attentives au prix de l’immobilier. Un
importateur de spécialités méditerranéennes voudra obtenir
les meilleures tomates, huiles d’olive et autres mets savoureux
à un prix raisonnable. Une multinationale cherchera une
région offrant des coûts de main d’œuvre bas. Le fanatique
de sports d’hiver prendra sans doute en compte le prix du
passe avant de décider quelles pentes il dévalera. Cela ne
signifie pas que les gens recherchent systématiquement les
endroits où les prix sont les plus bas. Des lieux chers sont
souvent exclusifs et leur coût élevé peut être un
facteur économique attractif pour des raisons de
prestige. Les gens ou les compagnies cherchant à
s’installer quelque part pour une période plus longue
se laisseront guider aussi par la qualité de la
vie quotidienne. Quelle est l’“intelligence” d’une
région – quel est son niveau d’enseignement? De
quels services médicaux dispose-t-elle? Y a-t-il
une bonne infrastructure commerciale? Que peuton
y faire pendant ses loisirs?
Outre les caractéristiques locales d’un lieu, les
systèmes le reliant au reste du monde conditionnent
la façon dont l’espace est utilisé. Les infrastructures
routières, ferroviaires et aériennes
gèrent les afflux possibles de gens et déterminent
donc l’accessibilité physique d’une zone. La morphologie
des différents réseaux d’infrastructures
diffère d’un pays à l’autre. Les autoroutes nationales,
les voies ferrées et les aéroports contribuent
aussi à la diversité européenne. Cependant, les
composantes physiques ne forment qu’un élément.
Le facteur temps est au moins aussi important.
La construction de lignes à grande vitesse
fait du train le principal moyen de transport pour
couvrir rapidement des distances moyennes. Son
effet potentiel apparaît clairement sur la ligne
reliant Paris à Bruxelles. Un train part toutes les
demi-heures et le taux d’occupation moyen est de
70 pour 100. Paris et Bruxelles sont désormais
indissociablement liées. Le développement d’opérateurs
cassant les prix dans l’industrie aérienne
signifie que le coût rejoint le temps et la distance
en tant que facteur affectant l’accessibilité. Des
compagnies comme EasyJet et Ryanair sont non
seulement en compétition avec Lufthansa et KLM,
mais aussi avec des services ferroviaires comme
Thalys ou Eurostar. Le voyageur peut choisir
parmi une grande variété de moyens de transport,
en fonction du temps, de l’argent dont il dispose et
du niveau de confort désiré. Dans le même temps,
ces facteurs déterminent l’accessibilité d’une
zone. L’information est un facteur essentiel pour
décider où aller: c’est pourquoi, même la disponibilité
des informations sur Internet est un facteur
moteur dans le développement de l’espace physique.
Les “euroscapes” sont déjà infiltrés dans notre
monde beaucoup plus profondément qu’il pourrait
y paraître. Les modes de vie des utilisateurs transforment
la structure spatiale de la campagne européenne,
créant une nouvelle Europe avec des
configurations contemporaines de temps, d’espace
et d’argent. La libre circulation des personnes
signifie que des zones sont de plus en plus
peuplées par des résidents à plus ou moins long
terme venus des quatre coins du monde.
L’apparition de telles zones sera de plus en plus
déterminée par une hybridation entre le tourisme
et la résidence permanente, qu’elle soit de longue
date ou récente. L’importance d’un site ne sera
plus déterminée uniquement par son emplacement
sur la carte, mais aussi, et peut-être plus encore,
par sa place dans l’“euroscape”. Le concept
d’États formés de villes principales et de la campagne
va devenir de moins en moins important en
tant que facteur déterminant une identité européenne.
Le paysage européen du XXI e siècle sera
formé d’une combinaison complexe de lieux, de
systèmes et d’utilisateurs, un pays d’“euroscapes”.
Un bon exemple d’un tel “euroscape” est
European space –
land of “euroscapes”
European space is in effect being
remoulded, reshaped and rearranged
by its users. As a result, particular
places –spread over the entire continent–
can come to be seen as components
of a single system. A system of
places of this kind forms a
“euroscape”, in which “euro” stands
for the spatial and economic framework
that allows Europeans a considerable
degree of individual freedom and
“scape” stands for the solidified, physical
results of the use of space resulting
from cross-border flows. Thus each
euroscape is a specific expression of
present-day movements of people in
Europe. A “euroscape” indicates a link
between places, systems and users.
Europe’s users consist of individuals,
collectives and countless commercial,
non-commercial and non-profit organizations.
The activities they perform
determine the kind of user they are:
tourist, owner of a second home,
transnational commuter, distributor or
expatriate. Each individual can play different
roles at different times. His
activity determines which places in
Europe fall within his horizon. The
places are the points in a “euroscape”
at which one alights, the locations
where the physical impact of movements
of people becomes visible. The
impact may be the way public space is
arranged, the architecture or scale of
building or possibly the supply of services.
Each structural claim on space
will influence the way it is arranged.
The systems connect a place with the
rest of the world, not just physically but
virtually and organisationally.
The locations considered for a particular
activity depend on location –
dependent and system-directed conditions,
all of which have a decisive effect
on determining whether or not a particular
place is included on a user’s menu.
Geographic and climatic factors give a
reasonable indication of the type of
area. Is the rainfall heavy or light, is the
altitude high or low, is it hot or cold, is it
on the coast or inland, are the surroundings
wooded or rocky, is it in a
wetland sprinkled with lakes or on a
vast sandy plain? Natural factors of
this kind lay the foundation for the
character of an area, but human influences
are also beginning to have a
stronger effect on the way the area is
perceived. The most visible aspect is
what might be termed the bricks-andmortar
factor. Does the place have
many buildings or just a few, does it
seem empty or completely full, do a lot
of people live there or only a few? And
is the part of an area that is built-up –or
not built-up– attractive or ugly?
81

82
Depending on the individual, reference
works like the Michelin or Lonely Planet
guides can provide useful hints.
The choice of location can also be
strongly influenced by its economic
profile. Europe contains areas with
strong and weak economies, areas
where the economic pressure is high
and others where it is low. This differentiation
goes much further than gross
national product. To an individual the
cost of a particular product can be
decisive. People in search of a new residential
environment look carefully at
the price of real estate, an importer of
Mediterranean specialities will want to
be able to obtain the best tomatoes,
olive oil and other tasty things for a
reasonable price, the multinational
looks for regions with low labour costs
and the winter sports enthusiast will
probably take the price of a ski pass
into consideration in deciding which
slopes to race down. This does not
mean that people always look for areas
where prices are lowest. Expensive
areas are often exclusive and their high
cost can be an economic ‘pull factor’
for prestige reasons. People or companies
who want to settle somewhere for
a longer time will also allow themselves
to be guided by more commonplace
qualities of life. How “clever” is
an area –how high is the educational
level? What health care services does
it provide? Are there good shopping
facilities? What is there to do in your
spare time?
Besides the local characteristics of a
place, the systems linking that place to
the rest of the world condition the way
in which space is used. Infrastructure
networks for road, rail and air traffic
govern the possible influx of people
and so determine an area’s physical
accessibility. The morphology of the
various infrastructure networks differs
from country to country. Even national
motorways, railways and airports contribute
to Europe’s diversity. Physical
components are only one element,
however. The time factor is at least as
important. The construction of highspeed
lines is making train the primary
mode of transport for rapidly covering
medium distances. The potential effect
of this is clearly visible on the line
between Paris and Brussels. A train
departs every half hour and the average
seat occupancy is 70%. Paris and
Brussels are now inseparably linked.
The rise of cut-price operators in the
aviation industry means that cost is
joining distance and time as a factor
which affects accessibility. Companies
like EasyJet and Ryanair not only compete
with Lufthansa and KLM, but also
with railway services like Thalys and
Eurostar. The traveller can choose from
a whole range of transport modes,
according to the time and money available
and the desired level of comfort.
At the same time these factors determine
an area’s accessibility.
Information is a crucial factor in deciding
where to go, which is why even the
availability of information on the
Internet is a guiding factor in the development
of physical space.
“Euroscapes” have already penetrated
much more deeply into our world than
might appear at first sight. Users’
lifestyles are transforming the spatial
structure of the European countryside,
creating a new Europe with contemporary
configurations of time, space and
money. The free movement of people
means that areas are increasingly populated
by a mixture of more or less permanent
residents from different parts
of the world. The appearance of these
places will increasingly be determined
by a hybrid of tourism and permanent
residence, of old and new. The importance
of a location will no longer be
determined solely by its place on the
map, but also, or perhaps even more so,
by its place within a “euroscape”. The
concept of states with major towns and
countryside will become less and less
important as a factor determining
European identity. The European landscape
of the twenty-first century will
consist of complex combinations of
places, systems and users, a land of
euroscapes. A good example of such
an “euroscape” is Unicity.
Unicity – une Europe rapide Unicity – fast Europe
Le train à grande vitesse réduit le temps de trajet entre des
lieux précis d’Europe du Nord. Les zones concernées se trouvent
à proximité immédiate des gares desservant ces trains
ou peuvent y accéder rapidement grâce à des transports de
bonne qualité. Considérées globalement, ces zones deviennent
de plus en plus une partie d’un grand domaine urbain:
Unicity.
Unicity s’appuie sur un pivot formé par une infrastructure
solide: le réseau de trains à grande vitesse. L’Eurostar, l’ICE
et le Thalys sont les principales lignes de métro de ce
domaine urbain. Le Train à Grande Vitesse relie un assemblage
de territoires différents formant Unicity. En voici quelques
exemples: le Grote Markt à Bruxelles, l’aéroport de
Schiphol, la Dom à Cologne, la Tour Eiffel et la Défense à
Paris, Big Ben et la City de Londres. Unicity n’est pas uniquement
constituée de lieux se trouvant dans l’environnement
immédiat des gares TGV. Les cadres naturels environnants,
efficacement reliés au système des TGV par des lignes
secondaires, forment partie intégrante de cette ville. Ainsi,
les Ardennes, la tour Eiffel et le Veluwe sont les parcs de
Unicity. La mer du Nord peut être considérée comme un
grand fleuve, le Rhin et la Seine, des rivières secondaires ou
des canaux.
Unicity possède une grande diversité de destinations de
voyage, culturelles, touristiques et commerciales. Certains
lieux possèdent une grande densité de population, comme les
centres de Paris et d’Amsterdam; ils symbolisent souvent la
riche histoire européenne. Mais il existe des zones plus récentes,
modernes, à l’image des centres de Francfort et de Lille.
Entre les centres, se situent des zones moins densément peuplées
où la nature est à la base d’une grande qualité de vie et
de travail hors de la ville. Unicity a une grande variété de qualités
à offrir à ses habitants, à ses travailleurs et à ses
citoyens !
Unicity peut être améliorée. Les qualités existantes peuvent
être renforcées, de nouvelles peuvent s’y ajouter. Si l’on souhaite
qu’un vaste public apprécie et ait accès à Unicity, d’autres
questions se posent. Comment l’infrastructure des TGV
pourrait-elle mieux s’intégrer au tissu urbain existant? Quels
aménagements touristiques devraient être mis en place?
Unicity nécessite-t-elle une coopération spécifique entre les
promoteurs autour des gares TGV? Les rails sont-ils utilisables
pour le transport rapide du fret? Comment proposer une
meilleure alternative aux vols continentaux? Quels traits culturels
et nouveaux mouvements sont nés de la réduction massive
de l’espace et du temps? Afin d’apporter des réponses à
ces questions, Unicity demande la participation des organismes
de voyage, des investisseurs, des hommes d’affaires et
toutes les personnes qui ont envie d’y vivre!
Cet article est en partie un résumé de l’ouvrage “euroscapes”/Forum 2003
publié par Must Publishers et Architectura et Amicitia (ISBN 90-806351-2-X).
The High Speed Train reduces the travel time between specific
places in North West Europe. The areas concerned are those in the
direct surroundings of the HST stations and those who have a fast
connection to these stations by means of high quality public transport.
All together these areas become more and more part of one
big urban field: Unicity.
Unicity is being united by a sustainable infrastructure backbone:
the HST network. The Eurostar, the ICE and the Thalys are the main
metro lines of this urban field. The HST links a collage of different
territories that all together form Unicity. A few examples: the Grote
Markt in Brussels, the Schiphol Airport, the Dom in Cologne, the
Tour Eiff el and La Défense in Paris, the Big Ben and the City in
London. But not only places in the direct surroundings of the HST
stations are part of Unicity. Also natural surroundings that are well
connected to the HST system by feeder lines form an integral part
of this city. So the Ardennes, the Eiffel and the Veluwe are the parks
of Unicity. The North Sea can be conceived as a broad river while
the Rhine and Seine have become local rivers or canals.
Unicity possesses of a broad diversity in the field of cultural,
tourist, business and travel destinations. There are places with a
high urban density like the centres of Paris and Amsterdam. These
places often represent the rich history of Europe. But there are also
more recent, modern areas like the centres of Frankfurt and Lille. In
between the centres there are places with a lower urban density
where the green environment is the basis for high quality suburban
living and working. Unicity has a broad variety of qualities to offer
its inhabitants, workers and citizens!
Unicity can be improved. Existing qualities need to be enhanced,
new ones could be added. And if we want a broad public to enjoy
and have access to Unicity more questions arise. For example: how
could the HST facilities be better integrated within the existing
urban fabric, which tourist arrangements could be organised, does
Unicity require specific cooperation between the project developers
around HST stations, can the HST tracks also be used for high
speed freight transport, how to become a better alternative for continental
flying or which cultural features and new movements arise
by the enormous shortening of space and time? In order to deal
with these questions Unicity calls upon involvement from travel
organizations, investors, businessmen and every inhabitant that is
interested in living there!
This article is partly an abstract from the book “Euroscapes/Forum 2003”, published
by Must Publishers and Architectura et Amicitia (ISBN 90-806351-2-X).
13. Lignes de trains à grande vitesse –
Thalys, Eurostar, ICE
HST lines – Thalys, Eurostar, ICE
14. Quartiers déshérités et aéroports
Inner cities and airports
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15. Parcs et eau
Parks and water
16. Densités
Densities
17. Total Unicity
18. Icones d’Unitcity
Unicity icons
19. Unicity, Maquette
Model of Unicity
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