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A NOS AMOURS

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■ PERSONNAGES ET ACTEURS PRINCIPAUX<br />

Une grande famille<br />

Dans A nos amours, une histoire de famille est racontée par les comédiens,<br />

une autre l’est à travers eux : sous le propos apparent, circulent des affects<br />

personnels qui nourrissent indirectement le film et lui donnent une grande part<br />

de sa force émotionnelle.<br />

Cyril Collard, Jacques Fieschi et Dominique Besnehard.<br />

> Liens secrets à la lumière<br />

du cinéma<br />

On sait que le scénario de A nos amours a pour point de<br />

départ les souvenirs d’adolescence d’Arlette Langmann, qui fut<br />

pendant plusieurs années l’épouse de Maurice Pialat. Quant à<br />

Micheline Pialat, productrice exécutive du film, elle a partagé<br />

durant vingt ans la vie du réalisateur, et fondé avec lui la société<br />

de production Les Films du Livradois, qui apparaît au géné-<br />

rique de A nos amours. La régie générale du film est assurée par<br />

Sylvie Danton, qui deviendra la collaboratrice puis l’épouse de<br />

Pialat et la mère du petit Antoine, héros du Garçu. A nos amours<br />

se rattachant aux souvenirs d’Arlette Langmann, sœur de l’acteur,<br />

réalisateur et producteur Claude Berri, le personnage<br />

interprété par Dominique Besnehard, Robert, s’inspire donc<br />

de Berri lui-même, qui fut très lié à Pialat : le premier court<br />

métrage de fiction de Pialat, Janine, en 1962, est écrit, dialogué<br />

et interprété par Claude Berri, qui participa également à la<br />

production de L’Enfance nue. Pialat admirait le talent de<br />

conteur de Berri et les compliments que Roger adresse à son<br />

fils au début du film en sont le reflet : « Tu vois, les gens qui sont<br />

capables, comme ça, en quelques lignes, de camper des personnages,<br />

chapeau ! » (séquence 6). Il est difficile de ne pas mettre en<br />

relation les reproches qu’il adresse ensuite à Robert - avoir<br />

vendu un talent rare lui permettant d’être un nouveau Pagnol<br />

- avec l’évolution de son ancien ami, du cinéaste auteur au producteur-réalisateur<br />

d’œuvres calculées pour plaire au public le<br />

plus large, justement des adaptations de Pagnol, Jean de<br />

Florette et Manon des sources.<br />

Autre règlement de compte, lors de la même scène, lorsque le<br />

père reproche au « beau-frère », Jacques, d’avoir consacré un<br />

numéro spécial au travail de Robert, pour ensuite laisser passer,<br />

sous couvert d’interview, un « truc » où « il y avait une espèce<br />

de type » qui donnait « trois sur vingt » à Robert et, disait que<br />

1. Voir « Tourner avec Pialat », par Jacques Fieschi, Cinématographe, n°94. Jacques Fieschi a ensuite collaboré au scénario de Police et travaillé comme scénariste avec Cyril Collard, Claude Sautet, Olivier Assayas, Edouard Molinaro…<br />

2. Cahiers du cinéma, n°354.<br />

c’était un minable. L’interprète du beau-frère est Jacques<br />

Fieschi 1 , rédacteur en chef de la revue Cinématographe, qui, un<br />

an après avoir consacré un numéro spécial à Pialat, publia en<br />

1981 un entretien avec le chef-opérateur Pierre-William<br />

Glenn, qui venait d’être remplacé sur le tournage de A nos<br />

amours. Glenn donnait en effet « trois sur vingt » à Loulou et<br />

déniait un quelconque talent à Pialat !<br />

L’une des principales caractéristiques du film tient à l’utilisation<br />

d’acteurs peu connus, comme Pierre-Loup Rajot dans le<br />

rôle de Bernard, ou carrément amateurs.<br />

EVELYNE KER n’avait plus vu Pialat depuis Janine, quand il<br />

lui demanda de jouer le rôle de la mère. Elle donne à son personnage<br />

ce déséquilibre constant, au bord de la folie, mélange<br />

de rigidité puritaine et de jalousie indécente. Sur le tournage,<br />

selon Pialat, s’instaura une rivalité entre Evelyne Ker et<br />

Sandrine Bonnaire, Pialat ne s’intéressant qu’à sa jeune découverte.<br />

La jalousie inconsciente qui s’ensuivit permit de contrebalancer<br />

le jeu trop théâtral de l’actrice, la poussant à un incessant<br />

débordement dans le réel : « D'ailleurs, à un moment donné,<br />

elle dit : ça veut faire du cinéma ! Puis elle lui tombe dessus. On l'a<br />

coupé parce que ça faisait private joke » 2 .<br />

DOMINIQUE BESNEHARD est parfait dans le rôle du<br />

frère, Robert, dans la mollesse, la veulerie, l’autorité exercée<br />

sans vraie conviction à la place du père défaillant, et surtout<br />

dans les rapports troubles avec sa mère comme avec Suzanne,<br />

sans cesse à la limite du malaise. Aujourd’hui agent artistique<br />

renommé chez Artmédia, Dominique Besnehard commença sa<br />

carrière au cinéma en tant que directeur de casting, chargé de<br />

distribuer les rôles, notamment sur La Drôlesse, de Jacques<br />

Doillon, puis Passe ton bac d’abord de Pialat. S’il n’a pas découvert<br />

Sandrine Bonnaire, Dominique Besnehard a révélé<br />

Juliette Binoche, Pierre-Loup Rajot, Béatrice Dalle… Il gère<br />

ou a géré aussi les carrières de Nathalie Baye, Sophie Marceau,<br />

Valérie Kaprisky… De la part de Pialat, choisir un « décou-

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