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A NOS AMOURS

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16.11). « Pour son premier rôle, elle bouleverse toutes les règles, ridiculise toutes les<br />

écoles, disqualifie les meilleures professionnelles. On ne se demande pas si elle est jolie,<br />

si elle a du charme ou du chien » (Robert Chazal, France-Soir, 16.11). « bien<br />

mieux qu’Isabelle Huppert dans Loulou, elle donne au film une sorte d’évidence.<br />

Elle est Suzanne, avec une innocence perverse, un mélange explosif de tendresse et<br />

de cruauté, d’envie de vivre et de souffrance profonde » (Annie Coppermann, Les<br />

Échos, 18.11).<br />

> « C’est pauvre »<br />

Restent évidemment les déçus. Les politiques, d’abord, comme la Vie<br />

ouvrière (Serge Zeyons, 5.12) : « Comment comprendre que les questions d’argent<br />

n’interviennent jamais dans les relations (difficiles) de Suzanne avec ses parents »,<br />

ou Lutte ouvrière (Sylvie Friedman, 26.11) : « le pessimisme du film laisse perplexe.<br />

Suzanne est en fin de compte condamnée à la médiocrité et cela semble sans<br />

espoir. Alors Maurice Pialat a réalisé un film tout simple, certes, qui sonne juste, et<br />

c’est rare. Mais c’est pauvre, et quel en est l’intérêt ? » Regret semblable chez<br />

Marie-Françoise Leclère : « Quant au désarroi de Suzanne, le monde (son père ?)<br />

ne peut offrir en réponse qu’une grise mélancolie » (Le Point,14.11). Mais elle<br />

regrette aussi, sur un thème aussi fort, de ne pas être bouleversée, parce que<br />

« le film apparaît comme une juxtaposition de croquis plus ou moins réussis, parce<br />

que l’improvisation introduit parfois un flottement gênant, parce que la caricature<br />

(ah, cette mère !) affadit le propos ». Plus radicale est la critique hautaine de<br />

Louis Seguin dans la Quinzaine littéraire (15.12) : le film « flotte sur une épaisseur<br />

appréciable de consensus… Les gens, chez Pialat, sont ce qu’ils sont… Le risque<br />

est rare de voir ce vérisme simplifié s’égarer du côté du mélodrame ou du lyrisme.<br />

Le maître du film tient bien ses créatures en main : il ne leur permet aucun écart.<br />

Sa complicité et son mépris ne sont que les aspects complémentaires de son pouvoir »<br />

Pouvoir du cinéaste ou du critique ?<br />

■ L’AFFICHE<br />

Bonnaire,<br />

Bonnard peut-être<br />

Une jeune actrice prend la pose<br />

comme un modèle, et son regard<br />

nous interpelle.<br />

Pialat et Gaumont ont joué la sobriété : le titre, le nom du<br />

réalisateur et de l’actrice, un bandeau pour les éléments<br />

dits contractuels et la musique. Entre les deux, un plan<br />

rapproché pudique de Sandrine Bonnaire au lit… Le tout<br />

sur fond pratiquement noir, qui occupe plus de 50% de la<br />

surface. Deux éléments colorés, le visage, les bras et les<br />

épaules de Sandrine Bonnaire et le rouge du titre. Plus<br />

qu’une affiche classique, cette frontalité et cette absence de<br />

profondeur évoquent certaines toiles de Manet, Seurat ou<br />

même Bonnard, cité par Suzanne.<br />

La sobriété de cette affiche ne ment pas : malgré le titre et<br />

la jeunesse de l’actrice, montée en épingle par la publicité,<br />

A nos amours n’a rien à voir avec les films d’adolescence<br />

nostalgique et attendris tels que La Boum ou Diabolo<br />

Menthe. Si le portrait choisi ne joue pas sur la provocation<br />

sexuelle, mais sur la sensualité de l’actrice, il révèle immédiatement<br />

un aspect capital du personnage : le désarroi,<br />

une certaine inquiétude et, surtout, par le regard, l’adresse<br />

au spectateur, à qui l’actrice comme le réalisateur demandent<br />

sa participation. À travers Sandrine Bonnaire, c’est Pialat qui<br />

parle, comme l’indique l’échelle descendante des caractères<br />

et la triangulation qu’elle produit, entraînant notre regard<br />

vers le visage : encore inconnue, Sandrine Bonnaire n’existe<br />

qu’en tant que « modèle » du réalisateur (au sens pictural<br />

mais aussi bressonien), par son visage et son corps.<br />

Reste un mystère ; le point qui suit le titre. Il rappelle qu’il<br />

21<br />

ne faut pas entendre ici « A nos amours ! », comme lorsqu’on<br />

porte un toast dans un banquet, mais ce point donne<br />

le sentiment d’une ponctuation définitive, là où le film,<br />

justement, laisse la porte ouverte à tous les possibles…<br />

Benjamin Baltimore

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