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A NOS AMOURS

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6<br />

■ DÉCOUPAGE ET ANALYSE DU RÉCIT<br />

Entre-temps, la vie<br />

Criblé d’ellipses spatiales et temporelles, le récit ouvre, dans A nos amours,<br />

sur un art des lacunes, une pratique audacieuse et inédite de l’évocation, par-delà<br />

la continuité et la logique des faits.<br />

> 1.<br />

Suzanne apprend le rôle de Camille dans On ne badine pas<br />

avec l’amour. Son frère Robert vient la chercher pour faire du<br />

bateau avec des amis. Elle joue sur scène avec son amie<br />

Anne, dans le rôle de Perdican.<br />

> 2.<br />

Suzanne retrouve Luc, très amoureux d’elle, qui campe près<br />

d’une autoroute et se plaint de ne plus la voir assez.<br />

> 3.<br />

Dans un café, de nuit, Suzanne danse parmi des matelots<br />

puis couche avec un Américain sur la plage. Elle retrouve au<br />

dortoir Anne, à qui elle confie dans une rage douloureuse :<br />

« J’en ai marre ». Le lendemain, elle aperçoit l’Américain, qui<br />

l’ignore.<br />

> 4.<br />

Dans un appartement parisien, Suzanne est au lit avec un<br />

autre amant, Henri.<br />

ANALYSE Dans ces quatre premières scènes, Pialat présente Suzanne et<br />

son problème principal : la contradiction entre l’amour-affection et une<br />

attirance sensuelle insatiable. Le choix des phrases de Musset éclaire ce<br />

dilemme : « Vous devez mépriser les femmes, qui vous prennent tel que vous<br />

êtes et qui chassent leur dernier amant pour vous attirer dans leurs bras, avec<br />

les baisers d’un autre sur les lèvres… »<br />

Cette ouverture est typique du cinéma de Pialat, qui attaque les scènes,<br />

y compris au tout début, lorsque leur déroulement logique et chronologique<br />

est déjà largement entamé. La relation entre Suzanne et Luc est<br />

déjà sur la pente descendante. Les causes et les origines des événements<br />

nous échappent. Les scènes sont des blocs qui se succèdent de façon<br />

purement chronologique, mais sans enchaînement, laissant des béances<br />

dans la narration, des ellipses indéfinissables. Où se situe la séquence 1<br />

par rapport à la 2 ? Il ne s’agit probablement pas du même lieu, même<br />

si ce n’est pas absolument exclu. Si les séquences 2 et 3 se succèdent sans<br />

hiatus, combien de temps sépare les séquences 1 et 2, 3 et 4, dans l’appartement<br />

?<br />

Les personnages sont livrés sans la moindre précision, sinon pour<br />

Suzanne, Luc, Robert… Les autres sont anonymes, mais leur fonction est<br />

variable : on ne reverra pas les marins et l’Américain ; quant aux amis de<br />

Robert, à peine entrevus sur le bateau, il est impossible d’imaginer qu’ils<br />

joueront un rôle dans la suite du film, comme Marie-France et Michel.<br />

> 5.<br />

Tandis que Suzanne dort, sa copine Martine (sœur d’Anne) la<br />

rejoint au lit pour se reposer après les cours du matin. Roger,<br />

le père de Suzanne, s’étonne et trouve que ce n’est pas très<br />

sérieux.<br />

> 6.<br />

Dans l’atelier de fourrure attenant à l’appartement, Roger<br />

confie à Robert qu’il apprécie les « trucs » qu’il écrit…<br />

> 7.<br />

Suzanne rejoint Luc dans un atelier d’une académie de dessin.<br />

Dehors, il lui dit avec tristesse qu’il pense que c’est fini.<br />

Elle le laisse s’éloigner.<br />

> 8.<br />

Suzanne rentre chez elle. Sa mère (Betty) lui demande d’où<br />

elle vient… Suzanne montre à Michel un livre sur Bonnard<br />

puis, après le départ des visiteurs, demande la permission<br />

d’aller au cinéma avec Solange (nièce de Roger) et deux garçons…<br />

Le père gifle soudainement sa fille. Elle passe la nuit<br />

avec Bernard, qui va bientôt partir au service militaire.<br />

> 9.<br />

Suzanne rentre avec précaution la nuit. Son père, qui travaille,<br />

lui reproche son retard sans agressivité. Il lui annonce<br />

qu’il va partir. Une complicité s’établit autour de la disparition<br />

d’une des fossettes de Suzanne…<br />

ANALYSE Cette seconde partie apparaît moins lacunaire que la première,<br />

puisque les scènes s’enchaînent sans laisser le spectateur dans l’incertitude<br />

temporelle ou logique. Elle est centrée sur le père et ses relations<br />

avec son entourage familial, faites d’une certaine douceur et de<br />

compréhension : attitude aimablement critique et amusée face aux<br />

deux filles et à la provocation de Suzanne (« Elle te trouve mignon,<br />

Martine… »), compliments à Robert, confidences à Suzanne sur son<br />

départ... Mais cette attitude n’exclut pas la violence soudaine, lorsque<br />

claque la gifle.<br />

> 10.<br />

Après avoir rencontré Michel à la terrasse d’un café, Suzanne<br />

rentre tard et sa mère lui annonce : « Papa nous a quittés ».<br />

Le matin, elle lui reproche de dormir nue.<br />

> 11.<br />

Dans un café avec d’autres lycéens (dont Anne, Martine et<br />

Solange), Suzanne est surprise de voir Luc, qui voudrait l’embrasser.<br />

Elle refuse.<br />

> 12.<br />

Au lit après l’amour, Suzanne confie à Bernard qu’elle a peur<br />

d’avoir le cœur sec.

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