05.07.2013 Views

Actes CIDE2_Mise en page 1 - L'enfant, l'adolescent à l'hôpital et la loi

Actes CIDE2_Mise en page 1 - L'enfant, l'adolescent à l'hôpital et la loi

Actes CIDE2_Mise en page 1 - L'enfant, l'adolescent à l'hôpital et la loi

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Par<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>en</strong>fant <strong>à</strong> l’heure de <strong>la</strong> bioéthique<br />

Je voudrais rappeler qu’au départ l’assistance médicale <strong>à</strong> <strong>la</strong> procréation avait une finalité exclusivem<strong>en</strong>t<br />

thérapeutique. Sans garde-fou, on pourrait tomber dans l’écueil d’un ordre biologique supp<strong>la</strong>ntant totalem<strong>en</strong>t<br />

<strong>la</strong> nature, telle une fabrique du vivant de l’<strong>en</strong>fant sans mystère. Pour autant, aujourd’hui on voit se dessiner<br />

<strong>à</strong> certains égards l’ébauche d’un vivant dev<strong>en</strong>u matériau manipu<strong>la</strong>ble <strong>à</strong> souhait <strong>et</strong> s’ordonner une économie<br />

générale qui associe au désir d’<strong>en</strong>fant un impératif de production, de consommation <strong>et</strong> de recherche.<br />

Aujourd’hui, le mot biologique désigne le vivant tel qu’il est fabriqué <strong>en</strong> <strong>la</strong>boratoire <strong>et</strong> on parle de biologique<br />

pour ce qui était désigné hier comme naturel.<br />

Ainsi, l<strong>à</strong> où <strong>la</strong> nature fait défaut, <strong>la</strong> biologie s’est immiscée. Elle a ainsi réparé heureusem<strong>en</strong>t ce qui était<br />

considéré comme des injustices de <strong>la</strong> nature, posant tout <strong>à</strong> <strong>la</strong> fois les questions des limites de son interv<strong>en</strong>tion<br />

dans <strong>la</strong> sphère naturelle. Comm<strong>en</strong>t créer un être tout <strong>en</strong> lui garantissant des li<strong>en</strong>s non techniques<br />

avec son <strong>en</strong>tourage ? Jusqu’où peut aller <strong>la</strong> technique sans comprom<strong>et</strong>tre les li<strong>en</strong>s naturels qui font d’un<br />

couple des par<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> d’un <strong>en</strong>fant, un fils ou une fille ?<br />

Vous voyez donc qu’<strong>à</strong> partir de ces questions générales, l’assistance médicale <strong>à</strong> <strong>la</strong> procréation interroge<br />

<strong>la</strong> société pour le modèle de filiation <strong>et</strong> peut-être que, demain, les questions de protection de l’<strong>en</strong>fance,<br />

se poseront par rapport aux techniques de l’AMP.<br />

Si vous étiez parlem<strong>en</strong>taire, <strong>et</strong> alors que je vi<strong>en</strong>s de vous dire qu’aujourd’hui l’assistance médicale <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

procréation a une finalité thérapeutique, é<strong>la</strong>rgiriez-vous systématiquem<strong>en</strong>t l’accès <strong>à</strong> l’AMP aux femmes<br />

célibataires ou <strong>à</strong> l’homopar<strong>en</strong>talité érigeant, ainsi, un nouveau mode de par<strong>en</strong>talité sortant du référ<strong>en</strong>tiel<br />

naturel qui prévaut aujourd’hui comme conception de <strong>la</strong> famille.<br />

La question <strong>à</strong> <strong>la</strong>quelle nous allons avoir <strong>à</strong> répondre est : faut-il garder une finalité thérapeutique <strong>à</strong> l’AMP<br />

pour répondre <strong>à</strong> un désir d’<strong>en</strong>fant, <strong>à</strong> un problème de stérilité ou faut-il l’é<strong>la</strong>rgir <strong>et</strong> créer une multitude de<br />

formes de par<strong>en</strong>talité, quitte <strong>à</strong> avoir deux droits : un droit de <strong>la</strong> filiation naturelle <strong>et</strong> un droit de <strong>la</strong> famille<br />

issu des procréations médicales assistées ?<br />

Deuxième question que nous aurons <strong>à</strong> nous poser : quel li<strong>en</strong> par<strong>en</strong>t-<strong>en</strong>fant se construit <strong>à</strong> partir de l’anonymat<br />

du don de gamètes ? Le don de gamètes intervi<strong>en</strong>t quand il y a assistance médicale <strong>à</strong> <strong>la</strong> procréation<br />

avec tiers donneur, c’est-<strong>à</strong>-dire quand l’un des gamètes reproducteur, le spermatozoïde ou l’ovocyte, provi<strong>en</strong>t<br />

d’un donneur. Si elle ne concerne qu’une minorité de cas, l’insémination avec donneur peut être mise<br />

<strong>en</strong> œuvre lorsqu’il y a risque de transmission d’une ma<strong>la</strong>die d’une particulière gravité. Toujours est-il<br />

que <strong>la</strong> <strong>loi</strong> a construit <strong>la</strong> filiation sur l’anonymat <strong>et</strong> <strong>en</strong> quelque sorte sur un artefact. Lors des travaux de <strong>la</strong><br />

mission parlem<strong>en</strong>taire, nous avons auditionné quelqu’un qui arrivait avec une valise <strong>et</strong> le présid<strong>en</strong>t de <strong>la</strong><br />

mission parlem<strong>en</strong>taire lui a demandé d’où il v<strong>en</strong>ait. C<strong>et</strong>te personne n’a pas répondu de Nantes, ou de<br />

Brest, elle a répondu : je vi<strong>en</strong>s du CECOS, je vi<strong>en</strong>s chercher mon id<strong>en</strong>tité. Il v<strong>en</strong>ait <strong>la</strong> chercher auprès du<br />

médecin qui était le seul <strong>à</strong> <strong>la</strong> dét<strong>en</strong>ir.<br />

Faut-il continuer <strong>à</strong> maint<strong>en</strong>ir l’anonymat ? Si nous <strong>en</strong> restons <strong>à</strong> <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion <strong>en</strong> vigueur, nous affirmons <strong>la</strong><br />

suprématie totale du li<strong>en</strong> social sur le li<strong>en</strong> biologique puisque le tiers que représ<strong>en</strong>te le donneur de gamète<br />

dans l’AMP est effacé au profit des par<strong>en</strong>ts qui élèv<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>fant. Est-ce cohér<strong>en</strong>t avec le principe de<br />

l’AMP qui vise <strong>à</strong> créer une filiation biologique sans que l’<strong>en</strong>fant ait le droit de connaître son géniteur ou<br />

son asc<strong>en</strong>dant biologique ? A l’inverse si le li<strong>en</strong> social est aussi primordial, comme le disait Axel Khan,<br />

lorsqu’on oppose <strong>à</strong> l’<strong>en</strong>fant l’interdit de connaître ses origines biologiques, alors pourquoi n’a-t-on pas<br />

dirigé directem<strong>en</strong>t les par<strong>en</strong>ts vers l’adoption ? C<strong>et</strong>te question de <strong>la</strong> levée de l’anonymat nous r<strong>en</strong>voie<br />

au fait qu’ayant artificialisé <strong>la</strong> naissance <strong>et</strong> l’ayant fait passer dans <strong>la</strong> sphère technique, nous avons été<br />

conduits <strong>à</strong> créer des artéfacts, <strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce l’anonymat <strong>et</strong> qu’<strong>à</strong> partir de c<strong>et</strong> artéfact, nous sommes<br />

obligés de reconstruire pour les <strong>en</strong>fants un autre artéfact pour donner une logique <strong>à</strong> <strong>la</strong> dissociation que<br />

nous avons opérée <strong>en</strong>tre le li<strong>en</strong> social <strong>et</strong> le li<strong>en</strong> biologique.<br />

Deuxième question, si vous souhaitez lever partiellem<strong>en</strong>t l’anonymat, alors <strong>à</strong> ce mom<strong>en</strong>t-l<strong>à</strong>, y a-t-il un<br />

moy<strong>en</strong> terme <strong>à</strong> <strong>la</strong> quête des origines ? Qu’est ce qui nous paraît important dans <strong>la</strong> filiation biologique ?<br />

Est-ce l’image que nous pouvons nous faire de notre par<strong>en</strong>t biologique <strong>à</strong> partir d’élém<strong>en</strong>ts qui nous sont<br />

donnés ou faute de connaître l’histoire familiale, est-ce l’information sur des données biologiques qui<br />

pourrai<strong>en</strong>t aider l’<strong>en</strong>fant <strong>à</strong> s’approprier son corps <strong>et</strong> plus spécifiquem<strong>en</strong>t le rassurer sur son capital santé<br />

<strong>à</strong> l’heure où <strong>la</strong> médecine prédictive se développe ? La question de l’anonymat relève-t-elle du droit <strong>à</strong><br />

connaître ses origines (levée totale) ou du droit médical (accès <strong>à</strong> des données non id<strong>en</strong>tifiantes, notamm<strong>en</strong>t<br />

dans le domaine de <strong>la</strong> santé) ?<br />

92

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!