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Rage%20-%20Stephen%20King.pdf

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J’avais bougrement envie de crier comme un sauvage et<br />

d’annoncer à la compagnie que Charles Everett Decker croyait<br />

sérieusement qu’il allait se faire baiser, que, pour faire un<br />

mauvais jeu de mots, Charles Everett Decker était sur le point<br />

de perdre sa fleur.<br />

Je n’ai rien fait de tout ça.<br />

Je suis sorti par la porte de derrière.<br />

J’étais tellement défoncé, et je bandais tellement que j’ai<br />

failli me ramasser sur la plage de petits galets blancs en<br />

contrebas. L’arrière de la baraque donnait sur un rocher abrupt<br />

qui tombait sur un îlot miniature. Une volée d’escaliers battue<br />

par les vents menait en bas. J’ai avancé précautionneusement,<br />

en me tenant à la rampe. J’avais l’impression que mes pieds<br />

étaient à des milliers de kilomètres.<br />

De ce côté, la musique paraissait lointaine et se mêlait au<br />

rythme cadencé des vagues qui la couvrait presque entièrement.<br />

Il y avait un soupçon de lune et un fantôme de brise. La<br />

scène était d’une beauté si renversante que pendant un instant,<br />

j’ai cru marcher dans une carte postale en noir et blanc.<br />

Derrière moi, en haut, la baraque se perdait dans le flou. Des<br />

arbres grimpaient de chaque côté, des pins et des épicéas qui<br />

penchaient au-dessus de la pointe des rochers nus – des épicéas<br />

jumeaux qui encadraient la plage en demi-lune balayée par les<br />

vagues. Devant moi, s’étendait l’Atlantique, parsemé d’une<br />

myriade de vagues reflets lunaires. Au loin, à gauche,<br />

j’apercevais la courbe à peine visible d’une île et je me<br />

demandais qui, à part le vent osait s’y aventurer la nuit. Cette<br />

pensée morose m’a fait un peu trembler.<br />

J’ai enlevé mes chaussures et je l’ai attendue.<br />

Je ne sais pas combien de temps il s’est passé avant qu’elle<br />

n’arrive. Je n’avais pas de montre et j’étais trop défoncé pour en<br />

juger. Au bout d’un certain temps, le malaise a commencé à<br />

m’envahir.<br />

Sans doute à cause de l’ombre des arbres sur le sable mouillé<br />

et compact, et du bruit du vent. Ou encore, à cause de l’océan<br />

lui-même, l’océan gigantesque, enfant de salaud grouillant<br />

d’une vie invisible, et de tous ces petits points de lumière. Peutêtre<br />

à cause du sable froid sous mes pieds nus. Peut-être autre<br />

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