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Joseph Césarini et Jimmy Glasberg - Arald

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celle de l’acceptation du délit. Une fois qu’elles<br />

ont accepté le délit qu’elles ont commis, c<strong>et</strong>te<br />

reconstruction peut réellement s’opérer. C’est<br />

un travail difficile de chaque instant.<br />

Un des témoignages frappants dans Dernier<br />

R<strong>et</strong>our en détention est celui de c<strong>et</strong>te femme<br />

qui, lors d’une permission, abrutie<br />

par les bruits de son environnement familial,<br />

a trouvé refuge dans sa chambre.<br />

H. T. : Quand on vit enfermé pendant si longtemps<br />

dans un univers réduit que l’on finit par<br />

connaître par cœur, on n’est finalement bien<br />

qu’avec soi-même. Elles vivent donc leur cellule<br />

comme un refuge. Je me souviens que certaines<br />

se demandaient si elles allaient à nouveau<br />

pouvoir supporter les bruits de l’extérieur,<br />

ou la lumière par exemple.<br />

Il y a aussi c<strong>et</strong>te femme dans Les Résidentes,<br />

condamnée à perpétuité, qui obtient une<br />

permission de sortie au bout de quinze ans…<br />

H. T. : Oui, effectivement, lors de c<strong>et</strong>te permission<br />

elle disait voir des étoiles. Elle a fait du<br />

vélo <strong>et</strong> elle ne voulait plus s’arrêter. Elle disait<br />

aussi vouloir marcher encore <strong>et</strong> encore, que<br />

l’eau avait une odeur <strong>et</strong> que c’était la première<br />

fois, depuis quinze ans, qu’elle se regardait<br />

dans un miroir. Elle constatait les ravages que<br />

la prison avait imprimés sur son corps. On<br />

constate que la prison accélère le processus<br />

de vieillissement du corps.<br />

Etes-vous restée en contact avec<br />

les femmes de Dernier R<strong>et</strong>our en détention ?<br />

H. T. : Oui, avec l’une des deux pendant deux<br />

ans, <strong>et</strong> puis, tout d’un coup, le lien s’est fait<br />

moins fort sans être vraiment coupé. De temps<br />

en temps, je reçois un p<strong>et</strong>it message. J’ai partagé<br />

un moment très fort avec ces deux femmes.<br />

Quels sont les proj<strong>et</strong>s sur lesquels<br />

vous travaillez actuellement ?<br />

H. T. : Les thématiques de l’identité, de la discrimination<br />

<strong>et</strong> de l’enfermement m’interpellent<br />

toujours. Je travaille sur un film qui va se<br />

tourner en 2011 sur les Services pénitentiaires<br />

d’insertion <strong>et</strong> de probation. Tourné au SPIP de<br />

Dijon, il aura pour thème le sens de la peine.<br />

Nous allons travailler en milieu ouvert, sur ce<br />

que recouvrent les peines alternatives à l’incarcération<br />

<strong>et</strong> les aménagements de peine,<br />

ainsi que sur les suivis imposés au sortir de<br />

prison. Je tourne actuellement un documentaire<br />

sur un couple homosexuel [Un Désir<br />

ordinaire, pour France 3]. Ce qui m’intéresse,<br />

c’est la façon dont on se regarde, dont on<br />

apprend à se regarder avec ses différences.<br />

Propos recueillis par Patrick Facchin<strong>et</strong>ti,<br />

mars 2011<br />

regards croisés<br />

Mêlant la commande <strong>et</strong> les proj<strong>et</strong>s personnels, Catherine Réchard a mené des travaux<br />

photographiques sur des thématiques variées (mémoire, habitat, urbanisme).<br />

Ces travaux se sont souvent accompagnés d’entr<strong>et</strong>iens, ce qui l’a naturellement amenée<br />

à s’intéresser au film documentaire. Quel que soit le suj<strong>et</strong> ou le support, il lui importe<br />

avant tout d’offrir un espace de paroles aux personnes qu’elle rencontre.<br />

Elle a réalisé Une Prison dans la ville en 2007 <strong>et</strong> Le Déménagement en 2011.<br />

Comment en êtes-vous venue à travailler<br />

en milieu pénitentiaire ?<br />

Catherine Réchard : J’ai été amenée à travailler<br />

en prison pour la première fois en 1999, après<br />

avoir été contactée par Alix de Morant qui animait<br />

des ateliers théâtre à la maison d’arrêt des<br />

femmes de Rouen. Elle m’a invitée à la rejoindre<br />

sur son proj<strong>et</strong> afin de réaliser des portraits<br />

des participantes. J’ai donc photographié les<br />

détenues dans leur cellule, où elles se m<strong>et</strong>taient<br />

en scène avec leurs obj<strong>et</strong>s du quotidien.<br />

Puis j’ai entrepris une démarche analogue avec<br />

les femmes de “l’extérieur”, sollicitées dans le<br />

but de livrer des récits de vie qui deviendraient<br />

matériau théâtral. Ces femmes de l’extérieur,<br />

sans lien avec la prison, sont venues chacune<br />

à leur tour passer une demi-journée avec les<br />

détenues qui avaient lu leurs récits. C’était un<br />

travail autour de la rencontre, de la question<br />

du dedans-dehors. C<strong>et</strong>te première expérience<br />

était fondée sur l’échange <strong>et</strong> j’ai poursuivi dans<br />

c<strong>et</strong>te voie. Pour tous les proj<strong>et</strong>s que j’ai développés<br />

en milieu pénitentiaire, j’ai toujours eu à<br />

cœur de donner la parole aux personnes incarcérées.<br />

Le temps passé en cellule avec ces<br />

femmes, à boire du Ricoré – le café est interdit<br />

en prison – m’a permis de découvrir ce que les<br />

personnes incarcérées réalisent à partir d’obj<strong>et</strong>s<br />

détournés ou de matériaux récupérés –<br />

dont le plastique des boîtes Ricoré, justement.<br />

C’est ainsi qu’a commencé un autre proj<strong>et</strong>, qui<br />

a donné naissance au livre Système P., paru en<br />

2003 aux Editions Alternatives. J’ai réalisé les<br />

photos de Système P. dans six établissements<br />

pénitentiaires, dont la maison d’arrêt d’Alençon<br />

qui était située au cœur de la ville. C<strong>et</strong>te<br />

prison, qui a fermé en 2010, était nichée dans<br />

les tours de l’ancien château du XIVe siècle. En<br />

réfléchissant sur les relations visuelles entre<br />

la prison <strong>et</strong> l’extérieur, j’ai rapidement pensé<br />

que le film documentaire serait la forme la<br />

plus appropriée pour développer ce travail. Le<br />

Le Déménagement<br />

proj<strong>et</strong> a évolué <strong>et</strong> le film a finalement été tourné<br />

à la maison d’arrêt de Cherbourg, encore plus<br />

imbriquée au centre ville.<br />

Pour ce film, Une Prison dans la ville,<br />

comment avez-vous approché les habitants<br />

des abords de la prison qui sont aussi<br />

les acteurs du documentaire ?<br />

C. R. : Je cherchais des personnes dont les<br />

fenêtres des appartements donnaient sur la<br />

prison. Par l’intermédiaire du cinéma L’Odéon,<br />

j’ai rencontré une femme qui habite dans l’immeuble<br />

situé en face de la maison d’arrêt. Elle<br />

m’a présenté ses voisins, <strong>et</strong> grâce à elle, le<br />

contact avec les habitants des deux immeubles<br />

a été simplifié.<br />

La question du dedans-dehors est au centre<br />

de votre travail : la prison est au cœur<br />

de la ville <strong>et</strong> la ville est très présente<br />

à travers les fenêtres de la prison.<br />

C. R. : C’est le croisement de regards entre voisins<br />

qui ne se voient pas. J’avais à cœur de créer<br />

ce flottement <strong>et</strong> de faire en sorte que l’on ne<br />

sache pas tout de suite où l’on se trouve. Avec<br />

l’image, mais aussi avec les sons, j’ai souhaité<br />

travailler c<strong>et</strong>te ambiguïté. Il y a trois pôles : la<br />

fenêtre de l’habitant, la fenêtre du détenu <strong>et</strong> les<br />

baies vitrées de la bibliothèque municipale. Les<br />

points de vue se confrontent <strong>et</strong> se mélangent.<br />

Comment s’est déroulée la préparation<br />

du tournage ?<br />

C. R. : En amont du tournage, nous avons proposé<br />

avec la Maison de l’image de Basse-Normandie<br />

un atelier de programmation de films<br />

documentaires. C<strong>et</strong> atelier me semblait indispensable<br />

dans la mesure où cela a permis aux<br />

personnes détenues de mieux comprendre le<br />

proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> de se familiariser avec le cinéma documentaire.<br />

Souvent, les gens font l’amalgame<br />

entre documentaire <strong>et</strong> reportage télé. Avec<br />

100 images de la culture

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