Untitled - Le chasseur abstrait
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tient à personne tant que personne ne trouve<br />
les moyens de l’acquérir. Il y a enfin l’invisible,<br />
l’impalpable, l’inconcevable, peut-être même<br />
l’impossible, toutes les nourritures que la probabilité<br />
réserve à des spéculations mentales. <strong>Le</strong><br />
tout forme notre environnement, à la fois l’unité<br />
et la dimension de notre existence. - À quel<br />
moment et à quel endroit apparaît l’étranger ?<br />
Impossible de le savoir. On dirait qu’il surgit<br />
de nulle part et pourtant, on s’attend toujours<br />
à lui quand on pense à nous. Il est la conclusion<br />
provisoire de nos errances métaphysiques.<br />
-o-<br />
Heureusement, le commerce lance des ponts<br />
par-dessus les différences. Il faut les concevoir<br />
et les construire à l’épreuve des tempêtes que la<br />
lucidité fait naître des grands écarts.<br />
-o-<br />
L’argent est le même partout, mais ses flux<br />
sont comme des fleuves, plus ou moins porteurs<br />
de nos voyages centrifuges ( ils se jettent<br />
quelque part ). À l’inverse, la guerre produit un<br />
effet centripète ( on est à la source du mal ). Ne<br />
recherchons pas l’équilibre de ces deux forces<br />
vives, mais avec elles formons le fil de notre<br />
Histoire.<br />
-o-<br />
<strong>Le</strong>s anticolonialistes sont des propriétaires en<br />
guerre. Ils opposent la prescription acquisitive<br />
à l’acquisition contractuelle. On ne verrait là<br />
qu’une querelle de Droit si prescrire consistait<br />
aussi à civiliser. Mais nous savons par expérience<br />
que la colonisation, qui n’est pas une invasion,<br />
est seule porteuse du droit au bonheur<br />
que ni les coutumes ni l’Histoire ne garantissent<br />
aux indigènes fondés à croire au bonheur.<br />
47<br />
-o-<br />
De quoi sommes-nous riches ? De matières ?<br />
D’industries ? Ils ont la matière et nous leur<br />
fournissons l’industrie. Nous les enrichissons<br />
et ils s’appauvrissent. À qui la faute ? Au donateur<br />
ou à celui qui reçoit ( le donataire, vous<br />
savez, comme il y a un narrateur et un narrataire<br />
) ? À la générosité ou à la corruption ?<br />
Pourquoi sont-ils pauvres ?<br />
-o-<br />
Un étranger n’est qu’un reflet du miroir qu’on<br />
oppose à notre bonheur. Une image se forme<br />
sur la nôtre au fur et à mesure de notre prise<br />
de conscience de la gravité du problème. Nous<br />
ne nous voyons plus qu’à travers cette transparence,<br />
comme s’il devenait possible de traverser<br />
le miroir par un artifice indigne de notre imagination.<br />
-o-<br />
Nous ne reculerons pas devant la terreur.<br />
Celle-ci ne pèse rien à côté de nos arsenaux.<br />
L’étranger est témoin de notre capacité à résister<br />
à la tentation de mettre fin à son monde.<br />
Il est porteur de cette parole, étranger en son<br />
propre pays, sinon de paix du moins d’apaisement.<br />
Nous n’irons pas jusqu’au bout mais<br />
nous irons loin. Que vaut l’imagination dans<br />
ces conditions ?<br />
-o-<br />
Trois jours ! Je comptais les jours. Deux quotidiens<br />
témoignaient de mon intérêt pour cette<br />
mort sans intérêt. J’avais souligné les propositions<br />
les plus significatives de mon désarroi. Je<br />
commençais ainsi le récit d’un reflet promet-