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6 LH OCÉANES LE JOURNAL DE LA VILLE DU HAVRE du 1 er juillet au 31 août 2013 © U.P.imaGeS - FotoLia.com DOSSIER Du sang, de l’or, les honneurs ou la mort • Robert Surcouf, Francis Drake, Thomas Cavendish… les corsaires les plus célèbres sont souvent Bretons ou Anglais. Mais les Normands méritent que l’on s’intéresse de près à leurs exploits. Et, parmi eux, certains Havrais. Si les pirates existent depuis la nuit des temps, les corsaires apparaissent progressivement au cours du XVI e s., avec la marine royale. En théorie, les corsaires s’attaquent uniquement aux bateaux ennemis à la demande de leur gouvernement, et envoient leur trésor de guerre au roi. En revanche, les pirates, sans foi ni loi, pillent tous ceux qui ont la malchance de croiser leur che- min. Barbe Noire, Jambe-de-Bois, L’ange Exterminateur : leurs noms sont évocateurs… Mais la distinction est parfois ténue, basculant d’un côté ou l’autre de la loi, selon les circonstances… En mer, il arrive aux corsaires d’ignorer que la paix a été signée quelques jours auparavant. Ils deviennent alors pirates malgré eux. À la fin des guerres, ils se retrouvent au chômage et deviennent souvent pirates. Certains, peu scrupuleux, profitent également des papiers officiels pour piller et tuer les marchands. Pendu haut et court Les châtiments qui leur sont réservés varient selon le statut. S’il est pris, le pirate est pendu haut et court. Haut pour que tout le monde le voie, et court pour économiser de la corde ! Le corsaire, lui, exhibe ses lettres de marques délivrées au « De l’or et des honneurs. » nom du roi, ce qui lui assure le sort d’un prisonnier de guerre. Ce qui inspire cette phrase à Washington Irving, dit Kidd le pirate : « Il n’y a qu’un pas du corsaire au pirate : tous deux combattent pour l’amour du butin, seulement le dernier est le plus brave, puisqu’il affronte à la fois l’ennemi et le gibet ! » À bord, la vie est rude mais palpitante. Pour les gagnants : Suite de l’article page 7
l’or et des honneurs, pour les perdants : la prison, la torture ou la mort, avec des différences signifi catives. Les pirates partagent le butin de manière équitable, contrairement aux corsaires. De même pour la nourriture, l’alcool et l’eau, tandis que, dans la marine, les meilleurs mets sont réservés aux offi ciers. On ne plaisante pas avec la discipline chez les pirates : pendaison, noyade ou supplice de la cale dans la marine, abandon sur une île déserte, nez et oreilles coupés, passage par dessus bord, peloton d’exécution choisi par le condamné (le choix d’un ami permet d’avoir une mort plus « douce »)… F.J. (source : Michel Lécureur). • DossiER LH OCÉANES LE JOURNAL DE LA VILLE DU HAVRE DU 1 ER JUILLET AU 31 AOÛT 2013 7 Les célèbres corsaires et pirates Havrais Le premier pirate havrais dont on garde la trace dans les archives est Guyon Le Roy, seigneur du Chillou. Chargé de la construction du port du Havre par François I er , il est nommé vice-amiral, ce qui ne l’empêche pas de se livrer à la piraterie ! En 1522, il fait arraisonner le bateau d’un Gênois, au large du Havre. À peine arrivé à terre, il ordonne la saisie du navire et de toute sa cargaison. Le Gênois est enfermé un an à la Tour du Havre mais, dès sa libération, porte plainte auprès du parlement de Rouen. Le vice-amiral du Chillou est condamné à lui restituer la totalité de ses biens et à lui verser des dommages et intérêts… Un autre Havrais célèbre, le cartographe Guillaume Le Testu, pilote royal du port du Havre, s’allie en 1572 avec le navigateur Francis Drake. Ils montent une expédition pour intercepter l’or que les Espagnols transportaient à dos de mulets, du Pacifi que vers l’Atlantique pour l’expédier vers l’Europe. Les deux hommes s’emparent d’un magnifi que butin : plaques d’or, ducats, pistoles… Mais Le Testu est tué par les soldats espagnols, alors que Francis Drake et ses hommes se sauvent avec plus de 60 000 écus ! Connu comme un grand voyageur, Michel Dubocage a un beau tableau de chasse à son actif. Pendant la guerre de Succession d’Espagne, il s’empare de nombreux navires anglais et d’un butin conséquent : prisonniers de guerre, alcool, sucre, indigo… L’épave de sa frégate corsaire, La Dauphine, partie du Havre en 1704, a été récemment retrouvée au large de Saint-Malo. Parmi les corsaires qui ont parcouru les mers, bien d’autres Havrais se sont adonnés à la piraterie : le capitaine Collet de Canteloup, Corbeyran de Cardaillac, Pierre Pain, Philippe Papin… et même un certain Jean-Baptiste De Gaulle ! © d.r. © d.r. Havrais dire Michel Lécureur, auteur du livre Corsaires et Pirates de Normandie (éditions Magellan). Quel est pour vous le plus grand pirate normand ? « Le Honfl eurais Jean-François Doublet, le Surcouf normand. À 7 ans, il s’embarque clandestinement sur le navire de son père ! Pendant la guerre de Hollande, il s’empare d’un bateau ennemi au nez et à la barbe des alliés anglais. Après avoir traîné dans une taverne de Plymouth, il apprend qu’un navire hollandais mouille dans le port de Saltash et décide de s’en emparer. Il achète la totalité de leur pêche à trois pêcheurs anglais et monte avec eux pour arroser la vente. L’eau-de-vie aidant, les Anglais s’endorment et 28 Français grimpent dans leur embarcation, munis de pistolets, de sabres, de haches... Un seul d’entre eux parle anglais et répond aux soldats qui gardent le fort d’entrée de Saltash. Ils abordent le navire, maîtrisent l’équipage, et le ramènent à Dunkerque. Son arrivée est triomphale. Plus tard, il capture un espion anglais qui se révèle être porteur de précieux documents : la liste des bâtiments des armées anglaises et hollandaises, avec leur armement, et l’état des forces navales françaises ainsi que leurs signaux. Une prise incroyable qui a fait le « buzz » de l’époque ! »
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