Aurore BERLAND
Aurore BERLAND
Aurore BERLAND
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
<strong>Aurore</strong> Berland – Communication et intégration sociale d’adolescents sourds porteurs d’un implant cochléaire<br />
en intégration scolaire.<br />
Toutes ces constatations cliniques nous permettent de consolider notre hypothèse de départ<br />
consistant à dire que les situations de communication en groupe, avec des entendants, sont<br />
particulièrement difficiles pour les jeunes sourds porteurs d’un implant cochléaire et influent donc<br />
sur leur intégration sociale.<br />
Mais, l’entretien nous permet également de nous apercevoir que les échanges entre les jeunes<br />
sourds ne sont pas non plus aisés. « Avec M. (sourd profond implanté) je signe, il comprend pas bien.<br />
Avec Elsa (sourde sévère), on code parce qu’elle articule mal » nous dit H. Par contre, avec Marie,<br />
sourde signante, c’est plus difficile : « on signe un peu, mais on ne va pas souvent avec elle ».<br />
• Identification.<br />
Ceci nous a alors amené à nous intéresser à l’identification des jeunes adolescents : se considèrent-ils<br />
plus comme sourds ou comme entendants ? Le mode de communication influence-t-il leur<br />
identification ?<br />
Selon Baud’huin (2006 : 71), « les adolescents sourds porteurs d’un implant cochléaire s’identifient<br />
plus fortement à la communauté entendante qu’à la communauté sourde », donc se rapprocheraient<br />
plus de la culture dominante.<br />
Mais dans notre étude, les résultats qualitatifs ne se sont pas révélés aussi catégoriques. Ainsi, si une<br />
jeune fille nous confiait « Je me considère comme une entendante, j’ai tendance à penser comme une<br />
entendante, pour moi l’implant a toujours existé », elle explique ensuite « Je parle à l’oral, j’ai oublié<br />
la LSF, mais j’ai envie de m’y remettre. Les petits implantés devraient continuer les deux pour qu’ils<br />
aient le choix et garder avec ses racines ». D’autres nous disaient qu’ils ressentaient des limites<br />
(comme pour téléphoner), d’autres encore ayant davantage d’amis sourds, et pouvant communiquer<br />
aisément en langue des signes s’identifiaient davantage à la communauté sourde, s’opposant ou non<br />
au choix d’implantation de leurs parents.<br />
L’un des plus âgés de l’étude enfin expliqua qu’il se sentait « partagé entre les deux » : « j’suis entre<br />
le milieu » mais « c’est difficile à dire aux autres que j’suis sourd et puis que j’entends ». Ces<br />
différences de point de vue peuvent également être retrouvées sur des forums sur internet (comme<br />
sur ceux de la Fédération Francophone des Sourds de Belgique) à travers les divers témoignages de<br />
jeunes sourds implantés.<br />
A la question « Te sens tu différent des autres adolescents ? », les plus grands, ayant acquis une<br />
autonomie de pensée, réussissent à élaborer une réponse et à l’étayer: « Juste la mentalité. Je me<br />
sens plus intelligent avec les sourds. Avec les entendants, j’ose pas des choses, je me sens immature ».<br />
(F.)<br />
Cette question de maturité est reprise par d’autres jeunes d’une façon différente : « Oui, je me sens<br />
différente, ce n’est pas uniquement sur le plan de la surdité en fait…j’ai vécu plus de choses sur le plan<br />
social qu’eux…Par exemple, les moqueries…Et sur le plan scolaire, j’ai beaucoup travaillé : j’avais<br />
quatre années de retard et je les ai rattrapées. J’suis plus mûre qu’eux, mais plus immature d’un côté<br />
surtout l’affectif : j’ai besoin de ma famille parce qu’ils ont toujours été là pour moi ! Ce sont les seuls<br />
qui m’aient soutenu du début jusqu’à la fin… Donc euh, j’ai du mal à couper euh…le cordon ». (D.)<br />
Les Carnets de la Persagotière n° 25-2010 – Institut public la Persagotière<br />
11