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<strong>Palabres</strong>, <strong>Revue</strong> d’Etudes Africaines, Vol. III, n°1, 2000.<br />
ce jour, l’écriture féminine africaine s’est faite à la fois défi aux nombreux préjugés;<br />
réflexion sur la féminité -la création littéraire permet à la femme de mieux se dire afin<br />
de ne plus être l’éternel sujet (d)écrit, la sauce aux épices masculines conformément à<br />
la logique aristotélicienne qui oppose la femme (être passif) à l’homme (être actif)<br />
sorte de Dieu créateur doté du pouvoir vital- et enfin présence.<br />
Il n’existe pas de société au monde qui accepte et supporte l’affirmation de la<br />
personnalité-femme parce que, s’appuyant sur des préjugés et des mythes comme<br />
indices conceptuels de la supériorité du mâle, l’homme considère la conscience<br />
féminine comme une rébellion qui infléchit l’ordre social sacré vers l’abomination. La<br />
conséquence en est le fond conflictuel qui porte la création littéraire féminine obligée<br />
d’affronter le discours mâle ou de se développer en marge de celui-ci. Même les<br />
sociétés américaine et européenne dont on veut imposer les normes au monde entier<br />
n’ont pas fini de surprendre par leur misogynie déguisée. Il n’est pas de doute que ce<br />
« principe de la différentiation sexuelle 3 » est le cloaque dans lequel religieux,<br />
législateur, politique..., enferment la femme en reniant sa singularité, cloaque qui dans<br />
les sociétés à économie traditionnelle et dérisoire et où la vie politique et sociale est<br />
réglée autour de l’axe Domination-Soumission comme l’Afrique, fonctionne à travers<br />
la permanence des mythes et des religions, le fétichisme du potentat mâle. Dieu est<br />
d’ailleurs le premier promoteur de l’idée de l’infériorité de la femme 4 : il n’est que de<br />
lire la Bible ou le Coran ou de se référer aux structures des couvents en Afrique pour<br />
s’en convaincre. On comprend pourquoi aux yeux de la plupart des hommes, être<br />
femme et de surcroît écrivaine est une transgression à double échelle de l’ordre social<br />
considéré, dans tous les cas, comme un God-given.<br />
Mais que l’on ne se leurre pas, la femme d’où qu’elle soit, n’a pas attendu des projets<br />
de société qui lui accordent la faveur de revendiquer ses droits pour se lancer à la<br />
conquête de son identité. Déjà au IX ème, Dhuoda s’insurgeait contre la religiosité<br />
liberticide et hostile à l’épanouissement de la femme. Son ouvrage Liber manualis<br />
écrit en 843 témoigne de l’esprit de liberté et de libération de la femme en pleine<br />
renaissance carolingienne 5 . En Afrique, même dans les sphères musulmanes<br />
obstinément conservatrices où les serres de la tradition la réduisent à une douleur<br />
silencieuse sous le poids du voile 6 , la femme a toujours cherché à se dire comme le<br />
témoigne l’expérience de l’Egyptienne Out-el-Kouloub qui, dans son roman Harem<br />
publié en 1937, dénonce le diktat des structures sociales qui font de la femme un être<br />
de ghetto. Beaucoup d’autres femmes ont entrepris des combats similaires mais la<br />
solitude et l’isolement dans lesquels elles se trouvent n’ont pas contribué à porter haut<br />
Claire-Solange, âme africaine (Paris, Eugène Figuière) suivi en 1934 par Desroy Annie avec son roman Le Joug<br />
(Imprimerie Modèle, Port-au-Prince)…<br />
3 Dans un article intitulé « La femme, une utopie ? du passé au présent » (Lettres et cultures de langue française,<br />
n°25, 1999, pp. 50-65), Marie-Françoise Bosquet montre comment le principe de la différentiation sexuelle<br />
utilisée par les utopistes des XVIIème et XVIIIème siècles pour discriminer la femme considérée comme un<br />
objet qui « incarne l’univers du désir, des sentiments, en fait de tout ce qui échappe à la maîtrise de la raison »<br />
(p.50) perdure jusqu’à nos jours.<br />
4 Le chapitre de la Genèse nous apprend que la femme a introduit le péché sur terre<br />
5 Camille Aubaud, Lire les Femmes de Lettres, Paris, Dunod, 1993, pp. 1-3.<br />
6 Lire l’article de Denise Brahimi « La place des africaines dans l’écriture féminine » (159-168) et celui de<br />
Soumya Ammar Khodja « Ces voix qui m’assiègent » (259-264)