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<strong>Palabres</strong>, <strong>Revue</strong> d’Etudes Africaines, Vol. III, n°1, 2000.<br />
l’épanouissement de la femme, elle a su user de la protection de l’autorité politique<br />
pour mettre en cause les préjugés et non pour cautionner le mandarinat mâle à l’instar<br />
de la réalité où le politique et le religieux détournent la nécessaire lutte des femmes…<br />
souvent par femmes interposées. Mais, dans la pratique, combien sont-elles à jouir de<br />
ce privilège ?<br />
La délicate démarche de rechercher des critères identitaires de l’écriture féminine<br />
semble à ce jour loin d’être formalisée en Afrique où l’instabilité politique, la précarité<br />
économique n’ont pas fini d’infléchir la nécessaire ontologie active des classes<br />
opprimées vers une ontologie passive. Le long des textes qui constituent ce volume, se<br />
dégage l’idée que la création littéraire est pour la femme africaine et caribéenne à<br />
l’image de leurs consœurs d’autres cieux, une rencontre avec son propre territoire, un<br />
lieu où se construit sans cesse une identité autre, en rupture avec l’éducation et le<br />
chauvinisme de l’empire mâle.<br />
L’écriture est toujours un pèlerinage vers des lieux interdits: la liberté, la dislocation<br />
des tabous, elle dit un malaise mais, parvient rarement en Afrique où très peu de<br />
femmes savent lire et écrire, à des soulèvements de pavés. Il faut libérer davantage<br />
l’écriture de la femme, la parole de la femme en décongestionnant les appareils<br />
politique, juridique, économique pour mettre fin aux diktats des traditions, et à<br />
l’hypocrisie politique. En 1979, sollicitée par Roland Houver pour rédiger un article<br />
dans le premier numéro de la revue juridique Leviathan à propos de son ouvrage<br />
Droits des femmes, pouvoirs des hommes, Odile Dhavernas en est venue à la<br />
conclusion qu’aucune analyse de la condition de la femme « n’a de sens si elle ne<br />
s’enracine pas dans l’expérience concrète de la grande masse des femmes 41 », si elle<br />
ne dépasse pas les a-priori de la création littéraire.<br />
C’est dire qu’au-delà de sa prise d’écriture, un travail collectif reste à abattre pour<br />
défaire le poids des lois, réajuster les structures économiques qui libèrent l’écriture,<br />
détruisent les traditions, aller au-delà du subjectivisme pour éviter que la<br />
problématique de la femme en Afrique et dans les Caraïbes ne se laisse aller à une<br />
affectation simpliste et sexiste des différences morphologiques.<br />
L’espace inventif de la langue, la relation à l’altérité et au Moi ainsi qu’aux contextes<br />
culturels, socio-politiques, la représentation par la fiction de la personne humaine…,<br />
sont avant tout un phénomène humain à laquelle la littérature et l’art en général offrent<br />
un haut lieu d’expressivité. L’unicité étant forcément réductrice de l’ordre des choses,<br />
nous avons voulu faire de ce présent volume une tribune mixte où se complètent et<br />
s’opposent des voix de femmes et d’hommes...<br />
Références bibliographiques<br />
- Amhis Djober, « Silence et parole » publié dans le collectif D’Algérie et de femmes, Dalila<br />
Morsly (coordinatrice), Alger, Friedriech-Ebert Stiftung-Groupe Aïcha, 1994, pp. 160-179<br />
- Anagnostopoulou-Hielscher Maria, « Parcours identitaires de la femme antillaise : Un<br />
entretien avec Maryse Condé », in Etudes Francophones Vol. XIV, n°2, 1999, pp.67-81<br />
- Aubaud Camille, Lire les Femmes de lettres, Paris, Dunod, 1993<br />
41<br />
Odile Dhavernas, « A propos de Droits des femmes, pouvoir des hommes et de quelques autres ouvrages »,<br />
Léviathan n°01, Strasbourg, 1979, p. 31.