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NDINDA Joseph : Femmes africaines en littérature. Aperçu panoramique et diachronique 29<br />

constatons que les personnages qui vivent harmonieusement leur rapport au mariage<br />

sont quasi inexistants. Elles acceptent généralement leur situation par résignation. Et<br />

c’est ainsi que dans une formule lapidaire, Aminata Maïga Ka écrit dans La voie du<br />

Salut : « La femme mariée est le déversoir des ordures familiales ». Dans la situation<br />

matrimoniale, la polygamie est un problème qui a très souvent été évoqué. Les<br />

écrivains ont condamné avec plus ou moins de véhémence les régimes polygamiques.<br />

Mais ils le faisaient dans un cadre global et collectif du problème. Les femmes<br />

abordent le problème par rapport au couple. Les romancières revendiquent<br />

l’épanouissement dans le cadre d’une vie à deux. Elles sont conscientes du fait que la<br />

monogamie n’est pas la recette du bonheur, la panacée de l’harmonie. Mais elles<br />

estiment que le régime monogamique les élève au rang de partenaire dans le cadre du<br />

mariage. En voulant la vie à deux, elles recherchent aussi l’amour qui doit être la base<br />

du foyer conjugal.<br />

Les romancières évoquent des personnages féminins qui disent ‘non’ à la polygamie.<br />

Elles développent un discours du refus qui prend plusieurs formes. Dans Une si longue<br />

lettre de Mariama Bâ, Aïssatou refuse le compromis et préfère quitter son mari. Dans<br />

L’ex-père de la nation de Aminata Sow Fall, la femme du Président ne quitte pas son<br />

mari. Mais elle lui dit qu’elle ne sera plus la servante docile dans la maison et au lit.<br />

Elle sauvegarde les apparences du protocole d’Etat, mais elle développe le discours du<br />

refus dans le foyer conjugal. Le refus de la polygamie se manifeste aussi à travers la<br />

folie dans laquelle sombrent la plupart des personnages. Que ce soit dans Un chant<br />

écarlate et Une si longue lettre de Mariama Bâ, dans Juletane de Myriam Warner-<br />

Vieyra, nous voyons des femmes traduire leur refus par la maladie mentale, le meurtre<br />

ou le suicide.<br />

Le phénomène de la folie s’inscrit dans le registre de la trahison. La folie n’est<br />

plus alors l’expression d’une inadaptation sociale, mais le lieu de la manifestation de la<br />

douleur, du malheur au féminin. Cette manifestation de l’envers du bonheur sera plus<br />

tard le lieu de la production d’un autre discours sur le monde. Nous pensons ici à C’est<br />

le soleil qui m’a brûlée de Calixthe Beyala dans lequel Ateba, après avoir tué<br />

l’Homme, espère dans sa folie fonder un autre discours et un nouvel ordre du monde.<br />

Un autre problème qui hante les écritures féminines des années 70-80 est celui de la<br />

maternité avec son pendant qui est la stérilité. Dans les structures mentales, les<br />

femmes ne se définissent et ne s’accomplissent que dans et à travers la maternité. La<br />

femme est davantage sublimée lorsqu’elle met au monde un enfant mâle. The Joy of<br />

Motherhood de Buchi Emecheta est à ce sujet un livre symbole. Efuru de Flora Nwapa<br />

montre les problèmes de femmes qui, après une première maternité gâchée, n’arrivent<br />

pas à assumer leur stérilité dans une société où les pressions sont énormes. Pour les<br />

femmes, la stérilité est une malédiction. Elles sont pour cela prêtes à faire n’importe<br />

quoi pour échapper à l’échec et à la honte. Dans Fureurs et cris de femmes,<br />

Ntyugwetondo Rawiri montre les désordres physiques et les souffrances<br />

psychologiques des femmes qui sont désespérément à la recherche d’un maternité<br />

toujours fuyante et précaire.<br />

Dans tous les cas, les problèmes soulevés par les écrivaines sont liés à la nécessité<br />

pour les femmes de se redéfinir au sein de la société, de se donner une nouvelle<br />

identité socioculturelle.

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