RENE MALLIEUX - Namaste Mountainguides
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1937 - Chamonix<br />
Les Mallieux ont posé leur tente au Montenvers ; Jacques Jongen et les<br />
Leininger aussi.<br />
Courses faites :<br />
- La traversée du Petit au Grand Drus<br />
- L’Évêque<br />
- L’Aiguille Verte<br />
- L’Aiguille du Plan et la Dent du Crocodile.<br />
La Verte<br />
Jacques Jongen, René et moi grimpons lentement. Cette paroi du Petit Dru paraît<br />
interminable. Une cheminée : mouvement brutal des reins et des épaules, puis une<br />
autre cheminée, une fissure qui coincent pieds et mains ; puis encore une fissure.<br />
Arrêts sur des terrasses encombrées de débris. De-ci, de-là, des traces humaines :<br />
anneaux de cordes, indiquent l’emplacement des rappels, des pitons de fer, des<br />
noyaux de pruneaux.<br />
La montagne semble énorme. On y est perdu.<br />
Le Dru dessine dans la vallée, un cône d’ombre pointu : depuis le lever du soleil, il<br />
grandit et tourne. Quel beau cadran solaire.<br />
Sommet du Petit Dru : plate-forme confortable, casse-croûte habituel.<br />
Il est midi et nous avons quitté la cabane à 4 heures.<br />
Un système de fissures et de vires : le Z se dessine dans la paroi et mène au sommet<br />
du Grand Dru. On termine dans une cheminée pleine de glace.<br />
Sommet du Grand Dru.<br />
Entre les rappels, la descente continue.<br />
Un bruit de cymbale déchire l’air, un fracas épouvantable remplit l’atmosphère, c’est<br />
l’orage. Nous sommes en un endroit très peu sûr. Dans les sacs, les piolets chantent.<br />
On s’en débarrasse en toute hâte. Les cheveux raidis par l’électricité, crépitent.<br />
Nous cherchons abri sous les pierres. L’abri est illusoire. La grêle nous tombe<br />
dessus, nous transperce, nous cingle, mouillant les vêtements. Le tonnerre redouble,<br />
le bruit se répercute, s’enfle à chaque détonation, on est secoué. On a à peine le<br />
temps de respirer et le tintamarre recommence. L’orage s’éloigne. Il est sur l’Aiguille<br />
Sans Nom. La grêle diminue. Il neige. Une neige froide et mouillée. Nous ne<br />
pouvons rester ici, nous continuons. Le rocher gelé déchire les mains, les cordes<br />
tirent terriblement, les vêtements trempés collent. L’eau ruisselle de partout, la neige<br />
tombée fond, les couloirs sont des ruisseaux, les chemins des cascades.<br />
La brume revient puis s’en va. Il fait noir. La lanterne électrique a rendu l’âme dans<br />
un choc avec le rocher. La descente continue. Les heures passent. Nos vêtements<br />
mouillés sont raidis par le gel, plaquant à la peau. Les pieds trempés depuis<br />
longtemps sont devenus insensibles ; les mains font mal, les moufles gelées, raides,<br />
n’offrent qu’une protection illusoire. En même temps que le jour qui pointe, nous<br />
retrouvons la trace du Petit Dru. Il est 4h30. Sournoisement, je me débarrasse de la<br />
corde qui me relie à mes compagnons depuis plus de 24 heures et je continue libre.<br />
Un vague sentier dans les pierrailles et après c’est la cabane.<br />
Le refuge - Question : « Qu’avez-vous fait ? »<br />
Je laisse aux autres le soin de répondre et je me déshabille. Vite une paillasse et<br />
deux minutes plus tard, je dormais comme un bienheureux.<br />
Extrait d’un journal, Chamonix 12-13 août 1937, André Mallieux.<br />
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