RENE MALLIEUX - Namaste Mountainguides
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1946<br />
Les frontières sont ouvertes, et René part à Chamonix.<br />
Il écrit :<br />
« Depuis 1939, sept années de plus pèsent sur nos épaules. L’occupation du<br />
pays et une longue période d’inactivité constituent un handicap plus lourd<br />
encore.<br />
Juillet – Je retrouve des amis : Denise Lecomte, Jacques Jongen, André<br />
Flausch.<br />
Nous graduerons sagement la longueur et la difficulté de nos sorties,<br />
modestes d’ailleurs :<br />
- Le Peigne,<br />
- L’arête Sud du Moine,<br />
- Les traversées des Courtes, du Grépon et de Géant-Rochefort .<br />
Gaston Rebuffat, qui m’avait proposé de faire une course, n’a pas oublié ce<br />
projet. Nous partirons faire la face Nord des Drus. »<br />
Gaston raconte :<br />
« Le soir du 12 août, sur la place de la poste, je retrouve René. Nous errons dans<br />
Chamonix. Le lendemain, il pleut ; René est navré. Je sais que depuis des années,<br />
il désire gravir la face Nord des Drus. Dans l’après-midi, il y a une éclaircie. Nous<br />
regrettons de ne pas être partis. Le ciel se couvre à nouveau. Je demande à René :<br />
« Pourrais-tu grimper vite ? - Très vite, s’il le faut. » René demande : « Pourquoi ? ».<br />
« Si demain, il fait beau, prenons le premier train pour le Montenvers et tachons de<br />
faire la course dans l’après-midi ».<br />
Et le lendemain matin, 8h, à la gare de Montenvers, le beau temps est revenu. Nous<br />
grimpons vite, très vite même, il le faut car demain, le 15 août, je dois être à<br />
Chamonix pour la fête des Guides. Aller vite pour aller vite, nous a paru souvent<br />
idiot, mais aujourd’hui c’est autre chose. René n’a pas exagéré lorsqu’il m’a dit qu’il<br />
était capable d’aller vite. Il est constamment sur mes talons. Nous grimpons<br />
ensemble pour aller plus vite et parce que la confiance est réciproque.<br />
Qu’ils sont simples et sans éclat les moments qui fondent le bonheur et l’amitié.<br />
La joie de René est de réaliser ce projet vieux de neuf ans, la mienne est de l’y aider.<br />
Maintenant nous sommes assis l’un à côté de l’autre sur une terrasse de granit. Il<br />
neige légèrement. Il fait nuit. Tandis que nous terminons l’ascension, l’orage s’est<br />
déclenché. Nous sommes passés sous le sommet pour commencer la descente et<br />
nous arrêter. Cette neige contrarie nos projets.<br />
Vers 22 heures, le froid s’amorce, la lune apparaît. Maintenant, il fait très froid.<br />
Recroquevillés dans nos duvets, nous sommes assis côte à côte.<br />
Dans notre cœur, nous tenons tout le ciel ; nous suivons le sentier des étoiles sans<br />
nombre. Une légère bise se lève.<br />
Mille huit cents mètres plus bas, en bordure du glacier, les petits lacs du Tacul ont<br />
des reflets de pierres précieuses.<br />
Dans la vallée, Chamonix est endormie.<br />
Le lendemain matin, quand nous arrivons dans le pays, la cérémonie au cimetière et<br />
la bénédiction des piolets ont déjà eu lieu. J’aurai une amende pour être en retard.<br />
Extrait « Etoile et tempêtes » de Gaston Rebuffat.<br />
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