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RENE MALLIEUX - Namaste Mountainguides

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LA FACE NORD DE L’AIGUILLE DU PLAN<br />

Un soir à Chamonix, en ce bel été, la foule, les autos qui encombrent les rues, du<br />

bruit qui sort de partout. Il ne faudrait jamais redescendre de la montagne …<br />

Un grand garçon à vélo me fait signe. Gaston Rebuffat est devant moi.<br />

« J’ai un client pour une course – Que dirais-tu de nous accompagner ? Tu formerais<br />

une seconde cordée avec un copain. »<br />

Je propose aussitôt de faire la face Nord du Plan ; elle seule m’impressionne et<br />

m’attire. En me quittant, Gaston m’apprend que son client est une cliente. Il me<br />

semble entendre la voix de mon frère me glisser dans l’oreille : « catastrophe ».<br />

En allant prévenir Willy Niort, j’apprends qu’une cordée de Parisiens y monte demain.<br />

Le départ se fait du Chalet du Plan de l’Aiguille, à 2h du matin.<br />

Willy Niort, un copain parisien, est mon compagnon.<br />

Depuis le départ, j’ai eu tout le loisir de me livrer à quelques observations sur la<br />

personne de sa cliente. Le résultat de cette étude m’a fait penser que l’ami Gaston<br />

n’aura guère l’occasion de se promener avec les mains dans les poches.<br />

Nous chaussons les crampons.<br />

La glace, la neige fraîche, un mur de glace, une monté lente, un autre mur de glace,<br />

Gaston, debout sur un bouchon de neige, de consistance douteuse, taille des<br />

marches et des prises de mains. Il s’élève et plante un piton à glace pour assurer la<br />

traversée.<br />

Ce passage délicat franchi, il doit bientôt s’arrêter à bout de corde sur une pente de<br />

glace assez raide. C’est au tour de la cliente.<br />

Malgré une corde bien tendue, les premiers essais restent infructueux. Chaque fois,<br />

elle retombe sur le bouchon de neige en le tassant de plus en plus, ce qui rend le<br />

départ encore plus difficile.<br />

« Tirez ! » réclame alors la cliente et le ton de sa voix indique qu’elle trouve tout<br />

naturel l’emploi de ce mode d’escalade.<br />

Gaston assure ferme. Niort et moi nous nous livrons à d’innombrables manœuvres<br />

de cordes, de mousquetons, de poussées. Tandis qu’un filet de neige coule sur<br />

nous. L’heure avance. Enfin, elle passe et nous pouvons y aller à notre tour. Mains<br />

et pieds engourdis après cette longue attente.<br />

La course se poursuit et le brouillard se lève. Il est au moins 5 heures de l’aprèsmidi,<br />

le sommet n’est pas loin.<br />

Nous descendons sous un plafond de nuages.<br />

Niort, interroge la cliente : Ca va mieux maintenant ?<br />

La réponse vient sur le ton le plus naturel : « Oh, ça n’a jamais mal été ».<br />

Ce sera le mot de la fin.<br />

René Mallieux décrit la course au complet<br />

dans la revue d’Alpinisme du CAB, 1950.<br />

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