1 Mazarin. Les lettres et les arts, Isabelle Conihout et Patrick Michel ...

nomme nombre d’historiographes du roi qui n’écriront jamais une ligne d’histoire, en
particulier sur le règne de Louis XIII, comme s’il s’agissait de mieux faire oublier, au profit
de la régente (donc du pouvoir actuel), et le roi précédent et son cardinal ministre. Palais,
collections, musiques assurent, certes, une continuité du pouvoir — à l’instar de la politique
étrangère de Mazarin qui prolonge celle de Richelieu, voire la mène à son terme avec la paix
des Pyrénées en 1659 —, mais ils contribuent aussi à une forme de discontinuité radicale en
paraissant sauter par-dessus le règne de Louis XIII pour mieux rejoindre le mythe unificateur
et pacificateur de Henri IV.
Ce n’est pas un des moindres intérêts de cet ouvrage collectif que de suivre justement le
travail des historiens depuis les contemporains de Mazarin jusqu’aux travaux savants du 20 e
siècle ou aux manuels scolaires des deux derniers siècles : non seulement cela permet de ne
pas tomber dans les pièges d’une unité momentanée et factice du « 17 e siècle », mais aussi
cela alloue une profondeur de champ (en fait une profondeur de temps) à la construction de la
figure du cardinal ministre. L’intermédialité ne saurait, en effet, se restreindre à des figures
figées de l’histoire, elle doit en suivre les évolutions, les reconstitutions, les bifurcations de
sens et les changements de valeur.
En ouvrant ainsi, à partir d’œuvres de différents médiums, une histoire institutionnelle
de la mémoire et de l’oubli, on évite une facile patrimonialisation ou une activité de simple
commémoration élogieuse : Isabelle de Conihout et Patrick Michel ont ainsi permis de
construire un objet au carrefour d’une analyse des formes de pouvoir et des institutions
savantes et artistiques, d’une étude des matérialités de la communication et d’une histoire
politique de l’esthétique.
Éric Méchoulan
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