Qu'y at-il de plus proche d'un monde possible qu'un monde qui a été
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jouissance d’une possession perdue, je les <strong>at</strong>teins pour les détruire, pour les abolir 12 . »<br />
S’opposant au présent, le mo<strong>de</strong> conditionnel (jusque là moteur du texte) s’efface pour lui<br />
cé<strong>de</strong>r la place et, <strong>de</strong> spécul<strong>at</strong>ive, l’écriture <strong>de</strong>vient spéculaire, prise dans une dualité qu’on<br />
dira <strong>de</strong>structrice. « Écriture renversée », elle se retourne contre elle-même et s’abolit en son<br />
double (‘Le Grand Incendie <strong>de</strong> Londres’ en son projet) dans une boucle temporelle que<br />
Roubaud veut m<strong>at</strong>hém<strong>at</strong>ique : le temps <strong>de</strong> l’écriture se replie sur le temps du souvenir :<br />
« 1178 <strong>plus</strong> [jours avec Alix] et 1178 moins [jours sans Alix et jours d’écriture], ce <strong>qui</strong> fait un<br />
zéro pur 13 . »<br />
Pourquoi ce projet, cet « incendie » ? Pourquoi ce projet était-<strong>il</strong> en fait celui <strong>de</strong> son incendie ?<br />
Le modèle choisi pour l’entreprise du ‘Grand Incendie…’, le récit mimant la mémoire, récit<br />
par « branches », par « f<strong>il</strong>s », récit « cap<strong>il</strong>laire », « potentiel », « spécul<strong>at</strong>if », avons-nous dit,<br />
est concurrencé, à l’intérieur même du livre, par un autre modèle, celui <strong>de</strong> l’image, <strong>de</strong> la<br />
photographie, <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s <strong>possible</strong>s et <strong>de</strong> la poésie. Il y a incendie pour que l’écriture<br />
poétique <strong>de</strong> Roubaud soit à nouveau <strong>possible</strong>, comme un a<strong>il</strong>leurs, hors temps, hors récit, hors<br />
chronologie : « Je vois ma branche du soi, écrit Roubaud, celle où je rejoins Alix dans le futur<br />
antérieur […], notre passé annulé et révolu, comme située dans ce mon<strong>de</strong> après l’infini du<br />
temps terminé ; et c’est là qu’<strong>il</strong> me faudrait aller pour l’écrire 14 . » Roubaud est donc à la<br />
recherche d’un autre lieu que la prose, à la recherche d’autre chose qu’un temps pour la<br />
mémoire d’Alix : « Dans l’échec général <strong>de</strong> mon entreprise, […] quelque chose manquait,<br />
extérieur au projet, extérieur à la prose ; quelque chose noir et clair à la fois, capable <strong>de</strong><br />
donner l’impulsion première, et <strong>de</strong> la soutenir, <strong>de</strong> la faire renaître <strong>de</strong> moment à moment 15 . »<br />
12 Jacques Roubaud, ‘Le Grand Incendie <strong>de</strong> Londres’, p. 411.<br />
13 Jacques Roubaud, ‘Le Grand Incendie <strong>de</strong> Londres’, p. 367.<br />
14 Jacques Roubaud, ‘Le Grand Incendie <strong>de</strong> Londres’, p. 313.<br />
15 Jacques Roubaud, ‘Le Grand Incendie <strong>de</strong> Londres’, p. 223.<br />
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