CMJN VENDREDI <strong>28</strong> AVRIL <strong>2000</strong> - CINÉMA 38 «Le petit voleur» Zonca filme un monde sans pitié Fébrile, nerveux, «Le petit voleur» colle aux baskets d’un rebelle tenté par l’argent facile. Après les filles de «La vie rêvée de anges», Erick Zonca filme les garçons avec un égal talent. Il n’a pas de nom. Mais des muscles et des nerfs. Et une grande gueule. Et un patron qu’il envoie aux fraises. Parce qu’un ouvrier boulanger, ça gagne tout juste sa croûte. C’est un petit teigneux d’aujourd’hui comme «Le petit voleur» est un film d’aujourd’hui. Sans dialogues superflus. Mais avec des muscles et des nerfs. Un larbin «J’étais comme ça à 20 ans, un peu marginal, avec <strong>du</strong> mal à m’insérer dans le monde <strong>du</strong> travail», confiait le réalisateur Erick Zonca à Locarno. «J’avais envie de filmer un garçon sans repères qui va se fourvoyer <strong>du</strong> côté de la violence. Même si je n’ai pas de discours à porter là-dessus». Avare en psychologie, le film capte avant tout des comportements: chez les malfrats marseillais, le rebelle au travail salarié apprend surtout à être un larbin qui ferme sa gueule. Au bas de l’échelle, on porte les emplettes d’une petite vieille <strong>du</strong> quartier. On crève d’ennui Jusqu’à mardi, le cinéma abc propose un bref et incisif panorama des meilleurs films présentés lors des Journées cinématographiques de Soleure. Un choix de films habilement représentatif de la réalité <strong>du</strong> cinéma suisse d’aujourd’hui. Ce panorama offre tout d’abord un beau double programme de courts métrages qui prouvent que la relève est (très) bien assurée, et qui plus est par en faisant le guet derrière la porte d’une pute. On encaisse les brimades en silence. Gauche? Droite? Au détour des répliques, Zonca illustre la formidable naïveté de ces jeunes hypnotisés par l’argent facile. De ses personnages, le cinéaste dit qu’ils n’ont «pas de conscience politique, encore moins conscience de la violence qu’ils infligent aux autres, mais une Ciné suisse L’ABC se branche sur Soleure Le hornuss, au cœur de «Schlagen und abtun». photo sp Bande originale «American Beauty» Vous vous jugez en situation d’échec? Vous perdez vos cheveux? Vous auriez envie de sortir avec la meilleure copine de votre fille? Avant de commettre un écart navrant, écoutez la bande originale d’«American Beauty». Sur cette galette de classe supérieure, le meilleur de la musique américaine vous rendra la pêche. Du rock au jazz, de Folk Implosion à Betty Carter en passant par Elliott Smith, d’insidieuses mélodies sucrées et des riffs stoniens réveilleront la sève qui est en vous pour irriguer les plus amorphes de vos cellules. Chaudement recommandé. CHG ! «American Beauty», BOF, distr. Polygram. Ni film sur la banlieue, ni sermon sur la délinquance, «Le petit voleur» livre une étude de comportements. photo jmh un grand nombre de réalisatrices comme Esen Isik qui, avec «Le père volé», a remporté le Prix <strong>2000</strong> <strong>du</strong> meilleur court métrage suisse et un grand prix à Clermont-Ferrand. La Romandie est représentée par le cinéma de fiction, et un film ébouriffant, vrai faux polar genevois: «Attention aux chiens» de François-Christophe Marzal, que nous avons déjà évoqué dans ces colonnes. Quant à la Suisse alémanique, elle se présente avec deux documentaires exceptionnels: d’une part «La guerre des paysans» de Erich Langjahr (voir notre édition de mercredi) et «Schlagen und abtun» de Norbert Wiedmer, Prix <strong>2000</strong> <strong>du</strong> meilleur docu. Un portrait corrosif de la Suisse à travers ce sport «national», mystérieusement fascinant, qu’est le hornuss. A noter que Norbert Wiedmer viendra présenter son film lors de la projection de samedi à 18h30. FMA ! La Chaux-de-Fonds, ABC, jusqu’au 2 <strong>avril</strong>. DVD-vidéo Chair de poule Dans «Le projet Blair Witch», pas d’effets spéciaux, pas de star, pas de scène gore, et pourtant, réalisé avec un budget dérisoire (60.000 dollars), c’est le film le plus rentable de la décennie. L’astuce, pour les auteurs, a commencé par la création, en plein tournage, d’un site Internet qui entretenait le mystère. Résultat : avant la sortie <strong>du</strong> film, des millions de fans étaient déjâ intrigués. Le film se présente comme un journal intime: chacun des disparus disposant d’une caméra et n’ayant jamais cessé de filmer les deux autres. Beaucoup de spectateurs ont cru à une histoire vraie. Coup de bluff, donc, mais diaboliquement efficace. / pti ! DVD Film Office à la vente. conscience aiguë de la violence qui s’exerce sur eux». Mais chez ceux-ci, faire péter le cadre social ne procède plus d’une démarche politique. Inscrit dans la série «Gauche/droite» commandée par Arte, «Le petit voleur» tra<strong>du</strong>it l’atomisation <strong>du</strong> sens de ces notions traditionnelles. Après «La vie rêvée des anges», Erick Zonca confirme ici ses grandes qualités: une façon très moderne de montrer Colonisé par la France, l’archipel Saint-Pierre-et-Miquelon est soumis aux mêmes lois que la Métropole. Aussi quand Neel Auguste, pêcheur de morue, poignarde l’un de ses pairs, la justice le condamne à mort. Pour l’exécuter, il faut faire venir un bourreau et une guillotine, la «veuve» en vieil argot, deux choses dont on ne dispose pas à Saint-Pierre. Mais en 1850, les liaisons par bateau prennent des mois: le temps, pour Neel, de bénéficier de la protection bienveillante de «Madame La» et de son mari, capitaine chargé de le surveiller. Le temps, aussi, de se réhabiliter aux yeux de la population. Cinéaste inégal, Patrice Leconte a tenu courageusement la barre de «La veuve de Saint- Pierre», un coûteux (25 millions les rapports de force, la relation à l’argent, la résistance indivi<strong>du</strong>elle (même brouillonne) aux diktats <strong>du</strong> moment. Qu’est-ce que c’est que d’être fort? Où est le respect aujourd’hui? Au spectateur de tirer ses propres conclusions après avoir digéré les éléments bruts, parfois très <strong>du</strong>rs, que lui renvoie l’écran. Christian Georges ! «Le petit voleur», Apollo 3, Neuchâtel; 1h05. «La veuve de Saint-Pierre» La passion entre les lignes DVD-vidéo Attrapez-les tous! Les Pokémon vont aussi faire un malheur en vidéo et DVD: les dessins animés diffusés à la télévision sont maintenant réunis sur support vidéo. Chaque cassette ou DVD contient trois épisodes (70 min. environ) et trois de ces compilations sont déjà disponibles: «Pokémon, le départ», «Pokémon, premiers défis», et «Pokémon, à chacun sa technique». Dans cette série, on retrouve Sacha, 10 ans, qui rêve de devenir le plus grand entraîneur de pokémon au monde! Il existe 150 pokémon (+1) et pour réaliser son rêve il devra les attraper TOUS! Les gosses connaissent déjà la suite... / pti ! DVD et K7 TF1 vidéo à la vente. Juliette Binoche. photo uip de francs suisses) film d’époque. L’accuser de froideur parce qu’il réfrène les grands élans de la passion serait lui faire un mauvais procès. Aux âmes qui s’épanchent, il a préféré les âmes qui se devinent. Il a pris le risque de ne pas nous livrer des personnages prémâchés, mais de les dessiner en pointillés, en alternant les traits pleins et les silences, les marques de caractère et les non- " SERIAL KILLER. Petit dentiste endetté, pris en sandwich entre une épouse acariâtre et une belle-mère copie conforme de sa fille, Oz (our friend Matthew Perry) n’a pourtant encore rien vu. Les véritables emmerdes commencent le jour où il s’avise de se mêler de la vie <strong>du</strong> voisin, Jimmy la Tulipe (Bruce Willis), auteur de 17 meurtres, et marié à une blonde de rêve... Tout cela sur le ton de la (bonne?) comédie. ! «Mon voisin le tueur», Neuchâtel, Arcades; La Chaux-de- Fonds, Eden; 1h39. " SERIAL KILLER BIS. Richard Anconina traque les tueurs en série. Comme Jodie Foster dans «Le silence des «Drôle de Félix» Bonheur de la contradiction Deuxième long métrage <strong>du</strong> couple de cinéastes français Olivier Ducastel et Jacques Martineau après «Jeanne et le garçon formidable», «Drôle de Félix» est une nouvelle réussite à la Demy. Un «road movie» qui se prélasse en autostop, un drame œdipien qui s’amuse: un film en contradiction permanente avec ce qu’il semble être… et qui respire le bonheur. Apparemment, considérant les canons <strong>du</strong> cinéma moyen, Félix (Sami Bouajila, exceptionnel) a tout pour (dé)plaire: il est beur, chômeur, homo, il a le sida et n’a jamais connu son père. Alors qu’il vit tranquillement à Dieppe avec son ami enseignant (Pierre-Loup Rajot), il découvre par hasard que son père existe, et qu’il a une adresse à Marseille. Félix quitte alors Dieppe, sa ville, pour traverser la France. Cette traversée, il choisit de la faire à pied et en autostop, prêt à toutes les rencontres et les aventures. Les plus terribles tout comme les plus belles, recomposant au fil des kilomètres une famille imaginaire jusqu’au père tant atten<strong>du</strong>. Bref: Félix prend les chemins de traverse. Car Martineau et Ducastel n’ont en au- dits. L’ambiguïté peut s’immiscer dans la relation triangulaire qui s’instaure entre le prisonnier et ses bienfaiteurs cimentés par la passion. Aussi troublés et troublants que le <strong>du</strong>o de «La fille sur le pont», Neel (Emir Kusturica, dans son premier rôle), Madame La (Juliette Binoche) et le capitaine (Daniel Auteuil) ont, eux, la chance d’évoluer dans un scénario plus épais que <strong>du</strong> papier de soie. Un scénario qui se laisse happer par le destin, inéluctable (la mort), sans condamner le champ des possibles (l’évasion, l’évolution des sentiments). Créant ainsi une tension qui dénonce l’absurdité des esprits obtus. Dominique Bosshard ! «La veuve de Saint-Pierre», Neuchâtel, Apollo 2; La Chauxde-Fonds, Corso; 1h52. VITE VU agneaux». Il semblerait toutefois, d’après les premières critiques, qu’Alain Berbérian («Paparazzi») n’ait réussi ni un thriller sérieux et bien ficelé ni même un pastiche. A vous de voir. ! «Six-Pack», Neuchâtel, Rex; La Chaux-de-Fonds, Scala 2; 1h50. Félix prend les chemins de traverse. photo xenix «Mon voisin le tueur». photo fox cune manière l’intention de raconter ici un drame de la différence, des minorités, une tragédie de l’absence. Leur but, et leur discours, est de démontrer que l’homme est libre de choisir la famille qu’il souhaite, les amours qu’il désire, les chemins qu’il préfère, afin de vivre heureux (Félix!) sans se cacher. Ainsi, comme chez Jacques Demy, les figures tragiques se révèlent on ne peu plus simples, limpides, dans la jouissance parfaite d’émotions évidentes et sincères. On pleure, on se bat, on souffre et on meurt, bien sûr. Mais dès que l’on comprend et que l’on accepte ce que l’on fait, la vie n’apparaît plus aussi terrible. Elle peut être ce bonheur permanent que Ducastel et Martineau, miraculeusement, font souffler sur leur cinéma. Frédéric Maire ! «Drôle de Félix», Neuchâtel, Bio; 1h35. D’abord auteur de BD puis réalisateur de films aussi extrêmes que «Les bronzés», «Tandem», «Monsieur Hire» et «Ridicule», Patrice Leconte a eu le tort d’allumer la mèche d’une cabale de certains cinéastes (français) contre une certaine critique (française) qui s’acharne à démolir sans raison le cinéma (français) dit «populaire». Humeur Mortelle critique Depuis Leconte s’est ravisé. Car la critique (française) n’est pas plus bête ou méchante qu’une autre; vouloir la museler est le premier pas vers la censure de toute forme de création. Aujourd’hui, avec «La veuve de Saint-Pierre» (voir ci-contre), Leconte met en scène un magnifique scénario de Claude Faraldo (initialement prévu pour Alain Corneau). Il ne lui manque qu’une chose: le cinéaste reste un peu en retrait et n’ose pas se lancer à corps et cœur per<strong>du</strong> dans la fresque historique et romantique — donc «populaire»! Comme s’il avait eu peur de se faire massacrer, injustement, par la critique! Frédéric Maire " DOCU- MENT. Franz Rickenbach, cinéaste, pro<strong>du</strong>cteur et distributeur zurichois, a convoqué devant sa caméra, non pas sèchement mais avec beaucoup d’humanité, les derniers membres de la communauté juive de Delémont. Ceux-ci sont les pivots d’un film témoignage qui déborde la thématique juive et les destins personnels pour s’interroger, en filigrane, sur toute communauté minoritaire en voie de disparition. ! «Une synagogue à la campagne», Neuchâtel, Apollo 2; 2h19. DBO
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