15 Juillet 1902 - Bibliothèque de Toulouse
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LE ENTIMES<br />
gaiie quotidien <strong>de</strong> l>eïense Sociale et ïl l '^e fouillée du vieux logis, con-<br />
Urm<br />
outre le chien et le conducteur,<br />
âa % r ' An &e niche <strong>de</strong> chêne, en forme<br />
r 3 .cualet, <strong>de</strong>nt la vue fit battre <strong>de</strong>s<br />
^ ai ns à la petite Stanie.<br />
^ — Oh ! la jolie maison ! s'écriait-elle.<br />
Regar<strong>de</strong>z donc, ma sœur ! Voudrez-vous<br />
*a taire porter dans ma chambre ?<br />
Bérangère eut grand'peine à faire<br />
comprendre à l'enfant que Minos, tout<br />
«stirnable qu'il était, sans, doute, serait<br />
«un voisinage immédiat fort incom-<br />
««We. Le chalet rustique avait sa place<br />
l'Homme et le « Quatre-vingt-Neuf » <strong>de</strong> 1<br />
l'utopie s'en tiennent-ils là ? En aucune ;<br />
manière, et ils ten<strong>de</strong>nt à toute autre ><br />
chose.<br />
Que chacun, selon sa religion, puisse :<br />
librement aller à l'église, au temple, à :<br />
la mosquée, à la synagogue, à la pago<strong>de</strong><br />
ou n'aille même nulle part, s'il ne pra-<br />
tique aucun cuite et n'a aucune religion,<br />
c'est fort bien, mais à la condition que<br />
cette libre pratique <strong>de</strong> tous les cultes<br />
ne serve pas à masquer la guerre à tou-<br />
tes les religions ou à l'existence <strong>de</strong> la<br />
nation — historiquement représentée<br />
dans une religion nationale. Or, en fait,<br />
et dans tout autre domaine que celui <strong>de</strong><br />
la chimère, la proclamation <strong>de</strong> l'indiffé-<br />
rence religieuse, telle qu'on la lit dans<br />
les Droits <strong>de</strong> l'Homme, ne peut être,<br />
pratiquement, que la guerre à toute re-<br />
ligion, et particulièrement, à toute reli-<br />
gion nationale, autrement dit à toute<br />
religion plus puissante qu'une autre !,..<br />
De même, est-il juste et utile que tous<br />
les emplois publics soient accessibles à<br />
tous les Français ? Assurément, et per-<br />
sonne ne le conteste, mais encore à une<br />
condition, c'est que la qualité <strong>de</strong> Fran-<br />
çais ne puisse pas toujours être trop fa-<br />
cilement acquise au premier étranger<br />
venu. Or, les principes <strong>de</strong> « Quatre-<br />
vingt-Neuf », essentiellement cosmopo-<br />
lites, ouvrent la nation française à qui<br />
veut y entrer, livrent par conséquent<br />
nos emplois publics non seulement à<br />
quiconque est Français, mais à quicon-<br />
que même ne l'est pas, et, toujours en<br />
fait, toujours pratiquement, qu'en ré-<br />
sulte-t-il ? Les étrangers et les cosmopo-<br />
lites, plus forts en France que les Fran-<br />
çais eux-mêmes, en arrivent peu à peu<br />
et ten<strong>de</strong>nt cle plus en plus à nous élimi-<br />
ner <strong>de</strong> nos propres emplois d'Etat !<br />
Ici, en résumé, comme en d'autres<br />
matières, il s'agit beaucoup moins<br />
d'axiomes à proclamer que <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s<br />
à suivre, et « Quatre-vingt-Neuf » pro-<br />
clame assurément quelques vérités,<br />
mais propose, pour y atteindre, les plus<br />
détestables métho<strong>de</strong>s. Ai-je, antérieure-<br />
ment et supérieurement, le droit d'être<br />
libre, <strong>de</strong> parler, d'écrire et <strong>de</strong> pouvoir<br />
vivre dignement, selon ma vocation,<br />
ma conscience ou mes goûts? Oui, je<br />
ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu'à le croire ! Mais la pro-<br />
clamation métaphysique <strong>de</strong> ce droit<br />
m'importe, au fond, beaucoup moins<br />
que la meilleure voie à suivre pour ar-<br />
river à me voir garantir cette liberté,<br />
cette dignité et cette sécurité. Or, le plus<br />
simple bon sens me démontre que la<br />
conscience <strong>de</strong> venir tous au mon<strong>de</strong> avec<br />
<strong>de</strong>s droits égaux peuple nécessairement<br />
la vie d'individualismes féroces unique-<br />
ment disposés et <strong>de</strong>stinés à se combat-<br />
tre, tandis que la conscience d'avoir<br />
tous, au contraire, <strong>de</strong>s <strong>de</strong>voirs plus ou<br />
moins différents selon notre rang, notre<br />
fortune, notre âge ou nos facultés, nous<br />
garantit à chacun, dans la mesure hu-<br />
mainement possible, la possession <strong>de</strong><br />
ces droits primordiaux, ou prétendus<br />
primordiaux.<br />
toute marquée dans la cour, sous l'abri<br />
du vieux sureau, dont les ombelles, d'un<br />
blanc mousseux, étoilaient maintenant<br />
le sombre feuillage.<br />
Stanie se résigna, mais ce ne fut pas<br />
sans peine. Elle avait attendu avec tant<br />
d'impatience ce brave camara<strong>de</strong> an-<br />
noncé I Pendant bien <strong>de</strong>s jours, les ra-<br />
res passants <strong>de</strong> cette rue déserte avaient<br />
pu voir son petit capulet rouge briller<br />
comme un coquelicot entre les lianes<br />
verdoyantes <strong>de</strong> volubilis, <strong>de</strong>s capucines<br />
et <strong>de</strong>s pois <strong>de</strong> senteur, qui encadraient<br />
gracieusement la haute fenêtre.<br />
— Vous verrez qu'il ne viendra pas,<br />
ma sœur, disait-eïle chaque soir avec<br />
découragement. C'est une plaisanterie<br />
qu'a faite ce grand monsieur.<br />
Mais Bérangère savait bien que le<br />
grand monsieur n'était pas homme à<br />
plaisanter.<br />
Aussi quelle figure joyeuse montrait<br />
maintenant la petite Stanie I<br />
Qu'en conclure, sinon que le quatre-<br />
vingtneuviste, s'il n'est pas un quatre-<br />
vingtneuviste révolutionnaire, un <strong>de</strong>s-<br />
tructeur conscient et déterminé, va, en<br />
réalité, dans ie sens opposé où il pense<br />
aller ?<br />
Veut-il détruire toute religion? Non.<br />
Veut-il détruire la religion nationale?<br />
Non. Veut-il dénationaliser la France?<br />
Non. Veut-il transformer le mon<strong>de</strong> en<br />
une arène où, par la logique même <strong>de</strong>s<br />
choses, on ne verra plus que <strong>de</strong>s égoïs-<br />
mes <strong>de</strong> plus en plus frénétiques et dé-<br />
chaînés? Non...<br />
Que lui reste-t-il donc à revendiquer<br />
sérieusement dans cette pério<strong>de</strong> ora-<br />
geuse et composite dite <strong>de</strong> « Quatre-<br />
vingt-Neuf » ?" Les simples réformes?<br />
Le "simple vote <strong>de</strong> l'impôt? Le simple<br />
établissement d'un contrôle indispensa-<br />
ble ? La simple reconstitution <strong>de</strong> la mo-<br />
narchie! Mais est-ce bien là le vrai<br />
« Quatre-vingt-Neuf», le « Quatre-vingt-<br />
Neuf » véritable, celui où l'on a pris la<br />
Bastille, et d'où a daté une ère, l'ère <strong>de</strong><br />
liberté qui a fini par aboutir à la liberté<br />
actuelle? On ne peut vraiment pas le<br />
soutenir, et le quatrevingtneuviste, à<br />
moins <strong>de</strong> borner là son quatrevingtneu-<br />
visme, qui serait en ce cas un quatre-<br />
vingtneuvisme réduit, est bien décidé-<br />
ment dupe <strong>de</strong> ses principes, ou <strong>de</strong> ce<br />
qu'il croit ses principes. Il se figure<br />
marcher vers un but parce qu'il le voit<br />
dans une glace, et parce qu'il marche<br />
vers la glace. Il est victime d'un mirage.<br />
Il se croit quatrevingtneuviste, et n'est<br />
pas quatrevingtneuviste !<br />
Malentendu et équivoque...<br />
Le culte que beaucoup d'honnêtes<br />
gens, et d'esprits très élevés, persistent<br />
a conserverai! souvenir <strong>de</strong> Quatre-vingt-<br />
Neuf, n'est ainsi qu'un malentendu et<br />
une équivoque, et j'en trouverais encore<br />
une preuve <strong>de</strong> plus dans un très élo-<br />
quent article <strong>de</strong> M- La voilée, paru dans<br />
le Correspondant, mais où l'auteur,<br />
tout en se déclarant le partisan résolu<br />
<strong>de</strong>s «conquêtes » <strong>de</strong> Quatre-vingt-Neuf »,<br />
n'en répudie pas moins, <strong>de</strong> la plus judi-<br />
cieuse façon, tout ce qui suit, dans l'épo-<br />
que la chimère et l'utopie. « Quatre-<br />
vingt-Neuf » dans ses chimères, ses<br />
utopies, sa sensibilité, ses rêves creux<br />
contre les élus <strong>de</strong> l'opposition — les seuls<br />
vraiment élus.<br />
Mais quelques invalidations par-ci, par-<br />
là. ne suffisent pas à ce vieux caïman,<br />
dont la férocité et la voracité semblent<br />
augmenter avec l'âge.<br />
11 lui faut une 'loi, — une « juste loi »,<br />
comme dirait son patron, Reinach, — une<br />
loi qui, « par <strong>de</strong>s pénalités sévères protège<br />
la liberté électorale <strong>de</strong>s citoyens ».<br />
Pour une fois nous sommes <strong>de</strong> l'avis <strong>de</strong><br />
M. Ranc.<br />
Comme lui, nous réclamons une loi :<br />
Une loi qui empêche qu'un ministre <strong>de</strong>s<br />
finances comme Caillaux mente au ptiys<br />
ave: impu<strong>de</strong>ne, et jure aux contribuables<br />
que nos finances sont prospères, alors que<br />
le déficit existe et que la banqueroute me-<br />
nace ;<br />
Une loi qui empêche qu'un ministre <strong>de</strong><br />
ht guerre comme André n'extorque les<br />
voix <strong>de</strong>s ouvriers militaires, en leur affir-<br />
mant qu'ils n'ont pas à redouter le chô-<br />
mage, alors que, trois mois après, on les<br />
jetle à la rue;<br />
Une loi qui interdise au gouvernement<br />
<strong>de</strong> distribuer à ses candidats l'argent <strong>de</strong>s<br />
fonds secrets et l'or que les banques juives<br />
s'empressent <strong>de</strong> mettre à sa disposition en<br />
échange <strong>de</strong> ses complaisances ;<br />
Une loi qui interdise aux fonctionnaires<br />
<strong>de</strong> se transformer en agents actifs <strong>de</strong>s can-<br />
didats ministériels, en diffamateurs pro-<br />
fessionnel <strong>de</strong>s candidats indépendants, et<br />
qui les punisse impitoyablement s'ils vien-<br />
nent à se départir <strong>de</strong> la neutralité absolue<br />
que leur comman<strong>de</strong> leur situation <strong>de</strong> sala-<br />
riés <strong>de</strong> l'Etai, c'est-à-dire <strong>de</strong> tous les con-<br />
tribuables ;<br />
Une loi enfin qui réprime, en même<br />
temps que l'ingérence cléricale, l'ingérence<br />
maçonnique oans toute élection, quelle<br />
qu'elle soit.. .<br />
Si une pareille loi était soumise, par voie<br />
<strong>de</strong> référendum, à l'acceptation dos Fran-<br />
çais, elle serait volée a <strong>de</strong>s millions <strong>de</strong><br />
voix cle majorité.<br />
il suffit, en e;ïet, pour le vouloir, d'avoir<br />
le sentiment <strong>de</strong> la liberté, <strong>de</strong> l'égalité, <strong>de</strong><br />
la justice, d'être un honnête homme, clans<br />
la véritable et pleine acception du mot...<br />
Voulez-vous parier que M. Ranc ne pro-<br />
posera jamais cette loi-là ?<br />
et son idéologie à la Rousseau ? Mais ce<br />
n'est plus alors Quatre-vingt-Neuf, vous<br />
n'en êtes plus le partisan tout en croyant<br />
l'être, et voilà bien toujours l'équivo-<br />
que ! Mais l'équivoque est justement no-<br />
tre malheur, et toute la Révolution est<br />
une équivoque.<br />
Equivoque, « Quatre-vingt-Neuf »,<br />
avec ses incendies, ses massacres, ses<br />
jacqueries et ses désastreuses utopies,<br />
mais qu'il est convenu d'admirer pour<br />
quelques réformes sensées qui se se-<br />
raient opérées sous tous les règnes !<br />
Equivoque, « Quatre-vingt-Treize »,<br />
avec sa guillotine en permanence, ses<br />
noya<strong>de</strong>s, ses septembrisa<strong>de</strong>s, ses corrup-<br />
tions immon<strong>de</strong>s, ses effroyables brigan-<br />
dages et son gouvernement <strong>de</strong> bas et<br />
grossiers scélérats, mais qu'on a fini<br />
aussi par admettre pour les victoires rem-<br />
portées par <strong>de</strong>s généraux que guilloti-<br />
naient d'ailleurs, les bandits <strong>de</strong> la Con-<br />
vention !<br />
Et tout, chez nous, <strong>de</strong>puis cent ans,<br />
n'est qu'équivoque.<br />
Nous ne disons pas ce que nous fai-<br />
sons, nous ne faisons pas ce que nous<br />
disons, nous vivons <strong>de</strong> songes et <strong>de</strong><br />
mensonges, et nous avons fini par aimer<br />
à en vivre, en attendant que nous en<br />
mourions. ..<br />
Maurice TALMEYR.<br />
{Par dépêche)<br />
UNE LOI NECESSAIR<br />
M. Rnnc, en vieille « tricotteuse » qu'il<br />
est plus que jamais, applaudit aux invali-<br />
dations et aux enquêtes que votent, à tour<br />
<strong>de</strong> b as, les Apaches du Palais-Bourbon<br />
La meute, c'est la majorité socialo-<br />
radicale qui est au chenil ministériel et<br />
le remplit <strong>de</strong> furieux aboiements.<br />
Il y a <strong>de</strong> toutes les espèces dans la<br />
meute, <strong>de</strong>puis le grand terre-neuve, qui<br />
repêche les ministres sur le point <strong>de</strong> se<br />
noyer, jusqu'au chien courant qui rap-<br />
porte, fait le beau et se met sur le cul,<br />
comme on dit en terme <strong>de</strong> chasse, sans<br />
oublier le carlin qui lèche les pieds, le<br />
galeux qui se gratte, le molosse qui ne<br />
citasse que pour lui, enfin le chien en-<br />
ragé dont l'unique vocation est <strong>de</strong> mor-<br />
dre, <strong>de</strong> mordre toujours et tout le mon<strong>de</strong><br />
Le ministère est tenu <strong>de</strong> gaver le<br />
chenil.<br />
Sans cela, il serait vite dévoré.<br />
Et l'existence d'un ministère, sous la<br />
troisième République, consiste unique-<br />
ment, absolument, à savoir par quelles<br />
lippèes, par quelles curées chau<strong>de</strong>s, il<br />
pourra nourrir ses chiens <strong>de</strong> tout poil,<br />
mais qui ont un point commun, l'insa-<br />
tiable appétit.<br />
Ce que réclame la meute n'est pas<br />
toujours facile à placer dans l'écuelle.<br />
Car elle veut tout et aime varier les<br />
pitances.<br />
Le programme radicai est pour elle<br />
l'équivalent <strong>de</strong> ce qu'aux restaurants on<br />
appelle la carte.<br />
Les plats du jour sont connus.<br />
Co sont : l'impôt global et progressif<br />
sur le revenu.<br />
Le rachat <strong>de</strong>s chemins <strong>de</strong> fer, la loi<br />
sur les retraites ouvrières.<br />
La <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> tout ce qui subsiste<br />
encore <strong>de</strong> liberté <strong>de</strong> conscience et <strong>de</strong><br />
liberté <strong>de</strong> l'enseignement.<br />
La nationalisation <strong>de</strong>s mines. T c<br />
L'abolition du Concordat et la sépara- t<<br />
tion <strong>de</strong>s Eglises et <strong>de</strong> l'Etat.<br />
La suppression <strong>de</strong>s armées permanen- r<br />
tes.<br />
En attendant que, par un joyeux col-<br />
lectivisme, on passe le niveau sur toutes<br />
les fortunes privées et qu'on dépossè<strong>de</strong><br />
chacun <strong>de</strong> sa propriété mobilière ou<br />
immobilière. p<br />
J'en passe et <strong>de</strong>s meilleurs.<br />
Chaque matin, dans le chenil minis- p<br />
tériel, il y a <strong>de</strong>s hurlements et la meute \<br />
hérissée, l'œil en feu, les crocs mena- s<br />
çants, aboie après les chausses du mal- r<br />
heureux piqueur qui, loin <strong>de</strong> pouvoir<br />
comme chez les autres chiens, jouer du r<br />
fouet et <strong>de</strong> la cravache, a fort à faire<br />
pour éviter les coups <strong>de</strong> <strong>de</strong>nts qui me- €<br />
nacent ses jambes et son <strong>de</strong>rrière. i<br />
Car, il n'y a pas à dire, il faut leur s<br />
jeter quelque chose, au moins un os, si<br />
la vian<strong>de</strong> vient à manquer. (<br />
Alors comment faire ?<br />
C'est le problème ardu, fiévreux, que i<br />
se pose le prési<strong>de</strong>nt du conseil quand il<br />
se réveille et se met à sa besogne.<br />
Heureusement pour eux, les ministres <<br />
<strong>de</strong> la République ont trouvé un procédé i<br />
qui jusqu'à présent a suffi. i<br />
Ils connaissent bien leur meute et sa- ;<br />
vent qu'elle est féroce avant tout. i<br />
Il s'agit donc <strong>de</strong> tromper sa faim en<br />
flattant sa fureur.<br />
Wal<strong>de</strong>ck fut le premier qui pratiqua<br />
en grand cette utile et précieuse diver- :<br />
sion.<br />
Quand la meute l'assourdissait en ré-<br />
clamant l'impôt sur le revenu, Wal<strong>de</strong>ck<br />
invoquait le péril que courait la Répu-<br />
blique, c'est-à-dire le chenil.<br />
Et il jetait aux chiens : André Buffet,<br />
Lur-Saluces, Déroulè<strong>de</strong>.<br />
Pendant quelque temps, la meute se<br />
taisait.<br />
Lorsqu'elle se remit à gron<strong>de</strong>r et à<br />
menacer, il lui livra les congrégations<br />
religieuses; c'était censément le mil-<br />
liard <strong>de</strong>s moines, c'étaient les couvents,<br />
les écoles libres.<br />
Avec du Jésuite, du Capucin et du<br />
Curé, on les a fait tenir tranquilles du-<br />
rant trois ans, sans leur donner jamais,<br />
à ces chiens hydrophobes, une seule <strong>de</strong>s<br />
choses qu'ils voulaient.<br />
Un simple morceau <strong>de</strong> soutane et<br />
quelques cornettes suffisaient pour leur<br />
fermer la gueule.<br />
Combes, le défroqué, a pu suivre l'ex-<br />
périence et on a constaté à cette heure<br />
qu'elle lui a servi.<br />
Le procédé <strong>de</strong>meure le même et le<br />
moyen n'est pas usé du tout.<br />
Vous l'avez vu l'autre jour.<br />
La majorité, la meute, avait com-<br />
mencé <strong>de</strong> hurler.<br />
Il n'était que temps d'aviser.<br />
Elle aurait se disloquer.<br />
Alors Combes, par un geste large, a<br />
mis dans la mangeoire d'un seul coup<br />
cent cinquante écoles catholiques et pour<br />
que les chiens restent tranquilles durant<br />
les vacances, c'est encore 2,500 établis-<br />
sements religieux, tenus généralement<br />
par les bonnes sœurs, qu'on ajoute à la<br />
ripaiile d'hier.<br />
Depuis, on n'entend plus au chenil<br />
qu'un bruit <strong>de</strong> mâchoires satisfaites et <strong>de</strong><br />
, crucifix broyés.<br />
On va continuer dans cette voie, c'est<br />
j tout indiqué. _<br />
Si la meute veut le rachat <strong>de</strong>s chemins<br />
i <strong>de</strong> fer, on lui offrira les quatre cent cin-<br />
i quante congrégations qui ont sollicité,<br />
bien ingénument d'ailleurs, une autori-<br />
sation qu'on leur refusera,<br />
f On calmera la meute avec du Carme<br />
et du Dominicain, braves gens qui, <strong>de</strong><br />
i bonne foi, ne se croyaient pas réservés<br />
pour une si triste fin.<br />
s Le père Maumus aura du moins la<br />
a satisfaction, si c'en est une, d'être<br />
mangé par les siens, par les républi-<br />
cains à qui, <strong>de</strong>puis longtemps, il donne<br />
tous les gages.<br />
Il vaut mieux, n'est-ce pas, servir <strong>de</strong><br />
repas aux siens qu'à <strong>de</strong>s étrangers ?<br />
Les enfants d'Ugolin do la G-herar-<br />
<strong>de</strong>sca durent être plus faciles à consoler<br />
que les explorateurs déchiquetés par les<br />
Cannibales.<br />
Au moins, <strong>de</strong> cette façon, ça ne sort<br />
pas <strong>de</strong> la famille.<br />
Puis arrivera un jour où la meute, <strong>de</strong><br />
plus en plus insatiable, voudra <strong>de</strong> nou-<br />
veau ce satané impôt sur le revenu ou<br />
s'acharnera encore au rachat <strong>de</strong>s che-<br />
mins <strong>de</strong> fer<br />
« Puisque c'est chez elle à l'état <strong>de</strong><br />
manie. »<br />
11 faudra que Combes soit prévoyant<br />
et ait dans l'armoire quelques curés do<br />
réserve et une forte provision <strong>de</strong> con- .<br />
serves <strong>de</strong> religieux.<br />
Car les congrégations fraîches seront<br />
épuisées.<br />
Reste à savoir pour combien <strong>de</strong> temps<br />
il y en aura?<br />
Les meilleurs gar<strong>de</strong>-manger se vi<strong>de</strong>nt,<br />
Et que faire lorsque la meute hurlera<br />
<strong>de</strong> nouveau et qu'on n'aura plus un seul<br />
ministre <strong>de</strong> Dieu, une seule religieuse,<br />
nn seul moine à lui offrir et alors qu'elle<br />
y a tellement pris goût, qu'il y a péril à<br />
changer la nourriture ?<br />
Je sais bien qu'on peut lui donner <strong>de</strong><br />
l'officier.<br />
C'est une chair qui convient égale-<br />
ment à la meute.<br />
Et quand il n'y aura plus <strong>de</strong> soutanes<br />
pour fermer les gueules, on obtiendra<br />
le même heureux résultat avec une<br />
épaulette, une dragonne ou encore un<br />
lambeau <strong>de</strong> drapeau tricolore, aussi dé-<br />
testé que le rabat <strong>de</strong>s ecclésiastiques.<br />
Les choses iront donc et sans trop se<br />
gâter tant qu'il aura <strong>de</strong> tout cela à met-<br />
tre sous la <strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s chiens ministériels.<br />
Mais gare après, lorsqu'ils auront avalé<br />
le <strong>de</strong>rnier curé et le <strong>de</strong>rnier officier !<br />
Alors, il faudra exécuter et réaliser<br />
les prétendues réformes sociales, c'est-<br />
à-dire révolutionnaires.<br />
Ce jour-là, mes frères, il sera temps<br />
<strong>de</strong> ramasser ses frusques et sans perdre<br />
une minute <strong>de</strong> semettre à l'abri<strong>de</strong> l'autre<br />
côté <strong>de</strong> la frontière.<br />
Car, ça sera la vraie République et il<br />
ne fera pas bon sur la terre <strong>de</strong> France,<br />
Paul <strong>de</strong> CASSAGNAC.<br />
LE RAS MAKONNEN<br />
Paris, 14 juillet.<br />
Le ras Makonnen quia assisté cet après-<br />
midi à la revue <strong>de</strong> Longchamps, dans la<br />
tribune prési<strong>de</strong>ntielle, était allé ce matin<br />
déposer «a carte à l'Elysée.<br />
11 sera reçu <strong>de</strong>main officiellement par<br />
M. Loubet qui lui rendra sa visite.<br />
Le soir, il assistera au diner offert en<br />
son honneur par M. Delcassô.<br />
Le ras, qui a manifesté l'intention <strong>de</strong><br />
faire en France un séjour aussi prolongé<br />
que possible, commencera, dans quelques<br />
jours, la visite <strong>de</strong>s principales villes <strong>de</strong><br />
France, après quoi il reviendra à Paris<br />
pour y rester quelque temps.<br />
La Catastrophe do la MaFtiiiip<br />
New-York, 14 juillet.<br />
On man<strong>de</strong> <strong>de</strong> Fort-<strong>de</strong>. France que le<br />
mont Pelée a eu une éruption dans la nuit<br />
<strong>de</strong> samedi à dimanche.<br />
Les communes <strong>de</strong> Morne-Rouge, Ajoupa,<br />
Bouillon et Tacoula ont été couvertes <strong>de</strong><br />
Mais quoi<br />
Minos ! Quelque chose <strong>de</strong><br />
grand, <strong>de</strong> bien plus lourd,<br />
Mais quoi ! Encore autre chose après<br />
Minos ! Quelque chose <strong>de</strong> bien plus<br />
grand, <strong>de</strong> bien plus lourd, entouré <strong>de</strong><br />
toiles cirées retenues par <strong>de</strong>s cor<strong>de</strong>s,<br />
quelque chose que Dimitri, aidé du père<br />
Sa^in, <strong>de</strong>scend avec <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s précau-<br />
tions.<br />
Serait-ce par hasard une secon<strong>de</strong> ha-<br />
bitation pour maître Minos? Ce chien<br />
aristocratique, si fier sous son collier<br />
d'argent ciselé, aurait-il, comme un<br />
grand seigneur, maison <strong>de</strong> ville et <strong>de</strong><br />
campagne?<br />
C'est une maison roulante, en tout<br />
cas. Voilà <strong>de</strong> jolies roues bleu foncé que<br />
Stanie découvre, et, à mesure que tom-<br />
bent le papier d'emballage et la toile ci-<br />
rée, une petite calèche d'enfan^ préci-<br />
sément ce qu'il faut pour la taille <strong>de</strong><br />
Stanie, apparaît aux regards charmés<br />
<strong>de</strong> l'heureuse petite mala<strong>de</strong><br />
— Le chien est habitué à traîner cette<br />
voiture, Ma<strong>de</strong>moiselle, dit Dimitri à Bé-<br />
rangère stupéfaite. Elle fait partie <strong>de</strong><br />
son mobilier. Vous pouvez sans crainte<br />
y mettre un enfant <strong>de</strong> dix à douze ans.<br />
Il tirera aussi bien qu'un attelage <strong>de</strong><br />
poneys.<br />
Le harnachement est une merveille<br />
d'exécution. Toutes les parties métalli-<br />
ques sont eu argent. La calèche porte le<br />
nom du plus grand carrossier <strong>de</strong> Paris.<br />
Dimitri insiste pour qu'une répétition<br />
ait lieu en sa présence. Il veut montrer<br />
au père Sapin comment il doit s'y pren-<br />
dre pour atteler, et le père Sapin rit dans<br />
ses gran<strong>de</strong>s moustaches, car un ex-ma-<br />
réchal <strong>de</strong>s logis du 6° dragons ne peut<br />
être embarrassé avec rien <strong>de</strong> ce qui<br />
porte le harnais.<br />
Une fois le brave Minos installé entre<br />
ces légers brancards, on <strong>de</strong>scend la fil-<br />
lette, on l'étend sur les coussins <strong>de</strong> soie<br />
bleue, et Dimitri, armé d'une petite cra-<br />
vache, dont il ne se sert que par conte-<br />
nance, dirige l'attelage tout le long <strong>de</strong><br />
la cour.<br />
— Allons mon pigeon, dit-il, mon joli<br />
ramier, un petit temps <strong>de</strong> galop.<br />
Minos a l'allure la plus douce, la plus<br />
aimable, un vrai cheval <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>. Ja-<br />
mais une secousse. Mais aussi la calèche<br />
est si bien suspendue! Comment s'éton-<br />
ner qu'on se trouve à merveille dans un<br />
huit-ressorts <strong>de</strong> Bin<strong>de</strong>r?<br />
Ce qui étonne Mlle <strong>de</strong> Pontmore, c'est<br />
qu'une pareille voiture, précisément co<br />
qu'il faut à Stanie, se trouve comme par<br />
miracle dans le mobilier <strong>de</strong> Minos.<br />
— Surtout, a dit le fidèle Dimitri, ne<br />
parlez pas <strong>de</strong> cela à Son Excellence.<br />
Il voulait être débarrassé <strong>de</strong> tout ce qui<br />
avait appartenu à Minos, alors j'ai pré-<br />
féré réunir ses bagages ici. Un pur<br />
hasard s'il se trouve dans le nombre une<br />
voiture qui puisse faire votre affaire.<br />
Mais faut-il compter aussi dans le mo-<br />
bilier <strong>de</strong> Minos cette gran<strong>de</strong> caisse <strong>de</strong><br />
bois blanc qui porte sur son couvercle<br />
le nom d'un <strong>de</strong>s grands éditeurs <strong>de</strong> Pa-<br />
ris? Minos, alors, serait un chien savant,<br />
car la caisse contient une soixantaine <strong>de</strong><br />
volumes splendi<strong>de</strong>ment illustrés, <strong>de</strong> la<br />
collection Hetzel, et elle porte pour<br />
adresse :<br />
A ma<strong>de</strong>moiselle Stanie <strong>de</strong> Pontmore.<br />
Stanie est ivre <strong>de</strong> joie. Les couleurs<br />
<strong>de</strong> la sauté montent pour un instant à<br />
ses joues pâles. Bérangère est rêveuse.<br />
Elle ne comprend rien à ce qui se passe.<br />
Depuis l'ouverture <strong>de</strong> la caisse <strong>de</strong> livres,<br />
elle ne croit plus au hasard <strong>de</strong> la jolie<br />
calèche bleue et du mobilier <strong>de</strong> Minos.<br />
D'ailleurs, cette voiture n'a jamais servi.<br />
Personne encore ne s'est assis sur ces<br />
moelleux coussins où la petite mala<strong>de</strong> se<br />
sent si à l'aise.<br />
Tout est mj'stère. Qui donc avait<br />
donné au comte Woronzoff l'adresse cle<br />
Mlle <strong>de</strong> Pontmore ? Qui donc lui avait<br />
appris qu'elle avait auprès d'elle une<br />
sœur infirme, une enfant <strong>de</strong> dix ans,<br />
dont les livres, la voiture et l'attelage<br />
<strong>de</strong>vaient faire le bonheur ? Ce n'est pas<br />
le docteur, à coup sûr.<br />
11 avait exprimé à plusieurs reprises<br />
<strong>de</strong>vant Bérangère l'étonnement quo lui<br />
causait l'originalité du comte.<br />
— Mon noble client ne veut rien sa-<br />
voir <strong>de</strong> vous, lui avait-il dit. Il lui suffit<br />
que son secrétaire réalise son idéal la<br />
plume à la main. Tout le reste lui im-<br />
porte peu.<br />
Ceci avait été dit, en effet, avec cette<br />
hautaine insouciance qu'apportait le<br />
comte dans la plupart <strong>de</strong> ses jugements<br />
et <strong>de</strong> ses appréciations.<br />
Et cependant, si le docteur avait eu la<br />
clef d'un tiroir secret du bureau<br />
Louis XVI, où le comte enfermait quel-<br />
ques papiers précieux, il aurait pu lire<br />
sur une sorte d'agenda les lignes suivan-<br />
tes :<br />
« Je m'étonne chaque matin quand je<br />
vois entrer chez moi cet être mystérieux<br />
et charmant. Je ne sais rien d'elle, et je<br />
n'en veux rien savoir. Je ne veux pas<br />
qu'elle soit touchée à mes yeux par au-<br />
cune <strong>de</strong>s vulgarités <strong>de</strong> la vie. Je ne lui<br />
parle pas. Rien d'elle à moi, si ce n'est<br />
ce qui concerne son travail. Je la re-<br />
gar<strong>de</strong> aller et venir, tailler une plume,<br />
prendre un livre, un dictionnaire, rele-<br />
ver un ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> la fenêtre, approcher<br />
la lampe. Chacun <strong>de</strong> ses mouvements<br />
est une harmonie. Le contraire <strong>de</strong> l'au-<br />
tre, bruyante en paroles, en actions,<br />
allures brusques, démarche déterminée,<br />
tours <strong>de</strong> tête arrogants. Et j'ai pu appe-<br />
ler cela la grâce !... »<br />
XIV<br />
Il fallait remercier, pourtant, mais<br />
comment s'y prendre. D'ordinaire la re-<br />
connaissance semblait à Bérangère le<br />
plus doux, le plus facile <strong>de</strong>s <strong>de</strong>voirs. Le<br />
merci qui se trouvait au fond <strong>de</strong> son<br />
cœur montait tout naturellement à ses<br />
lèvres.<br />
Ah ! que ne s'agissait-il du docteur<br />
Roland ! Mais avec lui, ce maître impé-<br />
rieux, qui obligeait en se cachant, sans<br />
avoir l'air <strong>de</strong> se soucier <strong>de</strong> vous, tout<br />
! était difficile.<br />
La route, ce matin-là, ne parut pas as-<br />
sez longue à'Bérangère. Elle composa et<br />
recomposa une vingtaine <strong>de</strong> petits dis-<br />
; cours, imagina les brèves réponses gui<br />
leur seraient faites; mais, quand elle<br />
franchit le perron entre <strong>de</strong>ux haies <strong>de</strong><br />
fleurs parfumées, elle avait déjà tout ou-<br />
blie, et ce fut en se ûant à l'inspiration<br />
du moment qu'elle entra dans le cabinet<br />
<strong>de</strong> travail.<br />
Le comte écrivait. Il salua presque<br />
sans se déranger, et leva les yeux vers<br />
la pendule <strong>de</strong> Boule placée sur un sup-<br />
port <strong>de</strong> porphyre. Pour la première fois,<br />
le secrétaire était en retard <strong>de</strong> dix minu-<br />
tes. C'était un fâcheux prélu<strong>de</strong>. Néan-<br />
moins la jeune fille, par un grand effort .<br />
<strong>de</strong> courage, balbutia quelques mots qui<br />
finissaient ainsi :<br />
— Comment vous exprimer ma recon-<br />
naissance? monsieur le comte.<br />
— En ne m'en parlant pas, ma<strong>de</strong>moi-<br />
selle. Parmi toutes les choses qui me<br />
sont odieuses, les remerciements vien-<br />
nent en première ligne. Vous êtes jeune,<br />
vous ; cette façon <strong>de</strong> penser vous parait<br />
cynique, mais quand vous aurez vécu<br />
quelques années <strong>de</strong> plus, en apprenant<br />
a connaître le mon<strong>de</strong>, vous apprendrez<br />
aussi à connaître l'ingratitu<strong>de</strong>.<br />
Les larmes jaillirent <strong>de</strong>s yeux <strong>de</strong> Bé-<br />
rangère.<br />
— Oh ! je ne parle pas pour vous, re-<br />
prit-il d'un ton moitié sérieux, moitié<br />
ironique. Vous êtes l'exception, ne le<br />
savez-vous pas ?<br />
Bérangère sentit son cœur se serrer<br />
douloureusement. Ce n'était pas l'amour-<br />
propre qui souffrait en elle, mais la<br />
compassion qui s'éveillait poignante.<br />
Que cle cruelles déceptions cet homme<br />
avait dû éprouver pour ne plus croire à<br />
rien I Quel vi<strong>de</strong> dans ce cœur resté bon<br />
pourtant !<br />
(A suivre).<br />
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