29 juin 1909 - Bibliothèque de Toulouse

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38 Feuilleton du 29 juin 1909.
LeWifttelwiw
PAR
JUSTUS MILES FOR M A IV
JjâantntioR do ('anglais par Pierre LUCUET
XXII
— En vérité, monsieur, dit-elle d'une
roix qu'elle fit glaciale, ce jeune homme
paraît ne pas manquer de défenseurs. Je
ri'ai pas le désir de discuter ses qualités.
Je ne me souviens de lui que comme
d'un homme qui m'a fait souffrir et qui
m'a fait du tort... Ne pourrions-nous pas
parier de quelqu'un d'autre ?
Mais je me levai brusquement, en colère.
~ S'il vous a fait du tort, madame,
c'était pour vous sauver la vie. Et s'il a
paru faire une choyé déshonorante, c'est
qu'il estimait votre guérison plus que
Bon honneur. Et comime si tout ceci n'était
pus suffisant, il vous a sauvée une
wrconde fois, et il risque encore, aujourd'hui
môme, son existence pour votre
bonheur. Je vous demande la permission
d« me retirer, madame.
La princesse releva les yeux vivement
*t tondit une main vers moi. Ses yeux
6'étaient, largement ouverts et ses lèvres
(rénvissaient.
— Non, non, ne partez pas, monsieur
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Creighton !... Je n'avais pas l'intention
de...
— Je vous demande la permission de
me retirer, princesse, répétai-je, car j'étais
fort en colère.
— Retirez-vous, monsieur, réponditr
elle en se laissant aller en arrière dans
sa chaise-longue. Je ne voudrais pas paraître
vous retenir de force... Mais...
mais souvenez-vous que vous serez toujours
le bienvenu dans ce jardin et dans
cette maison, et que je serai toujours
heureuse de vous revoir.
— Je vous remercie, madame.
Et je partis en songeant :
« Il aura passé de l'eau sous les ponts
quand on me reverra dans le jardin de
l'ancien couvent. »
XXIII
Attendre... attendre... attendre... Il
me semble, quand je regarde en arrière,
que ce fut l'intolérable fardeau de ces
jours et de ces semaines qui se traînèrent
de façon si interminable, ne nous laissant
pas même l'illusion d'une occupation.
Et attendre... quoi ? Nous le savions h
peine. Sauf les nouvelles orientales,
rien ne nous intéressait et ces nouvelles
n'arrivaient pas en abondance. J'eus une
lettre de Denis — elle est encore devant
moi — huit jours environ après son arrivée
à Novodnia. Cotte lettre parlait
vaguement de plans à l'élaboration, et
] d'autres perfectionnés, pour la défense
de la capitale, pour la dispersion des
! forces ennemies et de mesures prises
' par le prince pour regagner la faveur
d'une population hésitante. Elle disait
que le prince restait calme et brave en
face du danger. Denis s'extasiait à l'idée
du plaisir de sentir encore la poudre et
de coucher sous la tente.
Et, à la fin de la lettre, un petit para-
graphe qui me montrait tout entier l'ancien
Denis : « Gardez-la bien. Qu'il ne
lui arrive aucun mal. Parlez-moi un peu
d'elle de temps en temps, que je sache
comment elle est, comment elle va et si
elle semble moins malheureuse ? C'est
tout ce qu'il y a d'important, voyez-vous,
qu'elle soit bien portante et moins malheureuse.
Je parlai de cette lettre à la princesse
la première fois que je la vis dans le
jardin, car, ma colère passée, j'avais naturellement
renoncé à ma menace de ne
plus lui rendre visite. Et je faisais mon
possible pour lui éviter les pensées pénibles
et pour lui distraire l'esprit, sachant
bien qu'après tout la pauvre femme
avait grièvement souffert et d'une
souffrance qui pouvait à bon droit lui
paraître injuste et cruelle.
Mais quand je lui parlai du post-scriptum
rapportant les paroles du jeune
homme aussi exactement que je le pouvais,
elle pencha très bas la tête et ses
mains se mirent à trembler sur ses genoux.
Puis elle me posa quelques questions
qui m'incitèrent ù jarler encore
de lui .
C'est ainsi que nous attendions, inactifs,
paresseux, espérant des nouvelles
qui nous mettraient l'esprit en repos, et
qui nous donneraient un but certain sur
lequel faire converger nos idées pour l'avenir.
Nous passions aussi notre temps
à nous cacher le plus possible les craintes
que nous ressentions pour le dénouement
de la crise dans le pays où régnait
le prince Carol.
Le colonel von Altdorf avait des nouvelles
do temps en temps, une dépêche
chiffrée l'informant d'un mouvement,
une lettre d'un des hauts conseillera du
prince, ou du prince lui-même, ou en
certaines circonstances, de Denis.
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Et toujours, quand une information
lui parvenait qui rendait la situation
plus nette, ou qui lui 'montrait mieux les
forces ennemies ou la faiblesse nationale,
nous voyions ses sourcils se contracter
davantage et la moue lugubre de ses
lèvres s'accentuer. E ne me disait rien,
et je pense qu'il ne disait rien aux autres,
mais je savais que les plus sombres
pressentiments emplissaient son cœur,
et je devinais que le bonheur de Novodnia
courait les plus graves dangers.
Mais il se produisit quelque chose, à
cet instant, qui détourna mon attention
des préoccupations courantes, et qui les
rejeta vers un autre objet.
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i nable série d'escaliers, frappa douce-
. ment et appela par le trou de la seri
rure.
— C'est moi, Colette, avec le monsieur.
Une jeune femme sortit, le type ordinaire
de la jeune femme du Boul'Mioh,
•bien que mieux élevée d'allures, et manquant
assez singulièrement de coquetterie.
Elle repoussa la porte derrière elle,
mais je n'en entendis pas moins une toux
rauque et les gémissements d'une voix
faible.
— Vous 'êtes M. Creighton ? demanda
la jeune femme, l'ami de Saint-Denis ?
! — Oui, madame, répondis-je, je suis
cri en me voyant entrer. Elle me tendit
immédiatement 'une main amaigrie. DeM
puis que je ne l'avais vue un change-t
ment terrible s'était opéré en elle. Elle!
était affreusement maigre et pâle et seé
joues portaient de caractéristiques ta-i
ohes vermillon. Ses yeux, qui paraisvj
saient deux fois trop grands pour ssj
figure, brûlaient fiévreusement dans
leurs orbites.
— Vous êtes venu, monsieur ? murmu-i
ra-t-elle. Je savais que vous viendriez..:
Mais c est bien bon de votre part. Saint-
Denis m'avait écrit que vous viendriez!
quand je vous ferais demander. j
Je rentrais un jour rue Boissonnade, l'ami de Saint-Denis. Et cette pauvre Je voulais vous voir pour que... pou*
venant de l'autre côté de l'eau, lorsque Colette, elle est bien malade, n'est-il pas que vous me promettiez., de dire ai!
je trouvai, m'attendant dans la loge de vrai ? Puis-je quelque chose pour elle '?
revoi r pour moi... à Saint-Denis. j
la concierge, un gamin de sept à huit ans j Saint-Denis m'a recommandé de ne pas — Ah ! non !... ah ! non, Colette, îné-
que la brave fonctionnaire avait refusé I l'abandonner et de faire tout ce qui seenai-je. Ah 1 non, ce n'est pas pour celï
de laisser pénétrer chez moi, à cause rait en mon pouvoir pour la soulager. que je suis venu. Parlons donc, si voua
probablement de la vétusté de son costu- — Hélas ! monsieur, répondit la jeune
voulez bien, de ce que nous allons faire
me. Il expliqua tant bien que mal qu'il femme, aucun de nous, je le crains, n'au pour vous tirer de ce lit et de cettd
venait de la part de Mlle Olivier, qui ra à s'occuper d'elle longtemps. Elle est
chambre, de l'endroit où nous allonri
était bien malade, et qui désirait me voir très, très malade. Mais elle a voulu vous vous emmener pour que vous puissiez
immédiatement.
voir avant de... partir, parce que vous respirer et .guérir, et redevenir fort**
« Mlle Olivier ? pensai-je. Qui diable êtes 1 ami du seul homme qu'elle ait ai- comme avant. C'est de cela qu'il faut
peut bien être Mlle Olivier ? Je ne conmé, je crois. Elle a des commissions à parler, et de rien autre chose.
nais aucune espèce de Mlle Olivier... vous donner pour lui. Voulez-vous en- Mais elle déplaça, sa bête, et un légeï
Est-ce que tu ne te trompes pas, mon trer ? Mais je vous demanderai de ne accès de toux secoua tout son fn'b'W
petit ?
pas rester trop longtemps, car elle est corps, l'obligeant à chercher sa. re spira}
Mais il insista :
très faible.
tion pendant de cruelles secondes. i
— Non, Monsieur, Mlle Olivier, Mlle Je pénétrai dans la chambre et la
Colette Olivier, elle demande à vous garde-malade de Colette repoussa dou-
TA suivre.i
voir parce que vous êtes l'ami de M. cement la porte sur moi, restant au
Saint-Denis. Il faut que vous veniez de dehors.
suite.
C'était une toute petite chambre, chau-
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bien, je pars avec toi.
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Nous prîmes un fiacre. Et nous arri- qui dégageait certainement de l'oxyde de
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L'enfant me fit grimper une intermi- La malade, dans so» lit eut un faible - t °4-50.ï'lv*> Domeruue, Toulouse.