questions de stratégie - Gauche Anticapitaliste
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Révolution par les urnes et/ou mouvement social<br />
La gauche au pouvoir 1981 - 1983<br />
L’ère Mitterrand restera pour<br />
les travailleurs synonyme<br />
d’espoirs trahis et <strong>de</strong> début<br />
du grand retournement du<br />
Parti socialiste.<br />
1. De mai 1981 à juin<br />
1982<br />
Contrairement à 1936, où le programme<br />
du Front populaire est plutôt timi<strong>de</strong>, Mitterrand<br />
est élu en 1981 sur un programme<br />
<strong>de</strong> rupture qui reprend une partie du programme<br />
commun.<br />
L'élection du PS n'était pas assurée et c'est<br />
presque avec surprise que Mitterrand se voit<br />
élu, le 10 mai. Mais la situation à la fin du<br />
règne <strong>de</strong> Giscard était catastrophique : le<br />
chômage avait triplé <strong>de</strong>puis 1974, l’inflation<br />
atteignait 13 %.<br />
En juin, la vague rose <strong>de</strong>s législatives profite<br />
d’abord au Parti socialiste. Il a, à lui seul, la<br />
majorité <strong>de</strong>s nouveaux députés. Il pouvait<br />
gouverner sans le PCF, qui aurait pu, comme<br />
en 1936 soutenir le gouvernement sans y<br />
participer. Mais Mitterrand appelle tout<br />
<strong>de</strong> même quatre ministres communistes au<br />
gouvernement : Charles Fiterman, ministre<br />
d’État aux Transports, Marcel Rigout à la<br />
Formation professionnelle, Jack Ralite à<br />
la Santé, et Anicet Le Pors à la Fonction<br />
publique.<br />
Des mesures symboliques sont prises rapi<strong>de</strong>ment<br />
qui répon<strong>de</strong>nt aux mobilisations<br />
populaires <strong>de</strong>s années précé<strong>de</strong>ntes. Dès le<br />
28 mai, tout en confirmant son choix en<br />
faveur du nucléaire, Mitterrand annonce<br />
l’arrêt du chantier <strong>de</strong> Plogoff, objet <strong>de</strong> manifestations<br />
monstres en Bretagne. Le 3 juin,<br />
il déci<strong>de</strong> l’annulation du projet d’extension<br />
du camp militaire, contre lequel s’étaient<br />
mobilisés, <strong>de</strong>puis 1973, paysans du Larzac,<br />
pacifistes et antimilitaristes. En décembre<br />
1982 une loi permettant assez largement le<br />
remboursement <strong>de</strong> l’interruption volontaire<br />
<strong>de</strong> grossesse est votée…<br />
En juillet 1981, le gouvernement augmente<br />
le Smic <strong>de</strong> 10 %, l’allocation handicapés <strong>de</strong><br />
20 %, les allocations familiales et l’allocation<br />
logement <strong>de</strong> 25 %. En août, il supprime<br />
la Cour <strong>de</strong> sûreté <strong>de</strong> l’État, symbole d’une<br />
justice d’exception. Quelques mois plus<br />
tard, il abroge la loi « anticasseurs » instaurée<br />
par Giscard pour criminaliser les<br />
mobilisations sociales. Au <strong>de</strong>rnier trimestre<br />
1981, les radios libres (sans publicité) sont<br />
autorisées. Et les prix sont bloqués pour<br />
six mois. Dans la foulée, <strong>de</strong>ux mesures<br />
emblématiques sont prises : l’abolition <strong>de</strong><br />
la peine <strong>de</strong> mort et la création <strong>de</strong> l’impôt<br />
sur les gran<strong>de</strong>s fortunes (IGF).<br />
En janvier, la durée légale <strong>de</strong> la semaine <strong>de</strong><br />
travail est abaissée <strong>de</strong> 40 à 39 heures sans<br />
perte <strong>de</strong> salaire, même si cela a <strong>de</strong>mandé<br />
quelques mobilisations, et la cinquième<br />
semaine <strong>de</strong> congés payés est instaurée. En<br />
février, la loi sur les nationalisations est votée.<br />
En mars, l’âge légal <strong>de</strong> départ à la retraite<br />
passe <strong>de</strong> 65 à 60 ans. À l’époque, le nombre<br />
d’annuités requis pour une retraite pleine<br />
et entière était <strong>de</strong> 37,5 et l’on entrait plus<br />
tôt dans la vie active : donc, l’abaissement à<br />
60 ans <strong>de</strong> l’âge légal a effectivement permis<br />
à <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> salariés – qui<br />
avaient leurs annuités, mais pas 65 ans – <strong>de</strong><br />
Photothèque Rouge/MILO<br />
Dominique Angelini<br />
partir. Les nationalisations concernent<br />
39 établissements bancaires et au niveau<br />
industriel : Thomson, Saint-Gobain, Rhône-<br />
Poulenc, Pechiney-Ugine-Kuhlman, Usinor<br />
et Sacilor, Suez et la Compagnie générale<br />
d'lélectricité.<br />
Même si ces nationalisations sont loin<br />
<strong>de</strong> réquisitions (elles coûtent près <strong>de</strong> 40<br />
milliards <strong>de</strong> francs à l'État), elles sont réalisées<br />
pendant les années Reagan Thatcher,<br />
marquées par <strong>de</strong>s privatisations à travers le<br />
mon<strong>de</strong>. La France possè<strong>de</strong> donc un secteur<br />
public et nationalisé qui représente 23 %<br />
<strong>de</strong>s salariés français, 28 % <strong>de</strong> la valeur<br />
ajoutée, 30 % <strong>de</strong>s exportations et 49 %<br />
<strong>de</strong>s investissements. Le secteur bancaire<br />
nationalisé représente 91 % <strong>de</strong>s dépôts<br />
bancaires. Et pourtant : bien qu’en principe<br />
dirigées par l’État, ces entreprises fonctionnent<br />
exactement comme <strong>de</strong>s entreprises<br />
privées, appliquent les mêmes critères <strong>de</strong><br />
rentabilité et <strong>de</strong> profitabilité. Elles se font<br />
même concurrence entre elles !<br />
Ainsi, le ministre <strong>de</strong> l’Économie, Jacques<br />
Delors, dit vouloir « donner aux entreprises<br />
publiques les moyens d’être compétitives et<br />
puissantes sur le marché mondial, qui est<br />
leur marché naturel, face à leurs concurrents<br />
internationaux. Cela se traduira par un<br />
cahier <strong>de</strong>s charges au service d’objectifs dictés<br />
par le marché. »<br />
D'ailleurs, en octobre 1981, lors du congrès<br />
<strong>de</strong> Valence, le PS adopte une motion selon<br />
laquelle<br />
« [...] le pouvoir politique pour l’essentiel c’est<br />
nous. Le pouvoir économique pour l’essentiel<br />
ce sont les secteurs dominants du capitalisme<br />
bancaire et monopoliste industriel. Entre ces<br />
<strong>de</strong>ux pouvoirs y aura-t-il choc ou compromis<br />
? Puisque nous avons choisi <strong>de</strong> transformer<br />
graduellement le système économique, cela<br />
veut dire que nous avons cherché une situation<br />
<strong>de</strong> compromis qui consacrera cet important<br />
changement et qui, naturellement, sera plus<br />
favorable aux forces <strong>de</strong> transformation sociale,<br />
sera un progrès pour le mon<strong>de</strong> du travail. Ce<br />
compromis sera la traduction pratique du<br />
contrat que nous avons passé avec le peuple<br />
français, sur la base <strong>de</strong>s engagements pris<br />
par le candidat à la prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la République,<br />
et par le Parti socialiste à l’occasion<br />
<strong>de</strong>s campagnes électorales <strong>de</strong> mai et juin 1981.<br />
Réussirons-nous ce compromis ? Réussirons-nous<br />
le changement par la révolution tranquille ? »<br />
2. Le tournant<br />
Mais comme en 1936, le PS a subi pendant<br />
les premières semaines du septennat, une<br />
fuite <strong>de</strong>s capitaux très importante, entre 5<br />
22 Journées d’étu<strong>de</strong>