questions de stratégie - Gauche Anticapitaliste
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phénomène <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> distance avec <strong>de</strong>s<br />
institutions <strong>de</strong> plus en plus privées <strong>de</strong><br />
pouvoir. En France, prési<strong>de</strong>ntielle mise à<br />
part où se joue encore l’image <strong>de</strong> soi du<br />
pays, les autres scrutins marquent une<br />
tendance rarement inversée à la baisse <strong>de</strong><br />
participation (sans compter l’extension, dans<br />
certaines zones, <strong>de</strong> la non-inscription sur<br />
les listes). On pourrait y voir une marque<br />
positive <strong>de</strong> rejet du parlementarisme au<br />
profit <strong>de</strong> la mobilisation directe. Mais ce<br />
n’est le cas que d’une toute petite partie<br />
du phénomène. Comme aux États-Unis<br />
où la chose est plus ancienne, la baisse du<br />
vote (Obama 2008 étant vraiment une<br />
exception) ne s’accompagne certainement<br />
pas d’une autre forme d’investissement<br />
purement politique. Pour les Indignés, on<br />
ne peut en aucun cas dire si cela c’est vrai.<br />
Il <strong>de</strong>meure que ces mouvements n’ont en<br />
rien clarifié les voies et médiations pour<br />
passer <strong>de</strong> la mobilisation et du rejet <strong>de</strong>s<br />
institutions (« ils ne nous représentent pas »)<br />
à la question du pouvoir alternatif. Sauf à<br />
décréter qu’elle ne doit définitivement pas<br />
être posée, comme si en l’ignorant on la<br />
faisait disparaître.<br />
En résumant mes arguments pour le<br />
présent propos on peut dire que :<br />
a)Les classes dominantes ont réussi à installer<br />
un « cercle <strong>de</strong> fer » à l’échelle mondiale,<br />
imposant la globalisation capitaliste et<br />
empêchant jusqu’à maintenant toute tentative<br />
d’en sortir, sauf d’une manière limitée<br />
dans quelques pays d’Amérique latine. Le<br />
secours et le soutien apportés à ce modèle<br />
par <strong>de</strong> puissants pays émergents n’est pas<br />
pour rien dans sa solidité.<br />
Ceci va <strong>de</strong> pair, partout, avec un rétrécissement<br />
drastique <strong>de</strong>s marges laissées par les<br />
processus démocratiques bourgeois. Les<br />
États, en accompagnant la dépossession<br />
<strong>de</strong> leurs fonctions sociales et économiques,<br />
voire en les impulsant, se sont mis par là<br />
même largement à l’abri <strong>de</strong>s turbulences<br />
politico-sociales. C’est une part <strong>de</strong> ce qu’on<br />
appelle la crise <strong>de</strong>s États westphaliens, en<br />
Europe en particulier, telle qu’ils furent<br />
définis lors du Traité <strong>de</strong> Westphalie. Par<br />
conséquence immédiate, cela élargit les effets<br />
<strong>de</strong> crises économiques majeures, puisque la<br />
fonction <strong>de</strong> construction <strong>de</strong>s compromis<br />
<strong>de</strong> classes qu’avaient ces États est affaiblie.<br />
Et les met à la merci « <strong>de</strong>s marchés » mais<br />
aussi tendanciellement en face directe <strong>de</strong><br />
mobilisations extraparlementaires. Mais cela<br />
réduit en même temps considérablement<br />
l’impact <strong>de</strong>s aléas électoraux.<br />
b)Ceci conduit à la confirmation <strong>de</strong> la<br />
mutation en nature <strong>de</strong> la social-démocratie<br />
laquelle vivait <strong>de</strong> ces marges. Si on tient<br />
compte en plus <strong>de</strong> l’affaiblissement du poids<br />
politique <strong>de</strong>s représentations parlementaires<br />
Les institutions, piège ou levier<br />
(avec la « gouvernance » généralisée, dont<br />
l’UE donne un exemple caricatural) ; <strong>de</strong><br />
la restriction <strong>de</strong>s marges d’autonomie <strong>de</strong>s<br />
institutions plus locales 1 , cela nécessite la<br />
reprise à nouveaux frais <strong>de</strong> la relation à<br />
cette question spécifique <strong>de</strong>s institutions<br />
démocratiques bourgeoises.<br />
c) Dans <strong>de</strong>s pays <strong>de</strong> vieille tradition parlementaire,<br />
cela bouleverse les relations au<br />
combat politique. Les aspirations populaires<br />
ont <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> mal à se projeter<br />
dans ce cadre. C’est le sens essentiel <strong>de</strong>s<br />
mouvements répétés du type <strong>de</strong>s Indignés.<br />
Mais même progressistes, et renouvelant<br />
profondément la nature <strong>de</strong>s mobilisations<br />
populaires, ces mouvements n’ont pas<br />
réussi à créer une issue politique. Sans<br />
doute parce que le sentiment diffus mais<br />
profond existe qu’il faudrait, pour réellement<br />
changer les choses, <strong>de</strong>s confrontations bien<br />
plus radicales, qui mèneraient très loin<br />
dans l’affrontement. Or la confiance en<br />
la possibilité que celles-ci soient menées<br />
victorieusement est trop faible.<br />
C’est que s’écarter tendanciellement du<br />
système représentatif traditionnel ne conduit<br />
nullement et automatiquement à une prise<br />
en charge d’un changement révolutionnaire<br />
<strong>de</strong> la société. Le problème est alors<br />
d’arriver à bâtir <strong>de</strong>s mouvements qui évitent<br />
la marginalisation et dont la fonction<br />
d’ai<strong>de</strong> au mûrissement <strong>de</strong>s confrontations<br />
fondamentales soit attestée. Ceci ne peut<br />
se faire qu’à la frontière entre le social et<br />
le politique, <strong>de</strong> la traduction politique<br />
du social et en retour <strong>de</strong> la fécondation<br />
politique <strong>de</strong> celui-ci.<br />
Les institutions décisives (celles <strong>de</strong> l’UE<br />
voire au-<strong>de</strong>là les institutions internationales)<br />
se sont donc données une forme<br />
qui les protègent largement <strong>de</strong>s montées<br />
populaires, que ce soit par la mobilisation<br />
directe ou par la voie électorale. Ce qui<br />
ouvre <strong>de</strong>ux <strong>questions</strong>. La première tient en<br />
la réactivation <strong>de</strong> la question « nationale »,<br />
même dans un pays puissant comme la<br />
France. Qui pendrait alors la forme du<br />
rejet <strong>de</strong> la domination sinon « étrangère »<br />
Photothèque Rouge/Franck Houlgatte<br />
du moins « mondialisée » : multinationales,<br />
marchés, technocratie. On le voit dans<br />
le cas particulier <strong>de</strong> la Grèce qui s’élève<br />
(légitimement !) contre la dépossession <strong>de</strong><br />
son peuple <strong>de</strong> tous les choix majeurs. On<br />
l’a peu vu en Italie en réaction à la mise à<br />
l’écart <strong>de</strong> Berlusconi non par les Italiens euxmêmes<br />
mais par la Troïka (réaction faible<br />
sans doute à cause du fort rejet préalable<br />
du chef <strong>de</strong> la droite). Sous une autre forme<br />
encore on le voit avec la montée <strong>de</strong> la remise<br />
en cause <strong>de</strong>s États nationaux comme dans<br />
l’Italie du Nord, en Flandre, en Écosse et<br />
dans l'État espagnol – au moins – dont<br />
les dynamiques sont toujours spécifiques,<br />
couvrant le spectre <strong>de</strong> la droite extrême à<br />
la gauche radicale.<br />
La secon<strong>de</strong> question ouvre sur un choix<br />
stratégique qu’on ne peut plus guère différer.<br />
Tout le mon<strong>de</strong> à gauche (ou à peu près) est<br />
favorable à la construction <strong>de</strong> rapports <strong>de</strong><br />
forces à l’échelle où ils seraient directement<br />
efficaces, soit à l’échelle européenne. Mais<br />
les exemples que nous avons sous les yeux<br />
(Grèce, Portugal, État espagnol, certains<br />
États <strong>de</strong> l’est <strong>de</strong> l’Europe…) montre que<br />
la nécessité <strong>de</strong> combattre les effondrements<br />
sociaux et politiques ne se manifeste pas à<br />
partir <strong>de</strong> cette temporalité là, trop longue.<br />
Il faut donc miser sur <strong>de</strong>s choix prioritairement<br />
ancrés dans le cadre national pour<br />
entamer les ruptures. En sachant que les<br />
marges <strong>de</strong> manœuvres sont négligeables<br />
pour une telle rupture avant que d’affronter<br />
la technostructure européenne. Si cela<br />
réduit considérablement les marges d’une<br />
politique authentiquement réformiste, elle<br />
peut aussi produire un effet <strong>de</strong> sidération<br />
du côté <strong>de</strong>s classes populaires <strong>de</strong>vant la<br />
hauteur <strong>de</strong> cet obstacle dont tout le mon<strong>de</strong><br />
sent la présence.<br />
1. Chez nous, conseils généraux, départementaux,<br />
gran<strong>de</strong>s municipalités. De par la loi, la plus gran<strong>de</strong><br />
partie <strong>de</strong> leur budget est préformatée d’en haut. Il<br />
n’y a sérieusement et sur l’essentiel aucune différence<br />
profon<strong>de</strong> entre gestions <strong>de</strong> droite et <strong>de</strong> gauche. Mais<br />
il y a toujours <strong>de</strong>s marges possibles, c’est ce qu’il faut<br />
discuter. Le débat est plus ouvert quant à la gestion<br />
<strong>de</strong> municipalités <strong>de</strong> taille moyenne.<br />
44 Journées d’étu<strong>de</strong>