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LA DERNIÈRE RÉVOLTE<br />

Guy LE COMTE<br />

Le service militaire à l’étranger et les capitulations qui le régissent font débat en<br />

Suisse dès 1848, les mercenaires suisses ayant fort souvent défendu des régimes<br />

réactionnaires. Les capitulations militaires sont dès 1848 abolies, mais le Royaume<br />

de Naples, dont la capitulation arrive à échéance en 1859 maintient ses régiments<br />

suisses en service. Le recrutement se faisant désormais individuellement. Le 30<br />

juillet 1859 tout service militaire à l’étranger est interdit, que ce soit dans les armées<br />

nationales ou coloniales. Le recrutement de soldats pour l’étranger et l’aide à ce<br />

recrutement sont désormais punissables. Le gouvernement suisse demande au roi de<br />

Naples de dissoudre ses régiments, ce qui provoque une mutinerie de grande<br />

envergure. La dissolution des régiments au service de Naples remet sur le marché<br />

un grand nombre de militaires qui ne sont pas tous suisses et, que malgré la loi de<br />

juillet, les recruteurs hollandais tentent d’enrôler dans leur armée coloniale.<br />

Les occasions de s’engager dans des armées étrangères se sont raréfiées depuis 1848.<br />

Celui que la vie militaire attire, quelque en soit la raison, peut choisir le service de<br />

Naples, l’armée pontificale ou la légion étrangère française. Une légion anglo-suisse<br />

est crée en 1855 1 , à l’occasion de la guerre de Crimée. Elle n’a qu’une existence<br />

éphémère. Pour ceux que le service français ou napolitain rebutent, pour ceux aussi<br />

qui veulent voir du pays, il existe une alternative: l’engagement dans l’armée<br />

coloniale hollandaise! Elle veille à la sécurité des colonies bataves d’Insulinde et,<br />

surtout, cherche à les étendre. Entre 1850 et 1859, les Néerlandais ont soumis les<br />

princes de Sumatra, le sultan de Djojakarta à Java, le roi de Saffrah dans les Célèbes,<br />

le sultan de Bony, dans les Célèbes et l’empereur de Surakarta à Java. En 1859, nous<br />

le verrons, ils attaqueront le sultan de Bandjermassin à Bornéo.<br />

Ce service lointain n’est pas sans risque. Les soldats coloniaux ont une espérance de<br />

vie réduite. Les maladies coloniales déciment les bataillons européens que les<br />

Hollandais souhaitent remplacer par des troupes indigènes. Quelques échos de ces<br />

conditions de vie misérable des engagés coloniaux parviennent parfois en Suisse. Le<br />

25 novembre 1857 le Bund, affirme que sur 250 soldats arrivés récemment à<br />

Surabaya 2 , 50 sont déjà à l’hôpital dont ils ne ressortiront pas 3 .<br />

Cela ne fait pas peur à tout le monde. Au moment où l’abolition du service militaire<br />

22 Le Brécaillon<br />

à l’étranger entre en vigueur de<br />

nombreux Suisses sont enrégimentés en<br />

Insulinde 4 ou voguent vers Java.<br />

Lors des débats qui, aux Chambres<br />

fédérales, ont précédé l’adoption de la loi<br />

sur le service étranger, le cas des troupes<br />

coloniales hollandaises a été discuté 5 et<br />

le malheureux sort des soldats qui y<br />

servent, dénoncé. C’est dans ce contexte<br />

agité que la Revue militaire suisse publie<br />

une lettre écrite par un soldat vaudois<br />

dont elle préserve l’anonymat:<br />

« Indes néerlandaises, Fort de Willelm I 6<br />

13 mars 1859<br />

Si je ne vous ai pas écrit plus tôt, c’est<br />

que j’attendais toujours d’avoir une<br />

campagne à vous raconter, Nous devions<br />

en faire une, mais jusqu’à présent, nous<br />

n’avons point reçu d’ordres de départ.<br />

L’ami R... a été plus heureux; il est<br />

maintenant en expédition depuis le<br />

milieu de janvier, et il paraît qu’il a eu du<br />

succès, car on vient de tirer 20 coups de<br />

canon au fort en l’honneur de la prise de<br />

Boni 7 .<br />

Par le dernier courrier, j’ai reçu de vos<br />

nouvelles ainsi que quelques camarades, et nous avons été charmé d’apprendre<br />

quelque chose du pays qu’on aime d’autant plus vivement qu’on en est plus éloigné.<br />

Entre une dizaine de vaudois nous avons bu un petit coup d’arak à la santé de nos<br />

bons vieux parents que nous espérons bien tous revoir et nous avons chanté toutes<br />

les chansons patriotiques de notre répertoire.<br />

Vous me donnez de bien bons conseils; merci, mais quant à l’avancement, il y a peu<br />

de chances ici. Il faut savoir le hollandais pour être caporal et c’est une langue<br />

infernale à apprendre pour nous autres français; le javanais nous est plus facile.<br />

Matériellement nous ne sommes pas mal quoique nous souffrions de la chaleur. Il<br />

Le Brécaillon<br />

LE DERNIÈRE RÉVOLTE<br />

Harderwijk (photo tirée de Denise<br />

CHEVALLEY « Un Suisse à Bornéo et<br />

Java, au service de Hollande » ; Slatkine,<br />

Genève,1998.)<br />

23

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