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LA DERNIÈRE RÉVOLTE<br />

Le 19 février 1864 Marc Lecomte a fini son temps. Après avoir refusé un<br />

réengagement, il reçoit son passeport le 16 février, probablement à Bornéo, mais<br />

reste en service 57 . Un mois plus tard, il est décoré de la médaille de bronze, sans<br />

gratification. Ce n’est que le 29 mai qu’il quitte Batavia à bord du Top Smit. Il<br />

débarque à Rotterdam le 16 octobre 1864. Son voyage a été assez long, 140 jours. Il<br />

a probablement, lors de son retour vu le Cap et Sainte Hélène qu’il n’avait pas vus<br />

à l’aller. Humberset qui, ce 16 octobre, ronge encore son frein à Batavia ne mettra<br />

que 93 jours pour rentrer. Lecomte qui, comme tous les soldats licenciés, a voyagé<br />

comme passager 58 est réenrégimenté dès son débarquement. Il gagne Harderwijk par<br />

Amsterdam et Utrecht. Le 24 octobre à Harderwijk, il est libéré du service et reçoit<br />

là son passeport pour la Suisse visé et, probablement, le brevet de sa médaille, son<br />

attestation de service honorable et 20 gulden. Le Consul de Suisse, Jean Théophile<br />

Liotard y ajoute un bon pour recevoir des billets de chemin de fer jusqu’à Bâle 59 .<br />

Marc n’est plus, par le train, qu’à 5 jours de chez lui.<br />

Il n’a sans doute pas traîné en route! Engagé pour six ans, il en avait passé<br />

pratiquement sept en enfer 60 . Il trouvera du changement en rentrant au bercail. Il a<br />

su sans doute par la lettre qui lui parvint en 1859 que ses soeurs s’étaient mariées.<br />

Son frère Louis et son père sont décédés en 1861, sa soeur Marie Jeanne est morte<br />

en 1863. Pour l’accueillir, il ne reste que sa belle-mère, Marie Louise Durgnat, sa<br />

soeur Augustine, épouse du pharmacien Feyler et son frère Ferdinand, devenu<br />

lieutenant-colonel. Ferdinand a vu le feu devant Yorktown, brièvement. Il repartira<br />

bientôt assister à la prise de Richmond. Que se sont dit les deux frères ? La guerre<br />

de Marc n’était pas celle de Ferdinand.<br />

Humberset rentrera à Genève le 5 mars suivant. Sa malheureuse aventure avait duré<br />

6 ans et 10 mois. Le bateau qui l’avait ramené de Batavia, le Zéphyr, transportait<br />

seulement outre ses passagers ordinaires, un sergent, cinq hommes libérés du service<br />

et un réformé si malade qu’il mourut probablement en mer. Ce chiffre est à mettre<br />

en rapport avec les effectifs transportés à l’aller, 100 à 200 hommes par bateau 61 .<br />

Lecomte et Humberset sont des survivants 62 . Pourquoi ont-ils survécu ? Il y a la<br />

chance, bien sûr. Marc et Théodore en ont eu. Ils étaient robustes, endurants, mais<br />

ils avaient aussi une culture religieuse et patriotique qui les empêcha sans doute de<br />

sombrer dans le désespoir. Ils avaient un pays et une famille qu’ils voulaient revoir.<br />

Ils ne se sont pas laissés couler. Se sont-ils revus après la guerre ? Cela n’a rien<br />

d’impossible mais n’est pas prouvé.<br />

38 Le Brécaillon<br />

Leur aventure les avait changés. Humberset et Lecomte, démocrates de conviction,<br />

correctement instruits ont été confrontés à deux dures réalités, la leur et celles de<br />

ceux qu’ils combattaient. Maintenu en service après son temps, astreint à des<br />

corvées, Humberset se dit esclave. Ses camarades et lui sont « mal nourris, mal<br />

logés, etc, etc, car dans un seul hangar nous sommes entassés à 200 âmes !... La<br />

place n’est pas très saine ... Sur un détachement de 70 hommes, certains jours, 10 ou<br />

15 sont malades ». Que doivent penser les indigènes ? se demande Humberset, les<br />

Européens ont tous les vices. Cela vaut pour les soldats qui deviennent des brutes<br />

mais surtout pour les colonisateurs. Les chefs sont « des hommes infâmes et maudits<br />

... ils ne valent pas même le mépris ». Humberset sympathise avec les indigènes, il<br />

comprend et admire leur combat. « C’est honteux », écrit-il , « pour un peuple<br />

civilisé de commettre des actes aussi oppressifs !». Imbu malgré tout du sentiment<br />

Le Brécaillon<br />

LE DERNIÈRE RÉVOLTE<br />

La conquête de Lombrok en 1894. Bien que postérieur aux événements relatés,<br />

ce document montre bien la disproportion des forces et des armements de<br />

l’armée hollandaise et des indigènes (photo tirée de Denise CHEVALLEY « Un<br />

Suisse à Bornéo et Java, au service de Hollande » ; Slatkine, Genève,1998.)<br />

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