le programme - Festival Passages
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Carnet de voyage<br />
Brève escapade à Minsk<br />
La compagnie Belavia propose un vol direct Paris-Minsk <strong>le</strong><br />
vendredi soir et retour <strong>le</strong> mardi matin. Je suis donc arrivé <strong>le</strong><br />
vendredi 9 mai au soir, jour où <strong>le</strong>s Russes et <strong>le</strong>s Biélorusses<br />
fêtent la victoire (povieda) sur l’ennemi nazi, un jour après<br />
nous, mais avec plus de faste. À l’arrivée <strong>le</strong>s formalités de<br />
visa pour un court séjour, s’il n’y a pas la queue et si <strong>le</strong><br />
dossier est comp<strong>le</strong>t (invitation, photo, etc.), prennent<br />
seu<strong>le</strong>ment quelques minutes et 40 euros. Quelques mètres<br />
plus loin une dame aimab<strong>le</strong> vous interpel<strong>le</strong> en français et<br />
vous dit qu’il faut une assurance médica<strong>le</strong> obligatoire et<br />
que cela coûte un euro, je lui fais répéter, oui c’est bien un<br />
euro, el<strong>le</strong> met trois minutes à remplir <strong>le</strong> formulaire, on en<br />
a pour son argent. Après quoi c’est <strong>le</strong> passage devant la<br />
douane, je tombe sur une fausse blonde digne d’un film<br />
d’espionnage loin des blafardes et replètes douanières<br />
soviétiques d’antan.<br />
Bref, une arrivée presque norma<strong>le</strong> dans un pays qui ne l’est<br />
pas vraiment.<br />
On s’en rend compte en gagnant la capita<strong>le</strong> (45 kilomètres)<br />
avec <strong>le</strong> taxi envoyé par <strong>le</strong> Théâtre libre (TL) de<br />
Minsk, conduit par Andreï, un batteur de rock qui fait <strong>le</strong><br />
taxi pour gagner sa vie. Le taxi rou<strong>le</strong> sur une route déserte<br />
(est-ce en raison de la fête nationa<strong>le</strong>?), bordée de<br />
lampadaires jaunâtres et surtout dépourvue de publicités<br />
agressives, seu<strong>le</strong>s quelques pubs biélorusses peintes dans<br />
un sty<strong>le</strong> f<strong>le</strong>uri kolkhozien : pub pour un saucisson local, pub<br />
pour des tracteurs locaux (au demeurant introuvab<strong>le</strong>s me<br />
dira-t-on). Une impression soudaine de retour en arrière, à<br />
l’époque de l’URSS, qui correspond assez bien à l’image<br />
menta<strong>le</strong> que je me faisais de Minsk.<br />
Mais cette image sera vite démentie par la vil<strong>le</strong> qui, aux<br />
dires de beaucoup, change à vue d’œil : nouveaux centres<br />
commerciaux avec sols en marbre, boutiques luxueuses,<br />
supermarchés achalandés, tas d’immeub<strong>le</strong>s en construction…<br />
On est tout de même très loin de la démesure de<br />
Moscou mais aussi très loin de la vil<strong>le</strong> soviétique figée que<br />
l’on croyait trouver – pour cela il faut al<strong>le</strong>r hors de la vil<strong>le</strong>,<br />
dans <strong>le</strong>s villages, tout comme en Russie.<br />
Loukachenka, <strong>le</strong> président du Bélarus suit son modè<strong>le</strong> russe<br />
Poutine, en plus strict encore peut-être: contrô<strong>le</strong> des<br />
médias, musel<strong>le</strong>ment de l’opposition et/ou mise en prison<br />
voire liquidation. Moyennant quoi, on peut tolérer un Mac<br />
Do au centre vil<strong>le</strong>, un centre de la mode baptisé Broadway<br />
orné d’une façade pourvue d’énormes bas-reliefs dans un<br />
sty<strong>le</strong> tout ce qu’il y a de plus réaliste socialiste, quelques<br />
prostituées sur une grande artère. Un étranger ne se sent<br />
pas oppressé dans la vil<strong>le</strong> (contrairement à ce que l’on<br />
éprouvait à l’époque soviétique). Internet reste une plage<br />
de liberté pas encore surveillée à la chinoise. Mais il n’y a<br />
pas de journaux d’opposition, la télé diffuse quotidiennement<br />
des images du président, <strong>le</strong>s manifs sont durement<br />
réprimées et il est arrivé que des opposants (hommes<br />
politiques, journalistes) disparaissent.<br />
Avec au milieu de cela, une curiosité loca<strong>le</strong> étonnante pour<br />
un Français : dans <strong>le</strong>s rues, comme en Al<strong>le</strong>magne, <strong>le</strong>s gens<br />
attendent que <strong>le</strong> bonhomme devienne vert pour traverser<br />
ce qui est une torture pour un piéton français, mais plus<br />
encore, chose unique au monde probab<strong>le</strong>ment : <strong>le</strong>s voitures<br />
freinent et s’arrêtent lorsque sur un passage piéton non<br />
gardé par des feux, <strong>le</strong>s piétons s’avancent sur la chaussée<br />
(en Russie au contraire <strong>le</strong>s voitures accélèrent et foncent<br />
sur <strong>le</strong>s piétons). On doit cela à un décret présidentiel, pris<br />
il y a cinq ans et appliqué drastiquement (grosse amende<br />
pour non-respect).<br />
Les drapeaux rouges, jaunes, oranges, plantés un peu<br />
partout pour la fête nationa<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s bus (en bon état au<br />
centre vil<strong>le</strong>), de cou<strong>le</strong>ur verte et <strong>le</strong>s pelouses où f<strong>le</strong>urissent<br />
en grand nombre <strong>le</strong>s f<strong>le</strong>urs de pissenlit donnent en ces<br />
jours de printemps un air presque guil<strong>le</strong>ret à cette vil<strong>le</strong> aux<br />
longues artères un peu froides.<br />
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