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14 Les enjeux de la place du travail da la vie syndicale et la construction d Fabien GACHE, DSC Renault Stratégies patronales : conséquences et issues Les exposés et le débat de ce matin ont montré la fi nalité recherchée par le patronat de la fi lière automobile, ses conséquences pour les salariés – et, plus généralement, pour la société –, ainsi que les propositions de la CGT pour répondre aux besoins de la population et à l’intérêt collectif. Prise en compte par les syndicats CGT Pour porter ses propositions, la CGT dispose de plusieurs outils : formation syndicale, tracts, échanges avec les salariés, presse, interventions devant les instances représentatives du personnel, etc. Une approche trop restrictive Affi rmer que le quotidien des salariés est consécutif des stratégies d’entreprise est juste. Mais si l’on en s’arrête là, cela ne risque-t-il pas de renforcer le sentiment d’impuissance déjà très développé chez les salariés ? Une force syndiquée encore trop faible et insuffi samment armée Face aux moyens de communication considérables mis en œuvre par le patronat, à l’intérieur comme à l’extérieur des entreprises, la CGT ne peut pas se contenter de publier des tracts. Notre objectif doit être de mettre en mouvement les militants et les syndiqués, mais cela implique d’accroître leur nombre, de leur donner des arguments pour contrer le discours patronal et de démontrer concrètement que l’action collective peut changer leur quotidien. Il s’agit d’un passage obligé si nous voulons construire le rapport de force dont les salariés ont besoin. Le constat Aucune entreprise n’a échappé à la mise en concurrence, qui est de règle au sein de la fi lière automobile, dans les grands groupes, voire entre services. Chaque entité est devenue un centre de profi ts dont le niveau de profi tabilité déterminera l’affectation d’activité. La fl exibilité a transformé la vie sociale en supprimant les temps de repas, en réduisant les temps de pause ou en faisant fonctionner les installations de façon continue, supprimant les pauses communes entre travailleurs. Les droits syndicaux ont également été remis à plat et, dans certains cas, purement éradiqués. « La victimisation » au centre des débats La dégradation des conditions de travail et de la santé des salariés est exprimée de plus en plus fortement par les syndicats CGT et la souffrance au travail se généralise à toutes les catégories professionnelles. Pour y répondre, les militants tentent d’utiliser au mieux les instances représentatives du personnel en s’y investissant beaucoup mais sans se sentir forcément soutenus par les salariés. Les interventions de la CGT sont justes, souvent globalisantes mais se focalisent peut-être trop souvent sur la nécessité de changer la stratégie des entreprises, laissant de côté le quotidien des salariés, ou ne l’abordant que sous l’angle de la victimisation. Les militants eux-mêmes atteints par la désespérance ! Tout ceci n’est pas sans conséquence sur les militants, surtout lorsque la mobilisation des salariés n’est pas au rendezvous. Certains désespèrent et accusent parfois les salariés d’accompagner et d’être soumis au système. Le discours de la CGT est aussi peutêtre ressenti par les salariés comme en décalage avec ce qu’ils ressentent et leur forme de résistance individuelle, qui ne se voit pas toujours. La modifi cation sociologique des entreprises n’est pas non plus sans conséquence, comme le montre l’exemple de Renault où, en vingt-cinq ans, la proportion d’ouvriers est passée de 65 % à 35% tandis que celle des cadres passait de 5 % à 27 %. Comment aborder la syndicalisation et la construction du rapport de forces ? A partir du vécu exprimé par leurs militants, les syndicats CGT de Renault ont constaté qu’il n’était pas toujours facile pour eux de proposer aux salariés d’adhérer à la CGT et de s’y investir. Nous avons donc proposé une recherche/action aux syndicats de nos treize établissements et de notre réseau commercial. Le but de cette recherche/action était d’élaborer une nouvelle approche syndicale pour renforcer le lien avec les salariés. Pour y parvenir, nous nous sommes posés les questions suivantes : • Que connaissons-nous du travail réel des salariés ? • Pourrait-on recréer du lien avec eux en s’intéressant précisément à leur travail, à ce qu’il font quotidiennement ? • Comment aider les salariés à formuler leurs besoins sur ce qui leur permettrait de mieux faire leur travail ? • Comment passer d’une résistance individuelle à une action collective, sur des objectifs atteignables ? Faire du syndicat un outil plus effi cace pour les salariés, pour améliorer leur vie concrète au travail Cette pratique syndicale est apparue comme un moyen permettant de tisser des liens nouveaux et de redonner confi ance aux salariés dans leur capacité à agir. Son objectif était de nous aider à augmenter le taux de syndicalisation au sein de notre entreprise, en menant des activités répondant aux attentes des salariés. Déroulement de la recherche/action Pour organiser cette démarche, nous avons demandé de l’aide au cabinet Emergences. Nous avons d’abord eu un échange entre des militants des différents sites et des chercheurs. Sur les treize syndicats de la Maisonmère, quatre n’ont pas souhaité participer à la démarche. Au sein des neuf autres, et dans notre réseau commercial, quarante militants ont mené pendant vingt mois une réfl exion collective sur nos pratiques syndicales et sur la meilleure façon de construire avec les salariés.
ns la syndicalisation, u rapport de forces Après avoir mis en place un comité scientifi que, nous avons organisé sept modules de trois jours, espacés chacun de trois mois, afi n de pouvoir échanger entre chercheurs et militants sur chacun des « chantiers » que nous avions identifi és. Nous avons également mis en place un blog auquel pouvait contribuer chaque militant impliqué dans la démarche. Celleci a malheureusement été perturbée par des périodes de chômage partiel sur les différents sites, ainsi que par des réorganisations permanentes. Malgré cela, cinq syndicats et vingt-sept militants sont allés jusqu’au bout de cette démarche, sur une dizaine de « chantiers » différents. Leur travail a été présenté lors de l’assemblée des CHSCT de janvier dernier et nous cherchons maintenant à le valoriser auprès des syndicats de Renault, de la Fédération et de la Confédération. Des résultats probants engrangés Les militants sont ressortis de cette recherche/action très satisfaits sur leur capacité à s’écouter et à réfl échir collectivement à leurs problèmes. Elle leur a également permis de renforcer leur légitimité auprès des salariés, en élaborant avec eux des revendications collectives qui ont abouti à des améliorations notables dans leur quotidien. Cette démarche n’est pas encore totalement aboutie. Nous essayerons de publier des informations plus précises, avec des supports qui restent à défi nir (DVD, débats…), l’objectif étant que le maximum de camarades puisse en profi ter. Premières réfl exions Pour 2010, la direction de Renault va engager la renégociation de la totalité des accords d’Entreprise, dans l’objectif de les revoir à la baisse. Dans cette optique, elle a séparé des sujets souvent directement reliés : pénibilité, travail des seniors, fl exibilité. Elle cherche en fait à éviter la remise en cause de son organisation du travail, qui pèse non seulement sur la santé des salariés mais aussi sur l’effi cacité du travail. Elle cherche à effacer le décalage entre la prescription et la réalité du travail, qui montre que son organisation ne fonctionne pas. Pour y parvenir, elle persiste à vouloir éloigner le plus possible du terrain les élus et les délégués syndicaux. La recherche/action produit déjà des effets Cette approche nouvelle n’en est qu’à ses débuts mais elle a déjà eu des effets positifs. Alors que notre direction souligne l’amélioration constante de notre qualité, nous avons pu lui montrer que, à certaines périodes de l’année, plus de 30 % des Clio qui sortaient des chaînes de montage de Flins présentaient des défauts. De la même manière, nous lui avons montré que certains postes, en particulier à Cléon, fonctionnaient constamment en mode dégradé. Un tel discours est évidemment impossible à accepter pour une direction mais il ne peut pas être remis en cause. Ce n’est donc pas un hasard si notre direction se fait de plus en plus hargneuse face à cette approche de terrain qui remet en cause sa stratégie et qui, grâce la participation des salariés, permettra un jour d’instaurer un nouveau rapport de forces. 15
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