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1<br />

Comment naissent les firmes "allogènes" ?<br />

- l'exemple de Gemplus Card -<br />

par<br />

Jean-Benoît Zimmermann, CNRS-GREQAM, Marseille<br />

Dans les problématiques du développement local fondées sur l'attractivité, la question qui se<br />

pose est celle de la capacité des territoires à attirer des entreprises, dites allogènes, en quête de<br />

localisation. Or toute firme étant née dans un contexte historique et territorial donné, il est<br />

intéressant de s'interroger sur la manière dont une entreprise, selon sa trajectoire propre, a été<br />

amenée à se distancier de son creuset d'origine pour chercher un déploiement spatial élargi qui<br />

lui permette d'assurer sa croissance et sa pérennité. L'analyse de ce processus amène à une<br />

prise en compte de la dynamique industrielle dans laquelle se trouve engagée la firme, dans le<br />

contexte concurrentiel et d'innovation qui lui est propre. Elle ouvre une approche du couple<br />

conceptuel ancrage territorial - globalisation fondée sur une analyse de la trajectoire historique<br />

des entreprises et des marchés.<br />

Le cas de Gemplus Card nous semble, dans ce sens, fournir un exemple particulièrement<br />

éclairant de la manière dont une entreprise, engagée dans une activité à fort contenu en<br />

connaissance, est conduite, partant d'un fort ancrage territorial, à assurer son développement<br />

et sa croissance par une stratégie de globalisation.<br />

Gemplus est née en 1988 dans les Bouches-du-Rhône, de par la volonté d'une équipe d'anciens<br />

cadres de Eurotechnique-Thomson Composants, de pérenniser l'activité de production de<br />

télécartes, dans lequel le nouveau groupe SGS-Thomson ne voulait pas s'engager. Centrée au<br />

départ sur une application unique, la télécarte, l'activité de Gemplus s'étend rapidement à un<br />

plus large éventail d'applications, amenant l'entreprise à sophistiquer ses relations avec son<br />

propre aval utilisateur et à diversifier en interne et en externe (sous-traitance, partenariat) la<br />

gamme des compétences susceptibles d'être mobilisées. Elle est aujourd'hui leader mondial de<br />

la carte à puce avec 43% du marché.<br />

Entreprise née avec un fort ancrage territorial et un attachement affiché de ses dirigeants pour<br />

la Provence, elle génère dans son succès les conditions de son éventuel nomadisme 1 , sa<br />

croissance et sa compétitivité passant aujourd'hui par une organisation industrielle et<br />

commerciale globale. Elle doit savoir jouer à la fois des synergies d'un déploiement<br />

1 Zimmermann (1995).


2<br />

international et des proximités des applications et des marchés, tout particulièrement sur les<br />

nouveaux marchés porteurs: Amérique et Asie. Gemplus réalise dores et déjà 87% de son<br />

chiffre d'affaires hors de France avec 52% pour la zone Europe-Moyen Orient-Afrique, 21%<br />

pour les marchés américains et 14% pour l'Asie-Pacifique. Mais ces deux dernières zones<br />

atteignent un taux de croissance annuel de respectivement 84 et 109%, pour 55% de<br />

croissance globale du groupe.<br />

Pour cette entreprise, le rôle de la proximité dans les facteurs d'ancrage doit nécessairement<br />

être considéré au regard des questions de la mondialisation. Le rapprochement avec le marché<br />

est tout à fait essentiel. C'est dans ce sens que s'est adaptée l'organisation actuelle de Gemplus<br />

avec des centres de recherche et d'innovation à l'étranger: Californie et tout récemment<br />

Singapour et Montréal, qui constituent autant de points d'ancrage sur les différents continents.<br />

La question reste donc posée de savoir ce qu'il adviendra de l'ancrage originel de l'entreprise en<br />

Provence, vis-à-vis de sa stratégie de déploiement mondial. La réponse réside indéniablement<br />

dans la capacité de son environnement local dans les Bouches-du-Rhône à contribuer à la<br />

dynamique d'innovation de l'entreprise.<br />

Dans une première partie nous décrivons les grandes lignes du processus historique<br />

d'émergence d'un tissu micro-électronique dans les Bouches-du-Rhône. Il constitue le contexte<br />

de la création de Gemplus Card et de la naissance d'un pôle carte-à-puce, qui seront ensuite<br />

analysées en seconde partie. Nous examinerons en troisième partie, les conditions de<br />

fonctionnement qui s'imposent à l'entreprise, entre un ancrage territorial d'origine et des<br />

perspectives de marché mondiales qui tendent à lui imposer un déploiement organisationnel à<br />

une échelle planétaire. Nous verrons enfin, dans la quatrième partie, que la pérennité de<br />

l'ancrage de Gemplus dans son site provencal dépendra de la capacité du tissu local à<br />

accompagner l'entreprise dans sa dynamique d'innovation.<br />

1. Genèse d'une entreprise: l'émergence d'un tissu microélectronique<br />

dans les Bouches-du-Rhône<br />

L'origine de l'émergence d'un tissu micro-électronique dans les Bouches-du-Rhône remonte à<br />

la création et l'implantation de la société Eurotechnique sur la zone industrielle de Rousset en<br />

1979. Dans le cadre de son troisième "Plan Composant", dit "Plan MOS" qui visait à<br />

positionner l'industrie française dans le domaine des semi-conducteurs, le gouvernement<br />

français avait poussé deux grandes entreprise publiques, Saint-Gobain et Matra (entreprises du


3<br />

verre et de l'armement, respectivement), à entrer dans l'industrie micro-électronique par la<br />

création de joint-ventures avec des partenaires américains (National-Semiconductor et Harris<br />

respectivement), sur la base de l'apport technologique de ceux-ci.. Dans ce même contexte,<br />

Thomson-Efcis (Thomson allié au CEA 2 et au CNET 3 ) sera incité à réaliser une joint-venture<br />

avec Motorola, localisée sur le site de Grenoble. Ainsi "Eurotechnique" a-t-elle vu le jour<br />

comme opération conjointe de Saint-Gobain et NSC (51%-49% du capital, respectivement).<br />

Eurotechnique, localisée à Rousset, était confiée à la direction de Jean-Luc Grandclément,<br />

lorrain d'origine et ancien cadre de Motorola France. De son côté, Matra-Harris, localisée à<br />

Nantes était confiée à la direction de Marc Lassus, également ancien cadre de Motorola et<br />

futur fondateur de Gemplus, après un passage chez Eurotechnique-Thomson Composants.<br />

La qualité de vie sur le site et alentours a été un facteur positif permettant l'attraction des<br />

ressources humaines indispensables à la mise sur pied de l'entreprise. Mais le motif déterminant<br />

de la localisation réside dans la possibilité de bénéficier des aides publiques accessibles en tant<br />

que zone classée "bassin de reconversion industrielle" (aujourd'hui "Objectif 2B" de la<br />

Communauté Européenne).<br />

En 1981, dans le contexte du "Plan d'Action Filière Electronique", NANOMASK est créée sur<br />

la zone industrielle de Rousset, à l'aide du CNET, afin de développer une activité spécifique de<br />

production de masques par faisceaux d'électrons, pour couvrir les besoins de Eurotechnique et<br />

trouver une valorisation sur une échelle plus large.<br />

En 1983 une réorganisation de la filière électronique, sous tutelle publique, conduisait ensuite à<br />

l'absorption d'Eurotechnique dans la branche "composants" du groupe Thomson. La fusion de<br />

l'activité micro-électronique de Thomson avec le groupe italien SGS-Ates, en 1987, devait<br />

enfin donner naissance au groupe SGS-Thomson Microelectronics, dit "S.T.", lequel<br />

parviendra en 1996 au palmarès des dix plus grandes firmes mondiales de l'industrie des<br />

composants électroniques. De son côté Nanomask rachetée en 1989 par le groupe chimique<br />

américain DuPont deviendra DuPont Photomask (DPPM).<br />

Un pôle industriel voué à la micro-électronique était ainsi né sur la Z.I. de Rousset, dans le<br />

cadre d'une politique industrielle nationale, sur la base de capitaux publics ou semi-publics et<br />

d'un apport technologique, issu de la recherche publique (CNET) et de partenaires industriels<br />

américains. C'est par le biais des hommes, issus de la région ou venus s'y installer dans ce<br />

contexte, et qui forment déjà une petite communauté des professionnels du silicium, que de<br />

nouvelles entreprises vont voir le jour, à proximité de ce noyau initial, dans un rayon de moins<br />

2 Commissariat à l'Energie Atomique<br />

3 Centre National d'Etudes des Télécommunications, département recherche de France Télécom.


4<br />

de 10 kilomètres. Tous sont issus du site Eurotechnique-Thomson de Rousset, à une exception<br />

près d'un créateur venu de Thomson-Aix, avec par conséquent une culture différente<br />

(Testinnovation).<br />

Ce qu'il est important d'emblée de comprendre est que le marché de la micro-électronique, s'il a<br />

connu dès l'origine des trends technologique et de croissance réguliers, n'en est pas moins<br />

l'objet de fluctuations à court terme très erratiques, résultant des irrégularités de la demande<br />

combinées aux enchaînements de générations technologiques. Cette situation difficile à gérer<br />

pour les entreprises, aussi bien en termes d'investissements que d'emplois, ajoutée aux<br />

difficultés d'un décollage, dans une industrie aux conditions de concurrence sévères, et à la<br />

reprise par Thomson composants, a généré chez Eurotechnique-Thomson une succession de<br />

périodes d'euphorie et d'embauches, suivies de ralentissements et de replis, se traduisant alors<br />

par des encouragements aux départs. C'est la raison pour laquelle plusieurs ingénieurs et<br />

cadres ont décidé de créer leur propre entreprise sur des créneaux technologiques spécifiques<br />

de la filière silicium.<br />

D'autres entreprises verront le jour ou viendront s'implanter à Rousset et alentours durant cette<br />

période, faisant bénéficier le pôle d'un environnement industriel et de services, tandis que<br />

d'autres entreprises, préexistantes, développent une offre spécifique pour la micro-électronique<br />

(salles blanches, nettoyage, ...). A ce panel il faut également ajouter le développement d'une<br />

offre et d'une compétence en matière d'automatismes et de robotique, avec Cybernétix, créée<br />

à Marseille en 1985 et dont l'un des quatre axes de développement a concerné, dès l'origine, la<br />

micro-électronique.<br />

Ainsi, malgré son faible ancrage territorial, Eurotechnique-Thomson a été à l'origine d'effets<br />

d'entraînement certains, qui se sont traduits par la création de plusieurs PME, positionnées<br />

dans des créneaux spécialisés, sur la Z.I. de Rousset même ou dans ses environs immédiats<br />

(Gréasque). Mais, bien qu'ayant parfois bénéficié de la bénédiction et d'un soutien formel<br />

(aides au départ, prises de participation) ou informel de leur entreprise d'origine, ces nouveaux<br />

entrepreneurs ne se sont pour la plupart pas trouvé en situation de partenaires ou de<br />

fournisseurs privilégiés de celle-là. Ils ont dû conquérir des positions concurrentielles sur le<br />

marché national et européen sans en général pouvoir utiliser leur implantation territoriale<br />

comme tremplin pour aborder un marché global. Il n'empêche que, malgré la faiblesse du<br />

maillage, ainsi que l'a fort bien analysé Jacques Garnier (1991) 4 , leur origine commune explique<br />

sans doute la naissance d'un véritable milieu qui, plus que par des relations formelles de<br />

coopération, s'est exprimé par une sorte de solidarité entre les acteurs, notamment sur le plan<br />

technologique (réglage et adaptation de machines et équipements spécifiques).<br />

4 Jacques Garnier (1991).


5<br />

Cette dynamique de créations et d'essaimages va sembler buter, vers la fin des années 80, sur la<br />

même crise qui affecte ST Rousset, de par la reconsidération de la place de Rousset dans le<br />

nouveau groupe et de par la crise sur le marché mondial des semi-conducteurs. Alors qu'il<br />

fallait pour ces entreprises trouver les moyens de se fortifier sur un espace global, le manque de<br />

fondements territoriaux réels de ce jeune tissu, rendait de plus en plus caduque la référence<br />

locale. "La communauté des ingénieurs passés ou formés chez Eurotechnique/SGS-Thomson<br />

semble avoir perdu de son efficacité. Quelle que soit la santé, généralement bonne, de chacune<br />

des entreprises, le développement localisé de l'espace productif micro-électronique semble<br />

s'être altéré." 5 C'est à une rupture de logique que l'on va assister avec la création et le succès de<br />

Gemplus, puis avec la reprise dans les années quatre-vingt-dix.<br />

2. La création de Gemplus et la naissance d'un pôle carte-à-puce<br />

Gemplus qui est aujourd'hui le leader mondial de la carte à puce (et de la carte plastique) a été<br />

créée en Mai 1988 par une équipe d'anciens cadres de Eurotechnique-Thomson Composants,<br />

impliqués depuis 1984 dans l'activité de production de puces pour télécartes 6 . Le leader, Marc<br />

Lassus, avec été lui-même à la tête de la joint-venture Matra-Harris à Nantes, lors de sa<br />

création.<br />

La création de Gemplus doit être resituée historiquement dans le cadre du Plan Composant<br />

(Plan MOS) et relativement aux activités de France Télécom. Dans le cadre du Plan MOS,<br />

France Télécom avait reçu pour mission de s'appuyer sur le dispositif français pour ses besoins<br />

en électronique plutôt que d'aller se fournir aux Etats-Unis et, par conséquent, de confier aux<br />

sociétés en cause les designs relatifs à ses propres besoins. C'est ainsi que l'un des premiers<br />

designs confiés à Eurotechnique en 1983 a été le ET1001, c'est à dire la puce qui devait<br />

équiper la télécarte. L'objectif était un volume de production de l'ordre du million de cartes,<br />

mais on n'entrevoyait pas la croissance qu'allait connaître le marché. Les puces produites par<br />

Eurotechnique, packagées en micro-modules, sont encapsulées par Schlumberger, puis en 1985<br />

également par Solaic -Orléans- de manière pour FT à ne pas être dépendant d'un seul<br />

fournisseur.<br />

5 J.Garnier Op.Cit.<br />

6 Marc Lassus, Jean-Pierre Gloton, Daniel Le Gal, Philippe Maes, Gilles Lisimiaque


6<br />

Mais en 1987 le marché avait explosé et à la demande de FT une usine de fabrication de cartes<br />

avait été entièrement mise au point avec l'équipementier marseillais Cybernétix. Restait à<br />

trancher pour Thomson la question de savoir si cette usine allait être réalisée en interne ou en<br />

externe. La décision de retrait, suite à la fusion SGS-Thomson, a finalement été à l'origine de la<br />

création de Gemplus. Celle-ci a été rendue possible et couronnée de succès grâce à un<br />

partenariat et une relation de confiance avec France Télécom qui commande un million de<br />

télécartes à Gemplus dès sa création en Mai 1988.<br />

L'entreprise bénéficie dès l'origine d'un capital de 30 MF, constitué principalement de la<br />

participation des fondateurs, de fonds de capital-risque et d'un apport de SGS-Thomson, pour<br />

un tiers du capital environ, sous la forme de rachat de technologie. Ainsi Gemplus, créée<br />

pourtant à contre-courant de SGS-Thomson, est paradoxalement la seule entreprise qui<br />

bénéficie d'un lien aussi substantiel avec celle-ci, tant sur le plan financier, que technologique et<br />

commercial (fourniture de puces).<br />

Gemplus s'installe d'abord à Aix-en-Provence puis très rapidement sur la zone d'activités de<br />

Gémenos en 1989 et à la Ciotat en 1991, zones sur lesquelles l'entreprise bénéficie de très<br />

intéressantes incitations d'ordre fiscal en relation avec les opérations de reconversion des<br />

chantiers navals. Ce positionnement au Sud marque sur le plan spatial une volonté de se<br />

démarquer avec le pôle Silicium centré sur la Haute Vallée de l'Arc autour de SGS-Thomson,<br />

tout en gardant une réelle proximité avec celui-ci et avec Aix-en-Provence 7 . Il correspond, au<br />

plan industriel, à un positionnement aval, fortement utilisateur de circuits micro-électroniques<br />

qu'il s'agit d'incorporer dans un produit de consommation de masse. Centrée au départ sur une<br />

application unique, la télécarte, l'activité de Gemplus s'étend rapidement à un plus large<br />

éventail d'applications, amenant l'entreprise à sophistiquer ses relations avec son propre aval<br />

utilisateur et à diversifier en interne et en externe (sous-traitance, partenariat) la gamme des<br />

compétences susceptibles d'être mobilisées.<br />

C'est un véritable pôle industriel innovateur qui se construit ainsi autour de Gemplus, avec une<br />

multiplicité de sous-traitants 8 , des coopérations technologiques dans et hors de la filière du<br />

silicium, mais aussi l'apparition de petites entreprises qui vont chercher à se positionner sur le<br />

marché de la carte à puce en développant des designs ou des applications spécifiques.<br />

Dans son ensemble, le pôle micro-électronique dans les Bouches-du-Rhône s'organise en deux,<br />

voire trois pôles distincts: pôle micro-électronique à proprement parler, au Nord, pôle carte-à-<br />

7 des conventions ayant été signées en vue de la réembauche de personnels en provenance de ST-Rousset et de<br />

Thomson-Aix.<br />

8 1200 sous-traitants tous azimuts dont 400 nouvellement créés, selon les estimations de l'entreprise elle-même.


7<br />

puce au Sud et un ensemble d'équipementiers plus dispersé. Constitué à partir et autour de<br />

Gemplus ce pôle a son barycentre au sud de l'Aire Métropolitaine Marseillaise, du fait de<br />

l'implantation du leader à Gemenos et La Ciotat. Outre Gemplus, on y trouve un nombre<br />

croissant de petites entreprises, à la création desquelles le leader a souvent apporté son soutien<br />

et qui interviennent parfois comme partenaires, parfois comme concurrentes. Certaines se sont<br />

spécialisées dans des applications spécifiques comme les systèmes d'identification et de<br />

paiement (Topcard à Meyreuil) ou les bornes de ports de plaisance (Sofabodi à La Ciotat), les<br />

collectivités (GDEI à Cannes, pour les cantines scolaires)...; d'autres se sont positionnées dans<br />

des créneaux technologiques particuliers, comme les technologies sans contact (Stella à<br />

Château Gombert), le copyright électronique (Euritis à Château Gombert) ou la cryptoélectronique<br />

(Inside Technologies à Aix) ou dans des produits complémentaires, comme les<br />

lecteurs (SCM à La Ciotat et ICCMOS à Gemenos). Gemplus et une partie de ses soustraitants<br />

directs sont localisés dans le périmètre étroit de Gémenos-La Ciotat. Les autres<br />

entreprises et partenaires se répartissent dans l'ensemble de l'Aire Métropolitaine Marseillaise<br />

(Marseille, Les Miles, Meyreuil, La Ciotat, Gemenos) voire même au delà (Cannes), sansdoute<br />

plus soucieux d'une proximité avec leur clientèle que d'un effet de polarisation autour du<br />

leader.<br />

Ce pôle entretient des relations privilégiés avec le premier pôle, micro-électronique, dont il est<br />

client et avec lequel il entretient également d'importantes relations de coopération<br />

technologique. Il bénéficie également d'importantes relations avec le troisième pôle, des<br />

équipementiers, dans la mesure où ses besoins en équipements ne correspondent pas pour<br />

l'essentiel à une offre standard et nécessitent d'être développés en partenariats avec des<br />

fabricants d'automatismes et d'équipements de production (Cybernétix, Testinnovation). Il a<br />

contribué à la naissance et à la croissance des plus significatifs d'entre eux, d'origine locale.<br />

Enfin, il s'appuie sur l'ensemble de la structure économique et sociale qui l'environne et plus<br />

particulièrement à l'échelle de l'Aire Métropolitaine, du Département et de la Région.<br />

3. Proximité et globalisation:<br />

Gemplus constitue un cas d'espèce. Entreprise née avec un fort ancrage territorial et un<br />

attachement affiché de ses dirigeants pour la Provence, elle génère dans son succès les<br />

conditions de son éventuel nomadisme. Leader mondial de la carte à puce, avec 43% du<br />

marché, sa croissance et sa compétitivité passent aujourd'hui par une organisation industrielle<br />

et commerciale globale. Elle doit savoir jouer à la fois des synergies d'un déploiement<br />

international et des proximités des applications et des marchés, tout particulièrement sur les


8<br />

nouveaux marchés porteurs: Amérique et Asie. Gemplus réalise dores et déjà 87% de son<br />

chiffre d'affaires hors de France avec 52% pour la zone Europe-Moyen Orient-Afrique, 21%<br />

pour les marchés américains et 14% pour l'Asie-Pacifique. Mais ces deux dernières zones<br />

atteignent un taux de croissance annuel de respectivement 84 et 109% pour 55% de croissance<br />

globale du groupe.<br />

Aujourd'hui le déploiement mondial du groupe est effectif et continue à se renforcer, à l'image<br />

de son capital qui se veut délibérément industriel et multi-national. Gemplus est présent dans<br />

les cinq continents, avec 8 filiales européennes, des filiales aux Etats-Unis, au Canada et en<br />

Amérique Latine, une filiale à Singapour et une autre au Japon.<br />

Sur la plan de la production, les sites provençaux continuent de jouer un rôle moteur (un<br />

nouveau site de production de 6000 m² à Gémenos, nouveaux investissements de production à<br />

Gémenos et à La Ciotat). Mais l'effort d'investissement de production de Gemplus concerne<br />

aussi un rapprochement avec les deux grands marchés porteurs que sont l'Asie et les<br />

Amériques, avec l'ouverture de deux usines, l'une à Tianjin (Chine) et l'autre à Cuernavaca<br />

(Mexique). Enfin la stratégie de positionnement sur le marché américain passe par le rachat, en<br />

1994, des activités de fabrication, personnalisation et commercialisation du leader américain<br />

des cartes plastiques conventionnelles, avec ou sans pistes magnétiques, pour une valeur<br />

globale de 296,5 MF. La société mère du Groupe DataCard étant elle-même détenue à 95%<br />

par la famille Quandt, actionnaire de Gemplus.<br />

Sur le plan R&D, la nécessité d'une proximité avec les marchés d'applications a conduit<br />

Gemplus à organiser une structure mondiale de ses centres de développement. Si le coeur du<br />

dispositif réside encore dans le bipôle Gémenos-La Ciotat, Gemplus dispose désormais de<br />

centres de recherche hors de France, au contact des nouveaux grands marchés porteurs: à San<br />

Francisco, Montréal, Singapour et Bangalore (Inde).<br />

Selon Marc Lassus, la stratégie du groupe va être, à l'avenir, de conserver au siège social de<br />

Gémenos la direction stratégique et les brevets, la production et la commercialisation des<br />

produits étant confiées aux différentes filiales à travers le monde (Les Echos, 22 Avril 1997).<br />

Concernant le coeur provençal de son dispositif, Gemplus s'appuie sur un important réseau de<br />

fournisseurs et de sous-traitants (900 à 1200 entreprises, toutes activités confondues) dont<br />

certaines travaillent principalement pour elle. Elle coopère avec une multiplicité de partenaires<br />

et fournisseurs à l'émergence ou au succès desquels elle a contribué, aussi bien en amont<br />

(équipementiers), qu'en horizontal (technologies micro-électroniques et technologies carte à<br />

puce) ou qu'en aval (marchés d'applications).


9<br />

Enfin les circuits micro-électroniques encartés par Gemplus sont acquis auprès de deux ou<br />

trois fondeurs qui produisent des produits smart-card, selon des designs soit propres à<br />

Gemplus, soit partagés avec le fournisseur. Bien que ces achats ne soient par conséquent pas<br />

uniquement réalisés en local (de même que ST ou Atmel-ES2 ont d'autres clients carte-à-puce<br />

que Gemplus), il reste intéressant de noter que les achats de Gemplus équivalent aujourd'hui à<br />

30% de la capacité de production de ST Rousset et atteindraient 100% d'ici 3 à 4 ans. On<br />

comprend dès lors la formidable capacité d'entraînement par l'aval d'une firme comme Gemplus<br />

sur le pôle micro-électronique provençal.<br />

Née dans un contexte territorial fort, Gemplus a fondé sa croissance sur la mise à profit d'effets<br />

de proximité et du jeu d'interactions qu'ils autorisent comme fondement d'une dynamique<br />

d'innovation, clef du succès de l'entreprise, donnant naissance à l'amorce d'un véritable milieu<br />

innovateur.<br />

ST Rousset est bien entendu fournisseur de ce pôle, sur un segment de marché qui connaît<br />

aujourd'hui des taux de croissance considérables et un gigantesque potentiel d'applications et<br />

de marché. De 1993 à 1996, la part de l'activité du site consacrée à ces produits est passée de<br />

moins de 10% à plus de 35% du chiffre d'affaire. Sur cette ligne de produits et sur cette ligne<br />

seulement, Rousset a acquis une capacité de commercialisation en direct, pour 40 à 50% de la<br />

production, auprès de ses principaux clients: Gemplus, Schlumberger et Solaic. ST Rousset<br />

renforce ses compétences et ses capacité de design au contact avec ce pôle. Le travail sur les<br />

télécartes a ainsi été l'occasion de développer une compétence sur les mémoires non volatiles.<br />

Cette compétence s'est étendue au développement d'une activité EPROM 9 -et aujourd'hui<br />

EEPROM 10 - dans laquelle ST est devenu numéro 3 mondial. ST Rousset s'ouvre également à<br />

des compétences sur de futurs marchés porteurs, comme celui des "tags" 11 , à travers des<br />

coopérations technologiques avec Gemplus et d'autres partenaires.<br />

Pour ce qui concerne Gemplus, le rôle de la proximité dans les facteurs d'ancrage doit<br />

nécessairement être considéré au regard des questions de la globalisation. Le rapprochement<br />

avec le marché est tout à fait essentiel. Il deviendra incontournable dans la mesure où l'on va<br />

dans le sens d'une customisation, même pour ce qui concerne les grandes séries; et cela ne<br />

peut se faire en délocalisé.<br />

9 Erasable Permanent Read Only Memory (l'effaçage de la mémoire pouvant être obtenu par exposition aux<br />

rayons ultraviolets).<br />

10 Electricaly Erasable Permanent Read Only Memory (l'effaçage étant cette fois obtenu par application d'un<br />

certain niveau de différence de potentiel électrique).<br />

11 Le concept de tag, direct héritier de celui de la carte à puce, correspond à une notion d'étiquette électronique,<br />

communicante, qui devrait à terme supplanter le code-barre.


10<br />

Aujourd'hui, la micro-électronique est présente dans un nombre croissant d'équipements de<br />

notre environnement quotidien et domestique. Gemplus ouvre une nouvelle porte qui est celle<br />

de la puce jetable (voie qui a été amorcée par les calculettes et les montres). Il s'agit<br />

d'accrocher des marchés à la fois de cycle plus court et de grande série. Cela requiert une<br />

proximité du marché:<br />

.connaissance du marché<br />

.définition du besoin et traduction en solution produit<br />

.écoute des "bruits" générateurs de petites intuitions (les facteurs de différenciation essentiels à<br />

la compétitivité sur de tels marchés nécessitent du flair).<br />

En ce qui concerne l'implantation en PACA, il s'agit d'un marché de 6 millions de personnes.<br />

Sur la seule base du potentiel d'absorption d'un tel marché, on pourrait faire travailler deux fois<br />

les capacités actuelles de Rousset. A l'inverse de l'aérospatial, l'essentiel ici n'est pas d'attirer<br />

des grands donneurs d'ordres, mais des entreprises qui vont trouver des clients locaux. C'est<br />

comme cela qu'a fonctionné l'industrie et le marché japonais: en fabriquant en premier lieu pour<br />

des clients de première proximité. Ce modèle est un modèle de développement en trois<br />

phases:<br />

.première phase: satisfaire le marché local sur lequel on se stabilise et à partir duquel on<br />

effectue une montée en puissance par exportation; pour Gemplus, cette phase correspond au<br />

partenariat avec France Télécom pour la télécarte en vue du marché français puis à l'export<br />

vers l'Allemagne, l'Irlande et l'Argentine.<br />

.deuxième phase: ciblage par continent ou par grande zone géographique, avec un client leader<br />

par continent. C'est dans ce sens que s'est adaptée l'organisation actuelle de Gemplus avec des<br />

centres de recherche et d'innovation à l'étranger: Californie et tout récemment Singapour et<br />

Montréal, qui constituent autant de points d'ancrage sur les différents continents 12 .<br />

.la troisième phase est à proprement parler celle de la globalisation; elle consiste à mettre en<br />

place, sur la base de ces ancrages multiples, un réseau commercial global.<br />

12 Voir J.L.Crozel (1997).


11<br />

4. Ancrage territorial et réseaux d'innovation<br />

La logique d'innovation adoptée depuis lors par Gemplus est celle dite du Sunflower 13<br />

(tournesol):<br />

Applications<br />

Software<br />

spécifique<br />

Hardware<br />

spécifique<br />

Opérateur: Société créée en<br />

Joint venture<br />

Adicarte<br />

(gestion de soins à domicile)<br />

Carte<br />

Core Business<br />

Design<br />

Chips<br />

Technologies<br />

partenaire<br />

partenaire-fournisseur<br />

Toute application de la carte à puce s'appuie sur la conjugaison de savoirs spécifiques en<br />

matière de micro-électronique (design), de carte, de hardware et de software. Ces technologies<br />

constituent le coeur de l'organisation de Gemplus et s'appuient chaque fois que nécessaire sur<br />

des partenariats avec des entreprises qui maîtrisent les technologies spécifiques qui vont<br />

intervenir dans la réalisation du produit (combinatoire). Ainsi la conception du système de<br />

télépéage s'est appuyé sur un partenariat technologique entre Gemplus (cartes à puces) et<br />

Topcard (pour les interfaces à infrarouges), dans le cadre plus large du programme européen<br />

13 laquelle s'apparente très précisément à une logique de grappes technologiques.


12<br />

DRIVE/GAUDI. L'ensemble des opérateurs de transports de l'Aire Métropolitaine Marseillaise<br />

a apporté les conditions d'une expérimentation en vraie grandeur.<br />

L'application se développe et prend corps sous la forme d'une organisation ad'hoc, en général<br />

fondée sur un partenariat étroit avec le client leader, utilisateur pilote, par conséquent<br />

partenaire à part entière du processus d'innovation. L'exploitation opérationnelle et<br />

commerciale de l'application sera confiée, le cas échéant, à une société conjointe créée avec ce<br />

client innovateur. Ce sont souvent des start-up, généralement de petites tailles (5 à 10<br />

personnes) que Gemplus a contribué ainsi à créer et qui innervent peu à peu ce pôle innovateur<br />

en consolidation autour de la carte à puce. Ex: GDEI, cartes pour cantines scolaires (Cannes),<br />

Sofabodi (La Ciotat) pour les bornes d'accès...<br />

Selon ce schéma, la stratégie de Gemplus consiste à aller vers l'aval, vers le marché, afin de<br />

"flairer" les applications potentielles porteuses.<br />

Dans ce sens, une acquisition de technologie nouvelle résulte d'une intuition - anticipation des<br />

applications possibles à moyen terme, donc d'une vision du marché à 1, 3, 5 ans. Le stock de<br />

technologies disponibles (partenariats, achats,...) est par définition mondial (y compris au plan<br />

de l'organisation interne Gemplus - 160 ingénieurs RD- où les ressources technologiques sont<br />

nécessairement gérées globalement). Cela suppose une fonction de veille technologique apte<br />

à une mission de détection, veille qui peut se faire soit en mode passif (observation, repérage),<br />

soit en mode pro-actif (susciter quelque chose chez un partenaire possible).<br />

Au delà encore, le renouvellement des concepts de produits de Gemplus, sur la base de son<br />

potentiel technologique propre peut conduire à terme à la future création de nouvelles fleurs<br />

dont chacune des applications constitueront les propres pétales. Exemple: les tags: étiquettes<br />

électroniques, répondent à un besoin de traçabilité. Développé initialement pour Air Liquide<br />

pour la traçabilité de ses bouteilles, puis transformé en véritable étiquette électronique,<br />

communicante à 40 cm. Ce nouveau produit suppose un effort important pour faire tomber le<br />

coût de production, en dessous de la barre des 20 centimes, ouvrant ainsi le marché au<br />

potentiel des codes-barres (4 à 5 milliards consommés par jour...). Il sera possible alors<br />

d'ouvrir une nouvelle fleur spécifique.<br />

La stratégie de partenariat et de veille (passive et surtout pro-active) menée par Gemplus en<br />

vue d'une croissance fondée sur le renouvellement et l'élargissement de la gamme des<br />

applications est par définition globale, à l'échelle du stock existant et potentiel de technologies<br />

considéré.


13<br />

Il n'empêche que les effets de proximité jouent dans un sens positif (connaissance-identification<br />

et communication), dans le cadre du pôle provençal de micro-électronique, aussi bien dans la<br />

réalisation d'une catégorie de produits-applications, que dans le cadre d'une veille pro-active.<br />

Ici, le rôle du CREMSI 14 peut être extrêmement important dans le sens de susciter des pistes<br />

de RD à des partenaires du réseau<br />

.<br />

a.dans le core-business<br />

Les technologies en cause autour des cartes à puce relèvent de quatre dimensions essentielles<br />

que sont:<br />

1. la mémorisation<br />

2. le "raisonnement": systèmes de calcul- décisions, cryptographie,...<br />

3. la communication<br />

4. l'appréhension de l'environnement par micro-capteurs et micro-senseurs.<br />

Si les deux premières sont en bonne partie maîtrisées, il n'en va pas de même des deux<br />

dernières qui sont en chantier. Ainsi: que peut proposer IBS (Gréasque) sur la base de<br />

technologies d'implantation ionique en vue de réaliser une antenne de communication intégrée<br />

à la puce, pour faire de la communication à distance? Si le partenaire local est capable de<br />

proposer le premier une technologie performante, il devient partenaire et fournisseur de la ligne<br />

de production qui en résultera.<br />

La pérennité de la présence de Gemplus et du tissu qui gravite autour, en Provence, dépendra<br />

de la capacité du tissu local à fournir une part minimale de ces "briques" constitutives des<br />

futurs produits de Gemplus.<br />

b. dans les pétales<br />

La différenciation local-non local résulte avant tout du marché: ainsi pour Adicarte, le marché<br />

c'est le département; au delà la logique de marché sera française puis s'élargira à l'international.<br />

L'important est de bien détecter la cible, d'où l'intérêt de travailler avec des partenaires en local.<br />

La proximité est indispensable à la réalisation de ce schéma; mais la stratégie de déploiement<br />

de Gemplus à proximité des marchés, fait que pour Gemplus, la proximité est mondiale: il s'agit<br />

d'être implanté un peu partout pour savoir ce qui va émerger (avec une dominante pro-active<br />

pour l'Europe), pour comprendre ce que veut le client local. Cela suppose donc une structure<br />

d'organisation qui aille plus loin que le déploiement commercial au sens strict.<br />

14 Centre Régional d'Etudes de la Microélectronique du Silicium, réseau fondé à l'initiative de la Commune de<br />

Rousset, du Conseil Régional et de Conseil Général, en 1993, en vue de mobiliser l'ensemble des acteurs locaux<br />

de la filière silicium et de construire un ancrage dont l'absence avait été mise en évidence lors de la menace de<br />

départ de SGS-Thomson du site de Rousset.


14<br />

Ainsi, Gemplus leader mondial sur le marché de la carte-à-mémoire, anime en Provence un<br />

tissu très actif de PME aux services desquelles il fait appel. Aux effets d'entraînement interindustriels<br />

s'ajoutent les effets de type "réseaux d'innovation" qui sont sans doute les meilleurs<br />

garants d'une dynamique de moyen-long terme. Et la présence de petites entreprises qui, de<br />

partenaires, sont passées dans le rôle de compétiteurs (Topcard, Stella, ...) est sans doute un<br />

indicateur de la capacité du pôle à engendrer une dynamique d'activité qui déborde la sphère<br />

d'influence directe du leader. C'est sans aucun doute un signe de "bonne santé" du tissu.<br />

La question des effets d'entraînement par l'aval est, un facteur important de la consolidation du<br />

tissu industriel et technologique de la micro-électronique dans l'Aire Métropolitaine<br />

Marseillaise. Le pôle carte-à-puce est un acteur majeur de cette logique, comme l'informatique<br />

communicante commence à l'être pour le pôle grenoblois. Mais son ancrage sur le long terme<br />

n'est pas à l'abri de futurs bouleversements. Concernant Gemplus, l'ancrage de l'entreprise dans<br />

le pôle provençal constitue une réalité paradoxale, dans la mesure où la croissance de la firme<br />

suppose d'organiser une proximité avec les utilisations de par le monde et les grands marchés<br />

porteurs sont américains et asiatiques. Plus largement la croissance de la micro-électronique est<br />

désormais fondée sur l'élargissement du domaine des applications. Cette dynamique profite<br />

commodément sur des effets de proximité géographique qui favorisent l'interaction entre<br />

spécialistes. La présence d'autres avals utilisateurs constituerait un facteur d'ancrage<br />

stratégique pour le pôle micro-électronique et il est donc nécessaire ici d'élargir le<br />

raisonnement au delà d'une politique de stricte filière.<br />

Conclusion<br />

Ainsi le cas de Gemplus nous offre-t-il l'exemple d'une entreprise, née dans un fort contexte<br />

territorial et dont la dynamique de développement et de croissance conduit à se distancier du<br />

territoire en même temps que de s'en rapprocher d'autres, au sein d'une organisation globale.<br />

Divers enseignements nous paraissent devoir en être tirés.<br />

En premier lieu, le cas présenté fournit une excellente illustration de la distinction qui doit être<br />

introduite entre le nomadisme 15 des activités industrielles et technologiques, d'une part, et le<br />

phénomène des délocalisations d'entreprises et d'établissements 16 , d'autre part, qui correspond<br />

typiquement quant à lui à la recherche d'économies en termes de coûts de production (le plus<br />

couramment coûts de la main d'œuvre) relativement à une fonction de production prédéfinie et<br />

inchangée (à des effets de substituabilité des facteurs près). Tandis que ce dernier joue la<br />

15 Voir Colletis, Gilly, Pecqueur, Perrat, Zimmermann (1997)<br />

16 Voir Arthuis (1993)


15<br />

concurrence des territoires sur des facteurs génériques, le nomadisme de l'entreprise, au<br />

contraire, s'inscrit dans le cadre d'une architecture organisationnelle globale de l'entreprise et<br />

tend à capter, au sein des territoires, les ressources spécifiques sur lesquelles elle fondera sa<br />

compétitivité. Et, dans une optique dynamique, l'ancrage territorial de la firme deviendra une<br />

réalité dès lors que celle-ci passera d'une logique de "prédation" 17 à une logique de coconstruction,<br />

avec le territoire, de telles ressources.<br />

En deuxième lieu, on comprend que la globalisation de l'entreprise, condition nécessaire du<br />

maintien de sa compétitivité ne signifie pas un retrait de tout engagement territorial. Bien au<br />

contraire, l'entreprise entend s'appuyer sur la proximité géographique avec des marchés<br />

fortement différenciés pour en identifier les spécificités, formuler les problèmes productifs<br />

résultants et envisager les ressources technologiques nécessaires à leur résolution. On rejoint<br />

ici l'idée que la globalisation ne peut en aucun cas être identifiée à une homogénéisation de<br />

l'industrie et des marchés sur un espace planétaire indifférencié, mais "répond désormais à une<br />

combinaison complexe de critères tenant aux marchés, aux conditions de production,, aux<br />

capacités de production et d'acquisition de technologies" 18 .<br />

Ce mode d'organisation constitue, en troisième lieu, une présence territoriale forte, dans le sens<br />

d'une articulation avec l'aval, qui, en ce qui concerne la micro-électronique, constitue une<br />

dimension stratégique de croissance et d'innovation. Dans le cas de Gemplus, cette articulation<br />

suppose non seulement de créer et d'entretenir des relations avec les grands donneurs d'ordre<br />

sur les marchés porteurs (carte téléphonique, carte bancaire, ...). Elle nécessite également,<br />

comme nous l'avons dit, de s'appuyer sur une proximité géographique avec les marchés, sur un<br />

plan tout à la fois sociologique, culturel ... , mais aussi de par la capacité qu'une telle proximité<br />

autorise de réaliser des expérimentations en vraie grandeur avec des utilisateurs pilotes,<br />

desquelles découlent de nouvelles applications, de nouveaux marchés. Reste qu'une telle<br />

dynamique d'innovation suppose également la formulation et la résolution de problèmes<br />

productifs nouveaux, mobilisant des compétences technologiques renouvelées et spécifiques.<br />

Ici, pour Gemplus, il ne peut y avoir d'a priori territorial irrémédiable et le réservoir de<br />

compétences est mondial, la proximité s'inscrit avant tout sur le plan organisationnel 19 . Mais la<br />

proximité géographique, si elle n'est pas requise, favorise l'interaction entre spécialistes avant<br />

même la formulation effective d'un problème productif inédit 20 , générant ainsi un ancrage<br />

territorial fondé sur une dynamique d'innovation 21 . Ainsi, Micropolish, SGS-Thomson et<br />

17 Perrat (1995)<br />

18 Delapierre et Milelli (1993)<br />

19 Sur la distinction entre proximité géographique et proximité organisationnelle, voir Bellet, Colletis et Lung<br />

(1993).<br />

20 Colletis et Pecqueur (1995).<br />

21 Zimmermann J.B. (Sous la coordination de) (1995).


16<br />

Gemplus ont initié un partenariat technologique tripartite consacré à des problèmes<br />

d'amincissement de plaquettes, dans le cadre du développement des tags 22 . Mais l'ancrage<br />

territorial n'est jamais définitivement acquis et la firme qui en se déployant a acquis un<br />

caractère "allogène", c'est-à-dire a disjoint sa logique de fonctionnement de celle du territoire 23 ,<br />

est toujours susceptible de faire usage de son nomadisme et de se désengager du territoire qui<br />

l'a vu naître et se développer.<br />

Bibliographie:<br />

Arthuis J. (1993), "Les délocalisations en France", Editions d'Organisation, Paris<br />

Bellet M., Colletis G. et Lung Y. (1993) , "Economie de proximités", Numéro Spécial, Revue d'Economie<br />

Régionale et Urbain, N°3.<br />

Colletis G; Gilly J.P., Pecqueur B., Perrat J. et Zimmermann J.B. (1997), "Firmes et territoires: entre<br />

nomadisme et ancrage", Espaces et Sociétés, Numéro Spécial "Entreprise et territoire", N° 88/89, 1997.<br />

Colletis G. et Pecqueur B. (1995), "Politiques technologiques locales et création de ressources spécifiques" in<br />

A.Rallet et A.Torre (Eds.) (1995)<br />

Crozel J.L. (1997), "Recherche: Gemplus joue la carte de la proximité", La Provence 1 er Octobre.<br />

Delapierre M. et Milelli C. (1993) "Les firmes multinationales - des entreprises au cœur d'industries<br />

mondialisées", Vuibert, Géographie Economique.<br />

Garnier J. (1991), "Hautes technologies dans le pays d'Aix-en-Provence", rapport LEST, Ville d'Aix-en-<br />

Provence.<br />

Perrat J. (1995), "Mondialisation des groupes industriels, gestion de l'innovation et ancrage territorial -<br />

Péchiney et Rhône Poulenc en Rhône-Alpes"-, Rapport PPSH 118, ADEES Rhône-Alpes, Lyon, Janvier<br />

Rallet A. et Torre A. (.Eds.) (1995) "Economie industrielle et Economie spatiale", Economica.<br />

Zimmermann J.B. (1995), "Dynamiques industrielles: le paradoxe du local", in A.Rallet et A.Torre (Eds.)<br />

(1995).<br />

Zimmermann J.B. (Sous la coordination de) (1995), "L'ancrage territorial des activités industrielles et<br />

technologiques - une approche méthodologique", Rapport final, Convention d'étude 2394 du Commissariat<br />

Général du Plan, Juillet.<br />

Zimmermann J.B. (1998), "Nomadisme et ancrage territorial: propositions méthodologiques pour l'analyse des<br />

relations firmes-territoires", Revue d'Economie Régionale et Urbaine, N°1998-2, Avril.<br />

22 L'amincissement des plaquettes permet de réduire les contraintes mécaniques qui s'imposent aux wafers. Par<br />

conséquent, au lieu de fragiliser les circuits, il permet de leur conférer la souplesse nécessaire à leur intégration<br />

dans des tags.<br />

23 Dans ce sens on pourrait considérer qu'une firme devient allogène dès lors que disparaît, dans son mode de<br />

fonctionnement, le primat de la proximité géographique sur la proximité organisationnelle qui est, par<br />

définition, a-spatiale.


17<br />

Résumé:<br />

Les stratégies d'attractivité mises en œuvre par les territoires pour attirer des investissements<br />

productifs en quête de localisation induisent une distinction entre deux types d'investissements<br />

selon leur origine, endogène ou non. Toute firme étant née dans un contexte territorial donné,<br />

parler de firme "allogène" suppose qu'à un moment donné de son histoire, l'entreprise ait été<br />

conduite à prendre des distances avec ce territoire d'origine, pour initier un déploiement spatial<br />

élargi. Ce phénomène constitue un des aspects majeurs de la globalisation. L'exemple de<br />

Gemplus Card, présenté ici, est celui d'une entreprise née dans un contexte territorial fort. Son<br />

succès et sa croissance rapide l'ont amenée à définir une stratégie de développement global, à<br />

l'échelle mondiale, donc à se distancier de son territoire d'origine, en même temps que de se<br />

rapprocher d'autres territoires, sur d'autres continents. La pérennité de son ancrage initial<br />

dépendra de la capacité du tissu territorial à contribuer à la dynamique de l'innovation dans<br />

laquelle est engagée l'entreprise.<br />

Abstract:<br />

Territorial strategies oriented to <strong>the</strong> attraction of productive investments in search of<br />

localisation induce <strong>the</strong> distinction between to types of investments according to <strong>the</strong>ir<br />

endogenous or not origin. All <strong>the</strong> firms are born in a territorial context, <strong>the</strong>n qualify an<br />

enterprise as "allogenous" infers that, at a given moment of its history, such a firm has been led<br />

to grow apart from this territory of origin, in order to initiate an enlarged spatial spreading out.<br />

This phenomenon represents one of <strong>the</strong> major aspects of globalisation process. The Gemplus<br />

Card case, that is exposed in this paper, is <strong>the</strong> one of an enterprise born is a very actual<br />

territorial context. Its success and its rapid growth have pushed it to define a global<br />

development strategy, at a world level, <strong>the</strong>n to take distances with its territory of origin, while<br />

drawing closer to o<strong>the</strong>r territories, in o<strong>the</strong>r continents. Perpetuation of its initial territorial links<br />

would depend from <strong>the</strong> ability of <strong>the</strong> territorial fabric to contribute to <strong>the</strong> dynamics of<br />

innovation Gemplus is engaged in.<br />

Classification JEL: L23, L63, O18, R3, R58<br />

Keywords: Proximity, Entreprise, Industry, Territory, Globalisation, Territorial Anchoring,<br />

Nomadism, Microelectronics, Smart-card.<br />

Mots-clefs: Proximité, Entreprise, Industrie, Territoire, Globalisation, Ancrage Territorial,<br />

Nomadisme, Micro-électronique, Carte-à-puce.

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