Grave acciDent à Delmas ! - Haiti Liberte
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L’université Henry Christophe est un acte de réparation<br />
pour les victimes du massacre de 1937<br />
Par Joël Léon<br />
L<br />
’inauguration du campus universitaire<br />
Henry Christophe dans la<br />
localité de Limonade, dans le département<br />
du nord, suscite beaucoup de<br />
controverses. Pour certains, il s’agit<br />
d’un acte humanitaire désintéressé de<br />
l’Etat Dominicain <strong>à</strong> celui d’Haïti qui se<br />
trouve en grandes difficultés après le<br />
séisme meurtrier qui ravagea le pays<br />
en 2010, dont nous venons de commémorer<br />
les deux ans. Pour eux, cette action<br />
se situe dans la logique d’échange<br />
et de solidarité sud/sud qui, ces derniers<br />
temps est sur toutes les lèvres en<br />
Haïti. Pour d’autres, il s’agit tout simplement<br />
d’un acte d’humiliation de la<br />
part de la République Dominicaine. Ils<br />
le qualifient « d’université de la honte<br />
». En réalité, de quoi s’agit il ?<br />
L’animosité de la république<br />
Dominicaine <strong>à</strong> l’endroit d’Haïti est<br />
largement documentée. Des livres ont<br />
été publiés <strong>à</strong> ce propos, des documentaires<br />
ont été montés, des centaines<br />
d’articles publiés et des centaines de<br />
reportages qui décrivent les relations<br />
dégradantes entre les deux pays. Personnellement,<br />
c’est un sujet qui m’a<br />
toujours fasciné. J’ai déj<strong>à</strong> produit plus<br />
de 4 textes sur le sujet, sans compter<br />
les interventions publiques, radiophoniques<br />
et discussions sur le web.<br />
Donc, j’ai une certaine maîtrise en ce<br />
domaine.<br />
D’abord il y a les rancoeurs historiques<br />
qui aveuglent l’élite intellectuelle<br />
Dominicaine. En 1822, Jean Pierre<br />
Boyer, le nouveau président d’Haïti,<br />
envahit et occupa la partie Est de l’Ile,<br />
sur la demande expresse des habitants<br />
de la partie Est de l’île, jusqu’<strong>à</strong><br />
son départ en 1843. A noter que cette<br />
occupation a eu lieu sans le tir d’un<br />
coup de feu. Cela dit qu’un secteur<br />
dominant de la vie publique dominicaine<br />
voulait la présence haïtienne sur<br />
leur territoire. Pendant ces 21 ans, les<br />
universités en Dominicaine furent fermées<br />
et un climat de répression avait<br />
été entretenu dans le pays. Les intellectuels<br />
dominicains, toutes tendances<br />
confondues, ont unanimement qualifié<br />
ce règne d’obscurantiste et d’« années<br />
perdues ». Aujourd’hui encore, beaucoup<br />
pensent que si ce n’était <strong>à</strong> cause<br />
de ces années-l<strong>à</strong>, la Dominicaine aurait<br />
pu avoir un meilleur présent. Cette interprétation<br />
de l’histoire est répandue<br />
constamment dans les écoles dominicaines,<br />
<strong>à</strong> savoir que les Haïtiens sont<br />
des obscurantistes. Cette haine implacable<br />
est transmise de génération en<br />
génération.<br />
Rafael Léonidas Trujillo (1),<br />
l’ancien dictateur dominicain, se basa<br />
sur cette rancœur historique pour<br />
massacrer plus de 35.000 haïtiens<br />
en 1937. Beaucoup de compatriotes<br />
haïtiens pensent et, <strong>à</strong> juste titre, que la<br />
construction de ce centre universitaire<br />
est un acte de réparation et de justice <strong>à</strong><br />
l’endroit des frères et sœurs assassinés<br />
lors de ce carnage. Et, ils croient fermement<br />
que l’université devrait porter<br />
un nom approprié aux victimes du<br />
génocide, surtout lorsqu’on considère<br />
que l’accord de réparation conclu entre<br />
les gouvernements haïtien et dominicain,<br />
sous l’œil bienveillant du président<br />
américain Franklin D. Roosevelt,<br />
pour que Trujillo verse 750.000 dollars<br />
aux parents des victimes, n’a jamais<br />
été honoré. Donc, la construction de<br />
l’université Henry Christophe n’est pas<br />
un acte humanitaire, mais une dette<br />
historique <strong>à</strong> l’endroit du peuple haïtien.<br />
Il y a un autre aspect dans le<br />
geste du président Leonel Fernandez<br />
qui mérite d’être pris en compte. On se<br />
souvient du débarquement des soldats<br />
français dans le nord du pays, particulièrement<br />
au Cap-Haïtien. Cette ville<br />
martyre et de grande prouesse, qui<br />
poussa Rochambeau <strong>à</strong> répondre aux<br />
critiques de Napoléon, s’agissant de<br />
l’armée Indigène, qu’il était en train de<br />
faire la guerre au groupe le plus supérieur<br />
de l’Afrique noire. En traversant<br />
« Barrière bouteille » en 2004, l’armée<br />
française comptait altérer l’histoire. Effacer<br />
la cinglante défaite qu’elle avait<br />
subie 200 ans de cela. Les Américains<br />
font de même <strong>à</strong> propos de la guerre<br />
contre le Vietnam. A travers des films<br />
cinématographiques comme Rambo<br />
etc. Ils veulent endiguer le spectre<br />
de la défaite qui traumatise toujours<br />
l’armée américaine. C’est ce que Pierre<br />
Bourdieu a qualifié de « violence<br />
symbolique ». Une disposition <strong>à</strong> faire<br />
passer l’arbitraire comme légitime, la<br />
laideur pour de la beauté.<br />
Par l’octroi d’un centre universitaire,<br />
les Dominicains entendent prendre<br />
leur revanche sur l’histoire. Ils veulent<br />
exhiber <strong>à</strong> la face du monde leurs<br />
supériorités de peuple et de race. Parce<br />
qu’il y a tant d’autres domaines où les<br />
Dominicains peuvent aider, pourquoi<br />
un centre universitaire ?<br />
Je pense que Jacques Stephen<br />
Alexis, l’auteur de « Compère Général<br />
Soleil » serait d’accord avec moi dans<br />
ma tentative de déceler la signification<br />
du geste de l’Etat dominicain.<br />
Ceux qui pensent que le don de<br />
l’université Henry Christophe <strong>à</strong> Haïti<br />
est un geste innocent doivent se rappeler<br />
d’une chose. Depuis la dernière<br />
tentative de Faustin Soulouque en<br />
1858 de reprendre sous contrôle la<br />
partie Est de l’Ile, Haïti n’a jamais commis<br />
aucun acte d’hostilité vis-<strong>à</strong>-vis des<br />
Dominicains. De leur côté, ils ne cessent<br />
de comploter contre les Haïtiens.<br />
A commencer par le tracé frontalier<br />
de 1919, qui accorda les deux tiers<br />
de l’Ile aux Dominicains au détriment<br />
des Haïtiens. Les Américains furent les<br />
artisans de ce traité soi-disant inspiré<br />
de celui de Ryswick de 1697. A cette<br />
époque les deux états qui composent<br />
l’Ile subissaient l’occupation américaine.<br />
Donc, ce traité est invalide du<br />
fait de l’influence d’un corps étranger<br />
dans l’affaire, c’est-<strong>à</strong>-dire le président<br />
américain de l’époque. Aujourd’hui<br />
même, l’Ile doit être séparée en deux<br />
moitiés égales, point barre!<br />
En ce sens, si Leonel Fernandez<br />
veut inaugurer une nouvelle ère dans<br />
les relations entre les deux pays, il doit<br />
nécessairement poser des actions concrètes<br />
en ce sens :<br />
Entrer en négociation avec les<br />
autorités constituées de l’Etat haïtien<br />
pour un nouveau tracé frontalier, celui<br />
de 1919 ayant été défavorable <strong>à</strong> la<br />
partie haïtienne. Celui imposé par les<br />
L’université Henry Christophe don de la république Dominicaine <strong>à</strong> Haïti<br />
Américains est injuste et ne reflète pas<br />
les intérêts des deux peuples.<br />
Déclarer la boucherie de 1937<br />
un génocide et entreprendre le processus<br />
de réparation financière <strong>à</strong> raison de<br />
1 million de dollars par victime, sous<br />
contrôle d’organisations liées aux intérêts<br />
des masses populaires.<br />
Mettre fin <strong>à</strong> la campagne raciste<br />
contre Haïti que les intellectuels et médias<br />
dominicains agitent froidement en<br />
Dominicaine et du même coup dénoncer<br />
le livre de Joaquin Balaguer « L’île<br />
<strong>à</strong> l’envers » comme un instrument raciste<br />
d’incitation <strong>à</strong> la haine épidermique.<br />
Demander pardon au peuple<br />
haïtien. De la même façon que l’église<br />
Catholique a imploré le pardon des Africains<br />
pour sa participation dans la<br />
traite négrière et aux Juifs <strong>à</strong> cause de<br />
leur silence complice pendant le génocide<br />
nazi durant la deuxième guerre<br />
mondiale. Ce sera justice rendue !<br />
Octroyer la nationalité dominicaine<br />
aux Haïtiens qui sont nés sur le<br />
territoire dominicain et qui désirent<br />
l’acquérir. Entreprendre une campagne<br />
d’éducation civique contre la xénophobie<br />
sur tout le territoire national<br />
pendant 3 ans tout en admettant leur<br />
culpabilité.<br />
Mettre fin <strong>à</strong> la politique de déstabilisation<br />
politique, économique et<br />
culturelle d’Haïti. Depuis 1986, l’Etat<br />
dominicain participe <strong>à</strong> tout mouvement<br />
réactionnaire, anti-haïtien de<br />
déstabilisation mis en place par des<br />
« haitiens-étrangers » assoiffés de pouvoir.<br />
Comme illustration, on peut citer<br />
les deux coups d’état de 1991 et de<br />
2004.<br />
Aux nantis du pays qui préfèrent<br />
dépenser des millions de dollars pour<br />
envoyer leurs enfants étudier dans les<br />
grandes capitales occidentales, nous<br />
disons : honte <strong>à</strong> vous ! C’est aussi le<br />
moment pour que les bourgeois haïtiens<br />
prennent conscience de leur mission<br />
historique de classe. C›est-<strong>à</strong>-dire,<br />
doter le pays d’infrastructures adéquates,<br />
assurant la haute valeur éducative<br />
et la dignité du « premier épître<br />
nègre indépendant du monde ».<br />
En terme de conclusion, le don<br />
de l’université Henry Christophe est<br />
une honte nationale, mais un outil<br />
utile <strong>à</strong> la nation !<br />
Notes<br />
Joaquin Balaguer, ancien président<br />
dominicain eut a écrire « l’île <strong>à</strong><br />
l’envers », un livre très controversé<br />
mais illustrant clairement la haine nationale.<br />
Ce bouquin fut pendant longtemps<br />
la « Bible » d’une grande partie<br />
de l’intelligentsia dominicaine qui<br />
l’utilisa <strong>à</strong> des gains racistes et politiciens.<br />
Deux ans après le séisme, <strong>à</strong> quand la reconstruction d’Haïti ?<br />
Par Thomas Péralte<br />
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Deux années sont bel et bien passées<br />
depuis le passage du violent tremblement<br />
de terre qui a frappé le pays,<br />
faisant toute une quantité de morts que<br />
mêmes les autorités de l’Etat mieux<br />
placées que quiconque n’arrivent<br />
jusqu’ici pas <strong>à</strong> chiffrer de manière raisonnable.<br />
Mais on est tous plus ou<br />
moins d’accord que le nombre de disparus<br />
dépasse largement les 300.000.<br />
En dépit des promesses des pays<br />
amis, les séquelles de la tragédie pèsent<br />
encore lourdement sur les épaules des<br />
milliers de sans-abri qui se sont réfugiés<br />
dans des campements de fortune<br />
depuis le soir du 12 janvier 2010.<br />
L’apparition surprise de la catastrophe<br />
du 12 janvier 2010, sans précédent<br />
si on se réfère <strong>à</strong> ceux qui n’ont pas<br />
notre âge bien entendu, avait suscité,<br />
reconnaissons-le, un élan considérable<br />
de solidarité fraternelle des pays étrangers<br />
envers cette terre touchée par l’une<br />
des plus graves catastrophes naturelles.<br />
De toute notre histoire de peuple, on n’a<br />
jamais vu cette quantité innombrable<br />
de pays dits amis ou d’autres animés<br />
par le sentiment de compassion, manifester<br />
autant de volonté, d’engouement<br />
<strong>à</strong> fouler le sol national en vue de nous<br />
apporter leur soutien et leur sympathie.<br />
12 janvier 2010 aurait dû être la<br />
plus favorable des occasions pour un<br />
vrai redémarrage de la barque nationale<br />
trop longtemps amarrée dans ce<br />
marécage <strong>à</strong> la fois boueux et puant.<br />
Ç’aurait dû être l’année du renouveau<br />
haïtien, d’une nouvelle naissance de la<br />
mère patrie où tout allait être repensé<br />
si et seulement si, nous avions compris<br />
la nécessité de profiter de l’opportunité<br />
déposée au seuil de notre porte.<br />
Deux ans après le séisme, on est<br />
en droit de se demander où est passé<br />
l’argent collecté par les bailleurs de<br />
fonds pour la reconstruction d’Haïti et<br />
quand les victimes auront <strong>à</strong> sortir sous<br />
des tentes ? Des questions qui restent<br />
pourtant pendantes. Qu’est ce qui est <strong>à</strong><br />
la base de toute cette lenteur enregistrée<br />
dans le processus de reconstruction<br />
? Peu après le séisme, le gouvernement<br />
Préval-Bellerive, dépassé par les dégâts<br />
apocalyptiques avait décrété la période<br />
dite de l’urgence qui rimait avec les<br />
différentes sortes de distributions <strong>à</strong> la<br />
population victime déplacée, vers des<br />
camps d’hébergement. Tout au long<br />
de cette période la liste des ONG qui<br />
assuraient des distributions d’aide aux<br />
victimes passait de 4000 <strong>à</strong> 10.000 sur<br />
le terrain en 2010 selon l’ex-Premier<br />
ministre, Jean Max Bellerive, lors d’un<br />
point de presse.<br />
Passée la période d’urgence, le<br />
gouvernement avait procédé <strong>à</strong> la création<br />
d’une commission devant recueillir<br />
les fonds de la reconstruction. Telle a été<br />
la mission de la Commission Intérimaire<br />
pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH),<br />
coprésidée par Jean Max Bellerive et<br />
l’ancien président des Etats-Unis, Bill<br />
Clinton. Deux ans après le séisme,<br />
l’évidence s’impose ici en ce qui a trait<br />
<strong>à</strong> l’échec cuisant de cette mascarade de<br />
commission formée de toutes pièces par<br />
des étrangers qui n’ont absolument rien<br />
<strong>à</strong> voir avec la réalité haïtienne et qui<br />
ont, dans la foulée, transformé Haïti en<br />
une République d’ONG où pullulent des<br />
succursales par-ci et par-l<strong>à</strong> pour mieux<br />
blanchir les fonds alloués <strong>à</strong> l’origine <strong>à</strong><br />
ce qui devraient être de véritables projets<br />
de reconstruction en faveur des<br />
victimes<br />
Bénies par le laxisme des autorités<br />
haïtiennes, les organisations internationales<br />
donnent libre cours <strong>à</strong> ce que<br />
bon leur semble, galvaudant des fonds<br />
pour lesquels elles n’auront aucun<br />
compte <strong>à</strong> rendre, puisque l’Etat haïtien<br />
Campus Universitaire dont les clés ont été remises officiellement au<br />
gouvernement haïtien ce 12 janvier 2012, lors d’une cérémonie inaugurale<br />
n’a aucun pouvoir de contrôler sur les<br />
folles dépenses qui ne riment en fin de<br />
compte qu’<strong>à</strong> des constructions d’abris<br />
de misère qui ne font que rabaisser les<br />
victimes du tremblement de terre. Un<br />
affront sans précédent <strong>à</strong> la mère patrie,<br />
<strong>à</strong> toute la population haïtienne trop<br />
longtemps soucieuse de mener une vie<br />
décence. Il n’y a donc « aucune preuve<br />
de transparence dans ce que font les<br />
ONG sur le terrain. Elles mettent en<br />
œuvre des projets qui n’ont pas été élaborés<br />
avec la participation des victimes<br />
» selon le Réseau National de défense<br />
des Droits Humains (RNDDH) au cours<br />
d’une conférence de presse sur les deux<br />
ans du séisme.<br />
En 2012, le cri de la population<br />
victime est encore très douloureux<br />
compte tenu du peu de service obtenu<br />
dans le cadre de l’assistance post-sismique.<br />
Plus de quatre (4) milliards de<br />
dollars ont pourtant été décaissés en<br />
ce sens par la Communauté Internationale.<br />
Qu’est-ce qu’on a vraiment réalisé<br />
avec cet argent ?<br />
En 2010, le gouvernement Préval-Bellerive<br />
avait commandé des<br />
tentes et des bâches en plastique pour<br />
mieux disait-on aider les déplacés <strong>à</strong><br />
faire face <strong>à</strong> la saison pluvieuse, il n’y<br />
avait jamais eu une vraie politique de<br />
création de logements sociaux en vue<br />
de permettre <strong>à</strong> ces milliers de sans-abri<br />
de rentrer dignement dans leurs quartiers<br />
d’origine. Hormis le ramassage<br />
des débris dans des sites écrabouillés<br />
sous le poids du séisme, 50 millions<br />
de dollars avaient été déj<strong>à</strong> décaissés du<br />
Trésor public pour entamer les travaux<br />
de reconstruction dans la zone du Fort<br />
Suite <strong>à</strong> la page (14)<br />
4<br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 5, No. 27 • Du 18 au 24 Janvier 2012