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découvrez le monde de victoria, 10 ans et de justin, 13 ans

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L I T T É R A T U R E<br />

Françoise Lalan<strong>de</strong> a mis l’écriture au centre <strong>de</strong> sa vie. Pour comprendre la dou<strong>le</strong>ur. La sienne <strong>et</strong> cel<strong>le</strong> <strong>de</strong>s autres. El<strong>le</strong><br />

écrit, entre autres, sur <strong>le</strong>s artistes, <strong>le</strong>s marginaux, <strong>le</strong>s s<strong>ans</strong> voix. D<strong>ans</strong> Sentiments inavouab<strong>le</strong>s, el<strong>le</strong> raconte la vie <strong>et</strong> <strong>le</strong>s <strong>de</strong>rnières<br />

années d’une femme juive qui a traversé tout <strong>le</strong> vingtième sièc<strong>le</strong>. Une femme qui pourrait être toutes <strong>le</strong>s femmes.<br />

Quand avez-vous commencé à écrire ? J’ai été une p<strong>et</strong>ite fil<strong>le</strong> si<strong>le</strong>ncieuse qui aimait<br />

sa solitu<strong>de</strong>. Je la comblais par <strong>de</strong>s histoires que j’inventais <strong>et</strong> dont, bien sûr, j’étais<br />

<strong>le</strong> personnage central. Je me souviens que je reprenais s<strong>ans</strong> cesse la même histoire <strong>et</strong><br />

que j’y ajoutais <strong>de</strong>s détails, que j’en supprimais <strong>de</strong>s péripéties. Tout cela d<strong>ans</strong> ma tête.<br />

N’était-ce pas déjà écrire ? Ensuite, je me vois toute jeune, sachant tenir une plume, en<br />

train d’écrire <strong>de</strong>s histoires d<strong>ans</strong> un cahier quadrillé. J’ai <strong>le</strong> souvenir que ces histoires<br />

<strong>de</strong>uxième pério<strong>de</strong> étaient moins audacieuses que <strong>le</strong>s premières.<br />

Vous avez mené une carrière professionnel<strong>le</strong> en même temps que cel<strong>le</strong> d’écrivaine,<br />

comment avez-vous allié <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux ? Je suis une privilégiée car j’ai été professeur<br />

<strong>de</strong> passion. Enseigner à <strong>de</strong>s jeunes la littérature <strong>de</strong> l’intérieur, puisque je la connais <strong>de</strong><br />

l’intérieur, ne m’éloignait pas <strong>de</strong> mes obsessions d’écrivain, au contraire. J’ai plongé mes<br />

étudiants d<strong>ans</strong> <strong>le</strong>s tumultes romanesques du XX e sièc<strong>le</strong> <strong>et</strong> j’ai adoré <strong>le</strong>s voir s’ouvrir à <strong>de</strong>s<br />

littératures dont ils ignoraient tout. Ici, au Maroc, je rencontre parfois <strong>de</strong>s étudiants <strong>et</strong> je<br />

r<strong>et</strong>rouve ce même rapport merveil<strong>le</strong>ux entre un prof <strong>et</strong> <strong>de</strong>s jeunes curieux <strong>de</strong> tout.<br />

Plusieurs fois vous avez vécu d<strong>ans</strong> <strong>de</strong>s pays chauds mais il semb<strong>le</strong> que votre territoire<br />

d’écriture ce soit <strong>le</strong>s Ar<strong>de</strong>nnes… Mon territoire d’écriture est celui <strong>de</strong> la mémoire.<br />

Et, vous avez raison, c<strong>et</strong>te mémoire est marquée par <strong>le</strong>s Ar<strong>de</strong>nnes, là où je suis née, là où<br />

je passais toutes mes vacances, mais mon territoire d’écriture est surtout ma famil<strong>le</strong> ma-<br />

COMPAGNE<br />

D’ÉCRITURE<br />

ternel<strong>le</strong> qui est ar<strong>de</strong>nnaise. Le goût astringent <strong>de</strong>s myrtil<strong>le</strong>s, rhubarbes, groseil<strong>le</strong>s à maquereau, fruits ar<strong>de</strong>nnais,<br />

est <strong>le</strong> goût que ma famil<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong> m’a laissé d<strong>ans</strong> la bouche !<br />

L’œuvre <strong>de</strong> Françoise<br />

Lalan<strong>de</strong> compte une<br />

quinzaine <strong>de</strong> livres.<br />

Plusieurs sont épuisés.<br />

Parmi ceux qui sont<br />

disponib<strong>le</strong>s, nous vous<br />

conseillons tout<br />

particulièrement son<br />

« classique », Madame<br />

Rimbaud (Labor), D<strong>ans</strong><br />

<strong>le</strong>s replis nocturnes <strong>de</strong><br />

mon cœur (Le Grand<br />

Miroir), recueil <strong>de</strong><br />

nouvel<strong>le</strong>s dont<br />

certaines étaient déjà<br />

parues d<strong>ans</strong> La p<strong>et</strong>ite<br />

littéraire <strong>de</strong>s éditions<br />

du Grand Miroir, <strong>et</strong><br />

bien évi<strong>de</strong>mment son<br />

très beau <strong>de</strong>rnier<br />

roman : Sentiments<br />

inavouab<strong>le</strong>s (Labor).<br />

Vous pratiquez plusieurs genres littéraires, la biographie, <strong>le</strong> récit, la nouvel<strong>le</strong>, <strong>le</strong> roman, <strong>le</strong>quel est <strong>le</strong><br />

plus cher à votre plume ? Quel est <strong>le</strong> point commun entre chacun ? Oserais-je vous l’avouer ? Je n’ai pas<br />

l’impression <strong>de</strong> pratiquer plusieurs genres littéraires, car souvent je brouil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s frontières entre <strong>le</strong>s genres, <strong>et</strong><br />

surtout, chacun <strong>de</strong> mes livres porte en lui <strong>le</strong>s mêmes thématiques. Je suis une obsessionnel<strong>le</strong>. C’est<br />

Barthes qui disait qu’il fallait cesser <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s étiqu<strong>et</strong>tes sur <strong>le</strong>s productions littéraires, mais, plus simp<strong>le</strong>ment,<br />

par<strong>le</strong>r <strong>de</strong> livres !<br />

D<strong>ans</strong> Sentiments inavouab<strong>le</strong>s (comme d<strong>ans</strong> d’autres <strong>de</strong> vos textes), vous écrivez avec <strong>de</strong>s phrases<br />

très longues. Pourquoi ? Comment faites-vous pour ne pas y perdre <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur ? Mes phrases sont <strong>de</strong>s<br />

énergies libérées. El<strong>le</strong>s me viennent comme ça, d’un seul mouvement. Comme un rythme, un souff<strong>le</strong> que<br />

je libère, <strong>et</strong> que rien ne doit entraver. J’aime l’idée que mon <strong>le</strong>cteur soit emporté par ma phrase comme moi<br />

je l’ai été en l’écrivant. J’aime l’idée d’une fusion entre mon <strong>le</strong>cteur <strong>et</strong> moi.<br />

D’où vous est venue l’idée <strong>de</strong> ce roman autour <strong>de</strong> ce très beau personnage <strong>de</strong> vieil<strong>le</strong> femme juive,<br />

Liza Keil ? Je capte tout ce qui se passe autour <strong>de</strong> moi. Je capte aussi tout ce qui se passe en moi. J’ai<br />

observé que c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> où <strong>le</strong>s parents <strong>de</strong>viennent dépendants <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs enfants est une épreuve cruel<strong>le</strong><br />

pour tout <strong>le</strong> <strong>mon<strong>de</strong></strong>. J’ai voulu par<strong>le</strong>r <strong>de</strong> cela, <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te cruauté, mais j’ai voulu aussi que Liza Keil soit toutes<br />

<strong>le</strong>s femmes, non seu<strong>le</strong>ment une femme âgée, faib<strong>le</strong>, mais aussi cel<strong>le</strong> qui fut une amoureuse, une mère<br />

aimante, une femme <strong>de</strong> la communauté juive dont <strong>le</strong> corps porte <strong>le</strong>s stigmates du passé innommab<strong>le</strong>. J’ai<br />

voulu écrire à travers mon personnage un roman bourré <strong>de</strong> sentiments inavouab<strong>le</strong>s (mais si humains), dont<br />

tous re<strong>le</strong>vaient <strong>de</strong> l’amour.<br />

Vous al<strong>le</strong>z animer un atelier d’écriture avec <strong>de</strong>s <strong>le</strong>ctrices <strong>et</strong> <strong>de</strong>s <strong>le</strong>cteurs <strong>de</strong> la Libre Essentiel<strong>le</strong>.<br />

Est-ce qu’un atelier est avant tout la tr<strong>ans</strong>mission d’une pratique ou a-t-il d’autres buts ? A travers<br />

<strong>le</strong>s exercices d’écriture, je voudrais amener <strong>le</strong>s participant(e)s à préciser, peut-être à découvrir, quel est <strong>le</strong>ur<br />

rapport au <strong>mon<strong>de</strong></strong>, à la société, à eux-mêmes ET quel est <strong>le</strong>ur rapport a <strong>le</strong>ur langue. Car c’est cela qui fait<br />

un écrivain. C’est aussi cela que fait un écrivain.<br />

PROPOS RECUEILLIS PAR MICHEL ZUMKIR<br />

LA LIBRE<br />

ESSENTIELLE<br />

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