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découvrez le monde de victoria, 10 ans et de justin, 13 ans

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L I T T É R A T U R E<br />

DÉCONSTRUCTION ÉTHIQUE<br />

Anthropologie d’Eric Chauvier (éd. Allia) est une enquête sur une mendiante dont <strong>le</strong> regard a<br />

saisi l’auteur. On pourrait dire aussi que c’est un essai moral, anthropologique, politique <strong>et</strong> poétique,<br />

une tentative pour sortir <strong>le</strong> langage <strong>de</strong> son usage social <strong>et</strong> r<strong>et</strong>rouver ses dimensions perdues.<br />

Pourquoi avoir appelé votre livre Anthropologie ? « Pour moi, l’anthropologie est la rencontre<br />

avec l’autre, l’autre d<strong>ans</strong> sa proximité <strong>et</strong> son étrang<strong>et</strong>é. Mon livre étudie la communauté humaine d<strong>ans</strong><br />

un endroit un peu particulier, déserté (un carrefour <strong>de</strong>vant un centre commercial). L’anthropologie est<br />

éga<strong>le</strong>ment une exigence au quotidien pour comprendre <strong>le</strong> <strong>mon<strong>de</strong></strong>, une hygiène <strong>de</strong> vie. »<br />

Vous y développez une réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong> langage. « Le matériau <strong>de</strong> ce livre est <strong>le</strong> langage humain<br />

dont on peut dire qu’il est un ref<strong>le</strong>t du réel. Si on arrive à faire la critique du langage au quotidien,<br />

si on peut déconstruire son usage, on arrivera à mieux comprendre <strong>le</strong> <strong>mon<strong>de</strong></strong>. C’est ainsi que je<br />

réfléchis sur l’utilisation du mot Rom <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’expression être amoureux. Les propos ordinaires peuvent<br />

parfois être lourds <strong>de</strong> sens. Je n’ai pas l’ambition <strong>de</strong> dire qui sont <strong>le</strong>s Roms, ce qu’est être amoureux.<br />

Je cherche à partager une expérience avec <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur. »<br />

Votre livre tente <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s mots sur une impression <strong>de</strong> familiarité rompue. Comment<br />

pourriez-vous définir c<strong>et</strong>te impression ? « C’est la découverte d’une personne qui pourrait être<br />

familière <strong>et</strong> que l’on découvre d<strong>ans</strong> une situation d’extraordinaire vio<strong>le</strong>nce : quelque chose <strong>de</strong> familier<br />

a été rompu à ce moment-là. Comme <strong>de</strong> découvrir qu’un ami fait la manche par exemp<strong>le</strong>. »<br />

© D. DAILLEUX<br />

AU NOM DES FEMMES ILLÉGITIMES<br />

Ça ne se fait pas, <strong>le</strong> premier roman d’Isabel<strong>le</strong> Spaak racontait l’histoire terrib<strong>le</strong>, meurtrière <strong>de</strong><br />

ses parents. Ce livre a été couronné, à juste titre, par un succès critique <strong>et</strong> public, par <strong>le</strong> Prix Rossel<br />

aussi. D<strong>ans</strong> son <strong>de</strong>uxième livre, Pas du tout mon genre, (éd. <strong>de</strong>s Equateurs), on r<strong>et</strong>rouve son écriture<br />

concise, son exigence <strong>de</strong> dire au plus près la comp<strong>le</strong>xité <strong>de</strong>s sensations.<br />

Est-ce que vous avez écrit ce livre pour rendre public un amour dont <strong>le</strong> secr<strong>et</strong> vous pesait ?<br />

« Non. Ce secr<strong>et</strong> ne me pesait pas. Je n’écris pas pour révé<strong>le</strong>r <strong>de</strong>s événements intimes, ni <strong>de</strong>s<br />

secr<strong>et</strong>s mais pour essayer <strong>de</strong> décrire au plus juste <strong>de</strong>s sensations. D<strong>ans</strong> ce cas particulier, ce sont<br />

cel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> ces femmes illégitimes qui n’ont pas la paro<strong>le</strong>, ne sont pas visib<strong>le</strong>s. »<br />

C<strong>et</strong> art que vous avez <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>le</strong>s choses en relation vous est-il naturel ? Et celui d’écrire par fragments<br />

? « J’aime la concision, <strong>le</strong>s histoires qui ne sont pas linéaires, <strong>le</strong>s récits à plusieurs voix, <strong>le</strong>s propositions<br />

ouvertes. Mon rêve, serait d’écrire une épopée... Y parviendrais-je un jour ? Ce n’est pas sûr. »<br />

Est-ce par l’écriture que vous avez découvert l’importance <strong>de</strong> la place <strong>de</strong> votre nurse d<strong>ans</strong><br />

votre vie, la manière <strong>de</strong> vivre certaines <strong>de</strong> vos relations ? « Bien sûr, en écrivant je découvre<br />

certaines choses. Sinon, est-ce vraiment la peine ? »<br />

On a l’impression avec ce <strong>de</strong>uxième livre que vous avez déplacé l’histoire <strong>de</strong> vos parents<br />

pour voir d’autres choses ? « L’histoire <strong>de</strong> mes parents est un prisme, une histoire d’amour où<br />

se cognent toutes <strong>le</strong>s autres. »<br />

Ces livres où vous êtes impitoyab<strong>le</strong> avec vous-mêmes vous font-ils souffrir pendant <strong>le</strong>ur écriture<br />

? « Il me semb<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s livres font souvent souffrir <strong>le</strong>urs auteurs. Ce sont d’exigeants voyages. »<br />

A TRAVERS L’ÉPAISSEUR DU TEMPS<br />

Nous avions rencontré Michè<strong>le</strong> Desbor<strong>de</strong>s d<strong>ans</strong> un café parisien du bou<strong>le</strong>vard du<br />

Montparnasse, à l’occasion <strong>de</strong> la sortie <strong>de</strong> Un été <strong>de</strong> glycine, une rêverie romanesque sur William<br />

Faulkner (voir La Libre Essentiel<strong>le</strong> 70). Ce n’était pas son livre <strong>le</strong> plus libre d’accès, mais l’écriture<br />

était, comme à chacun <strong>de</strong> ses opus, bel<strong>le</strong> <strong>et</strong> envoûtante. Enveloppante. Un roman à el<strong>le</strong> toute seu<strong>le</strong>.<br />

Nous ne savions pas alors que c<strong>et</strong>te rencontre resterait unique. Unique parce que l’écrivaine<br />

nous a entrouvert généreusement <strong>le</strong>s voies mystérieuses <strong>de</strong> son écriture – ce que nous cherchons<br />

à chaque entr<strong>et</strong>ien avec un(e) auteur(e). Parce qu’aussi, el<strong>le</strong> allait mourir quelques temps plus tard,<br />

en janvier <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te année, d<strong>ans</strong> sa maison du bord <strong>de</strong> Loire. En ce mois <strong>de</strong> septembre paraît un<br />

premier livre posthume : L’emprise aux éditions Verdier, ces éditions où el<strong>le</strong> a pour compagnon <strong>de</strong>ux<br />

écrivains <strong>de</strong> la même famil<strong>le</strong> d’écriture : Pierre Bergounioux <strong>et</strong> Pierre Michon. D<strong>ans</strong> ce livre, qui multiplie<br />

<strong>le</strong>s récits, <strong>le</strong>s portraits, el<strong>le</strong> tente <strong>de</strong> r<strong>et</strong>rouver, à travers l’épaisseur du temps <strong>de</strong>s instants (souvent<br />

<strong>de</strong>s commencements), <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> son enfance qu’el<strong>le</strong> a vécue pendant la <strong>de</strong>uxième guerre<br />

mondia<strong>le</strong>. On n’est pas prêt d’oublier c<strong>et</strong>te image <strong>de</strong> l’homme qui emmène la p<strong>et</strong>ite fil<strong>le</strong> sur ses<br />

épau<strong>le</strong>s, une enfant si sûre <strong>de</strong> lui. Ni <strong>le</strong>s figures <strong>de</strong> ces femmes hantées par la mort. Ni <strong>le</strong>s <strong>de</strong>scriptions<br />

<strong>de</strong> <strong>le</strong>ur maison. Des paysages, <strong>de</strong>s cieux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong> Sologne. Autant <strong>le</strong> dire, on n’est pas<br />

prêt d’oublier ce livre qui va à l’essentiel, à la naissance <strong>et</strong> la mort <strong>de</strong>s gens <strong>et</strong> <strong>de</strong>s choses, un livre<br />

qui flirte avec <strong>le</strong> mystère du temps.<br />

Ecrire l’autre, <strong>le</strong>s sensations <strong>et</strong> l’enfance.Trois<br />

RENTRÉE<br />

<strong>le</strong>çons <strong>de</strong> vies, <strong>de</strong> mots, épinglées pour vous.<br />

LITTÉRAIRE 2006<br />

LA LIBRE<br />

ESSENTIELLE<br />

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