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Philippe Bélanger et<br />
Pierre Grandmaison<br />
Cent ans à l’oratoire Saint-Joseph<br />
Réjean Beaucage<br />
Une création musicale de grande envergure soulignera la<br />
clôture des célébrations du centenaire de l’oratoire Saint-<br />
Joseph. Avec plus de 400 interprètes, l’oratorio de Pierre<br />
Grandmaison Plénitude et Résonances sera sans aucun doute la<br />
création la plus importante de l’année à Montréal.<br />
Lorsqu’il a été nommé titulaire des grandes orgues Beckerath de<br />
l'oratoire Saint-Joseph, en 2002, Philippe Bélanger a dû commencer à<br />
penser assez rapidement à la façon dont il entendait marquer le centenaire<br />
de l’institution sise sur le flanc nord-ouest du mont Royal. «En<br />
effet, explique-t-il, dès mon arrivée, on était en plein dedans et ça m’a<br />
plongé rapidement dans l’histoire et la réalité de ce lieu, parce que ça<br />
débutait dès octobre 2004, alors ça venait rapidement. On me demandait<br />
de soumettre mes idées et celle d’une création était visiblement<br />
la bienvenue. Je n’avais certainement pas le temps de composer<br />
quelque chose moi-même, mais je savais que Pierre Grandmaison<br />
avait déjà composé une Messe solennelle pour les célébrations du<br />
350 e anniversaire de Montréal (1992), entre autres œuvres, et je<br />
connaissais aussi, pour l’avoir souvent entendu improviser, son côté<br />
créatif s’exprimant en dehors du strict cadre liturgique. Je lui ai donc<br />
proposé l’idée d’écrire un oratorio et nous avons beaucoup discuté<br />
des formes que ça pourrait prendre. Pierre étant un grand liturgiste, il<br />
avait de bonnes idées sur la direction que pourrait prendre une telle<br />
œuvre et puis un jour nous avons soumis le projet qui, finalement, a<br />
été accepté. L’idée est de mettre en valeur la réalité acoustique et historique<br />
de l’oratoire à travers une expérience musicale et sensorielle.»<br />
On connaît surtout Pierre Grandmaison comme titulaire des<br />
grandes orgues Casavant de Notre-Dame à Montréal, depuis 1973.<br />
Son catalogue compte, outre la Messe solennelle précitée, une Messe<br />
«Notre-Dame de Montréal» pour le 150 e anniversaire du diocèse de<br />
Montréal (1986) et une messe en l'honneur de Marguerite d'Youville<br />
(1991). «J’ai aussi composé des motets, précise-t-il, de même qu’une<br />
symphonie, qui est toujours dans l’ordinateur... <strong>La</strong> Symphonie Theos<br />
pour choeur, orgue et grand orchestre (1988) est dédiée à Jean-Paul<br />
II, à qui j’ai d’ailleurs remis la partition. Je suis très attiré par la<br />
musique sacrée, probablement par déformation professionnelle,<br />
étant plongé dans la liturgie près de 365 jours par année. Cela étant<br />
dit, je ne détesterais pas relever le défi de faire de la musique de film,<br />
comme j’en ai déjà fait pour Walt Disney ou pour la télévision.»<br />
In situ<br />
<strong>La</strong> basilique de l’oratoire, inaugurée en 1955, est un lieu impressionnant<br />
qui peut accueillir 3500 personnes assises et son dôme est le<br />
plus grand au monde après celui de Saint-Pierre de Rome, des caractéristiques<br />
qui ont évidemment un impact sur la musique que l’on y<br />
interprète. «Je fréquente l’oratoire depuis ma plus tendre enfance,<br />
explique Pierre Grandmaison, alors que j’allais y écouter le prédécesseur<br />
de Philippe [Raymond Daveluy a été titulaire de l'instrument dès<br />
son inauguration en 1960, et jusqu’en 2002]. J’ai donc appris à<br />
connaître l’oratoire et son acoustique, et toute la mystique interne de<br />
ce lieu qui est assez unique. Ce qui m’a toujours impressionné, c’est<br />
bien l’acoustique, et je peux dire que j’aimerais avoir l’équivalent à<br />
Notre-Dame! Plénitude et Résonances a bien sûr été pensée en fonction<br />
des caratéristiques particulières de l’endroit.»<br />
L’effectif rassemblé pour interpréter l’œuvre est à lui seul impressionnant<br />
: on compte l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal<br />
gonflé à 97 musiciens et accompagné des chœurs de l’université<br />
McGill, de l’église Saint Andrew et Saint Paul et du chœur des Petits<br />
Chanteurs du Mont-Royal (ce dernier sous la direction de Gilbert<br />
Patenaude), avec Jean <strong>La</strong>urendeau aux ondes Martenot et Philippe<br />
Bélanger à l’orgue. Le choix du chef attitré de Opera McGill, Julian<br />
Wachner (lui-même compositeur et organiste), pour diriger l’ensemble<br />
n’est pas gratuit, comme l’explique Philippe Bélanger : «Les<br />
organistes sont habitués à devoir gérer l’acoustique, manipuler la réalité<br />
de réverbération d’un lieu ; quelquefois, ça pourra nous empêcher<br />
de faire certaines choses, mais ça en permettra d’autres. Les organistes<br />
qui donnent souvent des concerts dans des lieux différents doivent<br />
s’adapter à l’acoustique et cela devient un art en soi. Pierre est un<br />
organiste/compositeur qui a tenu compte de ces paramètres particuliers<br />
dans son travail et le fait que ce soit dirigé par un autre organiste/compositeur<br />
est important parce que ce dernier comprendra clairement<br />
l’intention du compositeur. On entend quand même rarement<br />
des orchestres dans des lieux qui ont plus de 9 secondes de résonance.<br />
Je pense que l’on passerait complètement à côté en jouant cette<br />
œuvre dans une salle de concert à l’acoustique sèche.»<br />
Le compositeur créé même des effets en plaçant des cuivres et des<br />
chœurs dans le dôme! «C’est une œuvre très spatialisée, confirme-t-il ;<br />
par exemple, j’ai deux groupes de timbales, à gauche et à droite, avec<br />
lesquels je fais des effets stéréophoniques.» Et l’utilisation des ondes<br />
Martenot arrive un peu comme une surprise pour une œuvre de ce<br />
genre. Pierre Grandmaison précise : «sans copier personne, j’ai beaucoup<br />
étudié les partitions de Honegger et Messiaen, que je considère<br />
comme des maîtres de l’écriture pour cet instrument. De plus, comme<br />
j’ai une immense orchestration (15 bois, 7 cuivres, 5 percussionnistes,<br />
les claviers, et les 5 811 tuyaux de l’orgue!), j’ai consulté quelques<br />
grandes partitions. Deux des partitions qui ont été très utiles sont celle<br />
du War Requiem, de Britten, et celle du Sacre, de Stravinksi, une véritable<br />
leçon d’orchestration! L’écriture de ma pièce est atonale, puis très<br />
tonale ; les deux se côtoient.» Philippe Bélanger ajoute : «On peut<br />
reconnaître à l’oratoire des essences d’il y a 100 ans, puis d’autres d’il<br />
y a 50 ans ; certaines sont tout à fait contemporaines, tandis que des<br />
plans se font pour l’avenir. Il y a tout ça dans cette musique. On ne<br />
célèbre pas le jour du 100 e anniversaire, mais bien un siècle d’histoire.»<br />
Le texte est basé sur ceux de l’office divin, des textes des Pères de<br />
l’Église et certains textes de l’Apocalypse. Le compositeur précise :<br />
«C’est une œuvre religieuse, mais concertante ; elle n’est pas liturgique.<br />
Elle est en cinq mouvements qui sont autant d’états, et<br />
construite en forme d’arche, le troisième mouvement, Hymne d’actions<br />
de grâce, étant passablement actif ; on monte vers un sommet<br />
de luminosité pour redescendre vers une luminosité intérieure.»<br />
Un événement monumental qui réserve sans doute de grandes surprises<br />
et de grandes émotions. Un événement, il faut aussi le souligner,<br />
pour lequel on ne prévoit pour le moment que deux représentations.<br />
À ne pas manquer. p<br />
Plénitude et Résonances, oratorio pour double chœur, orgue, ondes<br />
Martenot et orchestre symphonique, présenté en première mondiale le<br />
vendredi 28 et le samedi 29 octobre 2005 à l’oratoire Saint-Jospeh -<br />
3800, chemin Queen-Mary, Montréal. (514) 733-8211<br />
26 octobre 2005 october