une bande dessinee idéologique : rahan - Revue des sciences ...

(37) J. Bril, p. 30.
(38) C. Lévi-Strauss, p. 405.
diatement songer à l'attelle (26, 73).
La technologie est une libération. Elle
plie le monde aux désirs souverains de
l'humanité : «R dirige l'eau où bon
Quelquefois, la nature elle-même coopère
au progrès. L'agriculture naît
d'une charge de mammouths, piétinant
des graines qui donnent naissance
à des végétaux comestibles (40,
16) ; le vin est découvert (malencontreusement)
à la suite d'un éboulement,
responsable de l'écrasement de
raisins sauvages (107, 38). Quoiqu'il
en soit d'une telle confusion entre
«occasion» et «cause», — à vrai dire
assez commune — (37), on remarquera
que l'infrastructure agissante
fait facilement l'économie de la
science pure. A quoi servirait une
connaissance qui ne répond à aucun
besoin ? La supériorité de la pratique
sur la théorie renforce le sentiment
que l'univers est une sorte d'usine qui
fournit des solutions, en attente de...
problèmes. A l'homme de faire l'appoint,
ce qui est aisé : «rien de plus
simple que de façonner une motte
d'argile et de la durcir au feu » pour en
tirer une poterie. Et C. Lévi-Strauss
ajoute: «Qu'on essaie!» (38). La
culture n'est donc, en un sens, que le
résultat d'un vaste transfert analogique.
Un saumon accroché à une épine suggère
l'hameçon (108, 50) ; un arbre
roulé par les flots fait penser au bélier
(102, 54) ; l'extraction d'une guêpe
prise dans une tige creuse mène à la
sarbacane (102, 35) ; la queue d'un
poisson devient gouvernail (102, 72) ;
l'aspect changeant du caméléon fonde
la technique du camouflage (17, 8) et,
cas limite, le mot (français !) «s'envoler»,
d'abord appliqué à la mémoire,
provoque, comme une sorte de contremétaphore,
allant de l'irréel au
concret, l'invention du... parachute
(102, 58). Il arrive que les inférences
s'égrènent en séries. Une goutte d'eau
que le hasard dépose sur un trou,
mène à l'idée de lentille. Placée à l'extrémité
d'un bambou, elle en fait un
microscope (71, 14, 15). Un couteau,
projeté sur l'arbre où se trouve une
mygale, fait oportunément sourdre du
latex. Séché en boule, celui-ci rebondit
Il III1101, Il
dans l'eau brûlante, se déforme. Renversé
sur une sarbacane, il se transforme
en élastique et devient fronde,
enfin «consommable» (49, 40, 46-47,
54-55). Comme R a tous les caractères
du «surdoué», il invente la... poudre,
même s'il n'y parvient qu'au prix de
quelques tâtonnements pardonnables.
Le produit est inventé, «développé»
en augmentant la dose, «appliqué» à
la pêche (à l'explosif !) (21, 15). On
envisage même d'en faire une arme,
sommet du processus. Au même titre
que, dans le domaine de la science
pure, certaines explications sont programmées
pour une ère future, un instrument
comme l'hélice (73 , 62), provisoirement
sans application sérieuse,
attend la manifestation d'un besoin
dont on sait bien qu'il existe en filigrane.
La somme de ces découvertes est ressassée
à souhait dans un n° spécial
(21). La technologie relève en effet
d'une collection de réponses, dignes
de «Je sais tout» (un magazine qui
vulgarise une science qui promet de
«dépasser la nature», tout en publiant
la «Guerre du Feu»...). Ce catalogue
de grande «Manufacture d'armes et
outils» va des techniques du corps
comme la nage, aux astuces pratiques
du scoutisme : faire un nœud coulant,
cuire un œuf d'autruche. Vient ensuite
l'ingénierie moderne : construire un
pont, un paratonnerrre, une cage antirequins.
Tout ceci culmine avec la civilisation
des loisirs, point de mire de
l'évolution : R s'amuse avec un cerfvolant
(102, 68), invente le crawl (24,
18). Tout se passe comme si les découvertes
étaient indépendantes des
contextes sociaux qui, normalement,
les produisent. A ceux qu'on définit
comme «chasseurs», il apprend à
chasser (10, 65) ; aux pêcheurs professionnels,
il enseigne la pêche à la ligne
(17, 18), à la traîne (52, 28), au carrelet
(92, 21), jusqu'à épuisement de
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