une bande dessinee idéologique : rahan - Revue des sciences ...

utilisé comme un outil magique de divination
(4, 29), puisqu'il détermine la
direction où se dirige le héros.
individus réels, pour ainsi dire sous
contrôle permanent. Le fait que son
action soit facilitée par les plus évolués
permet de montrer que la théorie
fique et que R l'incarne à l'occasion, il
ne lui est nullement soumis lui-même :
«R n'a jamais eu de chef» (40, 18).
Promoteur de la communauté, il n'est
issu d'aucune «besondere Partei»
(40). Ce «chaînon entre tous ceux qui
marchent debout» (98, 54), «n'a pas
de clan » (78, 73), ce citoyen de la capitale
n'est d'aucune Province. Pionnier
de la fixation des nomades, première
étape en direction de la future urbanisation,
R refuse d'arrêter son éternel
voyage. Il lui reste «tant de choses à
découvrir» (8, 23). La problématique
particularité du militant suprême attire
les réflexions du public : «R est
un fourbe : il prêche les accordantes
entre ceux qui marchent debout et lui
n'a pas de compagne» (95 , 58). A la
question, grave et théorique de l'interlocutrice,
R apporte une réponse significativement
romanesque : il n'a pas
trouvé l'âme sœur !
Malgré la négation doctrinale des différences
somatiques, leur fonctionnalisation,
camouflée en «beauté» ou
«laideur», se trahit çà et là. R est
«cheveux de feu» et son comportement
est «lumineux». Ses yeux exceptionnellement
clairs sont mis en relation
avec l'adresse dont il fait preuve
(34, 63), raisonnement que R dément,
mais que le dessin souligne à plaisir.
Figure du soleil, qui s'aide du soleil
pour éblouir ses ennemis (55 , 73), il
est de la même essence que l'astre et le
ciel rosit après ses exploits (4, 21).
Nous sommes bien dans le «Zeitalter
des Sonnengottes», un «héliolithisme»
dont le «sélénisme» des sorciers
serait le pendant négatif. La lune
ronde des sectes des «fils de la lune»
(74, 7), à laquelle on adresse des sacrifices
(46, 64), ne luit que sur la folie
(51, 33).
Si ce personnage crypto-sacré échappe
au sort commun, les qualités qui fondent
sa supériorité sont destinées à
s'incarner, à faibles doses, dans des
s'enracine tout de même dans une
praxis, bien timide en vérité. Certains
clans sont mieux aptes à figurer l'Histoire
en marche (34, 64). Au sein des
tribus, femmes et enfants sont «naturellement»
plus proches du nouvel
idéal. C'est un enfant qui révèle le
«secret du feu» (17, 23) et les jeunes
se montrent «plus sensibles» aux arguments
de R (31, 26). Les femmes
l'accueillent plus volontiers (3, 58).
Vectrices du progrès, elles sont «l'avenir
de l'homme». Sensibles et raisonnables,
elles tranchent sur leurs maris
ivrognes (107, 40), prennent en main
les réformes judicieuses. La propre
mère de R « dégutturalise » la langue
des hommes. De «Râ-hank», ce
«nom de Quatre mains», elle fait un
terme à la phonétique plus acceptable
(35, 5). Quelques chefs, également,
sont récupérables, «globalement positifs»,
ce qui a l'avantage de préserver
l'idéal d'autorité qu'ils représentent.
Moins inféodés aux lieux et partis
(103, 6), ils sont prêts à se sacrifier
(23, 72), refusent de croire aux esprits
(29, 72). Leurs aptitudes les opposent
alors à l'antagoniste en titre de R :
«L'excitation du sorcier contrastait
singulièrement avec le calme du chef
du clan» (66, 21).
Quelles sont les bases de l'organisation
de la nouvelle société ? Ses limites
sont celles de l'espèce (35, 4). Toute
idée de nation, de langue, toute différence
culturelle cède le pas au concept
d'identité naturelle. L'élite est donc
constituée de ceux dont l'idéal est proche
de l'internationalisme de R (4,
22), de ceux qui, singulièrement, se
distinguent par leur volonté de ne pas
se distinguer des étrangers. Une sorte
de concours général, bien sélectif, en
tire une chefferie : «vouloir être le
meilleur n'est pas un défaut» (94, 46).
Nous sommes fort éloignés d'un quelconque
«dépérissement de l'Etat» et
les clans momentanément sans chef
sont guettés par l'anarchie (101, 24).
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