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Le château de Pierrefonds reconstruit: résidence ou musée?

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<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Résumé<br />

Jean-Paul Midant<br />

docteur en histoire,<br />

maître-assistant à l’École nationale supérieure d’architecture <strong>de</strong> Paris-Belleville<br />

Même si cette <strong>de</strong>stination a été envisagée, la reconstruction du château impérial <strong>de</strong><br />

<strong>Pierrefonds</strong> n’a pas été menée p<strong>ou</strong>r servir <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce au s<strong>ou</strong>verain. L’architecte a considéré<br />

Napoléon III comme un mécène au fait <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> la fortification et <strong>de</strong> l’armement, acceptant<br />

<strong>de</strong> s<strong>ou</strong>tenir sur sa cassette personnelle cette réalisation d’exception, plutôt que comme<br />

un aristocrate nostalgique et rêveur. <strong>Pierrefonds</strong>, édifice austère, sans confort mo<strong>de</strong>rne, est<br />

p<strong>ou</strong>r Viollet-le-Duc ce qu’il nommait déjà, en 1857, un « spécimen » <strong>de</strong> l’art français, dont la<br />

vocation était <strong>de</strong> servir d’« objet d’étu<strong>de</strong> ». L’architecte ira plus loin encore : avec la reconstruction<br />

<strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, c’est l’art français du xv e siècle qu’il convient <strong>de</strong> faire reconnaître au<br />

niveau <strong>de</strong> l’art italien du Quattrocento. <strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> conçu par Viollet-le-Duc<br />

n’est donc pas un château romantique : c’est une leçon d’histoire, une leçon d’architecture,<br />

un monument à la gran<strong>de</strong>ur nationale, et un parc<strong>ou</strong>rs <strong>ou</strong>vert aux visiteurs p<strong>ou</strong>r donner à réfléchir<br />

sur l’action <strong>de</strong> l’homme quand il construit, quand il fortifie son abri, quand il édifie son<br />

logis, quand il en exécute la décoration. En résumé, ce château a été refait au xix e siècle p<strong>ou</strong>r<br />

s’interroger sur les moyens et les buts <strong>de</strong> l’architecture, en suscitant, par un questionnement<br />

sur la société médiévale et ses mœurs, une interrogation sur l’époque contemporaine (celle<br />

<strong>de</strong> Viollet-le-Duc et, si l’on veut bien s’y prêter, sur la nôtre).


The reconstructed chateau of <strong>Pierrefonds</strong>:<br />

resi<strong>de</strong>nce or museum?<br />

abstraCt<br />

Jean-Paul Midant<br />

PhD in history, lecturer, École nationale supérieure d’architecture <strong>de</strong> Paris-Belleville<br />

Even th<strong>ou</strong>gh this purpose was envisaged, the imperial chateau of <strong>Pierrefonds</strong> was not rebuilt<br />

to serve as the sovereign’s resi<strong>de</strong>nce. The architect consi<strong>de</strong>red Napoleon III a patron, acquainted<br />

with the history of fortification and arms, who agreed to pay <strong>ou</strong>t of his own pocket<br />

for this exceptional creation, rather than a nostalgic and dreamy aristocrat. <strong>Pierrefonds</strong>, an<br />

austere building with no mo<strong>de</strong>rn conveniences, was for Viollet-le-Duc what he called in 1857<br />

a “specimen” of French art, whose purpose was to serve as an “object of study”. The architect<br />

was to go even further: with the reconstruction of <strong>Pierrefonds</strong>, it is French art of the fifteenth<br />

century that sh<strong>ou</strong>ld be acknowledged as being on a par with Italian art of the Quattrocento.<br />

The Château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> conceived by Viollet-le-Duc is thus not a Romantic chateau: it is<br />

a history lesson, a lesson in architecture, a monument to national gran<strong>de</strong>ur, and an itinerary<br />

open to visitors to inspire th<strong>ou</strong>ghts ab<strong>ou</strong>t the acts of man when he builds, when he fortifies<br />

his shelter, when he constructs his dwelling, when he <strong>de</strong>corates it. In brief, this chateau was<br />

restored in the nineteenth century to examine the means and the goals of architecture, by<br />

giving rise to –thr<strong>ou</strong>gh the questioning of medieval society and its mores– a questioning of the<br />

contemporary era (that of Viollet-le-Duc and, if we so <strong>de</strong>sire, <strong>ou</strong>r own).


<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

docteur en histoire, maître-assistant à l’École nationale supérieure<br />

d’architecture <strong>de</strong> Paris-Belleville<br />

On peut repérer chez Viollet-le-Duc les traces <strong>de</strong> son intérêt p<strong>ou</strong>r le château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong><br />

pendant l’année 1845, quand paraissent s<strong>ou</strong>s la direction du Baron Taylor les Voyages pittoresques<br />

<strong>de</strong> l’ancienne France consacrés à la Picardie. <strong>Le</strong>s vues du château lithographiées<br />

par Eugène Cicéri, d’après ses <strong>de</strong>ssins où se sont glissées <strong>de</strong>s erreurs d’observation, indiquent<br />

néanmoins que le jeune architecte restaurateur n’a pas encore exécuté <strong>de</strong> relevés<br />

précis sur le motif, et qu’il s’est inspiré <strong>de</strong>s nombreuses gravures alors à sa disposition.<br />

La curiosité que suscitent les restes du château achetés par Napoléon I er en 1812, gérés<br />

par l’administration <strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong> la Maison du s<strong>ou</strong>verain (dont le père <strong>de</strong> Viollet-le-Duc fut<br />

un temps le chef du bureau au Ministère), accessibles sur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, est confirmée par ces<br />

représentations, mais elle est aussi attestée dans plusieurs brochures réimprimées régulièrement.<br />

On peut citer la plus complète : le Précis historique du château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> chez<br />

Jules <strong>Le</strong>scuyer à Compiègne (en circulation <strong>de</strong>puis 1827 et qui atteint 47 pages illustrées<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux lithographies en 1842), où l’on précise qu’un sauvetage et une mise en scène<br />

paysagère avec plantations <strong>de</strong> pins et <strong>de</strong> mélèzes sur la colline du côté du village et dans<br />

l’intérieur du château ont été réalisées s<strong>ou</strong>s la direction du duc <strong>de</strong> D<strong>ou</strong><strong>de</strong>auville, ministre<br />

Fig. 1. Vue restaurée du château<br />

<strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, dans la<br />

Description du château<br />

<strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong><br />

par Viollet-le-Duc…,<br />

édition 1857.<br />

Figure 1


<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

<strong>de</strong> la Maison du roi, au printemps 1827. Comme on peut remarquer la Notice historique sur<br />

Compiègne et <strong>Pierrefonds</strong> – qui paraît <strong>de</strong>puis 1836 chez Baillet éditeur, place <strong>de</strong> l’Hôtel-<strong>de</strong>-<br />

Ville à Compiègne –, où l’on note qu’à l’occasion <strong>de</strong> la fête donnée dans la c<strong>ou</strong>r du château<br />

en 1832 p<strong>ou</strong>r le mariage <strong>de</strong> la fille <strong>de</strong> L<strong>ou</strong>is-Philippe avec le roi <strong>de</strong>s Belges Léopold I er , « le<br />

roi actuel est venu saluer le château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> comme le domaine <strong>de</strong> ses ancêtres » et<br />

que l’on construit « dans la t<strong>ou</strong>r principale l’escalier et le belvédère qu’on y voit auj<strong>ou</strong>rd’hui ».<br />

Cette curiosité p<strong>ou</strong>r l’histoire, propice à une future étu<strong>de</strong> à venir, s’accroît – et cela n’est certainement<br />

pas anodin ici – <strong>de</strong> la déc<strong>ou</strong>verte <strong>de</strong>s vertus thérapeutiques <strong>de</strong> l’eau <strong>de</strong> s<strong>ou</strong>rce locale<br />

attestées <strong>de</strong>puis 1846 (vantées par l’Étu<strong>de</strong> médicale sur les eaux minérales sulfureuses<br />

<strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>-les-Bains par le docteur Sales-Girons, parue à Paris chez Victor Masson<br />

en 1853) ; elle est vérifiée en 1847 avec l’exposition au Salon par l’architecte Aymar Verdier<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux aquarelles présentant un état actuel et un état restauré du château, premier essai<br />

architec tural auj<strong>ou</strong>rd’hui perdu <strong>de</strong> transformation <strong>de</strong>s ruines.<br />

Viollet-le-Duc prend sérieusement connaissance du site dans la perspective <strong>de</strong> la parution,<br />

en 1854, <strong>de</strong> l’article « Architecture », figu rant au premier tome du Dictionnaire raisonné<br />

<strong>de</strong> l’architecture française du x i e au x v i e siècle, où un long développement est consacré à<br />

l’architecture militaire (repris dans l’Essai sur l’architecture militaire au Moyen Âge publié<br />

la même année). Tandis que les observations sur l’enceinte et le château <strong>de</strong> Carcassonne<br />

ainsi que sur les remparts d’Avignon constituent une part très importante <strong>de</strong> la documentation<br />

exploitée ici par l’architecte, la fortification <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> est uniquement consi dérée<br />

à partir <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s chemins <strong>de</strong> ron<strong>de</strong> en maçonnerie ceignant les t<strong>ou</strong>rs et les c<strong>ou</strong>rtines<br />

encore visibles. Un premier plan et une pre mière élévation restitués du bâtiment apparaissent<br />

trois ans plus tard, en 1857, dans la Description du château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> (repris<br />

dans l’article « Château » du troisième tome du Dictionnaire raisonné, paru la même année),<br />

et correspon<strong>de</strong>nt à la volonté d’approfondir l’analyse (fig.1). Viollet-le-Duc situe alors le système<br />

fortifié <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> au terme d’une évolution sociale et formelle, <strong>de</strong>puis le x i e siècle<br />

jusqu’au début du x v e siècle, dont les étapes marquantes seraient successi vement données<br />

par les dispositions <strong>de</strong>s châteaux d’ arques-la-Bataille, <strong>de</strong> Château-Gaillard, <strong>de</strong> C<strong>ou</strong>cy, et<br />

par le L<strong>ou</strong>vre <strong>de</strong> Charles V.<br />

<strong>Le</strong>s travaux menés à <strong>Pierrefonds</strong> s<strong>ou</strong>s la direction <strong>de</strong> Viollet-le-Duc jusqu’à sa mort résultent<br />

d’une comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> Napoléon III, formulée à la fin du mois <strong>de</strong> décembre 1857, il y a<br />

donc maintenant près <strong>de</strong> cent cinquante ans. <strong>Le</strong> chantier commence quelques j<strong>ou</strong>rs après<br />

le 15 janvier 1858, suite à l’embauche comme inspecteur <strong>de</strong> Lucjan Wyganowski, ancien<br />

collaborateur <strong>de</strong> l’architecte Jean-Baptiste Lassus, disparu peu <strong>de</strong> temps auparavant 1 . La<br />

première préoccupation du s<strong>ou</strong>verain n’est pas à mettre sur le compte d’une quelconque<br />

volonté <strong>de</strong> reconstruire le château s<strong>ou</strong>s l’apparence où n<strong>ou</strong>s le voyons auj<strong>ou</strong>rd’hui. Il s’agit<br />

d’abord, p<strong>ou</strong>r Napoléon III, en tant que responsable <strong>de</strong> cette propriété <strong>de</strong> la liste civile,<br />

réduite à l’état <strong>de</strong> ruines, mais renommée et visitée, <strong>de</strong> permettre la restitution d’une <strong>de</strong>s<br />

t<strong>ou</strong>rs située à l’angle nord-est. La t<strong>ou</strong>r Hector est en effet la mieux conservée après le démantèlement<br />

du x v i i e siècle et c’est elle qui a fait l’objet d’une illustration dans le mo<strong>de</strong>ste<br />

essai <strong>de</strong> restauration <strong>de</strong> Viollet-le-Duc, paru quelques mois auparavant. Refaire le chemin<br />

<strong>de</strong> ron<strong>de</strong>, mettre la maçon nerie ancienne s<strong>ou</strong>s toit, en assurer un accès aisé par la réfection<br />

<strong>de</strong> la circulation verticale intérieure est un travail p<strong>ou</strong>r lequel l’architecte utilise une somme<br />

<strong>de</strong> cent mille francs prise sur la cassette personnelle <strong>de</strong> l’empereur 2 . Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> financement<br />

ainsi que la focalisation sur une partie du monument jugée alors la plus significative<br />

s’expliquent par l’intérêt personnel du s<strong>ou</strong>verain p<strong>ou</strong>r l’archéologie. Cet intérêt se p<strong>ou</strong>rsuit<br />

sur l’ensemble du territoire français, et il apparaît ici aux confins <strong>de</strong>s possessions <strong>de</strong> la liste<br />

civile liées au domaine <strong>de</strong> Compiègne comme à Champlieu <strong>ou</strong> à Saint-Pierre-en- Chastres,<br />

1. Voir aux archives départementales <strong>de</strong> l’Oise à Beauvais le fonds <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> Lucjan Wyganowski réalisés dans l’agence <strong>de</strong><br />

Lassus, coté 65 J1-6. <strong>Le</strong> premier ordre <strong>de</strong> Viollet-le-Duc est donné le 21 janvier 1858 : « Je prie M. Wyganowski <strong>de</strong> faire consoli<strong>de</strong>r<br />

le pont <strong>de</strong> l’entrée du château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>de</strong> manière à ce que les voitures puissent entrer dans l’<strong>ou</strong>vrage. » Archives départementales<br />

<strong>de</strong> l’Oise, 4Tp7, correspondance.<br />

2. <strong>Le</strong>s bor<strong>de</strong>reaux <strong>de</strong> comptes et les attachements figurés p<strong>ou</strong>r l’année 1859 sont aux Archives nationales <strong>de</strong> France égarés dans<br />

une liasse cotée F21 3412/1. P<strong>ou</strong>r l’année 1858, il faut aller aux archives départementales <strong>de</strong> l’Oise en 4Tp9 et 4Tp10.


<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

Figure 2<br />

Fig. 2. <strong>Pierrefonds</strong>, t<strong>ou</strong>r Hector, avec la vis <strong>de</strong> comble et le chemin <strong>de</strong> ron<strong>de</strong> restaurés en 1858.<br />

<strong>de</strong>ux autres chantiers menés en parallèle par Viollet-le-Duc dans les premières années <strong>de</strong>s<br />

travaux à <strong>Pierrefonds</strong> 3 . Il est certain que <strong>Pierrefonds</strong>, forteresse médiévale construite au<br />

début du x v e siècle par le frère du roi <strong>de</strong> France Charles VI, a séduit d’abord l’homme<br />

d’État du x i x e siècle p<strong>ou</strong>r son intérêt historique. Au même titre que les ruines du sanctuaire<br />

gallo-romain et du théâtre que l’on pensait alors mérovingien, exhumées à proximité <strong>de</strong> la<br />

chaussée <strong>de</strong> Brunehaut, et que le camp <strong>de</strong> César remontant à l’âge du bronze, retr<strong>ou</strong>vé à<br />

quelques kilomètres dans la forêt. S<strong>ou</strong>venirs <strong>de</strong> la Guerre <strong>de</strong>s Gaules, évocation <strong>de</strong>s premiers<br />

s<strong>ou</strong>verains français et ruines médiévales dressent ainsi un panorama <strong>de</strong> l’architecture<br />

nationale accessible <strong>de</strong>puis le palais ressuscité <strong>de</strong> Compiègne ; ce sont autant <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>veaux<br />

buts <strong>de</strong> promena<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> délassement, voire <strong>de</strong> loisir intelligent p<strong>ou</strong>r une C<strong>ou</strong>r fort assagie<br />

et résolument mo<strong>de</strong>rne (fig. 2).<br />

Dès février 1858, un <strong>de</strong>ssin flatteur produit par Viollet-le-Duc <strong>ou</strong>vre une perspective permettant<br />

d’aller au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s f<strong>ou</strong>illes et <strong>de</strong>s restitutions engagées, et atteste qu’on ait eu<br />

dans l’ent<strong>ou</strong>rage <strong>de</strong> l’empereur l’idée <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> une rési<strong>de</strong>nce 4 . La t<strong>ou</strong>r<br />

Hector est c<strong>ou</strong>verte comme à l’angle nord-<strong>ou</strong>est la t<strong>ou</strong>r Go<strong>de</strong>froy ; t<strong>ou</strong>tes <strong>de</strong>ux sont<br />

reliées par <strong>de</strong>s murs laissés en ruine. <strong>Le</strong> logis est restitué. <strong>Le</strong> promontoire sur lequel est<br />

3. Voir l’intervention <strong>de</strong> Marie-Laure Ber<strong>de</strong>aux-<strong>Le</strong> Brazi<strong>de</strong>c dans ce même colloque.<br />

4. Ce <strong>de</strong>ssin bien connu est conservé dans le fonds Viollet-le-Duc aux archives <strong>de</strong> la Médiathèque du patrimoine. Il a été gravé p<strong>ou</strong>r<br />

figurer dans Baudot, Perrault-Dabot, Monuments historiques, tome 1, et apparaît dans la planche 70.


<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

installé le château est traité en jardin à l’anglaise et <strong>de</strong>s communs sont construits au sud.<br />

Mais l’affaire n’est peut-être pas si facile à mener : <strong>Pierrefonds</strong> a gagné dans l’opinion<br />

publique ses galons <strong>de</strong> monument historique (l’endroit est continuellement visité, ce dont<br />

se plaint d’ailleurs Wyganowski en c<strong>ou</strong>rs <strong>de</strong> chantier 5 ). Et p<strong>ou</strong>r Viollet-le-Duc, qui n’a pas<br />

un tempérament à s’en laisser conter, le château ruiné est assurément un témoignage<br />

<strong>de</strong> valeur méritant la plus gran<strong>de</strong> attention, malgré l’appa rence <strong>de</strong> son projet d’appropriation.<br />

L’homme a sans d<strong>ou</strong>te quelques travers, mais il n’est pas c<strong>ou</strong>rtisan ; du moins,<br />

il ne l’est plus t<strong>ou</strong>t à fait <strong>de</strong>puis le milieu <strong>de</strong>s années 1840 et la fin du règne – p<strong>ou</strong>r lui<br />

très contestable – <strong>de</strong> son premier protecteur, le roi L<strong>ou</strong>is-Philippe. Architecte <strong>de</strong> la cathédrale<br />

<strong>de</strong> Paris avec Lassus <strong>de</strong>puis 1844, il a décoré à ce titre l’édifice p<strong>ou</strong>r le Te Deum<br />

chanté le 1 er janvier 1852 ; il a également veillé à la décoration du mariage avec Eugénie<br />

en 1853, puis accompagné les s<strong>ou</strong>verains à Amiens p<strong>ou</strong>r l’inauguration <strong>de</strong> son n<strong>ou</strong>vel<br />

aménagement <strong>de</strong> la chapelle <strong>de</strong> la Vierge dans la cathédrale. Mais son indépendance<br />

d’esprit et la reconnaissance <strong>de</strong> son travail lui permettent alors une certaine fermeté. En<br />

1852, justement, dans la Revue générale <strong>de</strong> l’architecture, Viollet-le-Duc a ainsi défini le<br />

rôle <strong>de</strong> l’archéologue, rôle qui ne peut s’accor<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s caprices d’un monarque <strong>ou</strong> d’une<br />

bureaucratie étroite : « En quoi l’archéologie peut-elle favoriser l’indépendance dans les<br />

arts ? Parce qu’elle admet la critique absolue, parce qu’elle conduit à la collection <strong>de</strong>s<br />

faits, indépendamment <strong>de</strong>s influences du moment. Parce qu’elle fait voir que t<strong>ou</strong>tes les<br />

époques qui ont produit <strong>de</strong>s œuvres originales, logiques, et belles en même temps, sont<br />

celles où l’art s’est développé s<strong>ou</strong>s l’influence puissante et fertile <strong>de</strong>s artistes livrés à euxmêmes,<br />

et non point s<strong>ou</strong>s la volonté <strong>ou</strong> le goût d’un s<strong>ou</strong>verain, d’un ministre <strong>ou</strong> d’une<br />

académie 6 . » Après <strong>de</strong> tels propos l’empereur, en choisissant Viollet-le-Duc, sait donc<br />

à quoi s’en tenir. En commettant néanmoins ce fameux <strong>de</strong>ssin et surt<strong>ou</strong>t cette huile où<br />

Napoléon III et Eugénie semblent p<strong>ou</strong>voir c<strong>ou</strong>ler <strong>de</strong>s j<strong>ou</strong>rs heureux en leur <strong>de</strong>meure <strong>de</strong><br />

<strong>Pierrefonds</strong> (image que Viollet-le-Duc a d’ailleurs conservée sans la donner aux s<strong>ou</strong>verains),<br />

l’architecte n’a-t-il pas été trop complaisant ?<br />

Dans une série d’articles publiés dans L’Artiste d’août à octobre 1858, intitulés « L’Architecture<br />

et les architectes au x i x e siècle », Viollet-le-Duc montre par ailleurs que la page du<br />

romantisme <strong>de</strong> fantaisie est p<strong>ou</strong>r lui t<strong>ou</strong>rnée <strong>de</strong>puis longtemps. Évoquant les réalisations<br />

architecturales <strong>de</strong>s années 1820, il précise : « Cette première réaction, venue avec le romantisme<br />

en littérature, n<strong>ou</strong>s la désignons, n<strong>ou</strong>s architectes (car il faut bien tr<strong>ou</strong>ver <strong>de</strong>s<br />

noms aux choses et aux temps), s<strong>ou</strong>s ce titre : d’école tr<strong>ou</strong>bad<strong>ou</strong>r. C’était une sorte d’art<br />

sentimental qui ne dépassa pas le seuil <strong>de</strong>s kiosques, <strong>de</strong>s chapelles, <strong>de</strong>s châteaux, <strong>de</strong>s<br />

b<strong>ou</strong>doirs, <strong>de</strong>s théâtres <strong>de</strong> b<strong>ou</strong>levard, et ne fut pratiqué que par quelques amateurs. Car au<br />

fond rien n’est moins romanesque que l’architecture 7 . »<br />

Avec <strong>de</strong> telles convictions, la restitution-reconstruction d’un monument du Moyen Âge laisse<br />

augurer d’un sérieux qui ne saurait tolérer d’inévitables concessions p<strong>ou</strong>r organiser ici<br />

le séj<strong>ou</strong>r <strong>de</strong> la C<strong>ou</strong>r. Ce projet incongru <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce d’un chef d’État industrialisé au cœur<br />

d’un ensemble médiéval évoquant la féodalité, auquel a s<strong>ou</strong>scrit un temps l’architecte,<br />

s’explique peut-être par le fait qu’en février 1858, ce <strong>de</strong>rnier est encore loin d’avoir pris la<br />

mesure <strong>de</strong> l’intérêt d’un édifice dont beauc<strong>ou</strong>p <strong>de</strong> vestiges sont encore enf<strong>ou</strong>is s<strong>ou</strong>s les déblais.<br />

<strong>Le</strong>s Descriptions du château écrites <strong>de</strong> sa main, modifiées à cinq reprises entre 1857<br />

5. Archives départementales <strong>de</strong> l’Oise à Beauvais, 4Tp7. Correspondance. <strong>Le</strong>ttre <strong>de</strong> Wyganowski à Viollet-le-Duc du 12 juin 1859 :<br />

« M. le maire <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> m’a répondu que les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs tr<strong>ou</strong>vent cette faculté <strong>de</strong> visiter le château avec le gardien insuffisante<br />

et qu’ils veulent s’y promener comme sur une place publique du matin au soir ; il m’a cité comme exemple le jardin <strong>de</strong>s Tuileries à<br />

Paris et le parc du château <strong>de</strong> Compiègne, et c’est en vain que je lui ai fait observer que les jardins <strong>de</strong>s Tuileries et <strong>de</strong> Compiègne<br />

sont surveillés par plusieurs sentinelles, gardiens, sergents <strong>de</strong> ville. Tandis qu’à <strong>Pierrefonds</strong>, il n’y a pas un seul gardien et le<br />

château, un fois livré au public, serait bientôt dans un état dans lequel n<strong>ou</strong>s l’avons tr<strong>ou</strong>vé en commençant la restauration, c’est-àdire<br />

le jardin aussi nu et dévasté qu’une place publique <strong>de</strong> village ; <strong>de</strong> même en ce moment malgré la surveillance très active, n<strong>ou</strong>s<br />

sommes obligés j<strong>ou</strong>rnellement <strong>de</strong> réparer les dégâts <strong>de</strong> la veille faits par les visiteurs. Malgré t<strong>ou</strong>s mes raisonnements, M. le maire<br />

en se retirant a déclaré que les habitants et les visiteurs étaient habitués <strong>de</strong>puis longtemps à regar<strong>de</strong>r le château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong><br />

comme un lieu public. »<br />

6. Revue générale <strong>de</strong> l’architecture, 1852, col. 371-372<br />

7. L’Artiste, 1858, p. 227.


<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

et 1869, révèlent une prise <strong>de</strong> conscience progressive. Il n’est pas possible ici d’analyser<br />

en détail les aj<strong>ou</strong>ts, les repentirs, les avancées dans le raisonnement que l’on peut remarquer<br />

dans le texte, mais les conclusions <strong>de</strong>s éditions <strong>de</strong> 1857 et 1861 indiquent combien<br />

Viollet-le-Duc s’attache à un édifice au point qu’il ne peut permettre <strong>de</strong> le laisser au bénéfice<br />

d’un seul, fût-ce le monarque. En 1857, alors même que le chantier n’est pas encore<br />

engagé, l’architecte termine ainsi sa Description du château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> : « Tel qu’il est<br />

encore auj<strong>ou</strong>rd’hui, avec ses bâtiments rasés et ses t<strong>ou</strong>rs éventrées à la sape, le château<br />

<strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> est un sujet d’étu<strong>de</strong>s inépuisable. Des f<strong>ou</strong>illes ont déjà dégagé les <strong>ou</strong>vrages<br />

au sud vers le fossé, et si ces travaux étaient continués, ils donneraient <strong>de</strong>s renseignements<br />

précieux ; car c’est <strong>de</strong> ce côté, comme étant le plus accessible, que <strong>de</strong>vaient être les défenses<br />

les plus fortes […]. <strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, <strong>de</strong>meuré intact, n<strong>ou</strong>s donnerait une<br />

idée <strong>de</strong> ce qu’étaient ces <strong>de</strong>meures déjà richement décorées à l’intérieur, où les habitu<strong>de</strong>s<br />

du luxe et <strong>de</strong> confort même commençaient à prendre une gran<strong>de</strong> place dans la vie <strong>de</strong>s<br />

seigneurs féodaux. »<br />

En 1861, la conclusion est la suivante : « Depuis le commencement <strong>de</strong> l’année 1858, <strong>de</strong>s<br />

travaux considérables <strong>de</strong> déblaiement, puis <strong>de</strong> restauration, ont été entrepris au château<br />

<strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, par ordre <strong>de</strong> l’empereur Napoléon III. L’empereur a reconnu l’importance<br />

<strong>de</strong>s ruines <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’histoire et <strong>de</strong> l’art. <strong>Le</strong> donjon et presque<br />

t<strong>ou</strong>tes les défenses extérieures reprennent leur aspect primitif ; ainsi n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>rrons voir<br />

bientôt le plus beau spécimen <strong>de</strong> l’architecture féodale du x v e siècle en France renaître<br />

par la volonté auguste du s<strong>ou</strong>verain. N<strong>ou</strong>s n’avons que trop <strong>de</strong> ruines dans notre pays, et<br />

les ruines ne donnent guère l’idée <strong>de</strong> ce qu’étaient ces habitations <strong>de</strong>s grands seigneurs<br />

les plus éclairés du Moyen Âge, amis <strong>de</strong>s arts et <strong>de</strong>s lettres, possesseurs <strong>de</strong> richesses<br />

immenses. <strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, rétabli en totalité, fera connaître cet art à la fois civil<br />

et militaire, qui, <strong>de</strong> Charles V à L<strong>ou</strong>is XI, était supérieur à t<strong>ou</strong>t ce que l’on faisait alors en<br />

Europe. C’est dans l’art féodal du x v e siècle en France, développé s<strong>ou</strong>s l’inspiration <strong>de</strong>s<br />

Valois, que l’on tr<strong>ou</strong>ve en germe t<strong>ou</strong>tes les splen<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> la Renaissance, bien plus que<br />

dans l’imitation <strong>de</strong>s arts italiens. »<br />

Ce programme complet <strong>de</strong> restauration, Viollet-le-Duc le mènera effectivement, bien qu’il<br />

soit peu compatible avec l’établissement d’une rési<strong>de</strong>nce impériale à <strong>Pierrefonds</strong>. <strong>Le</strong><br />

bâtiment lui-même résiste à sa transformation. De 1859 à la fin <strong>de</strong> l’année 1862, Violletle-Duc<br />

refait avec précaution la t<strong>ou</strong>r Go<strong>de</strong>froy, la t<strong>ou</strong>r carrée du donjon, les trois gran<strong>de</strong>s<br />

salles superposées du logis, et construit avec beauc<strong>ou</strong>p <strong>de</strong> liberté le n<strong>ou</strong>vel escalier<br />

d’honneur en avant du donjon. T<strong>ou</strong>tefois, si la toiture a été placée s<strong>ou</strong>s ce premier ensemble,<br />

il manque encore la plupart <strong>de</strong>s parquets et les menuiseries <strong>de</strong>s baies. <strong>Le</strong>s travaux<br />

<strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> alternent alors avec ceux <strong>de</strong> Champlieu et <strong>de</strong> Saint-Pierre-en-Chastres,<br />

sans apparaître comme une priorité 8 . À l’automne, ren<strong>de</strong>z-v<strong>ou</strong>s est pris, chaque année,<br />

avec l’empereur, p<strong>ou</strong>r lui faire déc<strong>ou</strong>vrir l’avancement du chantier, mais ce sera seulement<br />

après la visite <strong>de</strong>s s<strong>ou</strong>verains et <strong>de</strong> leurs soixante invités, le 30 septembre 1862, que l’affaire<br />

prendra une autre ampleur 9 . On pense alors en effet à d<strong>ou</strong>bler la partie déjà réalisée<br />

en adoptant résolument le projet <strong>de</strong> 1858. Un <strong>de</strong>ssin précisant les dispositions envisagées<br />

en 1863, conservé aux archives départementales <strong>de</strong> l’Oise à Beauvais, le confirme :<br />

il faut donc imaginer, au premier étage du logis médiéval restitué, la chambre <strong>de</strong> l’impé-<br />

8. Archives départementales <strong>de</strong> l’Oise, Beauvais, 4Tp7. En juin 1859, l’activité cesse complètement sur le chantier <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong><br />

p<strong>ou</strong>r reprendre à Champlieu jusqu’en décembre. <strong>Le</strong> camp <strong>de</strong> Saint-Pierre est f<strong>ou</strong>illé au c<strong>ou</strong>rs <strong>de</strong> l’année 1861 et l’essentiel <strong>de</strong> l’activité<br />

<strong>de</strong> Wyganowski se concentre là pendant l’hiver et le printemps 1862. Voir Correspondance W et VLD.<br />

9. Archives départementales <strong>de</strong> l’Oise, Beauvais, Tp7. Pendant la visite <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, le 8 septembre 1862, l’empereur semble<br />

malgré t<strong>ou</strong>t beauc<strong>ou</strong>p préoccupé par les tr<strong>ou</strong>vailles récentes effectuées sur le site du camp <strong>de</strong> Saint-Pierre. Wyganowski à Violletle-Duc<br />

: « <strong>Le</strong>urs Majestés l’empereur et l’impératrice, accompagnés <strong>de</strong> leurs invités en nombre <strong>de</strong> soixante personnes, sont venus<br />

au château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>. La visite a duré une heure et <strong>de</strong>mie. Pendant ce temps, les invités ont parc<strong>ou</strong>ru les salles du grand logis<br />

admirant les détails <strong>de</strong> l’escalier ainsi que la t<strong>ou</strong>r carrée. L’empereur m’a dit qu’il n’a pas tr<strong>ou</strong>vé les pierres <strong>de</strong> fron<strong>de</strong> en silex qu’il a<br />

vues à Saint-Pierre. J’ai répondu à Sa Majesté que je les avais mises au fond <strong>de</strong> la petite boîte en les rec<strong>ou</strong>vrant avec une feuille <strong>de</strong><br />

papier et il est probable que la personne chargée <strong>de</strong> retirer les objets <strong>de</strong> cette boîte ait laissé lesdites pierres au fond. Sa Majesté a<br />

dit que cela est possible et v<strong>ou</strong>s communique cette particularité afin que v<strong>ou</strong>s ayez la bonté <strong>de</strong> vérifier la boîte en question pendant<br />

votre séj<strong>ou</strong>r à Compiègne. »


<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

ratrice prévue dans la t<strong>ou</strong>r Charlemagne, au même niveau que la chambre <strong>de</strong> l’empereur,<br />

sise dans la t<strong>ou</strong>r Jules César – l’emplacement est beauc<strong>ou</strong>p plus conforme aux usages du<br />

x i x e siècle que celui qui est indiqué auj<strong>ou</strong>rd’hui dans la visite –, et dans ce même logis t<strong>ou</strong>s<br />

les services nécessaires. Mais la t<strong>ou</strong>r Charlemagne est totalement à reconstruire, comme<br />

la t<strong>ou</strong>r Jules César. Et ces travaux sont subordonnés à <strong>de</strong> longues et délicates f<strong>ou</strong>illes<br />

dans cette partie la plus ruinée <strong>de</strong> l’édifice, où il faut en <strong>ou</strong>tre retr<strong>ou</strong>ver et re<strong>de</strong>ssiner l’accès<br />

au monument par le sud. Ces travaux colossaux, engagés avec l’exigence scientifique<br />

<strong>de</strong> l’architecte, prennent du temps malgré l’importance <strong>de</strong>s moyens engagés. C’est<br />

le début d’une fuite en avant sur un projet d’ensemble non établi 10 : on lance, en 1864, la<br />

reconstruction <strong>de</strong> l’aile <strong>ou</strong>est comprenant la salle <strong>de</strong>s mercenaires, la gran<strong>de</strong> salle et son<br />

décor, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux étages <strong>de</strong> caves encore <strong>de</strong>b<strong>ou</strong>t (dont celui situé à l’affleurement<br />

du sol <strong>de</strong> la c<strong>ou</strong>r est repris, consolidé et surélevé). L’enveloppe projetée permet d’y<br />

installer une vaste salle <strong>de</strong> banquets au niveau <strong>de</strong> la c<strong>ou</strong>r et une salle <strong>de</strong> bal avec son<br />

parquet au niveau supérieur : t<strong>ou</strong>t cela exige <strong>de</strong> l’architecte-archéologue une argumentation<br />

acrobatique au regard d’une probable vérité historique. Faire <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> un palais<br />

mo<strong>de</strong>rne, du moins utilisable p<strong>ou</strong>r le s<strong>ou</strong>verain et sa C<strong>ou</strong>r, entre cette fois-ci directement<br />

en contradiction avec le s<strong>ou</strong>hait initial, qui était <strong>de</strong> fixer, à travers la reconstruction du<br />

château, un état <strong>de</strong> la pensée sur l’architecture au début du x v e siècle, la manière <strong>de</strong> se<br />

défendre et d’habiter. Viollet-le-Duc et son commanditaire ont sans d<strong>ou</strong>te mené ensemble<br />

la réflexion qui <strong>de</strong>vait déb<strong>ou</strong>cher sur l’abandon du programme rési<strong>de</strong>ntiel.<br />

En 1865, Napoléon III prend la décision d’organiser la secon<strong>de</strong> Exposition universelle du<br />

règne à Paris et d’en fixer l’inauguration au 1 er avril 1867. Restauré, accessible <strong>de</strong> la gare <strong>de</strong><br />

Compiègne, <strong>ou</strong>vert au public, bénéficiant d’une capacité d’accueil liée au développement<br />

<strong>de</strong> la station thermale, <strong>Pierrefonds</strong> peut <strong>de</strong>venir un but <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> p<strong>ou</strong>r les visiteurs<br />

attendus dans la capitale, comme p<strong>ou</strong>r les chefs d’État et leurs ent<strong>ou</strong>rages. <strong>Le</strong> château<br />

acquiert <strong>de</strong> cette manière une valeur d’autant plus importante aux yeux du régime. Violletle-Duc,<br />

quant à lui, et ce manifestement <strong>de</strong>puis l’année 1863 avec la parution <strong>de</strong> la n<strong>ou</strong>velle<br />

série <strong>de</strong> la Gazette <strong>de</strong>s Architectes et du Bâtiment, codirigée par son fils, a pris résolument<br />

le parti <strong>de</strong> l’art industriel et plus généralement encore « <strong>de</strong> l’industrie du bâtiment et <strong>de</strong> l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s progrès <strong>de</strong> t<strong>ou</strong>te sorte qu’elle introduit alors dans le domaine <strong>de</strong> l’architecture »,<br />

s<strong>ou</strong>haitant ainsi participer « à cet échange incessant et facile <strong>de</strong> communications, qui fait<br />

que chacun est mis en éveil sur t<strong>ou</strong>t ce qui se produit <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>veau 11 ». Avec ses charpentes<br />

métalliques, ses mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> c<strong>ou</strong>vertures et son ornementation en métal rep<strong>ou</strong>ssé, son décor<br />

peint d’un caractère inédit réalisé selon un procédé à la détrempe expérimenté p<strong>ou</strong>r l’occasion<br />

– dont l’emploi a été à chaque fois justifié par Viollet-le-Duc au bénéfice <strong>de</strong> la science<br />

archéologique –, le chantier <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> se fait l’écho d’une préoccupation <strong>de</strong> plus en<br />

plus pressante, réunissant l’histoire, le présent et l’avenir.<br />

<strong>Le</strong> commanditaire et son architecte partagent donc un même intérêt à rendre visitable<br />

le château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> p<strong>ou</strong>r l’Exposition. D’autre part, dès 1862, selon la volonté <strong>de</strong><br />

l’empereur, la restauration du château <strong>de</strong> Saint-Germain-en-Laye 12 a débuté p<strong>ou</strong>r y installer<br />

le musée <strong>de</strong>s Antiquités nationales, suivant une démarche archéologique menée par<br />

Émile Millet, architecte proche <strong>de</strong> Viollet-le-Duc, qui se veut elle aussi exemplaire. <strong>Le</strong>s<br />

10. <strong>Le</strong> projet <strong>de</strong> reconstruction <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> salle d’après Viollet-le-Duc résulte uniquement d’après lui d’une série d’observations<br />

menées à <strong>Pierrefonds</strong> sur le terrain (voir Description du château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, édition <strong>de</strong> 1872, p. 23-24). On peut penser que l’architecte<br />

s’est inspiré <strong>de</strong> dispositions visibles encore à C<strong>ou</strong>cy, documentées dans Andr<strong>ou</strong>et du Cerceau en ce qui concerne la cheminée<br />

monumentale. La salle <strong>de</strong> bal, avec sa tribune p<strong>ou</strong>r les musiciens, son vestibule curieux établi comme un narthex, et surt<strong>ou</strong>t<br />

sa statuaire plutôt mièvre, est la partie du château traitée avec le plus <strong>de</strong> fantaisie : elle reste unique en ce genre à <strong>Pierrefonds</strong>. Et, à<br />

l’exception du nuancier <strong>de</strong> c<strong>ou</strong>leurs <strong>de</strong> son décor mural et ses motifs, elle illustre un art <strong>de</strong> c<strong>ou</strong>r anachronique teinté <strong>de</strong> romantisme<br />

très années 1820, qui se dét<strong>ou</strong>rne totalement <strong>de</strong> l’archéologie.<br />

11. Ces citations successives <strong>de</strong> Viollet-le-Duc sont extraites <strong>de</strong> la Gazette <strong>de</strong>s architectes et du bâtiment, « Étu<strong>de</strong>s sur l’Exposition<br />

universelle <strong>de</strong> 1867 », p. 2 et 3.<br />

12. Viollet-le-Duc s<strong>ou</strong>tient le projet d’Eugène Millet p<strong>ou</strong>r le château <strong>de</strong> Saint-Germain <strong>de</strong>vant une commission <strong>de</strong> spécialistes réunie<br />

p<strong>ou</strong>r l’occasion, et obtient la suppression <strong>de</strong>s adjonctions faites pendant le règne <strong>de</strong> L<strong>ou</strong>is XIV. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux architectes se connaissent<br />

bien et s’estiment notamment <strong>de</strong>puis le passage <strong>de</strong> Millet dans l’agence <strong>de</strong> Viollet-le-Duc, quand ce <strong>de</strong>rnier obtient qu’il <strong>de</strong>vienne<br />

son adjoint sur ses chantiers <strong>de</strong> restauration dès 1847.


<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

Figure 3<br />

Fig. 3. <strong>Pierrefonds</strong>, chambre dite « du Seigneur ». Photo J.-P. Midant.<br />

Figure 4<br />

Fig. 4. <strong>Pierrefonds</strong>, cabinet <strong>de</strong> l’Empereur. Photo J.-P. Midant.


<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

châteaux <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> et <strong>de</strong> Saint-Germain peuvent donc <strong>ou</strong>vrir au public, en 1867,<br />

p<strong>ou</strong>r <strong>de</strong>venir la vitrine <strong>de</strong> ce n<strong>ou</strong>veau « rationalisme réformateur 13 » dans l’architecture<br />

dont Viollet-le-Duc veut être le héros – son optique étant <strong>de</strong> constituer <strong>de</strong> l’un à l’autre une<br />

rétrospective <strong>de</strong> l’architecture et <strong>de</strong> l’art français, <strong>de</strong> l’Antiquité à la Renaissance (avec la<br />

redéc<strong>ou</strong>verte <strong>de</strong> l’architecture du château <strong>de</strong> Saint-Germain « s<strong>ou</strong>lagée » <strong>de</strong>s aj<strong>ou</strong>ts du<br />

règne <strong>de</strong> L<strong>ou</strong>is XIV).<br />

En 1866, la salle <strong>de</strong> bal <strong>de</strong>vient galerie <strong>de</strong> musée, avec l’installation, dans le vestibule et la<br />

gran<strong>de</strong> salle <strong>de</strong> l’aile n<strong>ou</strong>vellement <strong>reconstruit</strong>e <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, <strong>de</strong> la collection d’armures<br />

et d’armes <strong>de</strong> poing acquise par l’empereur à la vente Soltikoff, présentée auparavant<br />

dans le palais <strong>de</strong> l’Industrie aux Champs-Élysées 14 . L’évocation <strong>de</strong> la société féodale<br />

est complétée par la décoration d’une partie du grand logis. La pièce dite « chambre<br />

<strong>de</strong> l’empereur », ainsi que sa voisine, dite « cabinet <strong>de</strong> travail », sont les premières à être<br />

terminées au c<strong>ou</strong>rs <strong>de</strong> l’année 1866. Sur les murs le chiffre impérial établit le parallèle<br />

ente le prince du Moyen Âge et le s<strong>ou</strong>verain du xi x e siècle; mais il indique que ce <strong>de</strong>rnier<br />

y <strong>de</strong>meurera en tant que mécène. Quant au premier (et unique) appartement livré au château<br />

par Viollet-le-Duc, il est situé non loin <strong>de</strong> là, entre le vestibule <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s<br />

et la chambre du pont-levis, dans la c<strong>ou</strong>rtine terminée par la t<strong>ou</strong>r Artus ; il est habité par<br />

le sieur Taupin, surveillant militaire chargé <strong>de</strong> faire visiter la partie du bâtiment <strong>ou</strong>verte au<br />

public à partir du dimanche 2 juin 1867 (fig. 3 et 4).<br />

La p<strong>ou</strong>rsuite <strong>de</strong>s travaux dans la c<strong>ou</strong>r intérieure reçoit une impulsion définitive lorsque<br />

Viollet-le-Duc, accompagné <strong>de</strong> son collaborateur Anatole <strong>de</strong> Baudot et <strong>de</strong> Wyganowski,<br />

vient, en février 1866, mettre au point les <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> la faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> la chapelle, ainsi que<br />

le projet <strong>de</strong> l’aile <strong>de</strong>s remises et <strong>de</strong> l’aile <strong>de</strong>s cuisines 15 . Il s’applique ensuite à « architecturer<br />

» les abords <strong>de</strong> l’édifice à l’<strong>ou</strong>est, au nord et à l’est, une fois fixée définitivement, en<br />

1869, l’entrée principale du parc à l’emplacement d’auj<strong>ou</strong>rd’hui. De l’autre côté, sur le<br />

plateau au sud, les premiers talus, réalisés dès 1861, sont aussi repris. Un plan complet<br />

<strong>de</strong> fortifications avancées est dressé sur l’ensemble <strong>de</strong> la propriété avant la chute <strong>de</strong><br />

l’empire 16 . Ici encore, la collaboration entre le s<strong>ou</strong>verain et son architecte passe par une<br />

complicité sur le terrain <strong>de</strong> l’histoire. C’est la <strong>de</strong>rnière fois qu’elle s’exprime à <strong>Pierrefonds</strong>,<br />

mais elle est la plus révélatrice <strong>de</strong> leur réel intérêt commun : l’architecture militaire. L<strong>ou</strong>is<br />

Napoléon Bonaparte avait en effet fait paraître, d’abord chez Dumaine, en 1846, puis<br />

lorsqu’il était prince prési<strong>de</strong>nt en 1851, les <strong>de</strong>ux premiers tomes <strong>de</strong> son étu<strong>de</strong> sur <strong>Le</strong><br />

Passé et l’Avenir <strong>de</strong> l’artillerie, précédés d’un avant-propos qui ne p<strong>ou</strong>vait manquer <strong>de</strong><br />

plaire à son architecte. On y lisait : « P<strong>ou</strong>r entreprendre un travail <strong>de</strong> si longue haleine, il<br />

me fallait un puissant mobile, ce mobile c’est l’am<strong>ou</strong>r <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> la vérité historique.<br />

J’adresse donc mon <strong>ou</strong>vrage à t<strong>ou</strong>s ceux qui aiment les sciences et l’histoire, ces gui<strong>de</strong>s<br />

dans la prospérité, ces consolateurs dans la mauvaise fortune. » (L<strong>ou</strong>is Napoléon faisait<br />

allusion dans cette <strong>de</strong>rnière remarque à sa captivité au fort <strong>de</strong> Ham où il avait tr<strong>ou</strong>vé le<br />

temps <strong>de</strong> se consacrer à cet <strong>ou</strong>vrage.)<br />

Ouverts au public s<strong>ou</strong>s le Second Empire comme un musée, le bâtiment et son parc,<br />

une fois la défaite consommée, retr<strong>ou</strong>vent cette vocation, et, jusqu’en 1879, date <strong>de</strong> la<br />

mort <strong>de</strong> Viollet-le-Duc les travaux d’aménagement se p<strong>ou</strong>rsuivent. P<strong>ou</strong>rtant, dès l’année<br />

1870, la collection d’armures a été déménagée. Vi<strong>de</strong>, le château est loin d’être terminé.<br />

13. Ce terme est celui qui, selon Viollet-le-Duc, définit le mieux son attitu<strong>de</strong> vis-à-vis du projet d’architecture contemporain. Voir<br />

L’Artiste, 1859.<br />

14. Voir l’intervention du conservateur du musée <strong>de</strong> l’Armée dans ce même colloque.<br />

15. Archives départementales <strong>de</strong> l’Oise à Beauvais, 4 Tp7, Correspondance, lettre du 20 février 1866 : « Mon cher Wyg, j’emmènerai<br />

<strong>de</strong> Baudot avec moi mardi, p<strong>ou</strong>r qu’à n<strong>ou</strong>s trois n<strong>ou</strong>s fassions force besogne. Faites disposer une table sur laquelle il puisse travailler.<br />

J’envoie <strong>de</strong>s planches <strong>de</strong> Paris. »<br />

16. À notre connaissance, aucun plan conservé dans les archives publiques auj<strong>ou</strong>rd’hui ne rend compte exactement <strong>de</strong>s travaux<br />

réalisés par Viollet-le-Duc dans le parc. Notamment en ce qui concerne les levées <strong>de</strong> terres situées au sud, qui évoquent un camp<br />

romain <strong>ou</strong> plutôt un camp celtique, à la manière <strong>de</strong> celui qui se tr<strong>ou</strong>ve à quelques kilomètres dans la forêt à Saint-Pierre-en-Chastres.<br />

Quoique Nicolas Faucherre reste dans l’expectative, n<strong>ou</strong>s aimons à penser, au vu <strong>de</strong>s témoignages repérables auj<strong>ou</strong>rd’hui,<br />

que le <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong> l’architecte était <strong>de</strong> faire du parc <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> un musée <strong>de</strong> la fortification en plein air.


<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

Figure 5<br />

Fig. 5. <strong>Pierrefonds</strong>, faça<strong>de</strong> sud. Photo J.-P. Midant.<br />

<strong>Le</strong>s visiteurs se font rares. Ils afflueront plus tard, d’autant qu’en 1884, date du décès <strong>de</strong><br />

Maurice Ourad<strong>ou</strong>, gendre <strong>de</strong> l’architecte, qui avait p<strong>ou</strong>rsuivi l’entreprise d’après les <strong>de</strong>ssins<br />

<strong>de</strong> son beau-père, le train arrivera à <strong>Pierrefonds</strong>.<br />

Mais, après 1870, Viollet-le-Duc programme seul la reconstruction du château. L’empereur<br />

est absent, humilié par les Prussiens, <strong>ou</strong>blié, et, en définitive, il passe aux yeux <strong>de</strong><br />

Viollet-le-Duc p<strong>ou</strong>r le plus incapable <strong>de</strong>s militaires et le plus mauvais <strong>de</strong>s historiens ; l’architecte<br />

prépare donc sans lui le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> cette œuvre si peu ordinaire et fait <strong>de</strong> la reconstruction<br />

<strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> une leçon p<strong>ou</strong>r le présent.<br />

« N<strong>ou</strong>s avons un tort auj<strong>ou</strong>rd’hui, auquel n<strong>ou</strong>s ne saurions apporter <strong>de</strong> remè<strong>de</strong>, n<strong>ou</strong>s<br />

venons trop tard. <strong>Le</strong>s anciens n<strong>ou</strong>s ont volés, en venant avant n<strong>ou</strong>s avec <strong>de</strong>s idées simples<br />

et belles, que n<strong>ou</strong>s eussions eues, peut-être. N<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>vons plus, comme eux,<br />

ramener à un système unique. Notre rôle d’artiste est très difficile. N<strong>ou</strong>s avons une infinité<br />

<strong>de</strong> vieux préjugés, <strong>de</strong> vieilles habitu<strong>de</strong>s qui tiennent à une civilisation morte et, en même<br />

temps, n<strong>ou</strong>s avons nos besoins, nos habitu<strong>de</strong>s, nos convenances mo<strong>de</strong>rnes. Cependant<br />

n<strong>ou</strong>s avons comme les anciens la faculté <strong>de</strong> raisonner et un peu celle <strong>de</strong> sentir. C’est<br />

au moyen <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux facultés que n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>vons chercher le vrai et le beau. Je suis


<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

convaincu qu’on perfectionne le goût <strong>de</strong> notre génération en l’habituant à raisonner.<br />

Observez que, dans un grand nombre <strong>de</strong> cas, le raisonnement rend compte du jugement<br />

que le goût a prononcé. Très s<strong>ou</strong>vent (peut-être t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs), le sentiment du goût n’est<br />

qu’un raisonnement involontaire dont les termes n<strong>ou</strong>s échappent. Acquérir du goût n’est<br />

autre chose que prendre l’habitu<strong>de</strong> du beau, c’est-à-dire choisir ; or n<strong>ou</strong>s appelons à<br />

notre ai<strong>de</strong>, p<strong>ou</strong>r p<strong>ou</strong>voir faire ce choix, notre faculté <strong>de</strong> raisonner. N<strong>ou</strong>s voyons un édifice ;<br />

t<strong>ou</strong>t d’abord notre esprit est charmé ; n<strong>ou</strong>s disons : “Voilà un beau monument.” Mais ce<br />

jugement d’instinct ne suffit pas ; n<strong>ou</strong>s n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>mandons : “Ce monument est-il beau ?”<br />

N<strong>ou</strong>s v<strong>ou</strong>lons déc<strong>ou</strong>vrir les causes <strong>de</strong> l’effet qu’il produit sur n<strong>ou</strong>s. N<strong>ou</strong>s cherchons alors<br />

à analyser t<strong>ou</strong>tes les parties <strong>de</strong> l’œuvre qui n<strong>ou</strong>s charme, afin <strong>de</strong> p<strong>ou</strong>voir n<strong>ou</strong>s livrer à la<br />

synthèse lorsque n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>vrons produire à notre t<strong>ou</strong>r. »<br />

N<strong>ou</strong>s sommes ainsi persuadés qu’à <strong>Pierrefonds</strong> Viollet-le-Duc n’a pas travaillé p<strong>ou</strong>r un<br />

homme, p<strong>ou</strong>r sa famille, <strong>ou</strong> la gloire du régime politique qui l’employait. P<strong>ou</strong>r autant, il n’a<br />

pas fait œuvre <strong>de</strong> rig<strong>ou</strong>reux archéologue. Son but était certainement ailleurs : sans d<strong>ou</strong>te<br />

a-t-il pensé donner, en faisant du château un musée, une leçon sur l’art et sur l’architecture<br />

que t<strong>ou</strong>s ceux qui v<strong>ou</strong>draient bien la recevoir p<strong>ou</strong>rraient partager.<br />

« À tant <strong>de</strong> traditions plus <strong>ou</strong> moins anciennes, ce ne sont donc pas <strong>de</strong>s formes qu’il faudrait<br />

prendre, mais ces principes invariables comme la raison humaine. Et plus un art se rapprochera<br />

<strong>de</strong> ces principes, plus il en sera la fidèle et simple expression et plus n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>vrions<br />

n<strong>ou</strong>s efforcer d’imiter […] non les formes qu’il a adoptées, mais la métho<strong>de</strong> qu’il a suivie<br />

p<strong>ou</strong>r les tr<strong>ou</strong>ver […]. À l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce procédé intellectuel si naturel, n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>rrions laisser<br />

ainsi <strong>de</strong>s monuments que les siècles futurs étudieraient avec profit […]. Ce serait donc au<br />

public à prendre en main cette question, puisqu’il est partie intéressée ; ce serait donc au<br />

public à ne plus regar<strong>de</strong>r les œuvres d’architecture comme l’émanation d’une étu<strong>de</strong> mystérieuse,<br />

d’une secte d’initiés, mais comme un art qui, au contraire, doit t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs être prêt à<br />

expliquer ses moyens, à rendre raison à ses conceptions. » (Fig.5.)


Sommaire<br />

S<strong>ou</strong>s la direction <strong>de</strong> Christophe Vallet,<br />

prési<strong>de</strong>nt du Centre <strong>de</strong>s monuments nationaux<br />

Christophe Vallet,<br />

prési<strong>de</strong>nt du Centre <strong>de</strong>s monuments nationaux<br />

Ouverture du colloque<br />

Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> séance : Bruno F<strong>ou</strong>cart,<br />

docteur ès lettres, professeur honoraire<br />

<strong>de</strong> l’université Paris-IV, commissaire général<br />

<strong>de</strong> l’exposition Viollet-le-Duc, Paris, 1980<br />

L’exposition Viollet-le-Duc au Grand Palais à Paris (1979-1980)<br />

Résumé Abstract<br />

Jean Mesqui,<br />

docteur ès lettres, ingénieur général<br />

<strong>de</strong>s Ponts et Chaussées<br />

<strong>Le</strong> château du x v e siècle. L’œuvre <strong>de</strong> L<strong>ou</strong>is d’Orléans à <strong>Pierrefonds</strong><br />

Résumé Abstract texte non communiqué<br />

Jean-Paul Midant, docteur en histoire,<br />

maître-assistant à l’École nationale supérieure<br />

d’architecture <strong>de</strong> Paris-Belleville<br />

<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> : rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Résumé Abstract<br />

Nicolas Faucherre, professeur d’histoire <strong>de</strong> l’art<br />

à l’université <strong>de</strong> Nantes (Loire-Atlantique)<br />

<strong>Le</strong> parc du château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, un projet singulier<br />

Résumé Abstract texte non communiqué<br />

Étienne Poncelet, architecte en chef et inspecteur<br />

général <strong>de</strong>s monuments historiques<br />

Un château <strong>reconstruit</strong> dans les années 1860 (la leçon d’architecture)<br />

Résumé Abstract<br />

Jean-Pierre Reverseau,<br />

conservateur général du patrimoine,<br />

directeur adjoint du musée <strong>de</strong> l’Armée, Paris<br />

<strong>Le</strong> cabinet d’armes <strong>de</strong> Napoléon III à <strong>Pierrefonds</strong><br />

Résumé Abstract<br />

Martin Bressani,<br />

professeur agrégé, école d’architecture,<br />

université McGill, Montréal (Canada)<br />

Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc<br />

Résumé Abstract<br />

Laurent Baridon, docteur en histoire, professeur<br />

à l’université Pierre-Mendès-France, Grenoble (Isère)<br />

Une « histoire naturelle à part »:<br />

la sculpture d’invention du château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong><br />

Résumé Abstract


Sommaire<br />

Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> séance : Jean-Michel <strong>Le</strong>niaud<br />

professeur à l’École nationale <strong>de</strong>s chartes, directeur<br />

d’étu<strong>de</strong>s à l’École pratique <strong>de</strong>s hautes étu<strong>de</strong>s, Paris<br />

<strong>Le</strong> chantier <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, œuvre d’État :<br />

nation et spécificités locales<br />

Résumé Abstract<br />

Aron Vinegar, Assistant Professor,<br />

département d’histoire <strong>de</strong> l’art,<br />

Ohio State University, Columbus (États-Unis)<br />

La photographie panoramique<br />

et la restauration du château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong><br />

Résumé Abstract<br />

Marie-Laure Ber<strong>de</strong>aux-<strong>Le</strong> Brazi<strong>de</strong>c,<br />

docteur en archéologie, chercheur associé<br />

à l’UMR 5140, Lattes (Hérault)<br />

Viollet-le-Duc, les f<strong>ou</strong>illes <strong>de</strong> Champlieu et du camp <strong>de</strong> Saint-Pierre,<br />

et le <strong>de</strong>ssein archéologique <strong>de</strong> Napoléon III<br />

Résumé Abstract<br />

Arnaud Timbert, docteur en histoire<br />

<strong>de</strong> l’art médiéval, maître <strong>de</strong> conférences<br />

à l’université Lille-III-Charles-<strong>de</strong>-Gaulle (Nord)<br />

<strong>Le</strong>s illustrations du Dictionnaire raisonné :<br />

le cas <strong>de</strong> la cathédrale <strong>de</strong> Noyon et <strong>de</strong>s églises <strong>de</strong> l’Oise<br />

Résumé Abstract<br />

Prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> séance : Marie-Paule Arnauld,<br />

conservatrice générale du patrimoine,<br />

directrice du musée <strong>de</strong>s Monuments français, Paris<br />

Présentation générale <strong>de</strong>s archives publiques<br />

concernant l’œuvre <strong>de</strong> Viollet-le-Duc<br />

Résumé Abstract<br />

Jean-Daniel Pariset, conservateur général<br />

du patrimoine, directeur <strong>de</strong> la Médiathèque<br />

<strong>de</strong> l’architecture et du patrimoine, Paris<br />

<strong>Le</strong>s archives Viollet-le-Duc à la Médiathèque<br />

<strong>de</strong> l’architecture et du patrimoine<br />

Résumé Abstract<br />

Bruno Ricard,<br />

conservateur en chef du patrimoine,<br />

directeur <strong>de</strong>s archives départementales <strong>de</strong> l’Oise<br />

<strong>Le</strong> fonds d’archives du château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong><br />

conservé aux archives départementales <strong>de</strong> l’Oise<br />

Résumé Abstract<br />

Michel Clément,<br />

directeur <strong>de</strong> l’Architecture et <strong>de</strong> Patrimoine<br />

au ministère <strong>de</strong> la Culture<br />

Clôture du colloque

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