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Le château de Pierrefonds reconstruit: résidence ou musée?

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<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> <strong>reconstruit</strong> :<br />

rési<strong>de</strong>nce <strong>ou</strong> musée ?<br />

Jean-Paul Midant<br />

châteaux <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> et <strong>de</strong> Saint-Germain peuvent donc <strong>ou</strong>vrir au public, en 1867,<br />

p<strong>ou</strong>r <strong>de</strong>venir la vitrine <strong>de</strong> ce n<strong>ou</strong>veau « rationalisme réformateur 13 » dans l’architecture<br />

dont Viollet-le-Duc veut être le héros – son optique étant <strong>de</strong> constituer <strong>de</strong> l’un à l’autre une<br />

rétrospective <strong>de</strong> l’architecture et <strong>de</strong> l’art français, <strong>de</strong> l’Antiquité à la Renaissance (avec la<br />

redéc<strong>ou</strong>verte <strong>de</strong> l’architecture du château <strong>de</strong> Saint-Germain « s<strong>ou</strong>lagée » <strong>de</strong>s aj<strong>ou</strong>ts du<br />

règne <strong>de</strong> L<strong>ou</strong>is XIV).<br />

En 1866, la salle <strong>de</strong> bal <strong>de</strong>vient galerie <strong>de</strong> musée, avec l’installation, dans le vestibule et la<br />

gran<strong>de</strong> salle <strong>de</strong> l’aile n<strong>ou</strong>vellement <strong>reconstruit</strong>e <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong>, <strong>de</strong> la collection d’armures<br />

et d’armes <strong>de</strong> poing acquise par l’empereur à la vente Soltikoff, présentée auparavant<br />

dans le palais <strong>de</strong> l’Industrie aux Champs-Élysées 14 . L’évocation <strong>de</strong> la société féodale<br />

est complétée par la décoration d’une partie du grand logis. La pièce dite « chambre<br />

<strong>de</strong> l’empereur », ainsi que sa voisine, dite « cabinet <strong>de</strong> travail », sont les premières à être<br />

terminées au c<strong>ou</strong>rs <strong>de</strong> l’année 1866. Sur les murs le chiffre impérial établit le parallèle<br />

ente le prince du Moyen Âge et le s<strong>ou</strong>verain du xi x e siècle; mais il indique que ce <strong>de</strong>rnier<br />

y <strong>de</strong>meurera en tant que mécène. Quant au premier (et unique) appartement livré au château<br />

par Viollet-le-Duc, il est situé non loin <strong>de</strong> là, entre le vestibule <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s<br />

et la chambre du pont-levis, dans la c<strong>ou</strong>rtine terminée par la t<strong>ou</strong>r Artus ; il est habité par<br />

le sieur Taupin, surveillant militaire chargé <strong>de</strong> faire visiter la partie du bâtiment <strong>ou</strong>verte au<br />

public à partir du dimanche 2 juin 1867 (fig. 3 et 4).<br />

La p<strong>ou</strong>rsuite <strong>de</strong>s travaux dans la c<strong>ou</strong>r intérieure reçoit une impulsion définitive lorsque<br />

Viollet-le-Duc, accompagné <strong>de</strong> son collaborateur Anatole <strong>de</strong> Baudot et <strong>de</strong> Wyganowski,<br />

vient, en février 1866, mettre au point les <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> la faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> la chapelle, ainsi que<br />

le projet <strong>de</strong> l’aile <strong>de</strong>s remises et <strong>de</strong> l’aile <strong>de</strong>s cuisines 15 . Il s’applique ensuite à « architecturer<br />

» les abords <strong>de</strong> l’édifice à l’<strong>ou</strong>est, au nord et à l’est, une fois fixée définitivement, en<br />

1869, l’entrée principale du parc à l’emplacement d’auj<strong>ou</strong>rd’hui. De l’autre côté, sur le<br />

plateau au sud, les premiers talus, réalisés dès 1861, sont aussi repris. Un plan complet<br />

<strong>de</strong> fortifications avancées est dressé sur l’ensemble <strong>de</strong> la propriété avant la chute <strong>de</strong><br />

l’empire 16 . Ici encore, la collaboration entre le s<strong>ou</strong>verain et son architecte passe par une<br />

complicité sur le terrain <strong>de</strong> l’histoire. C’est la <strong>de</strong>rnière fois qu’elle s’exprime à <strong>Pierrefonds</strong>,<br />

mais elle est la plus révélatrice <strong>de</strong> leur réel intérêt commun : l’architecture militaire. L<strong>ou</strong>is<br />

Napoléon Bonaparte avait en effet fait paraître, d’abord chez Dumaine, en 1846, puis<br />

lorsqu’il était prince prési<strong>de</strong>nt en 1851, les <strong>de</strong>ux premiers tomes <strong>de</strong> son étu<strong>de</strong> sur <strong>Le</strong><br />

Passé et l’Avenir <strong>de</strong> l’artillerie, précédés d’un avant-propos qui ne p<strong>ou</strong>vait manquer <strong>de</strong><br />

plaire à son architecte. On y lisait : « P<strong>ou</strong>r entreprendre un travail <strong>de</strong> si longue haleine, il<br />

me fallait un puissant mobile, ce mobile c’est l’am<strong>ou</strong>r <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> la vérité historique.<br />

J’adresse donc mon <strong>ou</strong>vrage à t<strong>ou</strong>s ceux qui aiment les sciences et l’histoire, ces gui<strong>de</strong>s<br />

dans la prospérité, ces consolateurs dans la mauvaise fortune. » (L<strong>ou</strong>is Napoléon faisait<br />

allusion dans cette <strong>de</strong>rnière remarque à sa captivité au fort <strong>de</strong> Ham où il avait tr<strong>ou</strong>vé le<br />

temps <strong>de</strong> se consacrer à cet <strong>ou</strong>vrage.)<br />

Ouverts au public s<strong>ou</strong>s le Second Empire comme un musée, le bâtiment et son parc,<br />

une fois la défaite consommée, retr<strong>ou</strong>vent cette vocation, et, jusqu’en 1879, date <strong>de</strong> la<br />

mort <strong>de</strong> Viollet-le-Duc les travaux d’aménagement se p<strong>ou</strong>rsuivent. P<strong>ou</strong>rtant, dès l’année<br />

1870, la collection d’armures a été déménagée. Vi<strong>de</strong>, le château est loin d’être terminé.<br />

13. Ce terme est celui qui, selon Viollet-le-Duc, définit le mieux son attitu<strong>de</strong> vis-à-vis du projet d’architecture contemporain. Voir<br />

L’Artiste, 1859.<br />

14. Voir l’intervention du conservateur du musée <strong>de</strong> l’Armée dans ce même colloque.<br />

15. Archives départementales <strong>de</strong> l’Oise à Beauvais, 4 Tp7, Correspondance, lettre du 20 février 1866 : « Mon cher Wyg, j’emmènerai<br />

<strong>de</strong> Baudot avec moi mardi, p<strong>ou</strong>r qu’à n<strong>ou</strong>s trois n<strong>ou</strong>s fassions force besogne. Faites disposer une table sur laquelle il puisse travailler.<br />

J’envoie <strong>de</strong>s planches <strong>de</strong> Paris. »<br />

16. À notre connaissance, aucun plan conservé dans les archives publiques auj<strong>ou</strong>rd’hui ne rend compte exactement <strong>de</strong>s travaux<br />

réalisés par Viollet-le-Duc dans le parc. Notamment en ce qui concerne les levées <strong>de</strong> terres situées au sud, qui évoquent un camp<br />

romain <strong>ou</strong> plutôt un camp celtique, à la manière <strong>de</strong> celui qui se tr<strong>ou</strong>ve à quelques kilomètres dans la forêt à Saint-Pierre-en-Chastres.<br />

Quoique Nicolas Faucherre reste dans l’expectative, n<strong>ou</strong>s aimons à penser, au vu <strong>de</strong>s témoignages repérables auj<strong>ou</strong>rd’hui,<br />

que le <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong> l’architecte était <strong>de</strong> faire du parc <strong>de</strong> <strong>Pierrefonds</strong> un musée <strong>de</strong> la fortification en plein air.

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