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AFROCUBISM<br />
World Circuit / Harmonia Mundi<br />
13 ans plus tard, et en dépit des<br />
millions d'albums vendus de par le<br />
monde, on peut l'avouer : l'immense<br />
succès remporté par l'expérience<br />
Buena Vista Social Club n'est au<br />
départ que le résultat d'un coup<br />
foireux ! En effet, selon le strict<br />
projet initial, cette réunion de vétérans<br />
oubliés de la musique cubaine<br />
aurait dû sceller la rencontre de ces<br />
derniers avec certains de leurs<br />
homologues du Mali. Mais en raison<br />
d'une sombre histoire de visas<br />
oubliés, les Maliens restèrent à quai<br />
d ' a é r o p o r t, et ne pouvant plus<br />
désister l'ombrageux Ry Cooder, le<br />
producteur Nick Gold (grand ordonnateur<br />
de ces séances) se résigna<br />
alors à n'enregistrer que les papys<br />
cubains... Le reste appartient au<br />
Guinness Book (record mondial des<br />
ventes, dans le registre worldmusic).<br />
Après avoir tardivement<br />
propulsé les carrières respectives<br />
d'Ibrahim Ferrer, Omara Portuondo<br />
et autres Compay Secundo, et suite<br />
à l'émouvant live Buena Vista Social<br />
Club At Carnegie Hall, voici donc<br />
enfin l'ultime sequel : le retour du fils<br />
de la vengeance, j'ai nommé AFRO-<br />
CUBISM... Qu'hormis quelques jolies<br />
incursions maliennes (“Benséma”),<br />
on aurait aussi bien pu nommer<br />
CUBANAFRISM, tant l'idiôme cubain<br />
domine cette rencontre, au fil de<br />
laquelle, en dépit de la présence du<br />
maître Toumani Diabaté, les instruments<br />
ouest-africains (kora, balafon)<br />
tendent surtout à aromatiser une<br />
sauce largement délayée par l'omniprésent<br />
Eliades Ochoa (dernier<br />
rescapé prégnant de la bande originelle).<br />
Nulle déception pour autant :<br />
comme sur le splendide “ C o n t i -<br />
nental Drifter” de Charlie Musselwhite,<br />
l'ex-leader du Cuarteto Patria<br />
sait très bien imprimer sa patte<br />
distinctive, sans étouffer pour<br />
autant ses invités. À l'arrivée donc,<br />
une belle réussite de plus à porter<br />
au crédit du métissage...<br />
Patrick DALLONGEVILLE<br />
COCOON<br />
Where The Oceans End<br />
Universal<br />
Qu’est ce que c’est beau ! Douze<br />
titres ciselés, des compositions<br />
lipides, des arrangements minutieux.<br />
Et bien sûr, les voix du duo<br />
20 • 146 DECEMBRE <strong>2010</strong><br />
(Morgane et Mark) sont fabuleuses<br />
et agissent avec un charme<br />
féérique. COCOON porte bien son<br />
nom et ne l’a peut être jamais aussi<br />
bien porté. Il est questions d’océans,<br />
de rencontres, de neige, de bateaux<br />
de mouettes, de falaises et cet<br />
univers imaginaire nous incite au<br />
cocooning, à écouter en boucle<br />
l’album, enfoncé sous les couvertures.<br />
Tout le monde se souvient<br />
(peut être) de “On My Way” sur<br />
l’album précédent (“My Friends All<br />
Died In A Plane Crash”). Un truc<br />
inévitable, une mélodie qui vous<br />
prend les tripes. Il pouvait sembler<br />
d i fficile de réitérer ce genre de<br />
choses. Je pensais que c’était<br />
quelque chose qui ne pouvait arriver<br />
qu’une fois dans la carrière d’un<br />
groupe, comme par magie ou par<br />
chance. Il me faut admettre que le<br />
talent pour reproduire ce genre de<br />
pépite. Et le duo en a… Ecoutez<br />
“Sushi”, “Comets”, “Yum Yum” ou<br />
le très mélancolique et beau “Sea<br />
Lion II (I Will Be Gone)” où le refrain<br />
vous aspire secrètement, vous<br />
vampirise. Il y’a aussi des morceaux<br />
plus légers, plus rapides et entraînants<br />
(“Dee Doo”, par exemple) où<br />
d’autres charmes agissent encore.<br />
Les cordes (guitares, violons et<br />
violoncelles) sont mises en avant<br />
avec beaucoup de finesse, les<br />
cuivres tapissent un fond sonore<br />
duquel les voix se détachent. Attention,<br />
cet objet est hautement<br />
addictif !<br />
Steff LE CHIEN<br />
DEFTONES<br />
Diamond Eyes<br />
Reprise records<br />
Qu’allait être l’avenir des DEFTONES<br />
avec un bassiste (Chi) toujours dans<br />
le coma. Même si un album a été<br />
enregistré peu avant son malheureux<br />
accident. Les membres de<br />
DEFTONES, ont décidé d’enregistrer<br />
un autre disque et de ne pas prendre<br />
n ’ i m p o rte quel bassiste, mais Sergio<br />
Vega qui a joué entre autre dans<br />
Quicksand. Etrangement le son me<br />
fait penser à leur premier album<br />
A d re n a l i n e sur chacun des instruments.<br />
Il y a moins cet aspect aérien<br />
dans le chant. C’est un DEFTONES<br />
qui nous apparaît comme à leurs<br />
débuts. Plus brut, plus rêche comme<br />
si certaines choses étaient encore<br />
fébriles. Heureusement, on y<br />
retrouve des titres toujours forts en<br />
tensions, en émotions comme<br />
“CMND/CTRL”, “You’Me Seen The<br />
B u t c h e r ”. “Rocket Skates”<br />
oppresse, pulse et le ton redescend<br />
avec “ S e x t a p e ”, la très belle “ 9 7 6 -<br />
E v i l ”, et “This Place Is Death”. Le<br />
résultat est là ! Réussi.<br />
Grégory SMETS<br />
en concert 14/12 Lille [59]<br />
SPLENDID<br />
DOOBIE BROTHERS<br />
World Gone Crazy<br />
Eagle<br />
Ah, les DOOBIES ! Leur seule évocation<br />
renvoie illico au beau milieu des<br />
seventies, quand ils écumaient l'Europe<br />
avec Little Feat, au sein du<br />
Warner Bros Music Show. Car les<br />
Frères Pétard (traduction littérale)<br />
faisaient alors les riches heures de<br />
Pop Music Hebdo, Best, Extra et<br />
Rock & Folk (couchez donc les<br />
enfants, qu'on puisse digresser tranquilles<br />
entre grand-parents). Armés<br />
de hits aussi imparables que “Long<br />
Train Running”, “China Grove” et<br />
“Listen To The Music”, les DOOBIE<br />
BROTHERS incarnaient la quintessence<br />
de ce son, californien en<br />
diable, qui inondait alors les<br />
airwaves : les concurrents directs<br />
d'America et des Eagles dans les<br />
charts mondiaux. Saga classique :<br />
problèmes de dope, emprisonnement,<br />
cures... Tom Johnston, leader<br />
et principal compositeur dut donc<br />
céder sa place à des requins en<br />
rupture de Steely Dan (l'immonde<br />
Jeff Baxter - devenu depuis expert<br />
en défense militaire U.S. - et le<br />
mercenaire vocal de luxe, Michael<br />
McDonald), avant que la machine ne<br />
s'enraye pour de bon. The end, so ?<br />
On aurait bien pu le croire, sans<br />
cette ultime reformation, qui<br />
regroupe les historiques To m<br />
Johnston et Pat Simmons, avec le<br />
soutien du batteur Michael Hossack<br />
et du troisième gratteux tardif, John<br />
McFee. Et paradoxalement, là où<br />
d'ordinaire, les retouvailles de vétérans<br />
ne suscitent, au mieux, qu'un<br />
embarras poli, les rictus soudain se<br />
figent, et les ricanements s'éteignent.<br />
Car au mépris de toute<br />
probabilité, ces messieurs d'âge<br />
mûr semblent avoir miraculeusement<br />
retrouvé la formule qui les<br />
consacra voici près de quarante ans<br />
: ces harmonies vocales imparables,<br />
et cette rythmique à faire remuer<br />
les plus dodus des arrière-trains. Et<br />
s u r tout, ces refrains fédérateurs<br />
évoquant le soleil de la côte ouest...<br />
Explication plausible : Johnston signe<br />
à nouveau (et chante) les deux tiers<br />
des compos, et la production a été<br />
confiée à l'historique Ted Templeman<br />
(lequel en avait manifestement<br />
conservé la recette, en prévision de<br />
ce retour inespéré). Faîtes donc le<br />
test, une tequila-sunrise (ou un<br />
pétard) au bec : voyage dans le<br />
temps garanti !<br />
Patrick DALLONGEVILLE<br />
GET WELL SOON AND<br />
THE GRAND ENSEMBLE<br />
Live At Konzerthaus Dortmund<br />
Que demande le peuple... Les Allemands<br />
de GET WELL SOON viennent<br />
de mettre en ligne un EP live téléchargeable<br />
de manière totalement<br />
gratuite sur leur site internet. Konstantin<br />
Gropper et ses musiciens<br />
étaient accompagnés pour l'occasion<br />
d'un orchestre symphonique et<br />
délivrent ici six titres de leur dernier<br />
album Vexations. Leur mélancolie<br />
caractéristique est au rendez-vous<br />
notamment sur le sublime “Werner<br />
Herzog Gets Shot”. Un avant goût<br />
plus qu'alléchant avant leur date<br />
belge, sans aucune doute l'une des<br />
dernières dates du groupe avant un<br />
bon moment.<br />
Dorian BRIQUANNE<br />
en concert 01/12 Bruxelles [B]<br />
BOTANIQUE<br />
I HEART HIROSHIMA<br />
The Rip<br />
Cargo Records / Differ-Ant<br />
Dès le bref “Count Me In” inaugural,<br />
la sympathie en gros capital… Les<br />
jeunes australiens (deux guitaristes<br />
et une batteuse/chanteuse) de I<br />
H E A RT HIROSHIMA font dans le<br />
rock lo-fi qu’on aime : celui,<br />
instinctif, dont l’absence de moyens<br />
(voire de compétences techniques)<br />
n’empêche pas la passation d’émotions<br />
ni l’efficacité brute. Des<br />
morceaux simplifiés (la batterie est<br />
minimale, le chant vire souvent au<br />
n’importe quoi, les guitares sont<br />
approximatives en effets et minimales<br />
en justesse) et la faculté de<br />
composer sur ce qui est primordial<br />
en l’occurrence, mélodies et énergies<br />
percutantes (“ S h a k e y t o w n ” ,<br />
“The Corner”…) et ce supplément<br />
d’insolence non calculée. Autant<br />
influencés par leurs glorieux aînés<br />
locaux (The Chills, entre autres) que<br />
par Sleater-Kinney, Elastica ou Pavement<br />
(“Old Tree”), les I HEART HIRO-<br />
SHIMA ressuscitent en fraîcheur<br />
leur panthéon personnel, daté un<br />
peu mais tellement séduisant ainsi<br />
revigoré. Le disque s’essouffle un<br />
peu trop rapidement et perd de l’intérêt<br />
sur les derniers titres, mais<br />
l’essentiel est délivré d’emblée.<br />
Urgemment…<br />
Julien COURBE<br />
KINGDOM<br />
Hemeltraan<br />
Hypertension Records<br />
Suite logique de leur premier EP,<br />
KINGDOM redéfinit amplement sa<br />
musique plus sobre, plus sombre,<br />
plus homogène. Laissant une amertume<br />
de néant, sans vie sur “The<br />
Rivers Rage”, “Elude” aspect d’une<br />
puissance presque démoniaque qui<br />
laisse entrevoir une fissure extérieure<br />
d’un monde incertain. Le<br />
chant arrive religieusement comme<br />
une lamentation d’une plaie béante<br />
de souffrance macabre. KINGDOM<br />
progresse dans son univers et nous<br />
surprend.<br />
Grégory SMETS