Préface et notes d'ANDRÉ BERRY 1930 - Université de Provence
Préface et notes d'ANDRÉ BERRY 1930 - Université de Provence
Préface et notes d'ANDRÉ BERRY 1930 - Université de Provence
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Ja non garira<br />
Per nul m<strong>et</strong>ge qu'el'en aia,<br />
S’amors non lo·i da. Aei!<br />
Messagier, levaz mati<br />
E vai m'en la gran jornada,<br />
La chançon a mon ami<br />
Li portatz en sa contrada:<br />
Digas li que mout m'agrada<br />
Quan membres <strong>de</strong>l son<br />
Qu'el me ditz quan m'ac baizada<br />
Soz mon paveillon. Aei!<br />
Dins ma chambr' encortinada<br />
Fon el a lairon;<br />
Dins ma chambra ben daurada<br />
Fon el en preison. Aei!<br />
*°*°*°*°*°*°*°*°*°*°*°*°*<br />
GUILLAUME DE POITIERS.*<br />
Le Comte <strong>de</strong> Poitiers fut un <strong>de</strong>s plus grands amoureux qu'on vit jamais <strong>et</strong> l'un <strong>de</strong>s plus grands<br />
trompeurs <strong>de</strong> femmes. Il fut bon chevalier d'armes, <strong>et</strong> prodigue <strong>de</strong> son amour. Il sut bien composer <strong>et</strong><br />
chanter, <strong>et</strong> courut longtemps le mon<strong>de</strong> pour suborner les dames...<br />
Telle est la déclaration du biographe provençal. Piètre souverain, conquérant malheureux, croisé<br />
indigne, excommunié plusieurs fois, Guillaume IX d'Aquitaine fut un personnage plein <strong>de</strong> cynisme <strong>et</strong><br />
<strong>de</strong> bouffonnerie. Guillaume <strong>de</strong> Malmesbury l'accuse d’avoir voulu fon<strong>de</strong>r une sorte d'abbaye sacrilège<br />
fort semblable à une maison close. Une autre fois, notre homme aurait fait peindre sur son bouclier le<br />
portrait d'une femme mariée pour la porter dans les combats comme elle le portait dans l'alcôve. On<br />
connaît aussi sa réponse aux reproches d'un évêque chauve: “ Tu passeras le peigne dans tes cheveux<br />
avant que je renonce à mes amours.<br />
Ce Villon couronné justifie par certaines <strong>de</strong> ses pièces sa sympathique réputation. Sa profession <strong>de</strong> foi<br />
ne laisse aucun doute sur la tournure <strong>de</strong> son caractère <strong>et</strong> supplée largement aux incertitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
l'histoire:<br />
On m'appelle maître infaillible;<br />
La femme qui m'a eu un soir<br />
Le len<strong>de</strong>main veux me ravoir.<br />
Dans ce métier, je puis le dire,<br />
Je suis si fort<br />
Qu'il peut me procurer mon pain<br />
En tous pays (a).<br />
Il a sur les précautions <strong>de</strong>s maris les idées d'un homme qui en a éprouvé à son avantage toute l'inutilité,<br />
<strong>et</strong> qui sait la fragilité <strong>de</strong>s vertus d'une épouse. Ses <strong>de</strong>ux montures <strong>de</strong> chevalier, ce sont les <strong>de</strong>ux<br />
femmes jalouses entre lesquelles il ne sait choisir. Quand il s'asseoit au jeu avec les dames, c'est pour<br />
regar<strong>de</strong>r d'étranges choses sous le damier <strong>de</strong> leurs tabliers, <strong>et</strong> engager, à la faveur <strong>de</strong> calembours<br />
obscènes, d'étonnantes parties <strong>de</strong> dés.<br />
Mais si Guillaume IX fut sur toutes choses un libertin, il connut à ses heures la vraie tendresse; du<br />
moins en souffrit-il assez pour apprécier certaines consolations:<br />
Ainsi va-t-il <strong>de</strong> notre amour<br />
Comme du rameau d'aubépine;<br />
Il s'agite toute la nuit