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Les objets mathématiques selon Platon - Université Paris Diderot ...

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attitude de recul et de réflexion, Socrate devrait le dire. Comment se fait-il alors que les<br />

géomètres eux-mêmes sont disposés à rejeter leurs propres discours <br />

Leur double attitude me semble refléter la dualité de leurs <strong>objets</strong>. En effet, dès sa<br />

première description de la géométrie, Socrate a dit que les géomètres parlent des figures<br />

visibles tout en pensant aux <strong>objets</strong> intelligibles. Maintenant nous apprenons ce que disent les<br />

géomètres en construisant, c’est-à-dire qu’ils carrent, appliquent et ajoutent. C’est pour deux<br />

raisons qu’ils ne peuvent s'empêcher d’en parler : il s’agit de communiquer à autrui un savoir<br />

ou bien une hypothèse ; l’auditeur suit les constructions que le discours de celui qui dessine<br />

permet de comprendre comme des séries d’actes organisés qui tendent vers un but. Pourtant,<br />

parce qu'ils cherchent une connaissance conceptuelle d'<strong>objets</strong> intelligibles, les géomètres<br />

sont aussi capables de reconnaître la fonction restreinte de leurs discours pratiques et<br />

d'admettre qu'ils sont parfaitement inappropriés au but cognitif qu'ils poursuivent.<br />

La critique de Socrate, qui frappe les « discours de travail » des géomètres, est donc basée<br />

sur l'opposition entre « en vue de la pratique » et « en vue de la connaissance ». Ce que<br />

signifie « en vue de la pratique », cela se comprend le plus aisément, si l'on pense à<br />

l'enseignement ou à la communication entre collègues : l'un demande à l'autre de suivre les<br />

constructions qu’il exécute ; il parle donc pour amener l'autre à imaginer cette pratique. Du<br />

point de vue d'un observateur naïf, la naissance des figures dans le sable ou sur le tableau<br />

noir est ce que le discours veut expliquer. C'est ridicule dans la mesure où les figures ne sont<br />

qu'un moyen par rapport au véritable but qu'est la connaissance. Mais pourquoi le même<br />

discours n’engendre-t-il pas une connaissance, en décrivant la construction Or, le texte ne<br />

précise pas tout de suite que la connaissance qui est visée porte sur des <strong>objets</strong> imperceptibles.<br />

Par conséquent, on ne comprend le caractère ridicule du discours qu’en supposant que, en<br />

tant que telle, la connaissance ne saurait être le but du discours qui décrit les constructions.<br />

Cela se comprend en pensant aux techniques artisanales ou autres que Socrate ne cesse de<br />

citer comme exemples de pratiques rationnelles : là, le savoir précède et conduit la pratique,<br />

il ne saurait donc être son résultat.<br />

Cependant, si l’on explique ainsi le caractère ridicule du discours des géomètres,<br />

comment peut-on encore comprendre que ce discours est aussi inévitable Comment<br />

servirait-il à la communication d’un savoir ou d’une hypothèse, s’il n’apprend rien à<br />

l’auditeur Le texte ne répond pas à cette question, car, tout en évoquant des discours « en<br />

vue de la pratique » il ne distingue pas les rôles de l’orateur et de l’auditeur. Il faut donc se<br />

contenter d’une hypothèse exégétique. À ce propos, on peut partir de deux prémisses.<br />

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