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Les objets mathématiques selon Platon - Université Paris Diderot ...

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ensuite et surtout, un ensemble n'est pas au nombre de 23 sous un aspect et au nombre de 36<br />

sous un autre (ce qui rendrait l'ensemble, <strong>selon</strong> <strong>Platon</strong>, impair et pair à la fois). En effet, ce<br />

serait alors un autre ensemble, car si les vaches d'un troupeau font 23, elles ne font pas 92<br />

sous un autre aspect, mais ce sont leur jambes qui font 92 (cf. I. Mueller, « Ascending to<br />

problems : astronomy and harmonics in Republic VII, dans : J. P. Anton (éd.), Science and<br />

sciences in Plato, Demar (NY), Caravan Books, 1980, p. 117).<br />

Reste donc l’argument de <strong>Platon</strong> <strong>selon</strong> lequel les choses sensibles ne sont pas simples,<br />

parce que, au lieu de ne présenter qu'une seule forme ou caractéristique, elles sont toujours<br />

autre chose encore, comme « le beau » est un visage, un édifice ou quelque chose d’autre.<br />

Cet argument signifie que les choses connues sous l’angle de leurs attributs sont complexes<br />

et non simples, comme elles devraient l’être en tant qu’<strong>objets</strong> de définitions. Puisque les<br />

nombres qui se prédiquent d'<strong>objets</strong> sensibles sont toujours une sorte d'attributs et que <strong>Platon</strong><br />

ne distingue pas les attributs (« trois ») des choses considérées sous l’angle de ces attributs<br />

(« les trois », c’est-à-dire « les trois choses »), ils tombent sous le coup de ce critère.<br />

De même que le premier des deux arguments évoqués précédemment ne concerne pas<br />

l’ensemble des réalités sensibles et que le deuxième n’est pas vrai de tous les prédicats, le<br />

troisième ne l’est pas non plus, parce que tous ne désignent pas des attributs : par « table »,<br />

« lit », « animal », « terre » et « ciel », pour prendre les exemples du texte platonicien, on<br />

entend non pas des attributs, mais des entités qui ont des attributs. Or, si les attributs ne se<br />

prêtent pas au rôle d'objet défini, parce que <strong>Platon</strong> les identifie aux choses considérées sous<br />

l’angle des attributs, cela n'est pas vrai des choses telles qu'elles sont désignées par les<br />

termes de « table », « animal » etc. Il n'empêche, <strong>Platon</strong> n'a pas exclu les choses ainsi<br />

conçues du verdict qui écarte tout objet sensible du rôle d'objet d'une définition ; c'est<br />

pourquoi il est obligé de supposer des idées aussi des choses ainsi conçues.<br />

Seul Aristote s'est rendu compte que, <strong>selon</strong> le critère de <strong>Platon</strong> lui-même, cette<br />

supposition est inutile, parce qu'un homme, par exemple, bien qu'il soit un individu sensible,<br />

représente exactement ce qu'est l'homme qu'il s'agit de définir. Ainsi, Aristote se croyait<br />

fondé à supprimer les idées, comme l'ont fait aussi les autres élèves de <strong>Platon</strong>, mais tout en<br />

gardant la conception platonicienne <strong>selon</strong> laquelle la définition porte à chaque fois sur un<br />

objet simple qu'il appelle « substance ».<br />

Entre <strong>Platon</strong> et Aristote, on observe donc ce que l'on s'est habitué à appeler, suivant<br />

Thomas Kuhn, un changement de paradigme à propos de l'objet de la définition : alors que<br />

Socrate et <strong>Platon</strong> ont commencé par chercher les définitions d'attributs et à les théoriser,<br />

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