Les objets mathématiques selon Platon - Université Paris Diderot ...
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aurait-il compliqué à ce point la métaphysique La réponse que rapporte Aristote est de<br />
poids : alors que, à un prédicat ou, mieux, à une définition correspond une seule idée, à une<br />
définition mathématique correspondent plusieurs <strong>objets</strong> égaux. Ces <strong>objets</strong> ne se distinguent<br />
donc pas entre eux qualitativement, comme c'est le cas de plusieurs idées, ni ne s'identifient<br />
aux multiples figures visibles du même objet géométrique, qui peuvent aussi être égales.<br />
Je n'ai pas — encore — décelé dans le texte de <strong>Platon</strong> des indices positifs confirmant<br />
qu'il songeait à des <strong>objets</strong> géométriques intermédiaires entre les figures visibles et les idées.<br />
Mais il existe un indice par défaut : <strong>Platon</strong> n'appelle pas « idées » les <strong>objets</strong> mathématiques<br />
en République VI, 510-511. De plus, à propos des nombres qui font bien sûr partie des <strong>objets</strong><br />
en question, il existe un indice textuel pour confirmer le rapport d'Aristote ; j'y reviendrai.<br />
Alors il n'est pas très probable qu'Aristote ait raison à propos des nombres et non à propos<br />
des <strong>objets</strong> géométriques.<br />
À cela s'ajoute une réflexion de R. Hare (« Plato and the mathematicians », dans : R.<br />
Bambrough (éd.), New essays on Plato and Aristotle, London, Routledge & Kegan Paul,<br />
1965, p. 31). En effet, l'expression, qui revient sans cesse dans <strong>Platon</strong>, de « la vision » des<br />
<strong>objets</strong> non sensibles, Hare l'interprète, s'agissant d'<strong>objets</strong> géométriques, au sens où le<br />
mathématicien les imagine. Cela s'accorde avec l'observation de M. Burnyeat, <strong>selon</strong> laquelle,<br />
pour <strong>Platon</strong>, les <strong>objets</strong> géométriques sont, certes, incorporels, mais des figures étendues (voir<br />
« Plato on why mathematics is good for the soul », dans : T. Smiley (éd.), Mathematics and<br />
necessity. Essays in the history of philosophy, Oxford, OUP, 2000, p. 59 et 62). S'il en est<br />
ainsi, je rappelle une observation que j'ai déjà faite : de bien des <strong>objets</strong> de définitions<br />
géométriques, comme de l'angle aigu ou obtus, il y aura un nombre illimité d'exemplaires<br />
imaginables, parce que la définition ne fixe pas leur extension ou bien, dans le cas de<br />
l'exemple, la grandeur de l'angle. Et au cas où plusieurs items partagent une définition, ils<br />
partagent aussi une idée <strong>selon</strong> <strong>Platon</strong>. Cependant, cette distinction entre l'idée une et la<br />
pluralité des <strong>objets</strong> géométriques s'applique-t-elle également au cas où l'objet se définit de<br />
façon complète, comme l'angle droit Comment expliquerait-on alors la pluralité de ces<br />
<strong>objets</strong>-ci <br />
Du rapport d'Aristote résulte en tout cas une métaphysique à trois échelons des <strong>objets</strong><br />
géométriques : puisque les géomètres ne pensent pas (1) les figures qu'ils dessinent, ils<br />
imaginent (2) de multiples <strong>objets</strong> incorporels, sauf, éventuellement, dans les cas comme<br />
celui de l'angle droit qui ne peut s'imaginer que d'une seule façon ; et comme tout ensemble<br />
d'items égaux a une idée en commun, il faut ajouter (3) l'échelon des idées géométriques qui<br />
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