Hypertravail, quand tu nous tiens... - CSST
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Dossier<br />
caractère change, on devient aigri, irritable,<br />
impatient, intolérant, nerveux,<br />
hargneux. On se laisse aller à des excès<br />
de colère injustifiés et imprévisibles. On<br />
se plaint de maux de dos, d’insomnie,<br />
de migraines, de troubles digestifs ou<br />
cutanés, d’hypertension, de sentiments<br />
dépressifs. Nicole Aubert compare l’hypertravailleur<br />
à une pile électrique.<br />
L’énergie s’épuise, s’amenuise et la pile<br />
finit par tomber à plat. Plus de jus ! Elle<br />
propose une autre image, tout aussi<br />
saisissante, celle d’un panneau électrique<br />
de distribution. Il y a une telle<br />
surchauffe qu’inévitablement survient<br />
le court-circuit : décompensation brutale,<br />
infarc<strong>tu</strong>s.<br />
Jacques Rhéaume partage cet avis.<br />
« L’employé ou le groupe pris dans l’hypertravail<br />
a bien conscience qu’on ne<br />
lui offre pas les conditions suffisantes<br />
pour exécuter les surtâches, mais il les<br />
accomplit tout de même. Sauf que…<br />
c’est du battage à vide et sa santé mentale<br />
en prend un coup. Si, en plus, la<br />
personne fait face à d’autres difficultés,<br />
une rup<strong>tu</strong>re amoureuse, un divorce,<br />
des embarras financiers, elle court à la<br />
catastrophe. Consommation de drogue<br />
et d’alcool chez les plus performants,<br />
sentiment intense de manque chez ceux<br />
qui ont tenté de combler les vides engendrés<br />
par l’investissement massif<br />
dans la valeur travail. Le désarroi peut<br />
mener à la maniacodépression, parfois<br />
au suicide. »<br />
Des cadres victimes de troubles<br />
cardiaques vont même jusqu’à nier la<br />
gravité du signal que leur envoie leur<br />
corps. Le D r Stephan Rechtschaffen,<br />
chirurgien de l’État de New York, a<br />
commencé à s’intéresser au temps<br />
lorsque plusieurs de ses patients venus<br />
se faire soigner à l’unité des soins intensifs<br />
quittaient les lieux au risque<br />
de leur vie, incapables de prendre le<br />
temps nécessaire à leur rétablissement.<br />
Le travail ne pouvait plus attendre !<br />
Les cadres suivent des séminaires qui<br />
leur apprennent à être plus productifs, à<br />
meubler chaque minute, chaque segment<br />
d’une journée. « L’objectif, selon le chirurgien<br />
américain, n’est pas de dégager<br />
du temps, mais finalement d’apprendre<br />
à courir plus vite ! » Et d’ajouter : « La<br />
récompense, pour ceux qui gèrent bien<br />
leur horaire, est habi<strong>tu</strong>ellement d’en<br />
avoir davantage à faire. » Jusqu’à ce que<br />
la coupe déborde.<br />
Photo : David Harriman / Getty Images<br />
L’hypertravail, en êtes-vous <br />
Mots-clés : pas de collectif de travail, trop d’heures, trop<br />
de volume, grande complexité de tâches…<br />
Premier indice. Avez-vous accumulé plus d’heures de travail que d’habi<strong>tu</strong>de,<br />
ces dernières semaines Est-ce exceptionnel, parce qu’il y avait un feu à<br />
éteindre ou est-ce habi<strong>tu</strong>el Pour être sûr, vous pouvez comparer votre<br />
si<strong>tu</strong>ation à celle d’autres personnes exécutant le même travail que vous.<br />
Le nombre de dossiers dont vous êtes responsable est aussi un indice. Votre<br />
collègue en a deux et vous en avez dix… Pourquoi Est-ce vous qui avez<br />
insisté pour en avoir autant Pourquoi <br />
Jacques Rhéaume estime que « dans les milieux où il existe une convention<br />
collective, un syndicat, il est plus facile de répondre à la première question,<br />
parce qu’il y a des chiffres, des moyennes établies ».<br />
Deuxième indice. Le travail que vous exécutez a-t-il du sens pour vous, vous<br />
intéresse-t-il ou vous abrutit-il Les raisons qui vous forcent à vous défoncer<br />
vous échappent-elles, vous sont-elles étrangères <br />
Troisième indice. Êtes-vous seul à vous défoncer Se pourrait-il que vous<br />
soyez le sauveur dans le groupe, la personne irremplaçable, celle sans qui<br />
régnerait le chaos, celle qui est incapable de partager et qui préfère tout<br />
faire elle-même Si vous répondez par l’affirmative, votre hyperactivité est<br />
probablement caractérielle. Si par contre tous les collègues autour de vous<br />
travaillent aussi fort, vous êtes, vous et eux, dans l’hypertravail. Parlez-en<br />
ensemble…<br />
Quatrième indice. Une question proposée par le D r Marquis : « Si l’on vous<br />
apprenait que vous allez mourir dans un an ou deux, continueriez-vous à<br />
travailler au même rythme Si vous répondez “ oui ”, vous n’êtes probablement<br />
pas dans l’hypertravail. Si votre réponse est : “ J’arrête, à tout le moins<br />
je ralentis ”, vous êtes peut-être dedans. » Cette question, selon le praticien,<br />
permet de se regarder aller, de se questionner sur ses valeurs, sur ce qui est<br />
essentiel.<br />
12 Prévention au travail Automne 2004