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Actus/ éducation
Mastérisation : des propositions pour réformer la « réforme »
La réforme de la mastérisation n’a pas atteint ses
objectifs. Pas d’économies, pas d’amélioration du
système. Tel est le constat cinglant partagé par deux
rapports récents, celui, annuel, de la Cour des comptes
publié le 8 février dernier, et celui du député Jacques
Grosperrin, lui-même auteur d’une nouvelle proposition
de loi polémique visant à modifier les dispositions du
Code de l’éducation relatives à la formation des maîtres.
S’agissant des magistrats de la rue Cambon, ils dénoncent
une réforme qui a envoyé dans les classes, dès la rentrée
2010, des jeunes dont 70 % n’avaient jamais été devant
des élèves, même le temps d’un stage. Au-delà de
demandes d’aménagement importantes, ils plaident
essentiellement pour « organiser les concours de
recrutement avant ou au début des masters, de façon que
les étudiants n’aient pas été formés, en cas d’échec,
à un métier qu’ils ne pourront pas exercer ». Autre critique
de taille : la Nation était censée « économiser » environ
707 millions d’euros en supprimant 9 567 équivalents
temps plein ; or il ne reste que 370 millions d’euros
une fois déduites la création de 2 802 emplois de titulaires
pour compenser cette perte de potentiel d’enseignement,
la revalorisation des débuts de carrière, les bourses
Alors que votre mandat s’achève au HCE 1
et qu’une nouvelle équipe se met en place,
quel bilan faites-vous de son action six
années après son instauration
Alain Bouvier : S’il y avait un point essentiel à
retenir des travaux des neufs membres du HCE,
c’est la nécessité fondamentale de disposer d’une
instance d’évaluation indépendante à même de
garantir des indicateurs à moyen et long termes,
transparents et fiables, concernant les résultats
du système éducatif.
Pourquoi cette question d’un dispositif
d’évaluation indépendant se pose-t-elle
avec autant d’acuité
A. B. : Depuis quatre ou cinq ans, nous observons
à notre grande surprise l’effondrement
du rythme des publications des inspections générales.
Le système a besoin d’une instance d’information déliée du
ministère, telle que le HCE ou sur le modèle de l’AERES 2
dans l’enseignement supérieur, pour pouvoir travailler et
diffuser ses analyses de façon complètement libre. Au sein de
cette instance les inspections générales pourraient tout à fait
trouver leur place, comme c’est le cas en Angleterre.
De quels sujets d’étude le HCE pourrait-il s’emparer
A. B. : Nous avons manqué de temps pour aborder le lycée
général et réaliser une véritable mise en plat de son fonctionnement.
Et n’oublions pas la question de l’élaboration des programmes.
Notre rapport sur l’école primaire, en date de 2006, pourrait
aussi opportunément faire l’objet d’une réactualisation…
au mérite versées aux étudiants et les indemnités
de tutorat, sans compter le coût que représente
le taux d’échec important aux concours après deux
années d’études.
Formation professionnelle des nouveaux enseignants
insuffisante, « stages pouvant devenir virtuels »,
« parcours de formation incohérents » et « allongement
de la durée des études discriminant sur le plan social »,
le rapport Grosperrin met notamment en exergue une
hausse des démissions de stagiaires (130 cas) dans le
second degré à la rentrée 2011. Parmi les « améliorations
immédiates », il préconise : l’avancement de la date
d’affectation des stagiaires à la fin de juin mais aussi,
et surtout, le positionnement des épreuves d’admissibilité
en fin de licence dont le cursus inclurait des éléments
de préprofessionnalisation, et à laquelle succéderait
un master en alternance avec une véritable composante
professionnelle. Le rapport défend, en outre, la suppression
des concours « d’ici dix à quinze ans ». aS
Pour lire les rapports :
zwww.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i4033.asp
www.ccomptes.fr/fr/CC/Sommaire-27.html
Alain Bouvier : « Le HCE est nécessaire »
D. R.
Alain Bouvier vient d’achever son mandat
au Haut Conseil de l’Éducation.
Quel regard portez-vous sur l’évolution
du système éducatif
A. B. : Il m’apparaît dans une situation beaucoup plus
inquiétante que je ne l’avais imaginé lorsque j’ai rejoint
le HCE. Les problèmes sont profonds, de la maternelle
à l’université. Les résultats, tant au niveau des performances
brutes que de l’égalité des élèves face à
l’école, ne s’améliorent pas, bien au contraire.
Quelles seraient les actions prioritaires
pour sortir de l’impasse
A. B. :D’abord, ce serait d’accepter de regarder
les choses avec rigueur et de mettre fin à
l’omerta qui règne au sein du système. On
note une petite évolution depuis 15 ans,
dans laquelle l’effet des enquêtes internationales
est indéniable. Une autre condition,
sans laquelle il n’y aura pas de progrès globaux et visibles,
est de voir le rapport à l’évaluation pénétrer le milieu pédagogique
français. Claude Thélot a su rallier les instances centrales, les
chefs d’établissement sont aujourd’hui convaincus, mais
l’étape suivante est devant nous. La conception même du rôle
de l’école et de l’autorité pédagogique est effectivement en
question, il revient au Parlement d’exprimer les attentes de
la nation. Enfin, l’association réelle des parents me semble
incontournable : comment sans cela s’étonner que des dizaines
de milliers de jeunes décrochent et quittent le système
Propos recueillis par aurélie Sobocinski
1. Haut Conseil de l’Éducation.
2. Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
20 Enseignement catholique actualités N° 347, février-mars 2012