Parce que je suis une fille - Droits des filles

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Alf Berg En temps de paix comme en temps de guerre: 1 le prix de l’instabilité pour les filles 2 Manquements au devoir: les institutions destinées à protéger Ce chapitre analyse la vulnérabilité sousjacente des filles et des jeunes femmes. Elles sont encore plus exposées quand les pays sont à la veille d’un conflit ou quand il règne un niveau de faible violence endémique. On y constate comment la désintégration progressive de la société peut affecter les filles, bien avant que la guerre n’éclate vraiment. 1 Introduction “Cessez de dépendre des autres et faites-vous confiance! Prenez position car c’est la seule manière d’améliorer vos vies et d’avancer.” Sumera Zafar (20 ans), Pakistan 4 “Il incombe à tous les états et à la communauté internationale de respecter, de protéger et de promouvoir les droits de l’enfant en tenant compte des vulnérabilités particulières des enfants filles avant, pendant et après les conflits,” et il devrait exister ] des initiatives spéciales destinées à traiter des droits et des besoins des filles affectées par les conflits armés”. Assemblée Générale des Nations Unies, 2003 5 Nous avons vu dans l’introduction comment les filles étaient particulièrement vulnérables dans les pays fragiles et instables – une étude réalisée par l’Agence Canadienne de Développement International (CIDA) souligne la forte relation qui existe entre des niveaux élevés d’inégalités de genre et l’instabilité. 6 La paix et le conflit se fondent de plus en plus en un continuum dans lequel il devient difficile de déterminer quand l’une prend fin et quand l’autre commence. Les filles et les jeunes femmes ont droit à la vie et à une protection contre le mal. Autour des enfants, comme autant de peaux d’oignon, on trouve les institutions – famille, communauté, gouvernement, organisations nationales et internationales – responsables de leur protection et capables de faire valoir leurs droits et de les faire profiter des chances nécessaires au plein développement de leur potentiel. Ces institutions ont un devoir envers les filles. Néanmoins, l’aptitude de ces institutions à remplir leur rôle est souvent compromis dans Institutions pour protéger les filles Sécurité économique du foyer Flèche gauche Rôles de genre Sécurité et Protection Institutions Internationales Gouvernement Communauté Familles Filles et jeunes femmes Parents & Tuteurs Institutions locales Flèche gauche Relations de genre Organisations non gouvernementales Accès aux Services de Base Participation et autonomisation Gouvernement 28 La Situation des filles dans le monde 29
des situations de pauvreté et encore plus s’il s’agit d’états fragiles. Avant toute éruption de violence, la fragilité d’un état peut aggraver l’effondrement d’institutions clés au point de ne plus être en mesure de protéger les filles. De surcroît, ce genre d’institutions entretient souvent des préjugés bien ancrés contre les femmes. La famille La famille joue un rôle essentiel dans la vie des filles. Pourtant dans de nombreuses communautés vulnérables en cas de conflit, plusieurs facteurs interviennent pour désorganiser les familles et laisser les enfants sans soins, protection et soutien matériel. Les conflits impliquent des possibilités réduites d’avoir un revenu régulier, de la nourriture ou d’autres biens et davantage de temps passé à chercher de l’eau ou un combustible ainsi que des soucis de sécurité. En effet, les pères, les mères, les frères aînés peuvent avoir d’autres préoccupations, être détenus ou rejoindre une force armée et ne plus être en mesure de contribuer au bienêtre de la famille. Pour les filles, les enjeux sont immenses car nombre d’entre elles doivent alors assumer des rôles nouveaux pour faire face à des nouveaux besoins dans leur foyer et pour assurer la survie de la famille en créant des petits commerces ou d’autres activités génératrices de revenus qui font souvent d’elles des victimes d’exploitation et d’abus divers. La préférence pour les garçons tend à s’accentuer lorsque les ressources se font rares, de sorte que la survie individuelle des filles est mise en cause. Dans certaines circonstances, les familles cherchent à réduire le fardeau qu’elles représentent pour leurs maigres ressources en assurant la protection et la sécurité de leur fille par un mariage précoce. LE PARDON Kalsam Ahmady vit dans un village kurde sur la frontière Iran-Iraq. Jeune fille, elle avait, il y a 40 ans, été forcée à se marier avec un homme qu’elle n’aimait pas. Elle était décidée à empêcher sa fille d’avoir le même sort. “Mon premier enfant est né un an après mon soi-disant mariage. Je l’ai appelé Zolegha et elle fut suivie par cinq autres garçons et filles. Je regardais Zolegha grandir et je lui racontais de ci de là des histoires de mon passé, des beaux jours à la ville. Je savais qu’elle était tombée amoureuse d’un jeune homme du village, Ahmet. Mais Ahmet n’avait que sa mère pour plaider en sa faveur et la famille de mon mari n’approuvait pas cette union. Zolegha et elle fut suivie par cinq autres Adolescentes en ‘vadrouille’ au Népal. garçons et filles. Je regardais Zolegha grandir et je lui racontais de ci de là des histoires de mon passé, des beaux jours à la ville. Je savais qu’elle était tombée amoureuse d’un jeune homme du village, Ahmet. Mais Ahmet n’avait que sa mère pour plaider en sa faveur et la famille de mon mari n’approuvait pas cette union. D’une certaine façon c‘était comme pour la famille de ma mère après que mon père soit mort; sans un homme comme chef de famille nous n’avions rien à dire au sujet de nos propres avenirs. En me remémorant ce que j’avais subi et comment on m’avait obligée à épouser quelqu’un que je n’avais jamais vu auparavant et pour lequel je n’éprouvais aucun sentiment, je ne pouvais pas permettre que la même chose arrive à ma fille. Un soir, je demandais à l’amoureux de Zolegha de me retrouver dans un endroit caché à l’extérieur du village. Zolegha et moi allâmes le voir et je lui ai dis que je leur donnais ma bénédiction. Mon action représentait un gros risque pour moi mais je ne voulais pas que ma fille vive toute une vie sans amour. Nous savions tous les trois que Zolegha ne recevrait aucun soutien de sa famille mais c’est ce qu’elle avait décidé. Je leur fis don du seul objet de valeur en ma possession, une paire de boucles d’oreilles, que je lui remis le soir même. Je les renvoyais alors, le visage couvert de larmes. Après quelques années, j’ai poussé à la réconciliation entre notre famille et celle d’Ahmet; cela commença par une rencontre entre nous, les femmes. Et en fin de compte, mon mari accepta de revoir sa fille. Ce que j’avais fait n’était peutêtre pas ce que les femmes font, du moins celles qui vivaient la tradition de l’époque. Je savais que l’on me regarderait de travers parce que notre fille s’était enfuie. Je savais qu’il serait difficile de vivre la tension dans la famille où les hommes sont prompts à blâmer les mères pour n’avoir pas élevé leurs filles ‘convenablement‘. Mais comment pouvais-je permettre que ma petite fille souffre autant que moi pendant des années? Avec le recul je me demande qui méritait des reproches. Mes oncles? Mon frère Karim? Ou bien la tradition et la religion desquelles j’étais issue? J’ai vécu tellement d’années avec cet homme dont je me suis occupée et qui s’est occupé de moi, nous ne faisons qu’un à présent; mais je sais combien de rancœur j’ai accumulé en moi pendant tout ce temps! Maintenant que je me suis d’une certaine façon habituée à mon mari, je crois que j’ai trouvé un moyen de leur pardonner à tous.” 7 La communauté Les communautés qui fonctionnent le mieux en temps de conflit ou de fragilité sont celles qui fonctionnent déjà bien ensemble, là où les voisins partagent des ressources, où il y a des groupes organisés, des clubs d’enfants ou des organisations féminines. Les recherches ont montré que la cohésion sociale est primordiale pour prévenir les conflits et préserver la paix surtout lorsque des relations sociales fortes sont étayées par des structures politiques et économiques. Si l’on souhaite des communautés qui résistent bien aux chocs, il faut qu’elles puissent recevoir les appuis décrits dans le cadre extérieur du diagramme qui figure au paragraphe 2 c’est-à-dire des institutions, telles que des collectivités locales ou traditionnelles, des institutions religieuses et des organisations de la société civile. Mais c’est dans des périodes d’insécurité, lorsque les communautés se fragmentent selon des lignes de fracture ethniques, religieuses ou politiques, que ces institutions commencent à se déliter et sont moins à même de protéger les filles et de faire valoir leurs droits. Au fur et à mesure que les structures communautaires s’effondrent, les filles et les femmes perdent leur pouvoir social. Elles peuvent de moins en moins se mouvoir librement en dehors de leur maison sans risque pour leur sécurité personnelle. La faiblesse et le dysfonctionnement des instances administratives de niveau local ou municipal signifient que l’enregistrement des naissances ou d’autres activités, susceptibles de conférer aux jeunes femmes un pouvoir, ou du moins, une identité, tendent à disparaître. Il existe déjà 48 millions d’enfants qui non pas été déclarés à la naissance et qui n’ont de ce fait pas le droit de voter ou de 30 La Situation des filles dans le monde 31
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