Parce que je suis une fille - Droits des filles
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<strong>des</strong> situations de pauvreté et encore plus s’il<br />
s’agit d’états fragiles. Avant toute éruption<br />
de violence, la fragilité d’un état peut<br />
aggraver l’effondrement d’institutions clés au<br />
point de ne plus être en mesure de protéger<br />
les <strong>fille</strong>s. De surcroît, ce genre d’institutions<br />
entretient souvent <strong>des</strong> préjugés bien ancrés<br />
contre les femmes.<br />
La famille<br />
La famille joue un rôle essentiel dans la vie<br />
<strong>des</strong> <strong>fille</strong>s. Pourtant dans de nombreuses<br />
communautés vulnérables en cas de conflit,<br />
plusieurs facteurs interviennent pour<br />
désorganiser les familles et laisser les enfants<br />
sans soins, protection et soutien matériel.<br />
Les conflits impli<strong>que</strong>nt <strong>des</strong> possibilités<br />
réduites d’avoir un revenu régulier, de la<br />
nourriture ou d’autres biens et davantage<br />
de temps passé à chercher de l’eau ou un<br />
combustible ainsi <strong>que</strong> <strong>des</strong> soucis de sécurité.<br />
En effet, les pères, les mères, les frères aînés<br />
peuvent avoir d’autres préoccupations, être<br />
détenus ou rejoindre <strong>une</strong> force armée et ne<br />
plus être en mesure de contribuer au bienêtre<br />
de la famille.<br />
Pour les <strong>fille</strong>s, les en<strong>je</strong>ux sont immenses<br />
car nombre d’entre elles doivent alors<br />
assumer <strong>des</strong> rôles nouveaux pour faire face<br />
à <strong>des</strong> nouveaux besoins dans leur foyer et<br />
pour assurer la survie de la famille en créant<br />
<strong>des</strong> petits commerces ou d’autres activités<br />
génératrices de revenus qui font souvent<br />
d’elles <strong>des</strong> victimes d’exploitation et d’abus<br />
divers. La préférence pour les garçons tend<br />
à s’accentuer lors<strong>que</strong> les ressources se font<br />
rares, de sorte <strong>que</strong> la survie individuelle<br />
<strong>des</strong> <strong>fille</strong>s est mise en cause. Dans certaines<br />
circonstances, les familles cherchent à<br />
réduire le fardeau qu’elles représentent<br />
pour leurs maigres ressources en assurant la<br />
protection et la sécurité de leur <strong>fille</strong> par un<br />
mariage précoce.<br />
LE PARDON<br />
Kalsam Ahmady vit dans un village kurde<br />
sur la frontière Iran-Iraq. Je<strong>une</strong> <strong>fille</strong>, elle<br />
avait, il y a 40 ans, été forcée à se marier<br />
avec un homme qu’elle n’aimait pas. Elle<br />
était décidée à empêcher sa <strong>fille</strong> d’avoir le<br />
même sort.<br />
“Mon premier enfant est né un an après<br />
mon soi-disant mariage. Je l’ai appelé<br />
Zolegha et elle fut suivie par cinq autres<br />
garçons et <strong>fille</strong>s. Je regardais Zolegha<br />
grandir et <strong>je</strong> lui racontais de ci de là <strong>des</strong><br />
histoires de mon passé, <strong>des</strong> beaux jours<br />
à la ville. Je savais qu’elle était tombée<br />
amoureuse d’un <strong>je</strong><strong>une</strong> homme du village,<br />
Ahmet. Mais Ahmet n’avait <strong>que</strong> sa mère<br />
pour plaider en sa faveur et la famille de<br />
mon mari n’approuvait pas cette union.<br />
Zolegha et elle fut suivie par cinq autres<br />
Adolescentes<br />
en ‘vadrouille’<br />
au Népal.<br />
garçons et <strong>fille</strong>s. Je regardais Zolegha<br />
grandir et <strong>je</strong> lui racontais de ci de là <strong>des</strong><br />
histoires de mon passé, <strong>des</strong> beaux jours<br />
à la ville. Je savais qu’elle était tombée<br />
amoureuse d’un <strong>je</strong><strong>une</strong> homme du village,<br />
Ahmet. Mais Ahmet n’avait <strong>que</strong> sa mère<br />
pour plaider en sa faveur et la famille de<br />
mon mari n’approuvait pas cette union.<br />
D’<strong>une</strong> certaine façon c‘était comme pour<br />
la famille de ma mère après <strong>que</strong> mon père<br />
soit mort; sans un homme comme chef de<br />
famille nous n’avions rien à dire au su<strong>je</strong>t<br />
de nos propres avenirs.<br />
En me remémorant ce <strong>que</strong> j’avais<br />
subi et comment on m’avait obligée<br />
à épouser <strong>que</strong>lqu’un <strong>que</strong> <strong>je</strong> n’avais<br />
jamais vu auparavant et pour le<strong>que</strong>l<br />
<strong>je</strong> n’éprouvais aucun sentiment, <strong>je</strong> ne<br />
pouvais pas permettre <strong>que</strong> la même chose<br />
arrive à ma <strong>fille</strong>. Un soir, <strong>je</strong> demandais à<br />
l’amoureux de Zolegha de me retrouver<br />
dans un endroit caché à l’extérieur du<br />
village. Zolegha et moi allâmes le voir<br />
et <strong>je</strong> lui ai dis <strong>que</strong> <strong>je</strong> leur donnais ma<br />
bénédiction. Mon action représentait un<br />
gros ris<strong>que</strong> pour moi mais <strong>je</strong> ne voulais<br />
pas <strong>que</strong> ma <strong>fille</strong> vive toute <strong>une</strong> vie sans<br />
amour. Nous savions tous les trois <strong>que</strong><br />
Zolegha ne recevrait aucun soutien de sa<br />
famille mais c’est ce qu’elle avait décidé.<br />
Je leur fis don du seul ob<strong>je</strong>t de valeur<br />
en ma possession, <strong>une</strong> paire de boucles<br />
d’oreilles, <strong>que</strong> <strong>je</strong> lui remis le soir même.<br />
Je les renvoyais alors, le visage couvert<br />
de larmes. Après <strong>que</strong>l<strong>que</strong>s années, j’ai<br />
poussé à la réconciliation entre notre<br />
famille et celle d’Ahmet; cela commença<br />
par <strong>une</strong> rencontre entre nous, les femmes.<br />
Et en fin de compte, mon mari accepta de<br />
revoir sa <strong>fille</strong>.<br />
Ce <strong>que</strong> j’avais fait n’était peutêtre<br />
pas ce <strong>que</strong> les femmes font, du<br />
moins celles qui vivaient la tradition<br />
de l’épo<strong>que</strong>. Je savais <strong>que</strong> l’on me<br />
regarderait de travers parce <strong>que</strong> notre<br />
<strong>fille</strong> s’était enfuie. Je savais qu’il serait<br />
difficile de vivre la tension dans la<br />
famille où les hommes sont prompts à<br />
blâmer les mères pour n’avoir pas élevé<br />
leurs <strong>fille</strong>s ‘convenablement‘. Mais<br />
comment pouvais-<strong>je</strong> permettre <strong>que</strong><br />
ma petite <strong>fille</strong> souffre autant <strong>que</strong> moi<br />
pendant <strong>des</strong> années?<br />
Avec le recul <strong>je</strong> me demande qui<br />
méritait <strong>des</strong> reproches. Mes oncles? Mon<br />
frère Karim? Ou bien la tradition et la<br />
religion <strong>des</strong><strong>que</strong>lles j’étais issue? J’ai vécu<br />
tellement d’années avec cet homme dont<br />
<strong>je</strong> me <strong>suis</strong> occupée et qui s’est occupé<br />
de moi, nous ne faisons qu’un à présent;<br />
mais <strong>je</strong> sais combien de rancœur j’ai<br />
accumulé en moi pendant tout ce temps!<br />
Maintenant <strong>que</strong> <strong>je</strong> me <strong>suis</strong> d’<strong>une</strong> certaine<br />
façon habituée à mon mari, <strong>je</strong> crois <strong>que</strong><br />
j’ai trouvé un moyen de leur pardonner<br />
à tous.” 7<br />
La communauté<br />
Les communautés qui fonctionnent le mieux<br />
en temps de conflit ou de fragilité sont<br />
celles qui fonctionnent déjà bien ensemble,<br />
là où les voisins partagent <strong>des</strong> ressources,<br />
où il y a <strong>des</strong> groupes organisés, <strong>des</strong> clubs<br />
d’enfants ou <strong>des</strong> organisations féminines.<br />
Les recherches ont montré <strong>que</strong> la cohésion<br />
sociale est primordiale pour prévenir les<br />
conflits et préserver la paix surtout lors<strong>que</strong><br />
<strong>des</strong> relations sociales fortes sont étayées par<br />
<strong>des</strong> structures politi<strong>que</strong>s et économi<strong>que</strong>s.<br />
Si l’on souhaite <strong>des</strong> communautés qui<br />
résistent bien aux chocs, il faut qu’elles<br />
puissent recevoir les appuis décrits dans le<br />
cadre extérieur du diagramme qui figure au<br />
paragraphe 2 c’est-à-dire <strong>des</strong> institutions,<br />
telles <strong>que</strong> <strong>des</strong> collectivités locales ou<br />
traditionnelles, <strong>des</strong> institutions religieuses et<br />
<strong>des</strong> organisations de la société civile. Mais<br />
c’est dans <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> d’insécurité, lors<strong>que</strong><br />
les communautés se fragmentent selon <strong>des</strong><br />
lignes de fracture ethni<strong>que</strong>s, religieuses ou<br />
politi<strong>que</strong>s, <strong>que</strong> ces institutions commencent à<br />
se déliter et sont moins à même de protéger<br />
les <strong>fille</strong>s et de faire valoir leurs droits.<br />
Au fur et à mesure <strong>que</strong> les structures<br />
communautaires s’effondrent, les <strong>fille</strong>s et<br />
les femmes perdent leur pouvoir social. Elles<br />
peuvent de moins en moins se mouvoir<br />
librement en dehors de leur maison sans<br />
ris<strong>que</strong> pour leur sécurité personnelle. La<br />
faiblesse et le dysfonctionnement <strong>des</strong><br />
instances administratives de niveau local ou<br />
municipal signifient <strong>que</strong> l’enregistrement <strong>des</strong><br />
naissances ou d’autres activités, susceptibles<br />
de conférer aux <strong>je</strong><strong>une</strong>s femmes un pouvoir,<br />
ou du moins, <strong>une</strong> identité, tendent à<br />
disparaître. Il existe déjà 48 millions d’enfants<br />
qui non pas été déclarés à la naissance et qui<br />
n’ont de ce fait pas le droit de voter ou de<br />
30 La Situation <strong>des</strong> <strong>fille</strong>s dans le monde 31