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Analyses &<br />
Décryptages<br />
La rédaction d'Algérie <strong>News</strong> propose une<br />
nouvelle rubrique dédiée à l'analyse et au<br />
décryptage de l'actualité qui nous concerne<br />
et qui nous entoure.<br />
Nous lançons un appel à tous ceux et toutes<br />
celles qui veulent y contribuer à travers des<br />
articles ou des propositions. Vos contributions<br />
seront les bienvenues.<br />
Contact : ayachinews@yahoo.fr<br />
11<br />
Enfants<br />
Violence,<br />
maltraitance<br />
et délinquance<br />
Par Yazid Haddar<br />
L’horrible assassinat des deux enfants<br />
Haroun (10 ans) et Ibrahim (9 ans), dans<br />
la nouvelle ville Ali-Mendjeli, à<br />
Constantine, suscite colère et<br />
indignation. Lire > pages 12 - 13<br />
Paranoïde<br />
Peine de mort: justice<br />
ou «Qissas»?<br />
Par: Sarah<br />
Haidar<br />
Les cris<br />
fusent de partout,<br />
fruits<br />
d'une émotion<br />
compréhensible<br />
: on kidnappe, on viole, on mutile<br />
et on tue des enfants. Le phénomène<br />
frôle l'endémie et il est d'autant plus<br />
révoltant que l'on n'arrive pas à comprendre<br />
comment ce désastre national<br />
a pu se former et prendre de telles proportions.<br />
Alors, on réclame le châtiment,<br />
on demande l'application de la<br />
peine de mort sur les tueurs d'enfants<br />
et, plus que ça, certains veulent que ces<br />
exécutions se tiennent sur les places<br />
publiques ! Il est vrai qu'assassiner<br />
l'innocence peut être considéré<br />
comme le pire crime que l'homme<br />
puisse commettre. Cela provoque non<br />
pas la tristesse classique qui suit la<br />
mort, mais de la colère, de la rage, car<br />
non seulement le crime est odieux en<br />
soi, mais aussi « inimaginable » en ce<br />
sens où la plupart des Algériens qui<br />
appellent à la vengeance n'acceptent<br />
pas l'existence de ces concitoyens<br />
capables de martyriser et de tuer des<br />
enfants. La réaction est donc à la fois<br />
épidermique et profondément psychique<br />
puisqu'elle est motivée par l'indignation<br />
extrême et le refus de croire<br />
que l'Algérie peut encore enfanter des<br />
monstres. Lesquels doivent donc<br />
mourir, d'abord pour leur crime, et<br />
ensuite pour leur simple existence !<br />
Pour faire entendre leur voix, ces<br />
Algériens pro-potence n'hésitent pas à<br />
utiliser leurs propres enfants ! On voit,<br />
en effet, sur la Toile plusieurs photographies<br />
où des gosses de moins de<br />
douze ans arborent des pancartes<br />
réclamant la mort. D'autres se revendiquent<br />
carrément <strong>du</strong> système saoudien,<br />
en rappelant que la peine de<br />
mort est prévue par les textes religieux<br />
! D'autres encore veulent simplement<br />
organiser des lynchages « légaux» des<br />
assassins ! Cette campagne populaire a<br />
trouvé des échos un peu partout :<br />
d'abord les mosquées qui, comme<br />
d'habitude, n'en ratent pas une pour<br />
récupérer et haranguer la vox populi ;<br />
mais il y a également le président de<br />
l'Union nationale des barreaux d'Alger<br />
qui dit clairement: « Il faut sérieusement<br />
penser aujourd'hui à réintro<strong>du</strong>ire<br />
l'exécution de la peine de mort<br />
avec un appui législatif conséquent,<br />
une finalité inscrite <strong>du</strong> reste dans les<br />
textes <strong>du</strong> Saint Coran et impossible à<br />
abroger en Algérie ». Cette « impossibilité<br />
»dont parle cet homme de loi est<br />
donc simplement justifiée par le<br />
cachet « sacré » et « intouchable» que<br />
confère le Coran à certaines pratiques.<br />
La déclaration <strong>du</strong> juriste n'est cependant<br />
pas aussi farfelue qu'il n'y parait<br />
puisque l'Etat revendique une religion,<br />
puisque la Justice puise dans la<br />
religion, puisque enfin l'argument<br />
religieux reste irréfutable car impossible<br />
à remettre en cause ! Du coup, la<br />
peine capitale devient non pas une<br />
application de la loi, mais un « hadd »<br />
ou « qissas » (châtiment prévu par l'islam)<br />
! Mais la question qui se pose<br />
aujourd'hui est la suivante : si l'on met<br />
fin au moratoire et que l'on réapplique<br />
la peine de mort pour les tueurs d'enfants,<br />
est-on sûr d'éviter les erreurs<br />
judiciaires et d'ainsi envoyer un innocent<br />
à l'échafaud ? Peut-on être certain<br />
que cette mesure soit vraiment dissuasive<br />
et qu'exécuter un assassin puisse<br />
empêcher les autres de sévir ? Mieux<br />
encore, comment savoir si la réintro<strong>du</strong>ction<br />
de la peine de mort pour ce<br />
cas spécifique ne dégénèrera pas par la<br />
suite pour toucher à d'autres délits? Et<br />
enfin, la mort est-elle un châtiment<br />
plus <strong>du</strong>r que la perpétuité?<br />
Cette campagne<br />
populaire a trouvé des<br />
échos un peu partout :<br />
d'abord les mosquées<br />
qui, comme d'habitude,<br />
n'en ratent pas une pour<br />
récupérer et haranguer<br />
la vox populi...<br />
Ces Algériens qui n'hésitent pas à<br />
afficher sur le Net les visages de leurs<br />
enfants et à leur faire porter des discours<br />
aussi lourds et déstabilisants<br />
pour leur jeune âge, semblent également<br />
oublier que pendant dix ans, des<br />
bébés et des gosses se sont fait éventrer<br />
et égorgés par des hordes de barbares<br />
qui ont bénéficié plus tard d'un pardon<br />
général. Ils oublient que des milliers<br />
d'innocents ont été sauvagement<br />
tués au nom de cette même religion<br />
dont ils tirent la légitimité de leurs<br />
revendications. Ils oublient surtout<br />
que si l'on se mettait à convoquer l'islam<br />
pour amender le système judiciaire,<br />
les lendemains seront atrocement<br />
théocratiques, même si cela<br />
parait improbable à l'heure qu'il est.<br />
Car si l'Etat se contente aujourd'hui de<br />
tanguer lâchement entre le civil et le<br />
religieux, s'il a réussi à échapper au<br />
« Printemps arabe », rien ne lui<br />
garantit sa subsistance si tout un peuple<br />
se retrouve (encore une fois) rangé<br />
sous la bannière de l'extrémisme religieux,<br />
auquel il ne pourra survivre<br />
qu'en satisfaisant (encore une fois)<br />
d'autres exigences de ceux qui se réclament<br />
de l'islam.<br />
S. H<br />
ALGERIE NEWS Mercredi 20 mars 2013