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Octobre-Novembre 2005 - Ipam

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parti populaire par excellence, n’envisagent pourtant pas leur action comme partant des quartiers mais<br />

comme s’appliquant aux quartiers, à travers les politiques publiques ou parapubliques. Les situationnistes il y<br />

a quarante ans constataient qu’un prolétaire moderne était quelqu’un exclu de l’emploi de sa vie et qui le<br />

savait ; les socialistes d’aujourd’hui qui parlent de « porter la parole de ceux qui souffrent et répondre à<br />

leurs aspirations » ne semblent pas vouloir être là pour représenter les prolétaires qui reprennent pouvoir sur<br />

leur vie, mais pour les « traiter socialement ».<br />

Les premières mesures que préconise la résolution sont, outre le rétablissement des emplois jeunes et la<br />

« sanction » des discriminations, « un volontarisme républicain fondé sur des critères sociaux, et en aucun<br />

cas ethniques, pour assurer la promotion sociale de jeunes des quartiers populaires » et « la promotion de la<br />

laïcité qui est au coeur du pacte républicain à travers l’adoption d’une charte solennelle des principes laïcs<br />

dans les services publics ». En d’autres termes, si la question est sociale, elle n’est pas « ethnique ». Il n’y<br />

donc pas particulièrement urgence de s’interroger sur les racines historiques et sur les formes de reproduction<br />

du racisme telle qu’il est enraciné dans la société française. D’ailleurs, la nature des discriminations à<br />

sanctionner n’est jamais détaillée.<br />

Y aurait-il cependant d’autres urgences que purement économico-sociale ? Assurément ; des urgences<br />

« laïques ». Pourquoi « laïques » et pas par exemple « antiracistes » ? Jean-Marc Ayrault, président du<br />

groupe socialiste à l’Assemblée nationale nous l’explique : « Les crédits des associations ont été réduits de<br />

manière telle que des groupes religieux ont parfois pris en charge, par défaut, le travail de médiation<br />

sociale. S’il est temps de reconnaître à l’islam sa place de deuxième religion dans notre pays, dans le<br />

respect et la dignité, arrêtons de lui demander de régir la vie des cités à la place de la République. La laïcité<br />

doit retrouver tous ses droits. La médiation sociale est l’affaire des municipalités et des associations, pas des<br />

prédicateurs » 27 . La réduction des subventions aux associations par la droite est évidente, mais les « groupes<br />

religieux » de terrain dont parle Ayrault n’ont jamais été subventionnés, du moins par la puissance publique.<br />

Seulement ces groupes sont constitués d’habitants des quartiers sensibles, ce qui leur donne évidemment plus<br />

de poids social que les constructions médiatiques de type Ni Putes Ni Soumises avec des cadres formés à la<br />

remarquable école de professeurs en banliologie aussi compétents que le sénateur Michel Charasse ! Et<br />

surtout, la question n’est pas, de « régir les cités » (et bien entendu pas de demander à « l’Islam » de le faire),<br />

mais de permettre à celles-ci de se régir. Elle est moins de faire de la « médiation » que de construire une<br />

société démocratique, y compris dans les quartiers pauvres ! Si les socialistes ont, à l’évidence, peur des<br />

musulmans de France, qu’ils connaissent en général (il y a des exceptions) fort mal, ils appréhendent bien la<br />

vie de ces quartiers pauvres sur le mode du paternalisme.<br />

Ce paternalisme qui s’accompagne d’une certaine suffisance « républicaine », empêche ceux qui y<br />

succombent de voir l’évidence : le moteur de la crise des banlieue n’est pas seulement social et économique<br />

(il l’est bien sur), il est aussi idéologique. Les discriminations que subissent les jeunes des quartiers ne sont<br />

pas seulement dues au fait qu’ils sont pauvres et qu’ils sont jeunes (ce pays n’aime ni ses pauvres ni ses<br />

jeunes), elles sont aussi ethniques, elles frappent les Noirs et les Arabes en tant que tels, ces discriminations<br />

sont le symptôme d’un mal profond, le racisme à la française.<br />

Cet aveuglement n’est pas propre aux socialistes. Il est sans doute dominant à gauche, même à la « gauche de<br />

la gauche ». Au delà des évidentes divergences qui existent par ailleurs, on retrouve, avec plus ou moins de<br />

fréquences selon les couleurs politiques, les mêmes invariants, les mêmes analyses, les mêmes<br />

argumentaires, et dans une certaine mesure les mêmes propositions, dans les déclarations de personnes se<br />

réclamant du PCF ou des Verts, de la LCR ou des courants libertaires, de la FSU ou d’ATTAC…<br />

Le premier invariant est l’insistance à souligner le caractère économico-social de la crise. Répétons encore<br />

une fois que cette dimension est fondamentale : le chômage et la précarité prolongés, avec tous leurs effets<br />

désagrégateurs, ont profondément marqué les quartiers pauvres. Ce qui est troublant n’est pas l’insistance sur<br />

cette évidence, mais la manière d’insister, comme pour exorciser les autres dimensions.<br />

Invariance aussi dans l’insistance sur la responsabilité quasi exclusive des politiques néolibérales. Là encore,<br />

il est bien clair que les politiques menées ces dernières années, favorisant la rentabilité à court terme,<br />

dénigrant et démantelant les services publics et substituant la privatisation à l’engagement collectif, ont<br />

contribué largement à la rupture du tissu social, surtout là où il était le plus fragile. Mais tout s’explique-t-il<br />

par le néolibéralisme ?<br />

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