Entretien avec Mme Jeanne Baillifard de Bruson, dans sa maison de ...

Ils amènent le lait tous les jours, tous les matins. Avant, il fallait aller chaque jour à la
laiterie, matin et soir alors c'était entre 6 heures et 7 heures et demie et puis le soir, c'était à 6
heures, ça partait depuis 6 heures. Enfin, ça, ça n'a pas beaucoup changé.
C'était pour la consommation du village ?
Oui, pour la consommation du village, oui, et pour chacun. Alors, on avait à tour de rôle, je
me rappelle quand j'étais plus jeune parce que ça a changé, on avait chacun son tour de lait.
C'était d'après le lait qu'on avait apporté à la laiterie dans le mois alors c'était le plus fort en
lait. Il y avait un contrôle, celui qui avait 100 litres et bien celui-là avait droit à une caillée,
celui qui en avait moins, c'était le lendemain enfin c'était à chacun son… Alors le jour-là, il
fallait apporter le bois à la laiterie. Bon pas dans cette laiterie là, dans l'autre qui était une
vieille maison d'école, il fallait apporter le bois pour faire le fromage, il fallait apporter le
dîner au fromager et puis il fallait lui aider à verser les baquets de lait dans la grande
chaudière alors ça c'était le service dévolu à chacun qui devait toucher son fromage alors
c'était chacun son tour.
Et toute la famille s'y mettait ?
Quand on avait besoin, on appelait au secours. On disait au voisin, et bien ce soir j'ai le lait, tu
veux venir m'aider, oui,oui et bien je viens.
Vous apportiez beaucoup de bois pour faire ce fromage ?
Oh, il fallait une bonne brassée de bois, je ne sais pas ce que ça pouvait représenter mais il
fallait quand même joliment de bois, c'était quand même des grandes chaudières et ça
demandait beaucoup de chaleur et puis la chaleur circulait autour de la chaudière. Je ne sais
pas si vous avez vu, mais vous avez du voir quand même comment ça se fabrique dans les
montagnes. Même plus dans les montagnes, c'est tout changé, il n'y a plus le feu à bois, il n'y
a plus la chaudière sur le feu, je crois qu'ils ont tous des installations modernes dans chaque
montagne. En tous cas à Mille, c'est tout moderne. Maintenant à Mille, le lait qui se livre à
l'alpage, ils le descendent tout au village maintenant. La fabrication se fait tout au village.
Ils ne font plus de fromages là-haut ?
Ils ne font plus de fromages à l'alpage, alors ça, ça manque.
Pourquoi ?
Parce ce n'est plus la même chose alors on dit que c'est idées que j'ai dans la tête et bien j'ai dit
: je vais vous prouver que ce n'est pas des idées. J'ai un beau-fils qui est un amateur de
fromage alors il va toujours chercher son fromage à la laiterie et le fromage de la montagne, je
lui ai dit qu'il était différent le fromage de la montagne mais maintenant, il n'y a plus de
différence parce que le lait y vient là tandis qu'autrefois, il était fait sur place sous le feu de
bois, c'était différent. Alors je lui ai dit, attends on va faire la différence, j'ai acheté une pièce
de fromage à l'Arpal du côté d'Orsières alors là, ils font encore le fromage sur place, c'est un
privé qui fait ses fromages et puis j'ai dit et bien on verra. J'admets bien que c'est des idées
que j'ai et bien admettons que c'est mes idées et puis on va voir. L'automne, je suis arrivée
alors là, on va voir notre différence. Vous allez prendre un morceau de fromage qui est
fabriqué à Bruson l'été et puis celui qui est fabriqué à l'Arpal à la montagne. Il m'a dit : je suis
obligé de reconnaître quand même la différence. Parce que le lait à l'alpage, il n'est pas brassé,
le lait directement versé dans la grande chaudière et puis il n'y a pas de brassage tandis que làhaut,
il faut le descendre dans une cuve jusqu'à Bruson et puis ce lait, il est quand même
brassé. J'ai dit : les grand-mères ont raison.
Ça fait une différence de goût ou de texture ?