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Rapport historique et prospectif sur la protection de l'ours dans les ...

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<strong>Rapport</strong> <strong>de</strong> Stéphan Carbonnaux commandé parl'association FERUSMai 2008FERUSBP 11413 718 Al<strong>la</strong>uch Ce<strong>de</strong>xwww.ferus.org1


RAPPORT HISTORIQUE ET PROSPECTIFSUR LE PROTECTION DE L’OURS DANS LES PYRENEESPréambuleAu mois d’octobre 2007, j’ai été embauché comme chargé <strong>de</strong> mission "ours" parFERUS. J’ai réuni <strong>de</strong>s éléments ayant servi à <strong>la</strong> rédaction du bi<strong>la</strong>n à mi parcours du P<strong>la</strong>n <strong>de</strong>restauration <strong>et</strong> <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées françaises 2006-2009, publiépar FERUS, Pays <strong>de</strong> l’Ours-A.D.E.T. <strong>et</strong> le W.W.F.-France au mois <strong>de</strong> mars 2008.Par ailleurs, FERUS m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> rédiger un rapport personnel qui n’engage bienévi<strong>de</strong>mment que ma personne <strong>et</strong> aucunement l’association. Ce document évoluera encorepuisque certains renseignements, notamment d’origine étrangère, ne sont pas encore assezcompl<strong>et</strong>s pour être exploités. C’est ainsi que <strong>de</strong>puis l’automne 2007, j’ai rencontré plusieursdizaines <strong>de</strong> personnes compétentes issues <strong>de</strong>s associations, <strong>de</strong>s administrations ou bien <strong>de</strong>sparticuliers. J’ai agi avec une totale liberté, choisissant <strong>de</strong> rencontrer <strong>les</strong> personnes qui mesemb<strong>la</strong>ient à même <strong>de</strong> me renseigner. Une liste <strong>de</strong> noms est jointe à ce rapport. N’y figurentpas cependant quelques noms pour <strong>la</strong> raison exigée <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>ntialité ou bien parce que jepréfère <strong>les</strong> taire pour <strong>la</strong> tranquillité <strong>de</strong>s personnes en cause. Ce n’est un secr<strong>et</strong> pour personne,<strong>la</strong> vie <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées est aussi faite <strong>de</strong> représail<strong>les</strong> lorsqu’on ne pense pas comme levoudraient certaines autorités.J’ajoute qu’au cours <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te mission <strong>de</strong> recherche, j’ai participé au voyage organisé parle ministère <strong>de</strong> l’Écologie <strong>et</strong> <strong>la</strong> D.I.R.E.N.-Midi-Pyrénées en Trentin (Italie du Nord) <strong>et</strong> quej’ai effectué <strong>de</strong>ux séjours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Asturies en février <strong>et</strong> en avril. Le premier fut un séjourd’étu<strong>de</strong>s <strong>sur</strong> le terrain invité par le F.A.P.A.S. (Fonds pour <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s animauxsauvages) au cours duquel j’étais accompagné par Denis Bouissou, administrateur <strong>de</strong> FERUS.Le second fut un séjour <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> d’observations en compagnie notamment <strong>de</strong> SabineMatraire, coordonnatrice "ours" <strong>et</strong> trésorière <strong>de</strong> FERUS. Je précise également qu’au terme d<strong>et</strong>rois voyages privés en Slovénie <strong>de</strong>puis 2005, cumu<strong>la</strong>nt dix semaines <strong>sur</strong> le terrain, au contactquotidien tant <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> tous horizons, que <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ours, <strong>de</strong> jour comme <strong>de</strong>nuit, je commence à avoir une bonne vision du rapport hommes/ours <strong>dans</strong> ce pays. Du reste,le rapport <strong>de</strong> l’homme <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature me passionne <strong>de</strong>puis longtemps. J’ai ainsi accumulé <strong>de</strong>nombreuses expériences <strong>et</strong> observations <strong>sur</strong> le terrain, je vais <strong>dans</strong> <strong>la</strong> nature <strong>la</strong> nuit, y dors à <strong>la</strong>belle étoile (y compris seul, là où vivent ours, loups <strong>et</strong> lynx), ne manque jamais d’approchertoutes <strong>les</strong> personnes rencontrées au <strong>de</strong>hors <strong>et</strong> lit ou visionne quantité <strong>de</strong> livres ou <strong>de</strong> films. Jedois beaucoup ici à l’œuvre fondatrice <strong>de</strong> Robert Hainard.Enfin, je tiens à signaler mon attachement profond <strong>et</strong> amoureux aux Pyrénées. LaRhune, le Xoldokogagna <strong>et</strong> le Jaizkibel furent <strong>les</strong> premières montagnes que j’ai vues avantmême <strong>de</strong> savoir marcher, <strong>et</strong> le théâtre <strong>de</strong> mes premières gran<strong>de</strong>s observations <strong>dans</strong> <strong>la</strong> nature.J’ai d’ailleurs été initié à l’ornithologie par le grand-père d’amis d’enfance qui vivait àHendaye, un homme remarquable, basque <strong>et</strong> béarnais d’origine, qui m’a emmené <strong>dans</strong> maintsendroits du Sud-Ouest. Les yeux <strong>et</strong> le cœur toujours fixés <strong>sur</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong><strong>la</strong> vallée d’Aspe en 1992 a décidé <strong>de</strong> mon instal<strong>la</strong>tion à Pau il y a quinze ans, d’abord commepermanent <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O.-Béarn avec le statut d’objecteur <strong>de</strong> conscience.C’est très tôt, <strong>sur</strong> l’Artzamendi, <strong>la</strong> montagne <strong>de</strong> l’ours, un jour <strong>de</strong> février 1981, que j’airessenti combien l’ours était intimement lié aux Pyrénées, à sa nature <strong>et</strong> à sa culture.Stéphan CarbonnauxChargé <strong>de</strong> mission "Ours" à Ferus2


SOMMAIREI Le sens profond du r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées p 5La création d’une économie autour <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> l’ours est manifestement une voieintéressante à suivre <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées. Elle représentera peut-être, si elle est bien conçue, unenouvelle ère pour nos montagnes. Toutefois, le sens du r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> l’ours est ailleurs, <strong>dans</strong> unenouvelle re<strong>la</strong>tion à vivre avec le roi déchu <strong>de</strong>s animaux <strong>de</strong> notre continent.II Chronique <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées p 12Il a été dressé ici un <strong>historique</strong>, à compléter, <strong>de</strong>s désirs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours<strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, sans oublier <strong>de</strong>s éléments d’ambiance nécessaires à une meilleurecompréhension d’une bataille ô combien difficile. La <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées fut uncing<strong>la</strong>nt échec, reste à as<strong>sur</strong>er le renouveau <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées.III Les <strong>de</strong>rniers ours <strong>de</strong>s Pyrénées p 29Recenser <strong>les</strong> cas <strong>de</strong> disparition artificielle <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers ours <strong>de</strong>s Pyrénées nous a paru un<strong>et</strong>âche obligatoire pour bien saisir <strong>les</strong> raisons <strong>de</strong> <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> souche autochtone <strong>et</strong> <strong>la</strong>responsabilité <strong>de</strong> nos autorités <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> catastrophe lente annoncée <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 50 ans.Pourquoi a-t-on échoué quand <strong>les</strong> Espagnols ont réussi <strong>de</strong> leur côté <strong>dans</strong> <strong>la</strong> Cordillèrecantabrique ?IV La politique pastorale <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénéesocci<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> p 42Défendue comme une révolution, <strong>la</strong> politique pastorale <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> l’ours aservi <strong>les</strong> intérêts du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’élevage quand <strong>les</strong> ours, eux, disparaissaient <strong>les</strong> uns après <strong>les</strong>autres. Une bien cruelle désillusion qu’il faudra effacer d’une manière ou d’une autre.V Le pastoralisme <strong>et</strong> <strong>la</strong> prétendue biodiversité p 48Les éleveurs <strong>et</strong> leurs moutons ont-ils déjà créé une espèce <strong>de</strong> p<strong>la</strong>nte ou favorisé une plus richebiodiversité ? Qu’y a-t-il vraiment <strong>de</strong>rrière c<strong>et</strong>te fameuse biodiversité que chacun s’accapare ?Voici quelques éléments <strong>sur</strong> une question fondamentale.VI La chasse <strong>et</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées p 94Chasser <strong>dans</strong> un pays peuplé d’ours est possible avec une <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’animal. Cependant,<strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, <strong>de</strong> gros efforts restent à faire tant certaines pratiques cynégétiques sontincompatib<strong>les</strong> avec <strong>la</strong> tranquillité <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune.VII L’espace vital <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées p 113L’ours vit aussi bien <strong>dans</strong> <strong>les</strong> contrées <strong>les</strong> plus sauvages du mon<strong>de</strong> que <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s régions trèsmarquées par l’homme. Au XXIe siècle, l’ours a plus que jamais une p<strong>la</strong>ce à nos côtés <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées.3


VIII L’ours <strong>et</strong> le tourisme <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées p 138Où il sera combattu <strong>les</strong> fantasmes <strong>et</strong> mensonges <strong>de</strong> certains, selon <strong>les</strong>quels le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> l’oursprovoquerait <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l’économie touristique <strong>de</strong>s Pyrénées.IX Pour <strong>de</strong>s ours sans puce ni collier électroniques p 143Dans notre société <strong>de</strong> plus en plus normalisée, l’animal sauvage doit être fermement défendupour <strong>la</strong> liberté qu’il incarne. N’oublions pas que <strong>les</strong> animaux sont <strong>de</strong>s bancs d’essai <strong>de</strong> futurstraitements pour <strong>les</strong> hommes…4


LE SENS PROFOND DU RETOUR DE L’OURS« Une forêt sans ours n’est pas une vraie forêt. »Robert HainardCes <strong>de</strong>rnières années, il est fréquent d’entendre <strong>de</strong>s voix prétendument autorisées,notamment <strong>de</strong>s scientifiques qui ne maîtrisent pas <strong>les</strong> suj<strong>et</strong>s dont ils parlent, tels C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>Allègre ou Yves Coppens, s’élever contre le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong>/ou du loup au motif qu’ilsn’auraient pas ou plus leur p<strong>la</strong>ce <strong>dans</strong> une société mo<strong>de</strong>rne comme <strong>la</strong> nôtre. Même Jean-LouisEtienne, grand connaisseur <strong>de</strong>s pô<strong>les</strong> mais ignorant <strong>de</strong>s réalités ursines pyrénéennes, estimaiten 2006 qu’« il est ridicule <strong>de</strong> vouloir réintroduire <strong>de</strong>s ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées [...] parce queça bouscule tout un écosystème qui n’y est plus familiarisé » <strong>et</strong> déc<strong>la</strong>rait par ailleurs que« l’ours ne fait plus partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité <strong>de</strong>s Pyrénées » (ça c’est un scoop !), qu’ils sont« incontrô<strong>la</strong>b<strong>les</strong> » (M. Etienne veut-il <strong>les</strong> équiper <strong>de</strong> dispositifs neutralisateurs ?) <strong>et</strong> que « lepastoralisme est <strong>la</strong> meilleure façon d’entr<strong>et</strong>enir <strong>les</strong> montagnes 1 ». Nous reviendrons <strong>sur</strong> cevieux préjugé "néolithique" <strong>dans</strong> une partie consacrée au pastoralisme <strong>et</strong> à ce qu’on appelle <strong>la</strong>biodiversité.Ces renforts médiatiques donnent du poids à un discours récurrent chez <strong>les</strong> opposants <strong>les</strong>plus radicaux à l’ours <strong>et</strong> aux prédateurs. Quel intérêt, si <strong>la</strong> souche pyrénéenne a disparu <strong>et</strong>puisque <strong>les</strong> ours bruns ne seraient pas menacés d’extinction 2 , d’en relâcher <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées,s’interroge par exemple l’ex-enseignant défenseur acharné du mon<strong>de</strong> pastoral, Bruno Besche-Commenge ? « Il n’y a plus <strong>de</strong> vipères au bois <strong>de</strong> Boulogne. On ne parle pas <strong>de</strong> <strong>les</strong>réintroduire 3 » ajoute-t-il, persuadé <strong>de</strong> clore toute discussion contradictoire par une pirou<strong>et</strong>tedialectique aussi grossière. Rien d’étonnant alors qu’une journaliste d’un magazined’informations français conclue son article par c<strong>et</strong>te phrase : « En ville, l’ours est tendance,mais <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées il appartient au passé 4 . »Il est plus que jamais nécessaire <strong>de</strong> combattre farouchement une telle manière <strong>de</strong> penser,<strong>et</strong> <strong>de</strong> définir un terme au cœur <strong>de</strong> notre suj<strong>et</strong>, celui <strong>de</strong> "nature" 5 . De moins en moins employé<strong>dans</strong> le vocabu<strong>la</strong>ire courant, ou à tort <strong>et</strong> à travers, le mot nature se définira pour nous commece que l’homme n’a pas créé <strong>et</strong> qui vit en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> sa volonté. C<strong>et</strong>te définition a été formuléepar le Suisse Robert Hainard 6 dès <strong>les</strong> années 1930, puis reprise par <strong>de</strong> nombreux naturalistes<strong>et</strong> quelques essayistes français tels François Terrasson ou Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Génot. Ainsi, <strong>la</strong> forêtvierge ou primaire sans intervention du forestier, <strong>les</strong> somm<strong>et</strong>s <strong>et</strong> g<strong>la</strong>ciers, <strong>la</strong> rivière qui coulelibre, <strong>la</strong> mer sont nature. Un jardin, un parc, un champ <strong>de</strong> maïs (transgénique ou non), uneprairie <strong>de</strong> fauche, une estive, même très vertes !, ne sont pas nature. Si ces milieux abritent1 Citations extraites <strong>de</strong> L’ours : <strong>les</strong> raisons <strong>de</strong> <strong>la</strong> colère, Vio<strong>la</strong>ine Bérot, Kairn, 2007.2 La popu<strong>la</strong>tion d’ours brun en Europe est aujourd’hui l’ombre <strong>de</strong> ce qu’elle fut, même si elle a augmenté <strong>dans</strong>certains massifs après <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong> <strong>de</strong> persécution <strong>et</strong> <strong>de</strong> régression. L’ours ne prolifère pas en Slovénie, ni ailleurs,comme certains essaient <strong>de</strong> le faire croire. Un peu plus <strong>de</strong> 40 000 ours vivraient <strong>de</strong>s Asturies à l’Oural, avec unegrosse incertitu<strong>de</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> effectifs en Russie européenne.3 Voir « Débat houleux <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées », <strong>sur</strong> le site <strong>de</strong>s Verts <strong>de</strong> Belfort, à Biodiversité. Un article sans aucunrecul critique, issu d’un parti politique qui souhaite défendre <strong>la</strong> biodiversité.4 Marie-Sandrine Sgherri, « Franska est-elle psychopathe » ? Le Point, 19/07/2007. On remarquera le choixtotalement dép<strong>la</strong>cé pour un ours du terme "psychopathe", preuve que <strong>la</strong> nature est un mon<strong>de</strong> inconnu.5 On s’étonne qu’un chercheur en linguistique, tel M. Besche-Commenge, ne définisse jamais ce qu’il entend parnature. Nous y verrions encore plus c<strong>la</strong>ir ! Il est vrai qu’il lui préfère le concept brumeux <strong>de</strong> « biodiversité ».6 Robert Hainard (1906-1999), fut un grand sculpteur, graveur, naturaliste <strong>et</strong> philosophe <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> l’homme<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature.5


<strong>de</strong>s espèces sauvages, <strong>la</strong> nature ne s’y exprime pas librement. Ceci dit, <strong>les</strong> p<strong>la</strong>ntes, <strong>les</strong>insectes, <strong>les</strong> repti<strong>les</strong>, <strong>les</strong> amphibiens <strong>et</strong> <strong>les</strong> mammifères <strong>de</strong> nos pays sont aussi sauvagesqu’avant <strong>la</strong> colonisation humaine. Nous ne <strong>les</strong> contrôlons pas, simplement ils vivent <strong>dans</strong> <strong>de</strong>smilieux qui sont très différents <strong>de</strong>s milieux réellement naturels.L’extrême majorité <strong>de</strong> nos contemporains n’a ainsi qu’une vision très restreinte <strong>de</strong> <strong>la</strong>nature. Elle se limite alors aux jardins, aux parcs urbains, aux alentours <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges ou <strong>de</strong>sexploitations agrico<strong>les</strong> <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ine <strong>et</strong> <strong>de</strong> montagne. De plus en plus <strong>de</strong> personnes, il est vrai,parcourent nos parcs nationaux ou <strong>de</strong>s réserves naturel<strong>les</strong>, mais sans s’écarter <strong>de</strong>s chemins <strong>de</strong>gran<strong>de</strong> randonnée ou <strong>de</strong> sentiers balisés qui mènent à <strong>de</strong>s cabanes d’observation. Excepté uneminorité qui s’éprend véritablement <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, elle reste pour <strong>la</strong> plupart une terraincognitae. Devant un massif forestier abritant une forêt primaire, <strong>de</strong>s ours, <strong>de</strong>s loups, <strong>de</strong>slynx <strong>et</strong> quantité d’autres bêtes sauvages, une peintre slovène nous disait : « Ici, c’est Marspour <strong>les</strong> gens ! » C’est un sentiment analogue que nous ressentons lorsque nous évoquons nossorties <strong>dans</strong> <strong>la</strong> nature pyrénéenne ou mieux encore <strong>dans</strong> <strong>les</strong> forêts d’Europe centrale <strong>et</strong>orientale.En réalité, <strong>la</strong> méconnaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature règne chez <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong> nos élites politiques,artistiques <strong>et</strong> scientifiques, incapab<strong>les</strong> jusqu’à présent <strong>de</strong> développer une autre culture <strong>de</strong> nosrapports avec <strong>la</strong> nature. C’est pourquoi un haut fonctionnaire, ingénieur <strong>et</strong> chercheur commeJean <strong>de</strong> Kervasdoué ose écrire <strong>dans</strong> un <strong>de</strong> ses ouvrages : « L’homme ne peut pas entrer <strong>dans</strong>une forêt primitive, y compris en zone tempérée, sans une mach<strong>et</strong>te ou une débroussailleusepour tracer son chemin. La nature ne nous attendait pas ! 7 » Comment un homme très cultivé,directeur <strong>de</strong>s hôpitaux, membre <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong>s technologies, qui a consacré sa vie auxsecteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’environnement, nous révèle son éditeur, peut-il proférer pareil<strong>les</strong>ottise qui fait rire tous ceux qui ont, au moins une fois <strong>dans</strong> leur vie, pénétré <strong>dans</strong> une forêtprimitive. Concluons que M. <strong>de</strong> Kervasdoué n’a jamais été <strong>dans</strong> une forêt naturelle <strong>et</strong> qu’ilpropage <strong>les</strong> fantasmes occi<strong>de</strong>ntaux qui collent à <strong>la</strong> forêt.7 Les prêcheurs <strong>de</strong> l’apocalypse, Pour en finir avec <strong>les</strong> délires écologiques <strong>et</strong> sanitaires, Plon, 2007, page 34.6


Cliché n° 1. Forêt primaire en Slovénie, juin 2007. Marie, 11 ans, aura bien du mal à saisir <strong>les</strong> propos <strong>de</strong> M. <strong>de</strong>Kersvadoué. (Cliché n°1 : S. Carbonnaux).Une telle ignorance nourrit <strong>la</strong> peur <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature aussi bien chez <strong>les</strong> personnes vivant à <strong>la</strong>ville ou à <strong>la</strong> campagne. La civilisation occi<strong>de</strong>ntale s’est construite <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong>, même<strong>de</strong>s millénaires, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> peur <strong>et</strong> <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. Des auteurs aussi différents queRobert Hainard (Et <strong>la</strong> nature ?), Robert Harrison (Forêts. Essai <strong>sur</strong> l’imaginaire occi<strong>de</strong>ntal),François Terrasson (La Peur <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature) ou Dominique Venner 8 ont disséqué quelquesraisons profon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ces comportements. Réfractaire à l’enten<strong>de</strong>ment humain, <strong>la</strong> naturenourrit <strong>la</strong> peur <strong>et</strong> un vieux fond <strong>de</strong> jalousie. Observateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>puis près <strong>de</strong> 30 ans,mais aussi <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong>s hommes avec <strong>la</strong> nature, nous partageons ces analyses.Par ailleurs, il est courant d’entendre que l’homme est partie intégrante <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. M.Besche-Commenge défend c<strong>et</strong>te position 9 en partant d’une phrase <strong>de</strong> l’association cata<strong>la</strong>neDEPANA : « L’ours brun est partie intégrante <strong>de</strong> l’écosystème pyrénéen dont il n’altère pasl’équilibre. Ce que l’on ne peut dire <strong>de</strong> l’homme », phrase qu’il réfute bien entendu. De notrecôté, nous souscrivons au jugement <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te association cata<strong>la</strong>ne. Qui <strong>de</strong> l’homme ou <strong>de</strong>l’ours a vécu le premier <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, <strong>dans</strong> un écosystème équilibré ? C’est l’ours. Ungrand mammifère qui passe presque inaperçu malgré sa taille <strong>et</strong> dont <strong>les</strong> besoins sontminimes.Et c’est bien l’homme qui est venu bouleverser l’écosystème. Nulle idéologie, simpleobservation. Car l’homme, contrairement à ce que suggèrent <strong>les</strong> opposants radicaux à l’ours,n’a jamais vécu à l’état <strong>de</strong> nature. S’il est évi<strong>de</strong>mment un mammifère terrestre, il se comportecomme un être culturel, le plus souvent en opposition avec <strong>la</strong> nature. Nous sommes d’accordavec c<strong>et</strong>te analyse <strong>de</strong> Robert Hainard qui écrivait que vu <strong>de</strong> Sirius, l’homme appartient eneff<strong>et</strong> à <strong>la</strong> nature, mais que vu <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> <strong>sur</strong>face <strong>de</strong> <strong>la</strong> Terre, il est un être qui s’est extrait <strong>de</strong> <strong>la</strong>8 Lire « Fascination <strong>et</strong> peur <strong>de</strong> <strong>la</strong> sauvagerie » in actes du symposium La chasse, <strong>de</strong>rnier refuge du sauvage ?,Privat, 2007.9 « Une conception "écologique" <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> <strong>de</strong>s hommes contradictoire avec <strong>la</strong> défense <strong>et</strong> le respect <strong>de</strong><strong>de</strong>ux », 2006.7


nature pour fon<strong>de</strong>r <strong>la</strong> civilisation. Nature <strong>et</strong> civilisation sont alors <strong>de</strong>ux entités très distinctes,malheureusement en opposition <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s millénaires, mais qu’il n’est pas interdit <strong>de</strong> vouloirréconcilier. Ce que <strong>les</strong> opposants radicaux appellent l’écosystème pyrénéen est le plus souventune nature culturelle qu’ils cherchent à tout prix à préserver, parce que c’est <strong>la</strong> seule qu’ilstrouvent belle <strong>et</strong> agréable à vivre. C’est aussi une nature très domestiquée à <strong>la</strong>quelle ilstiennent, parce que leurs ancêtres l’ont en eff<strong>et</strong> façonnée en fonction <strong>de</strong> leurs activitéséconomiques <strong>et</strong> <strong>de</strong> leurs représentations menta<strong>les</strong>. La nature, ce que nous ne contrôlons pas,n’a décidément rien à voir avec <strong>la</strong> nature culturelle.Rien d’étonnant alors qu’une gran<strong>de</strong> confusion règne <strong>dans</strong> <strong>les</strong> esprits. Pourquoil’"écologiste", comme voudrait le suggérer Vio<strong>la</strong>ine Bérot, chevrière en Ariège, se <strong>de</strong>vraitd’élever <strong>de</strong>s chèvres ou <strong>de</strong>s moutons 10 ? En eff<strong>et</strong>, l’imagerie d’Épinal qui présente le paysancomme le gardien <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, ce paysan en parfaite harmonie avec <strong>la</strong> nature, est très éloignée<strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité. L’écologiste <strong>de</strong> terrain observe ce<strong>la</strong> à chaque sortie. Partout, sauf <strong>de</strong> très raresexceptions, le paysan, l’agriculteur est, par sa fonction même d’exploitant, en opposition plusou moins radicale avec <strong>la</strong> nature. Qu’est-ce que <strong>la</strong> domestication, sinon une mise au pasd’espèces sauvages, commencée il y a plus <strong>de</strong> 8 000 ans en Asie, puis une sélection aux finsd’utiliser l’animal qui peut mener à l’élevage hors-sol. Qu’est-ce que l’agriculture sinon <strong>la</strong>schématisation <strong>de</strong> formations végéta<strong>les</strong> qui, poussée très loin, aboutit à <strong>la</strong> culture industrielle<strong>et</strong> aux semences transgéniques.On le voit bien, tout ce<strong>la</strong> n’a rien à voir avec <strong>la</strong> nature. Et voilà pourquoi l’agriculteur <strong>et</strong>l’éleveur sont très souvent bien mal p<strong>la</strong>cés pour parler d’elle. Et voilà pourquoi aussi, ils sontsi souvent en lutte, voire en guerre contre <strong>la</strong> nature : <strong>les</strong> ronces <strong>et</strong> <strong>les</strong> "mauvaises herbes", <strong>les</strong>insectes <strong>et</strong> rongeurs dits ravageurs <strong>de</strong>s cultures, <strong>les</strong> serpents (rien d’étonnant à ce que M.Besche-Commenge ait cité <strong>les</strong> « vipères » du Bois <strong>de</strong> Boulogne, il aurait pu citer le rossignolqui reviendra tout seul si on ne « n<strong>et</strong>toie » plus autant <strong>les</strong> sous-bois), <strong>les</strong> prédateurs à plumeou à poil, <strong>et</strong>c. Nous pourrions écrire ici <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> pages <strong>de</strong> constats personnels <strong>sur</strong> <strong>la</strong>question.À titre d’illustration, <strong>et</strong> parce que le personnage en question est un opposant virulent àl’ours, nous avons entendu Jean-Marc Prim, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> section montagne <strong>de</strong> <strong>la</strong>F.D.S.E.A. <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, s’en prendre systématiquement aux animaux dits« nuisib<strong>les</strong> », renards, fouines <strong>et</strong> corbeaux notamment, lors <strong>de</strong>s réunions du Conseildépartemental <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques. Il est typique <strong>de</strong>ces représentants <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’agriculture <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, pour qui nombre d’animauxsauvages doivent être « régulés » parce qu’ils seraient malfaisants pour leurs cultures ou leursélevages. Que d’exagérations aussi lors <strong>de</strong> ces réunions <strong>sur</strong> <strong>les</strong> prétendus dégâtsextraordinaires commis par ces animaux quand l’utilisation <strong>de</strong> pestici<strong>de</strong>s agrico<strong>les</strong> réduit ànéant faune <strong>et</strong> flore, pollue <strong>les</strong> eaux, empoisonne <strong>les</strong> êtres humains <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s décennies !Que <strong>de</strong> fantasmes aussi <strong>sur</strong> nos vil<strong>les</strong> envahies par <strong>les</strong> renards ou <strong>les</strong> fouines !Une fois ce constat établi, il est légitime <strong>de</strong> poser c<strong>et</strong>te autre question : pourquoi <strong>la</strong>montagne appartiendrait-elle aux éleveurs, comme ils le revendiquent si souvent <strong>et</strong> plus oumoins violemment ? En quoi tout le territoire montagnard <strong>de</strong>vrait-il être dédié ad vitama<strong>et</strong>ernam à l’élevage <strong>de</strong>s brebis ? En quoi <strong>les</strong> agriculteurs seraient-ils <strong>les</strong> seuls à faire <strong>de</strong>ssacrifices pour vivre en montagne, quand <strong>les</strong> "écolos <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong>" ne feraient que passer ?10 Voir son essai cité plus haut, L’ours : <strong>les</strong> raisons <strong>de</strong> <strong>la</strong> colère.8


Brisons quelques tabous :- <strong>la</strong> civilisation agro-pastorale traditionnelle n’est plus <strong>et</strong> le mon<strong>de</strong> rural, à peu <strong>de</strong> choses près,vit comme <strong>les</strong> urbains (on achète au supermarché, on congèle, on regar<strong>de</strong> <strong>la</strong> télévision, on<strong>sur</strong>fe <strong>sur</strong> intern<strong>et</strong>, <strong>et</strong>c.),- ces mêmes urbains sont désormais le plus souvent <strong>les</strong> vecteurs <strong>de</strong> changements <strong>dans</strong> lemon<strong>de</strong> rural, promoteurs par exemple <strong>de</strong> l’agriculture biologique,- <strong>les</strong> "écolos <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong>" sont par <strong>les</strong> impôts qu’ils versent <strong>les</strong> principaux bailleurs <strong>de</strong> fonds <strong>de</strong>l’agriculture <strong>de</strong> montagne,- <strong>la</strong> montagne n’a nullement besoin d’être entr<strong>et</strong>enue puisqu’elle s’est débrouillée toute seu<strong>les</strong>ans <strong>les</strong> hommes pendant <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> millénaires, <strong>la</strong> montagne qui s’enfriche <strong>et</strong> sereboise n’est pas "sale" (un homme à <strong>la</strong> barbe fleurie est-il "sale" ?), elle évolue vers d’autrespaysages, d’autres écosystèmes souvent plus riches <strong>et</strong> plus complexes,- conserver <strong>de</strong>s paysages pâturés par <strong>de</strong>s animaux domestiques est un choix culturel qui n’asouvent aucun lien avec <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature,- voir évoluer <strong>la</strong> montagne vers <strong>de</strong>s sta<strong>de</strong>s plus sauvages, avec une faune riche <strong>de</strong> grandsprédateurs <strong>et</strong> ongulés, qui n’excluent nullement <strong>les</strong> hommes, pourrait être un autre choixculturel pour <strong>la</strong> société.C’est pourquoi le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> l’ours, qui, rappelons le est <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 20 ans parune première frange <strong>de</strong> naturalistes pyrénéens (Michel Clou<strong>et</strong> notamment), obéit à tout autrechose qu’une lubie d’écolos urbains. Comme tout lâcher ou toute réintroduction d’une espèceanimale, l’arrivée d’ours d’origine slovène entre 1996 <strong>et</strong> 2006, est une manifestationculturelle. Eh bien, nous défenseurs <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature sauvage, avons ce désir, sanspour autant exclure l’homme, <strong>de</strong> « recréer » une nature plus complète, plus riche, dont <strong>les</strong> plusbeaux éléments, au somm<strong>et</strong> <strong>de</strong>s chaînes alimentaires, ont été éliminés. Nous sommescependant d’accord avec nos opposants lorsqu’ils s’inquiètent pour <strong>la</strong> « biodiversitéordinaire » que <strong>les</strong> défenseurs <strong>de</strong>s prédateurs oublieraient trop vite. Ce serait un non-sens <strong>de</strong>croire que lâcher <strong>de</strong>s ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées suffit à préserver <strong>la</strong> nature dite banale ou <strong>de</strong>sespèces très discrètes <strong>et</strong> fort menacées. La nature est menacée partout, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> côtes, en p<strong>la</strong>ine,comme en montagne.À rebours d’une vision profondément réductrice <strong>et</strong> appauvrie, <strong>de</strong>s hommes d’origine <strong>et</strong>d’horizons différents ont senti <strong>et</strong> compris le mon<strong>de</strong> tout autrement. Ils expriment <strong>dans</strong> leursœuvres <strong>de</strong>s raisons profon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> préserver <strong>la</strong> nature <strong>la</strong> plus sauvage possible <strong>et</strong> sesincarnations <strong>les</strong> plus majestueuses. Revenons à Robert Hainard lorsqu’il re<strong>la</strong>te ce qui l’apoussé à rechercher l’ours :« Pour moi, voir un ours était à <strong>la</strong> fois un rêve fabuleux <strong>et</strong> une nécessité <strong>de</strong> l’existencenormale, <strong>dans</strong> un mon<strong>de</strong> auquel je me sens rattaché <strong>et</strong> que je ne peux croire révolu à jamais.Dans <strong>les</strong> coins <strong>les</strong> plus savoureux <strong>de</strong> nos Alpes, plus encore <strong>dans</strong> ce Jura si âprement sauvage<strong>et</strong> solitaire, <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s rocs, <strong>de</strong>s étendues, <strong>de</strong>s arbres crevassés <strong>et</strong> barbus appelle unegran<strong>de</strong>ur animale dont l’absence me <strong>la</strong>isse un vi<strong>de</strong> douloureux. Dire que septante ans plus tôt,j’aurais eu quelque chance <strong>de</strong> rencontrer <strong>la</strong> puissante bête velue. » Au terme d’un séjour enBulgarie où il vit son premier ours en mai 1938, le roi Boris III, qui l’avait invité, formu<strong>la</strong> unepensée mûrie chez l’artiste : « une forêt sans ours n’est pas une vraie forêt. 11 »N’allons pas beaucoup plus loin que <strong>la</strong> Suisse ou <strong>la</strong> Bulgarie <strong>et</strong> citons c<strong>et</strong>te magnifiquephrase <strong>de</strong> l’écrivain italien Dino Buzzati écrite en 1948, que nous avons lue <strong>dans</strong> le bel11 Robert Hainard, Les Mammifères sauvages d’Europe, De<strong>la</strong>chaux <strong>et</strong> Niestlé.9


écomusée <strong>de</strong> Spormaggiore, lors du voyage d’étu<strong>de</strong> en Trentin organisé par l’État endécembre 2007 : « L'orso è anche avventura, favo<strong>la</strong>, leggenda, continuazzione du una vitaantichissima, scomparsa <strong>la</strong> quale ci sentiremo tutti un poco più poveri e più tristi » : L'ours estaussi aventure, fable, légen<strong>de</strong>, continuation d'une vie très ancienne, sans <strong>la</strong>quelle nous noussentirons tous un peu plus pauvres <strong>et</strong> tristes.Outre At<strong>la</strong>ntique, un <strong>de</strong>s premiers à exprimer <strong>la</strong> nécessité vitale <strong>de</strong> conserver <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>faune fut le forestier <strong>et</strong> grand défenseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, Aldo Leopold. « Il faut être capable <strong>de</strong>voir le grand spectacle <strong>de</strong> l’évolution pour reconnaître <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong> son théâtre, <strong>la</strong> naturesauvage, ou <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong> ses plus extraordinaires accomplissements, le grizzli » écrit-il <strong>dans</strong> son« Esthétique d’une <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature » à <strong>la</strong> toute fin <strong>de</strong> son seul ouvrage traduit enfrançais, Almanach d’un comté <strong>de</strong>s sab<strong>les</strong>, publié en 1947.Dans nos Pyrénées, C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che, à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 80 <strong>dans</strong> un article publié <strong>dans</strong>L’Univers du vivant, avait c<strong>et</strong>te réflexion pleine <strong>de</strong> sens :« Les chercheurs ont peu droit <strong>de</strong> cité <strong>dans</strong> <strong>la</strong> marche <strong>de</strong>s affaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>montagne. Il est temps que ce<strong>la</strong> change <strong>et</strong> l’ours peut nous y ai<strong>de</strong>r. Comment accepter quel’impuissance <strong>de</strong> certains hommes expulse définitivement <strong>de</strong>s montagnes d’Europeocci<strong>de</strong>ntale ces prodigieux animaux que sont <strong>les</strong> ours ? Des dizaines <strong>de</strong> millions d’Européenspeuvent-ils accepter que sous prétexte <strong>de</strong> rentabilité, quelques irresponsab<strong>les</strong> détruisent <strong>les</strong>sanctuaires <strong>les</strong> plus précieux <strong>de</strong> notre continent ? »Non, décidément, l’avenir <strong>de</strong>s Pyrénées ne doit pas s’écrire qu’à l’encre ultrapastorale <strong>et</strong>aménagiste. Vouloir éliminer tout ce qui gêne, l’ours, le loup, <strong>et</strong>c., au profit <strong>de</strong> stricts intérêtséconomiques pastoraux est indéfendable à tous points <strong>de</strong> vue. L’ours occupant <strong>de</strong>s montagnesbien avant l’homme ne peut être rej<strong>et</strong>é pour <strong>de</strong>s raisons d’éthique au sens où l’entendait AldoLeopold : « La montagne qu’il faut dép<strong>la</strong>cer pour libérer le processus vers une éthique, c’esttout simplement ceci : cessez <strong>de</strong> penser au bon usage <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre comme à un problèmeexclusivement économique. Examinez chaque question en termes <strong>de</strong> ce qui est éthiquement <strong>et</strong>esthétiquement juste autant qu’en termes <strong>de</strong> ce qui est économiquement avantageux. Unechose est juste lorsqu’elle tend à préserver l’intégrité, <strong>la</strong> stabilité <strong>et</strong> <strong>la</strong> beauté <strong>de</strong> <strong>la</strong>communauté biotique. Elle est injuste lorsqu’elle tend à l’inverse. 12 »Le grand défi culturel sera <strong>de</strong> vivre en biodiversité totale, donc avec <strong>de</strong>s ours, <strong>de</strong>s loups <strong>et</strong><strong>de</strong>s lynx, <strong>de</strong>s bouqu<strong>et</strong>ins pour nos Pyrénées. C<strong>et</strong>te vision fécon<strong>de</strong>, défendue parl’anthropologue portugais João Pédro Galhano Alves 13 s’appuie <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s recherches poussées<strong>de</strong> terrain auprès <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tions portugaises qui vivent avec le loup, africaines avec le lion <strong>et</strong>indiennes avec le tigre au sein <strong>de</strong> territoires humanisés. Elle a l’immense mérite <strong>de</strong> m<strong>et</strong>trel’homme en état <strong>de</strong> dépasser sa capacité à détruire <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> <strong>les</strong> espèces vivantes, <strong>et</strong> qui,sans nul doute, ne pourra que l’enrichir profondément. Il nous est impossible d’imaginer vivresans ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, lui qui peuple <strong>la</strong> montagne <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> nuit <strong>de</strong>s temps, qui fut adoré<strong>et</strong> qui orne nos plus bel<strong>les</strong> grottes paléolithiques. Il est finalement autant nature <strong>et</strong> culture. Ceserait détruire notre passé <strong>et</strong> très mal envisager l’avenir que <strong>de</strong> refuser l’existence <strong>de</strong> l’ours.12 Sous « L’horizon », <strong>de</strong>rnier chapitre <strong>de</strong> son livre, page 283.13 Nous remercions vivement A<strong>la</strong>in Sennepin, défenseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune sauvage, qui nous a mis <strong>sur</strong> <strong>la</strong> piste<strong>de</strong> ce chercheur. Lire « Restaurer <strong>et</strong> coexister avec <strong>la</strong> biodiversité totale : sociétés humaines, grands carnivores <strong>et</strong>grands herbivores sauvages », Colloque <strong>sur</strong> <strong>la</strong> cohabitation homme/grands prédateurs en France, Nature Centre,2004.10


« Une forêt sans ours n’est pas une vraie forêt. » Slovénie, juill<strong>et</strong> 2007. (Cliché n°2 : Daniel Auc<strong>la</strong>ir)11


CHRONIQUE DES MESURES DE PROTECTION DE L’OURSDANS LES PYRENEESPourquoi accor<strong>de</strong>r une aussi longue p<strong>la</strong>ce à c<strong>et</strong> <strong>historique</strong> ? Mais comment comprendrenotre présent si nous ignorons le passé ?La plus gran<strong>de</strong> histoireLa volonté <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours est très mo<strong>de</strong>rne. Si on peut <strong>la</strong> dater aux cinquante<strong>de</strong>rnières années, l’ancêtre <strong>de</strong> l’ours brun, lui, est présent <strong>sur</strong> Terre <strong>de</strong>puis 600 000 ans.L’ours brun apparaît en Europe il y a environ 100 000 ans. Pendant au moins trentemille ans (<strong>de</strong> - 40 000 à - 11 000 ans avant nous), <strong>les</strong> hommes <strong>de</strong>s cultures paléolithiques ontreprésenté l’ours sous diverses formes : une <strong>de</strong>s plus vieil<strong>les</strong> sculptures connues au mon<strong>de</strong> estcelle d’un ours - elle a été découverte <strong>dans</strong> <strong>la</strong> grotte <strong>de</strong> Montespan (Pyrénées commingeoises)-, l’ours a été gravé <strong>sur</strong> le bois <strong>de</strong> renne, peint à l’ocre rouge au Pont-d’Arc, <strong>et</strong>c. Il n’est passans intérêt <strong>de</strong> savoir que <strong>les</strong> estimations démographiques à l’époque magdalénienne sont <strong>de</strong>quinze mille ou vingt mille habitants pour le sud-ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> France 14 . C’est-à-dire qu’une sifaible popu<strong>la</strong>tion qui possédait <strong>les</strong> mêmes capacités cérébra<strong>les</strong> que nous a créé une industri<strong>et</strong>rès ingénieuse 15 <strong>de</strong>s armes <strong>de</strong> chasse <strong>et</strong> pratiqué un art mystérieux qui <strong>sur</strong>prend par son grandraffinement. Un culte <strong>de</strong> l’ours semble avoir existé <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées <strong>et</strong> <strong>sur</strong> tout le continenteurasiatique, même s’il est contesté <strong>dans</strong> nos contrées par <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s chercheurs. Notonsqu’un culte <strong>de</strong> l’ours persiste aujourd’hui, <strong>de</strong> manière très affaiblie certes, en <strong>de</strong> très rareslieux <strong>de</strong> l’Eurasie, comme chez <strong>les</strong> Aïnous au Japon.Puis ce fut <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> rupture néolithique (nous n’employons pas le terme <strong>de</strong> révolutioncouramment usité, car étymologiquement une révolution est un r<strong>et</strong>our au point d’origine).Entre - 8 000 <strong>et</strong> - 5 000 ans, apparaissent <strong>dans</strong> nos pays européens, <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, <strong>les</strong>élevages <strong>de</strong>s animaux domestiques, en particulier ceux <strong>de</strong>s chèvres <strong>et</strong> moutons dont <strong>les</strong>souches proviennent d’Asie centrale. Une nouvelle vision, représentation du mon<strong>de</strong>, émerge,<strong>de</strong> plus en plus anthropocentrée. Avec l’avènement <strong>de</strong> l’agriculture <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’élevage, <strong>et</strong> doncl’accroissement démographique <strong>de</strong> l’espèce humaine, <strong>la</strong> situation se dégra<strong>de</strong> pour l’ours brun.Olivier <strong>de</strong> Marliave parle d’une véritable guerre au moment <strong>de</strong> l’apogée démographique <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées au XIXe siècle. Michel Pastoureau, grand connaisseur du symbolisme animal,parle <strong>de</strong> <strong>la</strong> chute du roi <strong>de</strong>s animaux que l’Eglise a combattu avec succès mille ans durant 16 .Le rapport <strong>de</strong> l’homme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées a toujours été ambivalent. Ennemihéréditaire <strong>de</strong>s bergers <strong>et</strong> <strong>de</strong>s éleveurs, l’ours est aussi c<strong>et</strong> animal suffisamment considérépour être appelé Lou Moussu (le Monsieur). « L’animal détesté – il est le rival craint entr<strong>et</strong>ous, celui qui sème <strong>la</strong> mort <strong>dans</strong> <strong>les</strong> troupeaux – est aussi celui que l’on attend parce qu’i<strong>la</strong>nnonce le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie » écrit l’<strong>et</strong>hnologue Isaure Gratacos 17 . Pour l’historien Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>14 In Le Magdalénien. Apogée <strong>de</strong> l’art quaternaire. Dominique Saachi, La maison <strong>de</strong>s roches, 2003.15 Le célèbre mathématicien <strong>et</strong> philosophe <strong>de</strong>s sciences suisse Ferdinand Gons<strong>et</strong>h avait répondu à son amil’artiste Robert Hainard qu’il n’existait aucune différence essentielle entre un homme paléolithique empruntantl’é<strong>la</strong>sticité d’une branche pour réaliser une branche rectiligne <strong>et</strong> un physicien é<strong>la</strong>borant une horloge atomique.16 L’ours : histoire d’un roi déchu, au Seuil, 2007.17 Calendrier pyrénéen, Rites, coutumes <strong>et</strong> croyances calendaires <strong>dans</strong> <strong>la</strong> tradition orale en Co mminges <strong>et</strong>Couserans, Privat, 1995.12


Bouch<strong>et</strong>, <strong>la</strong> principale raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> l’ours est qu’il était nuisible vivant pour unesociété agropastorale, <strong>et</strong> utile mort en ce qu’il rapportait <strong>de</strong>s ressources.L’histoire très mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’oursLes premières <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours sont cel<strong>les</strong> <strong>de</strong> chasseurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> forestiers,tel le prince Albert <strong>de</strong> Monaco, venu chasser en Ariège <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 1915-1916, ouMonsieur Salvat, inspecteur <strong>de</strong>s Eaux <strong>et</strong> Forêts, qui lors du premier congrès international <strong>de</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature tenu à Paris en 1923, attribuait <strong>la</strong> régression <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours à« l’ouverture <strong>de</strong>s routes, l’exploitation <strong>de</strong>s bois, le débroussaillement <strong>et</strong>… <strong>la</strong> chasse », <strong>et</strong><strong>de</strong>mandait l’arrêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>la</strong> création d’un parc national.Même si ce<strong>la</strong> regar<strong>de</strong> plutôt <strong>la</strong> Confédération helvétique, sachons que Boris III <strong>de</strong>Bulgarie s’engageait en 1938, auprès <strong>de</strong> Robert Hainard, à donner <strong>de</strong>s ours pour repeupler <strong>les</strong>Alpes suisses, préfigurant <strong>la</strong> reconstitution <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune européenne.1946, Jean-Émile Bénech, par ailleurs auteur d’ouvrages cynégétiques, écrit <strong>dans</strong>Fauves <strong>de</strong> France, chez Stock, collection <strong>les</strong> livres <strong>de</strong> nature : « Peut-être - il est bien tard ! -quelques me<strong>sur</strong>es draconiennes… Mais non ! Il n’est jamais trop tard. Seulement, il faudrait<strong>les</strong> prendre tout <strong>de</strong> suite. N’ont-el<strong>les</strong> pas sauvé <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers <strong>sur</strong>vivants <strong>de</strong>s républiques <strong>de</strong>castors ? N’assistons-nous pas aujourd’hui au miracle <strong>de</strong> leur <strong>sur</strong>vivance <strong>sur</strong> le Rhône. Quidéfendra <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers ours pyrénéens ? » Bénech oppose le loup « bandit <strong>de</strong> nos forêts »à l’ours ermite, épris <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong>, causant si peu <strong>de</strong> dégâts, adroit, très circonspect, « le plusavisé sans doute après le singe <strong>et</strong> qui se joue <strong>de</strong>s embûches avec une rare facilité. »1954, le docteur Marcel Couturier, gran<strong>de</strong> figure <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse française, membrecorrespondant du Muséum national d’histoire naturelle parmi quantité d’autres titres, faitparaître à compte d’auteur une volumineuse monographie : L’Ours brun. Au cours <strong>de</strong> sa vie,M. Couturier a publié d’autres travaux du même type <strong>sur</strong> le chamois ou <strong>les</strong> coqs <strong>de</strong> bruyère. I<strong>les</strong>t bon <strong>de</strong> savoir que M. Couturier a chassé l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées <strong>et</strong> qu’il a tué son premierours à Urdos grâce à André <strong>et</strong> Jean-Bernard Apiou, fils <strong>de</strong> Bernard Apiou, tous chasseursd’ours.Couturier évalue alors <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours <strong>de</strong>s Pyrénées françaises à 70 têtes. « Cenombre varie d’ailleurs beaucoup pendant <strong>la</strong> belle saison, en raison du va-<strong>et</strong>-vient <strong>de</strong>sanimaux entre <strong>la</strong> France <strong>et</strong> l’Espagne, <strong>et</strong> vice versa. » Pour <strong>les</strong> Pyrénées espagno<strong>les</strong>,justement, il estime que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours y serait inférieure à celle du versant nord. À titre<strong>de</strong> comparaison, il estime que <strong>la</strong> Slovénie abritait alors 75 ours <strong>et</strong> <strong>la</strong> Croatie voisine (<strong>les</strong>popu<strong>la</strong>tions sont reliées), 200 individus. Il estime également <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Slovaquie à 200ours alors que l’effectif était d’une vingtaine d’individus en 1932.Quant aux réserves, il écrit : « Ainsi n’existe-t-il en France qu’une seule réserve d’ours,celle du Pic du Midi d’Ossau. Il est donc <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus haute utilité d’en créer <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> dontl’obj<strong>et</strong> sera <strong>de</strong> protéger c<strong>et</strong>te espèce. » Et il évoque avec précision <strong>les</strong> secteurs en questionpour conclure : « La question <strong>de</strong>s réserves à ours en France est aussi importante que celle <strong>de</strong><strong>la</strong> réglementation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au fauve. L’une ne vaut rien sans l’autre. Rien ne s’opposevraiment à ce qu’el<strong>les</strong> soient harmonieusement conjuguées <strong>et</strong> alliées pour <strong>la</strong> meilleure<strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’espèce. 18 »18 Chapitre « Nouvel<strong>les</strong> réserves à créer », pages 722-723 <strong>de</strong> L’Ours brun.13


Il n’en est pas moins vrai que Marcel Couturier achève son ouvrage par ces lignes :« Je termine par un pronostic pessimiste pour l’avenir <strong>de</strong> l’espèce. Un jour viendra oùl’Homme en comptera à une unité près <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers individus <strong>et</strong> où l’on dorlotera <strong>dans</strong> unecage ses <strong>de</strong>rniers représentants pour <strong>les</strong> montrer au public. Sans vouloir jouer au prophète, jepense que, outre cel<strong>les</strong> du Canada, <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions européennes d’ours bruns, comme cel<strong>les</strong><strong>de</strong>s Pyrénées, <strong>de</strong>s Abruzzes, <strong>de</strong> Scandinavie, <strong>de</strong>s Balkans, <strong>de</strong>s Carpates, suivront le sort <strong>de</strong>cel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s Alpes <strong>et</strong> disparaîtront à plus ou moins brève échéance. Cel<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Russie d’Europe<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’A<strong>la</strong>ska résisteront plus longtemps. Et c’est en Sibérie, en Chine ou en d’autres contéesasiatiques qu’il faudra chercher <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers <strong>sur</strong>vivants <strong>de</strong> l’espèce brune, mais aucun d’entreeux ne sera le témoin <strong>de</strong> <strong>la</strong> prochaine g<strong>la</strong>ciation. »On pourra discuter bien sûr <strong>de</strong> sa vision d’une espèce en fin <strong>de</strong> course, mais c<strong>et</strong>teconclusion sonne alors comme une alerte sérieuse pour l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées.1957, on ferme <strong>la</strong> chasse à l’ours pour quelques mois, <strong>et</strong> en 1962, l’ours n’est plusregardé comme un gibier par <strong>la</strong> loi. Reste <strong>la</strong> possibilité d’organiser <strong>de</strong>s battues administrativesen cas <strong>de</strong> dégâts. Mais en 1960, l’aire <strong>de</strong> répartition <strong>de</strong> l’ours s’est amenuisée à l’ouest <strong>et</strong> àl’est, <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion a éc<strong>la</strong>té en <strong>de</strong>ux noyaux, occi<strong>de</strong>ntal <strong>et</strong> central.Curieusement, alors qu’on ne parle évi<strong>de</strong>mment pas <strong>de</strong> renforcer <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours,voici ce que rapporte Jacques Burnier, ami <strong>de</strong> Robert Hainard, d’une conversation <strong>dans</strong> unbistrot <strong>de</strong> Lescun, alors qu’ils cherchaient <strong>les</strong> gypaètes à Lescun en mai 1959 : « Ils veulentconserver l’ours pour l’ornement <strong>de</strong> nos montagnes ! El<strong>les</strong> seraient aussi bel<strong>les</strong> sans ours. Ilsveulent encore amener <strong>de</strong>s ours pour qu’ils s’y reproduisent. Ça va nous attirer <strong>de</strong>s milliers d<strong>et</strong>ouristes <strong>de</strong> Lyon <strong>et</strong> <strong>de</strong> Paris ! 19 »1966, est créée <strong>la</strong> réserve <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> Los Val<strong>les</strong> (28 765 hectares) qui englobe enAragon une bonne part du territoire <strong>de</strong> l’ours.1967, le Parc national <strong>de</strong>s Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> voit le jour par décr<strong>et</strong> du 23 mars, avec<strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours comme un <strong>de</strong> ces objectifs affichés. Son histoire remonte au début dusiècle avec l’idée d’A. Martel du Club Alpin Français <strong>de</strong> créer un parc national en valléed’Ossau. Le c<strong>la</strong>ssement du site du Néouvielle <strong>et</strong> <strong>la</strong> création <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve <strong>de</strong> chasse du Pic duMidi d’Ossau, puis celle du Vignemale, raniment <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> faire aboutir l’idée. Las, enraison d’un découpage politique <strong>et</strong> non biologique <strong>de</strong>s limites du Parc, ce <strong>de</strong>rnier ne sera pasen me<strong>sur</strong>e <strong>de</strong> préserver <strong>les</strong> habitats <strong>de</strong> l’ours. Le parc s’étend <strong>sur</strong> 60 kilomètres <strong>de</strong> long <strong>et</strong> une<strong>la</strong>rgeur <strong>de</strong> 1,5 à 12 kilomètres. C’est donc une mince ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> hauts reliefs (<strong>la</strong> zone centraleest comprise entre 1073 <strong>et</strong> 3298 mètres) qui ne comprend pas <strong>de</strong> grands massifs forestiers,dont <strong>les</strong> plus riches sont justement situées à <strong>de</strong> plus basses altitu<strong>de</strong>s.Il a une zone centrale <strong>de</strong> 45 707 hectares (15 parties <strong>de</strong> communes concernées) <strong>et</strong>206 352 hectares <strong>de</strong> zone périphérique, ce qui fait <strong>de</strong> lui le parc national français au plus fortratio zone périphérique/zone centrale : 5 hectares <strong>de</strong> zone périphérique sans <strong>protection</strong>particulière contre 1 hectare avec une <strong>protection</strong> qui n’a cependant rien d’intégral. Si <strong>la</strong> chasseest interdite en zone centrale, l’exploitation forestière y est permise ainsi que le pastoralisme,activités qui peuvent être très perturbatrices pour <strong>les</strong> écosystèmes. Ce parc est frontalier <strong>de</strong>celui d’Or<strong>de</strong>sa (15 608 hectares) créé en 1918 <strong>et</strong> agrandi en 1982. Ce <strong>de</strong>rnier fut <strong>sur</strong>tout créépour protéger le <strong>de</strong>rnier noyau <strong>de</strong> bouqu<strong>et</strong>ins <strong>de</strong>s Pyrénées, dont <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière femelle s’estéteinte en 1996.19 S. Carbonnaux, Le Cercle rouge. Voyages naturalistes <strong>de</strong> Robert Hainard <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, Hesse, 2002.14


Le Parc ne sait que faire pour protéger l’ours. Avec l’idée <strong>de</strong> détourner l’ours <strong>de</strong>s brebis,son directeur Pierre Chimits a fait introduire <strong>de</strong>s marmottes <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées d’Aspe <strong>et</strong>d’Ossau, pensant qu’el<strong>les</strong> intéresseraient l’ours, fait p<strong>la</strong>nter <strong>de</strong>s arbres fruitiers qui doiventdonner dix ans plus tard ou fait encore creuser <strong>de</strong>s mares à grenouil<strong>les</strong>. Le ton d’une l<strong>et</strong>treenvoyée à Robert Hainard dénote l’embarras <strong>de</strong> <strong>la</strong> direction du Parc : « (…) Je viens vous<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si vous ne verriez pas d’autres sources <strong>de</strong> nourriture naturelle sous <strong>la</strong> forme parexemple <strong>de</strong> semis ou p<strong>la</strong>ntation <strong>dans</strong> <strong>les</strong> c<strong>la</strong>irières ce certains tubercu<strong>les</strong> susceptib<strong>les</strong>d’intéresser l’ours. Bref, je serais très heureux <strong>de</strong> recevoir vos suggestions en <strong>la</strong> matière quej’essaierais <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre le plus rapi<strong>de</strong>ment possible en pratique. (…) 20 »Et l’illusion d’une conservation <strong>de</strong> l’ours par le Parc <strong>de</strong>meure pour <strong>de</strong> longues années.Pourtant, en 1965, lors d’une séance du C.N.P.N. consacrée à ce proj<strong>et</strong>, M. Giban <strong>de</strong>l’I.N.R.A. constatait que « si l’on veut parvenir à une véritable <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours, il fautvoir grand, c<strong>et</strong> animal ayant besoin <strong>de</strong> vastes espaces pour vivre <strong>et</strong> se développer. » Elle<strong>de</strong>meure même à <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong> l’at<strong>la</strong>s <strong>de</strong>s Parcs nationaux (M.A.T.E.) 21 .1968. L’Office national <strong>de</strong>s forêts se mécanise. La construction <strong>de</strong>s routes s’accélère.1970. Dernière autorisation d’achat <strong>de</strong> strychnine, dont <strong>les</strong> paysans ont <strong>de</strong> grossesréserves…27 juill<strong>et</strong> 1971. Création par décr<strong>et</strong> du ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature <strong>et</strong> <strong>de</strong>l’Environnement. Un portefeuille explosif, dixit le professeur <strong>de</strong> droit Michel Prieur, qui voitse succé<strong>de</strong>r 7 ministres <strong>et</strong> 4 secrétaires d’Etat jusqu’en 1978.1971. François Merl<strong>et</strong>, un <strong>de</strong>s grands précurseurs français <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse photographique,fait paraître à Pau aux éditions Marrimpouey jeune, Seigneur <strong>de</strong>s Pyrénées, l’ours. Ce livrecontient plusieurs photographies en couleurs <strong>de</strong> l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées <strong>et</strong> un vibrant « S.O.S.pour nos <strong>de</strong>rniers ours ». Il subsisterait 35 ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées.1972. Interdiction totale <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse à l’ours, y compris en battue administrative(Journal officiel, 15 février 1973). En Espagne, l’ours brun est déc<strong>la</strong>ré espèce protégée pardécr<strong>et</strong> du 15 octobre 1973.1973. Jean Dorst, une <strong>de</strong>s sommités <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature en France, s’appuie <strong>sur</strong>Marcel Couturier pour s’opposer à <strong>la</strong> réintroduction <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> le Vercors, malgré unrapport favorable <strong>de</strong> Robert Hainard commandé par le Muséum national d’histoire naturelle.Dorst craint une cohabitation difficile avec <strong>les</strong> bergers (il se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> même si l’ours nepourrait pas en croquer un - sic !), voire avec <strong>les</strong> touristes, <strong>et</strong> constate que <strong>les</strong> Suisses ontabandonné l’idée <strong>de</strong> réintroduire l’ours chez eux. « La tentation est gran<strong>de</strong> <strong>de</strong> venir faire <strong>sur</strong>notre territoire <strong>de</strong>s expériences qui risquent <strong>de</strong> comprom<strong>et</strong>tre l’image <strong>de</strong> marque <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature » écrit-il à un <strong>de</strong> ses col<strong>la</strong>borateurs. Dorst refuse aussi <strong>la</strong> réintroduction<strong>de</strong>s grands rapaces mais accepte celle du lynx, expérience qui donne <strong>de</strong> bons résultats enSuisse. Gran<strong>de</strong> déception <strong>et</strong> colère <strong>de</strong> Hainard : « Toute ma vie, j’aurai traîné <strong>la</strong> lâch<strong>et</strong>é <strong>de</strong>sofficiels ! Il déconseille <strong>la</strong> réintroduction <strong>de</strong> l’ours, par contre il adm<strong>et</strong>trait le lynx. Parbleu !parce que d’autres l’ont déjà fait contre vents <strong>et</strong> marées ! 22 »20 L<strong>et</strong>tre du 31 décembre 1969 (archives Fondation Hainard).21 Voir : http://at<strong>la</strong>s.parcsnationaux.org/pyrenees/page.asp?page=822 L<strong>et</strong>tre à D. Ariagno du 21 décembre 1973 (archives Fondation Hainard).15


1973. Création d’une section béarnaise <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société d’étu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>et</strong>d’aménagement <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>dans</strong> le Sud-Ouest (S.E.P.A.N.S.O.), pour s’opposerprincipalement à <strong>de</strong> grands proj<strong>et</strong>s d’aménagement en montagne, comme celui du vallon duSoussouéou, où il est question <strong>de</strong> construire 7 000 lits pour relier <strong>la</strong> station d’Artouste, à <strong>la</strong>limite <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone centrale du Parc, à celle <strong>de</strong> Gour<strong>et</strong>te. L’ours fréquente encore ce territoire.Jean-François Terrasse y a même observé trois individus en plein jour au début <strong>de</strong>s annéessoixante <strong>sur</strong> le sentier. Un grand combat associatif, notamment grâce au film «Montagne àvendre », perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> bloquer le proj<strong>et</strong>.1975. Joël Tanguy Le Gac, figure incontournable <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> (décédé en 2006), C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> quelques autres créent leFonds d’intervention éco-pastoral (F.I.E.P.) <strong>sur</strong> le modèle du Fonds d’intervention pour <strong>les</strong>rapaces. C’est <strong>la</strong> première association <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours qui entend as<strong>sur</strong>er <strong>la</strong> coexistencedu pastoralisme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ours, <strong>et</strong> montrer aux bergers qu’ils peuvent avoir intérêt à ce que l’oursfréquente leurs estives. La démarche est présentée comme une révolution. Elle est en partiejustifiée par l’inaction presque totale du Parc national en matière <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours. Ilsubsiste alors 25 ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées.1976. La Société nationale <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> l’Office national <strong>de</strong> <strong>la</strong> chassepassent une convention qui aboutit au premier rapport biologique <strong>sur</strong> l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées(Jean-Jacques Camarra/C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che, 1978).Les associations <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt le c<strong>la</strong>ssement du site du Soussouéou au titre <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi <strong>de</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong>s paysages <strong>de</strong> 1930.10 juill<strong>et</strong> 1976. Gran<strong>de</strong> loi <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature.1976. À Pau, lors d’un colloque international <strong>sur</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune <strong>de</strong>s Pyrénées, leprofesseur allemand <strong>de</strong> l’université <strong>de</strong> Hei<strong>de</strong>lberg, P<strong>et</strong>er Röben estime que <strong>les</strong> Français s<strong>et</strong>rompent à encourager le pastoralisme. « Le pacage ne <strong>de</strong>vrait pas être encouragé. Il faudraitmême favoriser l'abandon <strong>de</strong>s fermes <strong>et</strong> exploitations agrico<strong>les</strong> <strong>dans</strong> toute <strong>la</strong> zone fréquentéepar <strong>l'ours</strong>. [...] Rabâcher que le pâturage est absolument nécessaire au maintien du milieu <strong>et</strong>du paysage montagnard est une erreur <strong>et</strong> une contrevérité fondamentale. [...] En conclusion,perm<strong>et</strong>tez-moi une remarque quelque peu amère : il serait bon que le Parc National nes'occupe pas exclusivement <strong>de</strong> développer le tourisme <strong>et</strong> d'as<strong>sur</strong>er le bien-être <strong>de</strong>s bergers,mais - il me semble que c'est même sa vocation prioritaire - qu’il s'occupe également <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong>s espèces anima<strong>les</strong> <strong>et</strong> végéta<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur milieu <strong>de</strong> vie. 23 » C’est aussi <strong>la</strong>position <strong>de</strong> Robert Hainard notamment exprimée lors d’un colloque analogue au mois <strong>de</strong>novembre 1981, qui entraîna une discussion vive avec C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendalectche <strong>et</strong> LouisEspinassous, ce <strong>de</strong>rnier alors agent du Parc.Voici d’ailleurs ce que pouvait écrire R. Hainard à Michel Terrasse <strong>de</strong>ux ansauparavant, au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>s fiers montagnards qui refusent <strong>la</strong> réserve d’Indiens mais poussent augrand programme immobilier du Soussouéou en vallée d’Ossau :« Ces sont <strong>de</strong>s sous-développés <strong>et</strong> ils le restent en se précipitant (comme le Tiers-Mon<strong>de</strong>) <strong>sur</strong> ce "Progrès", ce "développement" auquel nous ne croyons plus. » Ou encore,alors que <strong>la</strong> tentation pastorale est forte chez <strong>les</strong> naturalistes : « Vas-tu abandonner <strong>la</strong> photopour élever <strong>de</strong>s moutons, seule communion vraie avec <strong>la</strong> nature ? »23 Voir « Contribution à <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées », in La gran<strong>de</strong> faune pyrénéenne <strong>et</strong> <strong>de</strong>smontagnes d’Europe, Laboratoire du milieu montagnard/F.I.E.P., mai 1979. Voir aussi du même auteur « Statusof the brown bear in the Pyrenees », 1978.16


1978. Publication du rapport L’ours brun <strong>de</strong>s Pyrénées, sous <strong>la</strong> direction <strong>et</strong> <strong>la</strong>responsabilité <strong>de</strong> C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che, sous convention <strong>de</strong> l’O.N.C. <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.N.P.N. Il estrédigé par C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> Jean-Jacques Camarra. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> terrain est menée par ce<strong>de</strong>rnier <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>. Jean-Yves Merle, lui, étudie <strong>la</strong> partie orientale <strong>de</strong> <strong>la</strong>chaîne. C’est le premier rapport scientifique <strong>sur</strong> l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées <strong>et</strong> sa <strong>protection</strong>. L’échec<strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es prises par le Parc national est total d’autant que <strong>les</strong> ours vivent en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong>zone centrale.1979. Le F.I.E.P. verse <strong>les</strong> premières in<strong>de</strong>mnités <strong>de</strong> dérangement aux bergers. L’argentprovient du Fonds mondial pour <strong>la</strong> nature (W.W.F.) puis viendra <strong>de</strong> l’État. Voici une anecdoteracontée par celui qui signa <strong>les</strong> premiers chèques. Son grand-père, berger basque, à qui ilexplique leur démarche répond : « Ils vont se moquer mais ils te prendront l’argent. »1980. La commission permanente du Parc national poussée par son directeur BernardG<strong>la</strong>ss, ém<strong>et</strong> une résolution importante. Considérant que <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées estcritique <strong>et</strong> que le parc représente pour l’opinion nationale l’institution chargée <strong>de</strong> le protéger,elle estime que :« - une action efficace <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours passe essentiellement par le maintien <strong>de</strong>son biotope <strong>dans</strong> un état <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> tranquillité,- une telle action suppose : l’acceptation par <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions <strong>et</strong> <strong>les</strong> élus locaux, <strong>la</strong>concertation entre <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> locaux <strong>et</strong> nationaux <strong>de</strong>s diverses administrations, <strong>la</strong>désignation d’une instance responsable se consacrant prioritairement à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>sur</strong> l<strong>et</strong>errain <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es décidées,« - une prise en charge nationale du problème <strong>de</strong> l’ours est indispensable pour que <strong>les</strong>moyens financiers, juridiques <strong>et</strong> techniques soient as<strong>sur</strong>és pour l’action du programmed’action en faveur <strong>de</strong> l’ours. » Elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> enfin que :« - Le programme national <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours soit défini d’urgence par <strong>les</strong> servicescentraux concernés <strong>et</strong> assortis <strong>de</strong> moyens pour une mise en œuvre concrète <strong>sur</strong> le terrain.- Le Parc national soit chargé du pilotage, sous l’autorité <strong>de</strong>s préf<strong>et</strong>s concernés, <strong>de</strong> ceprogramme pour le noyau occi<strong>de</strong>ntal en application d’un mandat explicite définissant <strong>la</strong>mission <strong>et</strong> <strong>les</strong> moyens. »1981. Janvier, Jean-Pierre Farthouat (ingénieur du génie rural <strong>de</strong>s eaux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s forêts,conseiller cynégétique régional <strong>de</strong> l’O.N.C.) rem<strong>et</strong> un rapport <strong>de</strong> synthèse <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>. Ce <strong>de</strong>rnier préconise <strong>de</strong> nombreuses me<strong>sur</strong>es, <strong>de</strong>sadaptations <strong>de</strong>s lois <strong>et</strong> règlements. Il en sortira bien peu <strong>de</strong> chose.Le Conseil <strong>de</strong> l’Europe, à l’occasion du premier renouvellement du diplôme attribué auParc national, attire l’attention <strong>de</strong>s autorités françaises <strong>sur</strong> divers suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> préoccupationsdont :- <strong>la</strong> nécessité pour <strong>les</strong> autorités loca<strong>les</strong> propriétaires <strong>de</strong>s terres <strong>de</strong> mieux prendre encompte <strong>la</strong> finalité biologique du parc,- l’urgence <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es strictes <strong>de</strong> <strong>protection</strong> pour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ours enzone périphérique.17


1981. Le proj<strong>et</strong> du Parc national <strong>de</strong> l’Ariège est finalement abandonné 24 . Dans lecourant <strong>de</strong>s années soixante-dix, un proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> «Parc national <strong>de</strong>s Pyrénées ariégeoises »,appuyé par Jean Servat, directeur <strong>de</strong> l’O.N.C.F.S., originaire <strong>de</strong> Massat, suscite chez <strong>les</strong>popu<strong>la</strong>tions loca<strong>les</strong> d’importants clivages <strong>et</strong> <strong>de</strong>s conflits passionnés. Ce proj<strong>et</strong> est rej<strong>et</strong>é par<strong>les</strong> associations naturalistes, dont <strong>la</strong> S.P.N.M.P. <strong>et</strong> le Comité écologique ariégeois (C.E.A.)qui venait <strong>de</strong> se créer en 1979. Ce rej<strong>et</strong> est motivé par le découpage non biologique <strong>de</strong>slimites du proj<strong>et</strong>, qui excluait <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s forêts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s secteurs très riches tels que le p<strong>la</strong>teau<strong>de</strong> Beille. A<strong>la</strong>in Barrau, actuel prési<strong>de</strong>nt du C.E.A. qui avait étudié le dossier <strong>et</strong> <strong>les</strong> cartes,confie que <strong>les</strong> principaux sites d’hivernage du grand tétras <strong>et</strong> d’importantes p<strong>la</strong>ces <strong>de</strong> chantn’avaient pas été inclus <strong>dans</strong> le périmètre du proj<strong>et</strong>. La réglementation <strong>la</strong>xiste démontrait paravance que ce proj<strong>et</strong> avait une nature non pas protectrice mais économique <strong>et</strong> touristique,comme le Parc national <strong>de</strong>s Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> qui a maintenu l’illusion <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>l’ours brun.Les associations naturalistes <strong>et</strong> écologistes avaient alors proposé un chapel<strong>et</strong> <strong>de</strong> réservesnaturel<strong>les</strong> (un « parc à noyaux ») qui couvrait <strong>de</strong>s territoires biologiquement riches, tels <strong>les</strong>massifs <strong>de</strong> l’Aston ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> Frau, <strong>sur</strong> une idée <strong>de</strong> Michel Clou<strong>et</strong> entre autres. Ces réserves neverront jamais le jour. Par contre, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> territoires exclus du périmètre du proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> parcnational, furent réalisés, comme par hasard, <strong>de</strong> nombreux aménagements prévus par <strong>les</strong>communes : stations <strong>de</strong> ski, barrages (tel celui <strong>de</strong> Laparan), <strong>et</strong>c. que le C.E.A. a dû combattre(dixit A<strong>la</strong>in Barrau <strong>et</strong> Thierry <strong>de</strong> Noblens, ancien prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’association).1982. Deux ours sont tués à Laruns. Treize ou quatorze ours sont ainsi tués entre 1976 <strong>et</strong>1995. Il ne subsisterait plus que 4 ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées centra<strong>les</strong>.1982. Jean Lassalle remporte le canton d’Accous, représenté jusqu’alors au Conseilgénéral <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques par Robert Ba<strong>la</strong>ngué, maire <strong>de</strong> Bedous.1982. Interpellé à Foix, le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République, François Mitterrand, déc<strong>la</strong>re : « Jesuis <strong>de</strong> votre avis. Il faut sauver <strong>les</strong> ours <strong>et</strong> protéger l’espèce. On doit pouvoir le faire sansléser <strong>les</strong> agriculteurs… » (La Dépêche du Midi, 30 septembre 1982).1983. Création du groupe Ours qui compte parmi ses membres le F.I.E.P., le W.W.F., <strong>la</strong>Société française d’étu<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s mammifères (S.F.E.P.M.), <strong>la</strong> Société nationale<strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature (S.N.P.N.), <strong>la</strong> Société <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature Midi-Pyrénées(S.P.N.M.P.), <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O., <strong>et</strong>c.1983. Une ourse est r<strong>et</strong>rouvée morte en bas d’une fa<strong>la</strong>ise <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune d’Etsaut,officiellement victime d’une chute. On peut <strong>la</strong> voir aujourd’hui au musée <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison duParc à Etsaut. Elle ne fera curieusement jamais l’obj<strong>et</strong> d’une autopsie <strong>et</strong> son squel<strong>et</strong>te finirapresque dix ans plus tard entre <strong>les</strong> mains d’un vétérinaire. Ce <strong>de</strong>rnier m’a affirmé : « Je peuxte certifier qu’elle ne présentait aucune fracture. Tu pourras le vérifier au musée. »24 Notons qu’aujourd’hui <strong>les</strong> élus <strong>de</strong> l’Ariège appuient <strong>la</strong> création d’un parc naturel régional à vocationéconomique <strong>et</strong> touristique, couvrant l’ouest du département. Le syndicat <strong>de</strong> préfiguration du parc est présidé parAndré Rouch, maire d’Alzen, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté <strong>de</strong>s communes du Séronais, conseiller général <strong>et</strong>prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fédération pastorale. Le proj<strong>et</strong> est également soutenu par un certain Michel Sébastien quisoutenait à l’époque le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> parc national. Le C.E.A. ne soutient pas ce proj<strong>et</strong>. Les lignes n’ont pas bougé<strong>de</strong>puis 30 ans…18


1984. Le "P<strong>la</strong>n Ours" est <strong>la</strong>ncé par le ministère <strong>de</strong> l’Environnement, rédigé par GilbertSimon, pour sauver l’espèce. On parle d’un minimum d’une quarantaine d’ours <strong>et</strong> on se donne5 ans pour réussir, alors que moins <strong>de</strong> 20 ours peuplent encore <strong>les</strong> Pyrénées. Le principe du"P<strong>la</strong>n Ours" repose <strong>sur</strong> une cartographie établie d’après <strong>les</strong> observations <strong>de</strong>s scientifiques. L<strong>et</strong>erritoire a été zoné en fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> sensibilité <strong>de</strong>s secteurs (<strong>les</strong> zones rouges sont <strong>les</strong> zonesd’hibernation, <strong>de</strong> reproduction <strong>et</strong> d’élevage <strong>de</strong>s jeunes) <strong>et</strong> <strong>les</strong> proj<strong>et</strong>s susceptib<strong>les</strong> <strong>de</strong> modifierle biotope <strong>de</strong> l’espèce seront ainsi examinés avec plus ou moins d’attention. L’in<strong>de</strong>mnisation<strong>de</strong>s dégâts d’ours <strong>sur</strong> <strong>les</strong> troupeaux est augmentée. Pour <strong>la</strong> chasse, on imagine <strong>de</strong>s échanges<strong>de</strong> réserves, <strong>de</strong>s compensations comme le tir d’isards <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s secteurs protégés, où l’espèceest abondante, ou <strong>de</strong>s réintroductions d’espèces gibier.Pour ce qui est <strong>de</strong> l’exploitation forestière, alors que 17 000 hectares <strong>de</strong> forêt exploitab<strong>les</strong>ont en zone rouge, le p<strong>la</strong>n propose <strong>de</strong>s rachats <strong>de</strong> coupe pour en différer l’exploitation, <strong>de</strong>smoyens alternatifs comme l’hélicoptère ou le câble <strong>et</strong> enfin une réglementation <strong>de</strong> l’accès auxpistes. Dernier point, le p<strong>la</strong>n prévoit <strong>de</strong> développer une activité touristique intelligente autour<strong>de</strong> l’ours.Pour son fonctionnement, un groupe administratif central est basé à Toulouse <strong>et</strong> troisgroupes locaux sont créés à Oloron-Sainte-Marie, à Saint-Gau<strong>de</strong>ns <strong>et</strong> Saint-Girons/Foix.Deux millions <strong>de</strong> francs sont affectés pour son fonctionnement en 1984.1984. Un nouveau proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> liaison entre <strong>les</strong> stations d’Artouste <strong>et</strong> <strong>de</strong> Gour<strong>et</strong>te voit lejour. Nouveau combat associatif, avec le Club alpin français. M. Laurent Fabius y m<strong>et</strong> fin.1985. Le préf<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques autorise le maire <strong>de</strong> Laruns à construire <strong>de</strong>scentaines <strong>de</strong> lits au bord du <strong>la</strong>c <strong>de</strong> Fabrèges, sous <strong>la</strong> station d’Artouste. Le 9 octobre 1989, leConseil d’Etat annule <strong>la</strong> décision préfectorale pour vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi montagne, <strong>sur</strong> requête<strong>de</strong> <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O. <strong>et</strong> <strong>de</strong> France Nature Environnement : <strong>la</strong>s, <strong>les</strong> immeub<strong>les</strong> sont construits.Une règle non écrite veut que <strong>de</strong>s bâtiments publics, même illégaux, ne peuvent êtredétruits 25 .1986. Second renouvellement du diplôme du Parc national par le Conseil <strong>de</strong> l’Europe. Ilinforme que le renouvellement est assorti <strong>de</strong> conditions dont l’inobservation peut entraîner ler<strong>et</strong>rait du diplôme. C’est-à-dire, ne pas accepter en zone centrale <strong>de</strong>s aménagements lourds ouactivités contraires à <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie sauvage.1987. Réunion le 20 février à <strong>la</strong> Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature (D.P.N.). Ledirecteur, François L<strong>et</strong>ourneux, indique sa position : « il est actuellement hors <strong>de</strong> question <strong>de</strong>parler <strong>de</strong> réintroduction ou <strong>de</strong> renforcement <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées. » De leurcôté, P. Hav<strong>et</strong>, chef du service technique <strong>de</strong> l’O.N.C. <strong>et</strong> Georges Érome, du Groupe Ours,envisagent c<strong>et</strong>te question.Août 1987. Mission d’expertise <strong>de</strong> l’Américain Christopher Servheen <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées.Il estime qu’il faut définir un territoire <strong>de</strong> 60 000 à 100 000 hectares géré en fonction <strong>de</strong>sbesoins <strong>de</strong>s ours (notamment en réglementant <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion <strong>sur</strong> <strong>les</strong> routes <strong>et</strong> pistes, enproscrivant <strong>les</strong> battues aux chiens courants) <strong>et</strong> appuie l’idée <strong>de</strong> renforcer <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion.En septembre, Jean-Pierre Raffin <strong>et</strong> M. Co<strong>la</strong>s-Belcour, membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> D.P.N. rencontrent<strong>de</strong>s scientifiques russes en Caucase (A.N. Koudatkine) <strong>et</strong> au nord-ouest <strong>de</strong> Moscou (V. S.Paj<strong>et</strong>nov). Ces <strong>de</strong>rniers estiment que l’avenir <strong>de</strong> l‘espèce est très problématique <strong>dans</strong> <strong>les</strong>25 C<strong>et</strong>te règle <strong>la</strong>mentable a heureusement subi <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s accrocs.19


Pyrénées « si, à côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s territoires, n’est pas engagée une stratégie <strong>de</strong>restauration <strong>de</strong>s effectifs (nourrissage direct ou indirect, renfort <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion. » De nouveauxéchanges franco-soviétiques sont alors prévus. Jean-Pierre Raffin note même <strong>dans</strong> sonrapport : « Nous avons été frappés par le nombre, <strong>la</strong> jeunesse <strong>et</strong> le dynamisme <strong>de</strong>s chercheursprésents en permanence <strong>dans</strong> <strong>les</strong> territoires protégés, <strong>sur</strong>tout lorsque l’on compare avecl’indigence qui prévaut <strong>dans</strong> <strong>les</strong> structures équivalentes en France. C<strong>et</strong> investissementscientifique perm<strong>et</strong> une excellente connaissance <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune <strong>de</strong>szones protégées <strong>et</strong> d’en tirer <strong>de</strong>s conséquences pour <strong>la</strong> gestion d’autres parties du territoire. »14 <strong>et</strong> 15 novembre 1987. Colloque <strong>de</strong> Seix en Ariège. Le renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tiond’ours est évoqué pour <strong>la</strong> première fois, à l’initiative <strong>de</strong> Michel Clou<strong>et</strong>. Ce renforcement n’estpas accepté par tous le naturalistes, notamment ceux <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O. qui pensent qu’ilfaut tout faire pour sauver <strong>la</strong> souche pyrénéenne unique avec ses habitats. Les mêmess’opposent aussi au nourrissage, disant que <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vie <strong>de</strong> l’ours est avant tout un problème d<strong>et</strong>ranquillité.1988. Le "P<strong>la</strong>n Ours" patine. Brice Lalon<strong>de</strong> <strong>et</strong> Henri Nall<strong>et</strong>, ministre <strong>de</strong> l’Agriculturedéci<strong>de</strong>nt le 22 septembre d’actions nationa<strong>les</strong> <strong>et</strong> loca<strong>les</strong> pour <strong>la</strong> restauration <strong>de</strong> l’ours <strong>de</strong>sPyrénées. Outre une nouvelle cartographie <strong>de</strong> l’habitat <strong>de</strong> l’ours qui sera actualisée pour 1989,il est question <strong>de</strong> cohérence entre <strong>les</strong> actions <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> l’État (actions réglementaires,interventions financières) qui oeuvrent malheureusement chacun <strong>de</strong> leur côté. On évoqueégalement <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> moyens pour limiter <strong>la</strong> pénétration routière, <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es <strong>de</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> biotopes à venir, un nourrissage à court <strong>et</strong> long terme <strong>de</strong>s ours.Au mois <strong>de</strong> janvier, Jean-Pierre Tane a rédigé une «Contribution au P<strong>la</strong>n Ours 1988-2000 », qui s’achève par l’idée <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> réacclimatation en milieu naturel quiperm<strong>et</strong>trait l’essaimage <strong>de</strong>s ours. On imagine un site au Pays Basque <strong>et</strong> en Ariège.1988. Année <strong>de</strong> l’ours. Gran<strong>de</strong> exposition "D’Ours en ours" au Muséum nationald’histoire naturelle. Le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République, François Mitterrand, <strong>et</strong> le PremierMinistre, Michel Rocard, affirment <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> l’État <strong>de</strong> protéger l’ours <strong>et</strong> son milieu. Le 6octobre, discours <strong>de</strong> François Mitterrand : « En 1982, j’avais <strong>la</strong>ncé un appel pour <strong>la</strong>sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ours ; eh bien ! Je recommence ! (…) À quoi servirait-il <strong>de</strong> protéger <strong>les</strong> ourssi <strong>dans</strong> un même moment on détruit leur habitat ? »Il reste 13 ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées.1988. Le 9 décembre, le Tribunal administratif <strong>de</strong> Pau annule l’autorisation <strong>de</strong>construire une station <strong>de</strong> ski <strong>de</strong> fond (bâtiment, parking, <strong>et</strong>c.) en lieu <strong>et</strong> p<strong>la</strong>ce d’une stationplus mo<strong>de</strong>ste déjà installée. Encore une fois, <strong>la</strong> décision <strong>de</strong> justice intervient trop tard. Lepromoteur du nouveau proj<strong>et</strong> est Jean Lassalle. Il est intéressant <strong>de</strong> noter qu’avant <strong>la</strong>construction <strong>de</strong> <strong>la</strong> station, <strong>les</strong> élus aspois avaient proposé un échange au Parc national entre<strong>les</strong> terrains du Somport <strong>et</strong> <strong>de</strong> Peyranère, situés en contrebas, <strong>et</strong> ceux <strong>de</strong> Narbèze (ces <strong>de</strong>rnierspropriétés <strong>de</strong> <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> C<strong>et</strong>te-Eygun <strong>et</strong> biotope important pour l’ours). Le Parc nationalrefuse <strong>la</strong> proposition.1989. Naissance <strong>de</strong> l’association Artus, en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ours en France,qui réunit assez vite plus <strong>de</strong> 13 000 membres. Elle est soutenue vigoureusement parl’entreprise <strong>de</strong> vente par correspondance « La Maison <strong>de</strong> Valérie », dont le prési<strong>de</strong>nt directeurgénéral, Jean-Pierre Hourdin, s’implique personnellement <strong>dans</strong> ce combat.Dix ours <strong>sur</strong>vivent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées dont un <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées centra<strong>les</strong>.20


Jean Lassalle, conseiller général du canton d’Accous <strong>de</strong>puis 1982, <strong>de</strong>vient prési<strong>de</strong>nt duParc national <strong>de</strong>s Pyrénées. Ses vice-prési<strong>de</strong>nts sont André Fabre, maire <strong>de</strong> Laruns, <strong>et</strong> RenéRose, maire <strong>de</strong> Borce. Création du Comité intervalléen pour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>faune sauvage <strong>dans</strong> leur environnement (Haut-Béarn), une association présidée par le maire<strong>de</strong> Laruns, qui regroupe <strong>de</strong>s élus <strong>et</strong> d’autres personnes opposés aux réserves, qui s’oppos<strong>et</strong>rès vite aux associations. L’Association <strong>de</strong>s amis <strong>de</strong>s ours, créée en vallée d’Aure parMarianne Bernard, sert <strong>les</strong> intérêts <strong>de</strong> ce Comité <strong>et</strong> gère un cul-<strong>de</strong>-basse-fosse où sontenfermés <strong>de</strong>ux ours.Par note du 29 mars, transmise aux autres responsab<strong>les</strong> du Parc, aux préf<strong>et</strong>s concernés,au F.I.E.P. <strong>et</strong> au Groupe Ours, le directeur du Parc, Michel Ca<strong>les</strong> milite pour un rôle accru duParc national vis-à-vis <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours, <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> protéger un vaste territoirepour l’ours, à <strong>la</strong>quelle répondrait une extension importante <strong>de</strong> son territoire. Il souligne quel’évolution sensible <strong>de</strong>s comportements <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées d’Aspe <strong>et</strong> d’Ossau, <strong>la</strong> pression d’uneopinion publique favorable <strong>et</strong> motivée, l’absence d’échéance électorale locale avant plusieursannées créent un bon climat <strong>de</strong> travail.Coup <strong>de</strong> gueule du Groupe Ours : « Qu’ils crèvent ! », <strong>de</strong>vant l’échec du "P<strong>la</strong>n ours" enraison <strong>de</strong> blocages administratifs <strong>et</strong> politiques. Une étu<strong>de</strong> <strong>sur</strong> le renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionest commandée par le ministère <strong>de</strong> l’Environnement.Campagne nationale <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> du Groupe Ours enfaveur <strong>de</strong> territoires protégésLe 2 avril, édition d’un document intitulé « Des territoires protégés pour l’ours <strong>de</strong>sPyrénées » par le F.I.E.P./Groupe Ours Pyrénées, <strong>la</strong> Société <strong>de</strong> Protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature <strong>de</strong>Midi-Pyrénées <strong>et</strong> l’ensemble du Groupe Ours, diffusé aux autorités compétentes, <strong>les</strong> préf<strong>et</strong>s<strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-Garonne <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’Ariège, le secrétaire d’État àl’Environnement <strong>et</strong> au Premier Ministre. En exergue : « Aucun pays n’a réussi <strong>la</strong> restauration<strong>de</strong> l’ours brun sans un territoire protégé, sans une structure territoriale pérenne. »Les associations font le constat qu’il n’existe rien en France hormis <strong>la</strong> zone centrale duParc, bien étroite <strong>et</strong> si peu forestière. En Espagne, on compte alors une réserve nationale <strong>de</strong>chasse, Los Val<strong>les</strong> en Aragon, <strong>et</strong> <strong>la</strong> réserve naturelle <strong>de</strong> Larra. Pour <strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>,c’est une gran<strong>de</strong> réserve naturelle couvrant <strong>la</strong> zone à ours qui a <strong>les</strong> faveurs <strong>de</strong>s associations.C<strong>et</strong>te réserve doit s’adosser aux <strong>de</strong>ux réserves espagno<strong>les</strong>.Pour <strong>les</strong> Pyrénées centra<strong>les</strong>, si on évoque <strong>la</strong> création <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> réserves en Ariègeocci<strong>de</strong>ntale autour du pic <strong>de</strong> <strong>la</strong> Calebasse <strong>et</strong> en Haute Ariège <strong>dans</strong> le massif <strong>de</strong> l’Aston, onpousse aussi à <strong>la</strong> « mise en concordance <strong>de</strong>s réserves <strong>de</strong> chasse <strong>et</strong> réserves forestières avec <strong>les</strong>biotopes potentiels afin qu’entre <strong>les</strong> principaux noyaux <strong>de</strong> <strong>protection</strong> existe un réseaud’espace <strong>de</strong> tranquillité perm<strong>et</strong>tant <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s animaux <strong>et</strong> leur repli éventuel. »Existent alors :- La réserve domaniale du Mont Valier (Ariège) <strong>sur</strong> environ 9 000 hectares (1937), <strong>et</strong>une réserve <strong>de</strong> chasse domaniale <strong>sur</strong> 8 815 hectares (arrêté ministériel du 27/11/1975). Seule<strong>la</strong> chasse accompagnée à l’isard est permise.- La réserve <strong>de</strong> chasse domaniale <strong>de</strong> Luchon (Haute-Garonne) <strong>sur</strong> 1 038 hectares (arrêtédu 27/08/1985) <strong>et</strong> réserve biologique domaniale dirigée <strong>sur</strong> 333 hectares (arrêté ministériel du30/08/1988).- Le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> réserve <strong>de</strong> chasse domaniale plus une réserve biologique <strong>sur</strong> le massif <strong>de</strong>Burat (communes <strong>de</strong> Cierp-Gaud <strong>et</strong> <strong>de</strong> Marignac).21


Les associations proposent que chaque création <strong>de</strong> territoire protégé doive alors fairel’obj<strong>et</strong> d’un « proj<strong>et</strong> simultané <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> restauration éventuelle <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> sonmilieu <strong>et</strong> <strong>de</strong> valorisation économique intégrée <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te "montagne aux ours". »Notons que <strong>la</strong> proposition <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s réserves naturel<strong>les</strong> était <strong>la</strong> plusappropriée au regard <strong>de</strong>s textes. Pour <strong>la</strong> création <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> réserves, sont prises enconsidération « <strong>la</strong> préservation d’espèces anima<strong>les</strong> ou végéta<strong>les</strong> <strong>et</strong> d’habitats en voie <strong>de</strong>disparition <strong>sur</strong> tout ou partie du territoire national ou présentant <strong>de</strong>s qualités remarquab<strong>les</strong> ; <strong>la</strong>reconstitution <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tions anima<strong>les</strong> ou végéta<strong>les</strong> ou <strong>de</strong> leurs habitats. »30 mai - 2 juin 1989. Visite <strong>de</strong> chercheurs soviétiques (Koudatkine <strong>et</strong> Paj<strong>et</strong>nov) enBéarn <strong>et</strong> en Comminges. Rencontre avec <strong>de</strong>s élus à Borce, le conseiller général <strong>de</strong> Saint-Béat<strong>et</strong> le maire <strong>de</strong> Mel<strong>les</strong>. Une plus gran<strong>de</strong> coopération est imaginée, en vain malheureusement.L’écroulement <strong>de</strong> l’U.R.S.S. passe par là <strong>et</strong> peut-être aussi le manque <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>sFrançais.Octobre 1989. Envoi par <strong>les</strong> associations F.I.E.P. <strong>et</strong> S.P.N.M.-P. d’un recours gracieuxau Premier Ministre, Michel Rocard, <strong>et</strong> d’un autre au secrétaire d’État chargé <strong>de</strong>l’Environnement, Brice Lalon<strong>de</strong>, qui ne répon<strong>de</strong>nt pas à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> création <strong>de</strong> réservesnaturel<strong>les</strong> aux fins <strong>de</strong> protéger <strong>les</strong> habitats <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> départements <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-Garonne <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’Ariège.6 octobre 1989. Publication <strong>dans</strong> le journal Le Mon<strong>de</strong> d’une page ach<strong>et</strong>ée parl’association Artus, intitulée « 6 octobre 1988 - 6 octobre 1989. Sinistre anniversaire », quifait grand bruit au sein <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> l’État. En eff<strong>et</strong>, Artus <strong>et</strong> le Groupe Ours rappellentl’indifférence <strong>de</strong> l’État en matière <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours, malgré le fameux discours duPrési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République prononcé un an auparavant.Décembre 1989. Annonce <strong>de</strong> <strong>la</strong> création <strong>de</strong> réserves biologiques domania<strong>les</strong> par M.François L<strong>et</strong>ourneux, directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature <strong>et</strong> <strong>de</strong>s paysages (D.N.P.) auministère <strong>de</strong> l’Environnement. Ces réserves <strong>de</strong> faible superficie ne sont en rien suffisantespour protéger <strong>les</strong> biotopes <strong>de</strong> l’ours.Jean-Jacques Annaud vient présenter son film L’Ours en avant première à Pau <strong>de</strong>vant unparterre d’élus, <strong>de</strong> personnalités associatives <strong>et</strong> administratives. Le directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> D.P.N.rem<strong>et</strong> même ce soir là un chèque <strong>de</strong> 400 000 francs au maire <strong>de</strong> Laruns en dédommagementpour une suspension <strong>de</strong> coupe forestière <strong>dans</strong> un lieu très sensible pour l’ours. Las,l’évènement ne prend pas 26 .Avril 1990. Dépôt <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux recours <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> Tribunaux administratifs <strong>de</strong> Pau <strong>et</strong> <strong>de</strong>Toulouse contre <strong>la</strong> décision implicite <strong>de</strong> rej<strong>et</strong> du Premier Ministre <strong>et</strong> du ministre <strong>de</strong>l’Environnement <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s réserves naturel<strong>les</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> départements <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques (hautes vallées d’Aspe <strong>et</strong> d’Ossau), <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-Garonne (Luchonnais) <strong>et</strong> <strong>de</strong>l’Ariège (Forêt domaniale <strong>de</strong> St-Lary <strong>et</strong> massif <strong>de</strong> l’Aston).C’est le cabin<strong>et</strong> Huglo-Lepage qui est chargé <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te affaire. La requête déposée à Pau<strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le Conseil d’Etat annule <strong>la</strong> décision implicite <strong>de</strong> rej<strong>et</strong> en question, <strong>et</strong>,curieusement, <strong>la</strong> requête déposée à Toulouse fait c<strong>et</strong>te même <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Tribuna<strong>la</strong>dministratif qui n’est pas compétent pour ce faire. Ainsi, sinle T.A. <strong>de</strong> Pau a transmisrapi<strong>de</strong>ment au C.E. <strong>la</strong> requête, il faudra <strong>de</strong>ux ans <strong>et</strong> <strong>de</strong>mi pour que le T.A. <strong>de</strong> Toulouse, le 1526 La Cause <strong>de</strong> l’ours, pages 112-113.22


octobre 1992, ren<strong>de</strong> sa décision <strong>et</strong> transm<strong>et</strong>te <strong>la</strong> requête au C.E., appliquant une règle banale<strong>de</strong> procédure. Deux ans <strong>et</strong> <strong>de</strong>mi ont été perdus pour rien…11 avril. Un groupe <strong>de</strong> travail, composé d’élus, <strong>de</strong> <strong>la</strong> fédération <strong>de</strong>s chasseurs, duF.I.E.P. <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’administration centrale, est mis en p<strong>la</strong>ce par le ministère afin d’étudier unproj<strong>et</strong> <strong>de</strong> décr<strong>et</strong> créant <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques une réserve naturelle <strong>et</strong> une zone <strong>de</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>sur</strong> 60 000 hectares.Mai. Annonce par <strong>la</strong> D.N.P., confirmée par le ministre le 16 août, <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise d’un arrêté<strong>de</strong> biotope comme alternative à <strong>la</strong> création d’une réserve naturelle en Aspe-Ossau.13 juin. Pleine page <strong>dans</strong> Le Mon<strong>de</strong>. "Supplique d’Artus à M. Michel Rocard" pour luirappeler <strong>de</strong> prendre <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es nécessaires <strong>de</strong> <strong>protection</strong>.Après d’âpres <strong>et</strong> longues négociations, le 5 septembre 1990, le secrétaire d’État chargé<strong>de</strong> l’Environnement, Brice Lalon<strong>de</strong>, prend un arrêté créant <strong>de</strong>s réserves pour protégerl’ours en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse. C<strong>et</strong> arrêté fixant <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es prises pour prévenir <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction<strong>et</strong> favoriser le repeuplement <strong>de</strong>s ours <strong>de</strong>s Pyrénées, prévoit <strong>de</strong>s interdictions <strong>de</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong>circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> véhicu<strong>les</strong> à moteur.Le 9 septembre, le tocsin sonne <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées béarnaises. Une manifestation réunitmille personnes <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>teau du Bénou. Pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> violences <strong>et</strong> <strong>de</strong> menaces qui visent <strong>les</strong>défenseurs <strong>de</strong> l’ours.Le Comité intervalléen pour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage <strong>dans</strong> leurenvironnement <strong>et</strong> <strong>la</strong> Fédération <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques déposent un recoursau Conseil d’État contre c<strong>et</strong> arrêté.Octobre, le syndicat du Haut-Ossau trace sans autorisation une piste forestière en pleincœur du Parc National, à Bious-Artigues.Les orientations régiona<strong>les</strong> forestières précisent que : « Il faut inciter à <strong>la</strong> constitution <strong>de</strong>réserves biologiques. (…) La présence d’une popu<strong>la</strong>tion d’ours bruns constitue un objectifnational <strong>et</strong> européen (…) qui pourrait se caractériser par une popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> 50 à 70 ours <strong>sur</strong>l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> chaîne. »1991. Un ours cause <strong>de</strong>s dégâts importants (130 bêtes tuées dont 63% non gardées) envallées d’Aspe <strong>et</strong> d’Ossau. Grave crise locale. Le nourrissage entamé <strong>de</strong>ux ans plus tôt parl’O.N.C.. , <strong>et</strong> qui s’était heurté à <strong>de</strong> fortes oppositions <strong>dans</strong> <strong>les</strong> rangs associatifs, est arrêté.Certains éleveurs <strong>et</strong> responsab<strong>les</strong> politiques accusent l’administration d’avoir donné aux oursle goût <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>.1992. Juin, l’ours familier est i<strong>de</strong>ntifié génétiquement : c’est une femelle pyrénéenne.Juill<strong>et</strong>, c<strong>et</strong>te ourse est capturée au <strong>la</strong>c<strong>et</strong> d’acier par <strong>les</strong> agents <strong>de</strong> l’Office national <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse,mais finit par s’échapper. Des rumeurs disent qu’elle aurait été tuée par <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong>vallée d’Ossau. Quoi qu’il en soit elle "disparaît" quelques mois plus tard pour le réseau <strong>de</strong>suivi <strong>de</strong> l’ours. Il ne subsiste plus que <strong>de</strong>ux femel<strong>les</strong>.Création <strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong> développement économique <strong>et</strong> touristique (A.D.E.T.), parquatre communes <strong>de</strong> Haute-Garonne, Mel<strong>les</strong>, Boutx, Arlos <strong>et</strong> Fos, qui se regroupent autour <strong>de</strong><strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ours, <strong>de</strong> <strong>la</strong> valorisation <strong>de</strong> son image <strong>et</strong> d’un développement local.23


Le Parc national perd son diplôme <strong>de</strong>vant le non-respect <strong>de</strong>s recommandations <strong>de</strong> 1981<strong>et</strong> 1986. Depuis l’instauration <strong>de</strong> ce diplôme, c’est <strong>la</strong> première fois qu’un tel évènement s’estproduit.1992. Artus finance une étu<strong>de</strong> <strong>sur</strong> <strong>la</strong> faisabilité d’un renforcement d’ours brun <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées centra<strong>les</strong>.1993. 20 juin. Michel Barnier signe à Mel<strong>les</strong> avec <strong>les</strong> quatre communes <strong>de</strong> l’A.D.E.T.une charte visant « à titre expérimental » un accroissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ursine par une« réintroduction d’au moins trois ours ».Le 16 août, Michel Barnier déc<strong>la</strong>re au journal Libération : « Nous allons réintroduireune quarantaine d’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> prochains mois. »Le 11 octobre, le ministère <strong>de</strong> l’Environnement, <strong>dans</strong> un communiqué rappelle qu’i<strong>la</strong>ppliquera désormais <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> du «contrat plutôt que celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> contrainte » <strong>et</strong> annoncel’abrogation <strong>de</strong> l’arrêté dit Lalon<strong>de</strong>, soit disant juridiquement contesté <strong>et</strong> techniquementinapplicable.Le 14 octobre, Artus réplique : « Un contrat est toujours contraignant car il précise <strong>les</strong>droits <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong>s uns <strong>et</strong> <strong>de</strong>s autres » <strong>et</strong> s’interroge : « Sauver l’ours <strong>et</strong> son milieu seraitilun exercice trop ambitieux pour l’Etat français ? Aurait-il peur d’user <strong>de</strong> son autorité ? »Le 9 décembre, Michel Barnier abroge l’arrêté <strong>de</strong> Brice Lalon<strong>de</strong> ayant créé <strong>de</strong>s réserves<strong>de</strong>stinées à protéger l’ours.Janvier 1994. Les associations régiona<strong>les</strong> <strong>et</strong> nationa<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> natureassistent impuissantes <strong>et</strong> <strong>de</strong> loin aux discussions autour d’une future Charte <strong>de</strong> développementdurable <strong>de</strong>s vallées béarnaises <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours. Plusieurs d’entre el<strong>les</strong> dénoncent« une charte féodale », comme Nature Midi Pyrénées.Dans une l<strong>et</strong>tre adressée au cabin<strong>et</strong> du ministère <strong>de</strong> l’Environnement le 14 janvier,François Moutou s’inquiète <strong>de</strong> <strong>la</strong> démarche en cours pour un élément aussi important <strong>de</strong> notrepatrimoine national <strong>et</strong> culturel. Son courrier s’achève ainsi : « (…) Dans notre société, <strong>la</strong>biologie est une discipline qui s’enseigne <strong>et</strong> qui s’apprend. Etudier <strong>les</strong> espèces anima<strong>les</strong>correspond à une certaine spécialisation. Il existe comme partout <strong>de</strong>s autodidactes. A <strong>la</strong>lecture <strong>de</strong> ce proj<strong>et</strong>, <strong>les</strong> élus <strong>et</strong> <strong>les</strong> valléens sont tous <strong>de</strong> bons autodidactes <strong>sur</strong> <strong>les</strong> domainestouchant à l’économie, l’élevage <strong>et</strong> l’écologie <strong>de</strong>s ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> montagnes pyrénéennes.Etait-il donc utile <strong>de</strong> réunir tant <strong>de</strong> réunions <strong>de</strong> scientifiques <strong>de</strong>puis 1984, d’appeler <strong>de</strong>sexperts étrangers pour en arriver là ? Si le choix est <strong>de</strong> sacrifier <strong>les</strong> ours, il faut le courage <strong>de</strong>smots <strong>et</strong> <strong>de</strong>s décisions. Tous <strong>les</strong> prétextes ici énoncés sont <strong>de</strong> mauvais prétextes. »26 janvier 1994. Le Conseil national <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, qui n’a pas été consultéavant l’approbation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte, ém<strong>et</strong> une motion à l’unanimité moins une abstention. I<strong>la</strong>ffirme notamment que « seule une politique vigoureuse <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> reconstitution <strong>de</strong>smilieux naturels favorab<strong>les</strong> d’une part, <strong>de</strong> renforcement <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>et</strong> <strong>de</strong> réintroductiond’autre part peut perm<strong>et</strong>tre une inversion <strong>de</strong>s tendances actuel<strong>les</strong>. »31 janvier 1994. Signature à Pau, au Parlement <strong>de</strong> Navarre, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong>développement durable <strong>de</strong>s vallées béarnaises <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours. Une manifestation nerassemble même pas dix personnes ! Naissance <strong>de</strong> l’Institution Patrimoniale du Haut Béarnsous le patronage <strong>de</strong> Michel Barnier <strong>et</strong> <strong>de</strong> François Bayrou qui c<strong>la</strong>ironnent : « Le contratplutôt que <strong>la</strong> contrainte. » Jean Lassalle est pressenti pour prési<strong>de</strong>r le Syndicat mixte qui seral’organe décisionnaire, auquel est adossé un organe consultatif, le Conseil <strong>de</strong> gestion24


patrimoniale. Si <strong>les</strong> associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature sont exclues <strong>de</strong> <strong>la</strong> phased’é<strong>la</strong>boration, el<strong>les</strong> sont appelées à participer au Conseil <strong>de</strong> gestion patrimoniale. LaS.E.P.A.N.S.O.-Béarn, d’abord réticente, finit par accepter sa participation. Une majorité asuivi <strong>les</strong> conseils du prési<strong>de</strong>nt du F.I.E.P. Seuls quelques uns, conscients <strong>de</strong> l’extrêmenuisibilité <strong>de</strong> Jean Lassalle qu’ils combattent <strong>sur</strong> le terrain, refusent d’intégrer l’I.P.H.B. Ils<strong>de</strong>man<strong>de</strong>ront à plusieurs reprises au conseil d’administration <strong>de</strong> voter le r<strong>et</strong>rait <strong>de</strong>l’association <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> duplicité <strong>de</strong>s responsab<strong>les</strong> du syndicat mixte <strong>et</strong> <strong>de</strong> Jean Lassalle enparticulier. Une majorité déci<strong>de</strong>ra <strong>de</strong> continuer l’expérience. C’est ainsi que commence ungrand jeu <strong>de</strong> communication dirigée, une longue pa<strong>la</strong>bre <strong>de</strong> dix années <strong>et</strong> <strong>la</strong> dépense <strong>de</strong> plus<strong>de</strong> 75 millions <strong>de</strong> francs, au profit quasi exclusif du pastoralisme.Le père spirituel <strong>de</strong> l’I.P.H.B. Henri Ol<strong>la</strong>gnon, aurait déc<strong>la</strong>ré que c<strong>et</strong>te création pourraitperm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> connaître une popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> 70 à 90 ours d’ici 25 ans !Novembre 1994. Une ourse, une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières <strong>de</strong> <strong>la</strong> souche pyrénéenne, appelée"C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>", est abattue <strong>sur</strong> <strong>les</strong> hauteurs <strong>de</strong> Borce, en plein cœur d’une ancienne réserveLalon<strong>de</strong> ! On ne l’apprendra que <strong>de</strong>ux ans plus tard, après dénonciation <strong>de</strong>s auteurs.Le F.I.E.P., soutenu par le W.W.F. crée un Observatoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone à ours qui a pourbuts <strong>de</strong> <strong>sur</strong>veiller <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> l’habitat, d’observer <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> signalétique <strong>de</strong> <strong>la</strong>réglementation <strong>de</strong>s pistes en zone à ours, vérifier le respect <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te réglementation, expertiser<strong>la</strong> gestion proposée par l’I.P.H.B. <strong>et</strong> médiatiser en cas d’atteintes graves à l’habitat <strong>de</strong> l’ours.Il publie un rapport « L’ours brun <strong>et</strong> son habitat, Situation <strong>et</strong> état <strong>de</strong>s connaissances »,rédigé par Laurent Né<strong>de</strong>lec <strong>et</strong> dirigé par Gérard Caussimont.Avril 1995. Le cabin<strong>et</strong> d’étu<strong>de</strong>s parisien AScA, en col<strong>la</strong>boration avec le chercheuraméricain Christopher Servheen débute un audit <strong>sur</strong> l’ours brun commandé par l’I.P.H.B.Coût pour <strong>la</strong> collectivité : 960 000 francs.Le 26 mai 1995. Epilogue du contentieux <strong>de</strong>s associations contre l’État. Le Conseild’État rend son arrêt <strong>et</strong> rej<strong>et</strong>te <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s associations. Les motifs <strong>de</strong> rej<strong>et</strong> sont <strong>les</strong>suivants : aucune disposition ne régit l’institution <strong>de</strong>s réserves biologiques, créées <strong>dans</strong> lecadre d’une convention passée entre l’Etat <strong>et</strong> l’Office national <strong>de</strong>s forêts (O.N.F.), le PremierMinistre n’a donc pas commis d’excès <strong>de</strong> pouvoir ; le même Premier Ministre n’est pascompétent pour créer <strong>de</strong>s arrêtés <strong>de</strong> biotope qui ne peuvent l’être que par <strong>les</strong> préf<strong>et</strong>s ; <strong>et</strong> enfinconcernant le c<strong>la</strong>ssement en réserve naturelle, le C.E. rappelle <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> choix dugouvernement entre <strong>les</strong> divers mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>protection</strong>, <strong>et</strong> juge que le Premier ministre pouvait,sans erreur manifeste d’appréciation, estimer que <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es <strong>de</strong> <strong>protection</strong> déjà prises <strong>sur</strong> lefon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> <strong>la</strong> police <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> du co<strong>de</strong> rural ne rendaient pas nécessaires <strong>la</strong> créationd’une réserve naturelle.Dans sa note sous l’arrêt du Conseil d’État, « Le droit bute <strong>sur</strong> l’ours » 27 , Viviane Levy-Bruhl fait ce commentaire : « Le premier constat que l’on peut faire, c’est donc que <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’habitat d’une espèce reste <strong>la</strong>rgement tributaire du bon vouloir <strong>de</strong>s autoritésadministratives. » Le juriste Philippe Lan<strong>de</strong>lle remarque <strong>de</strong> son côté que le Conseil d’Étatlégitime l’inaction <strong>de</strong> l’Administration, alors qu’elle a curieusement démontré quelques moisplus tard, par <strong>la</strong> création <strong>de</strong>s réserves dites Lalon<strong>de</strong>, <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> protéger <strong>les</strong> habitats <strong>de</strong>l’ours… 2827 Revue Juridique <strong>de</strong> l’Environnement, n°4, 1996.28 Aspects juridiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours brun en France, Pulim, 2002, page 55.25


Le même jour, 26 mai 1995, le Conseil d’Etat rend son arrêt re<strong>la</strong>tif à l’arrêté <strong>de</strong> BriceLalon<strong>de</strong>. L’arrêté est validé, sauf en ce qui concerne <strong>les</strong> dispositions re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion<strong>de</strong>s véhicu<strong>les</strong> à moteur. La décision du Conseil d’État n’a cependant qu’une valeur trèsre<strong>la</strong>tive, puisque l’arrêté du 5 septembre 1990 a été abrogé le 9 décembre 1993…Mars 1996. Le cabin<strong>et</strong> AScA rem<strong>et</strong> son rapport <strong>de</strong> phase 1, « Etat <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion ursine <strong>et</strong> <strong>de</strong> son habitat <strong>dans</strong> le Haut-Béarn. Stratégies <strong>de</strong> conservation <strong>et</strong> <strong>de</strong>renforcement éventuel. » Devant le refus <strong>de</strong> l’I.P.H.B. <strong>de</strong> le vali<strong>de</strong>r formellement, le cabin<strong>et</strong>n’engage pas <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> phase <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>.19 mai <strong>et</strong> 9 juin 1996. Deux ourses d’origine slovène sont capturées <strong>dans</strong> <strong>la</strong> réserve <strong>de</strong>Medved puis réintroduites <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées centra<strong>les</strong> avec le soutien <strong>de</strong> l’association Artus <strong>et</strong>l’Association <strong>de</strong> développement économique <strong>et</strong> touristique (A.D.E.T.) présidée par le maire<strong>de</strong> Mel<strong>les</strong>, André Rigoni.19 décembre 1996. Le syndicat mixte du Haut-Béarn adopte un pacte d’objectifspréa<strong>la</strong>ble à un éventuel renforcement d’ours en Béarn.1997. Printemps, un ours d’origine slovène, baptisé "Pyros", est lâché <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénéescentra<strong>les</strong>. Naissance <strong>de</strong> jeunes chez <strong>les</strong> ourses réintroduites : 5 oursons au total. Les lâchers <strong>de</strong>1996 <strong>et</strong> 1997 s’effectuent <strong>dans</strong> un climat serein.19 juin 1997. Nouvelle délibération à l’I.P.H.B. au suj<strong>et</strong> d’un renforcement.27 septembre 1997. Abattage <strong>de</strong> l’ourse "Mellba" par un jeune chasseur <strong>sur</strong> <strong>la</strong>commune <strong>de</strong> Bézins-Garaux (Haute-Garonne). Le juge d’instruction rend une ordonnance <strong>de</strong>non-lieu. Malgré bien <strong>de</strong>s rumeurs <strong>sur</strong> le prétendu suici<strong>de</strong> du chasseur, ce <strong>de</strong>rnier est toujoursvivant.1998. La décision <strong>de</strong> l’I.P.H.B. <strong>de</strong> réintroduire <strong>de</strong>ux ourses en Haut Béarn est reportéesine die. Jean Lassalle prétexte <strong>de</strong> <strong>la</strong> mauvaise volonté <strong>de</strong> Dominique Voyn<strong>et</strong>, alors ministre<strong>de</strong> l’Aménagement du territoire <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’Ecologie, pour différer c<strong>et</strong> engagement.Janvier 1999. André Apiou (celui qui guidait André Couturier <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 50) <strong>et</strong>Serge Céd<strong>et</strong> sont condamnés par le Tribunal <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> instance pour l’abattage <strong>de</strong> l’ourse"C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>" au mois <strong>de</strong> novembre 1994 <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Borce. Ils se voient interdits <strong>de</strong>chasser pour une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 5 ans (le maximum légal), écopent solidairement d’environ100 000 francs d’amen<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> dommages intérêts <strong>et</strong> <strong>de</strong> remboursements <strong>de</strong>s frais d’avocats<strong>de</strong>s parties civi<strong>les</strong>.En décembre 1998, <strong>la</strong> salle d’audience était pleine <strong>de</strong> personnes venues soutenir <strong>les</strong>braconniers, dont Jean Lassalle, <strong>la</strong> quasi-totalité <strong>de</strong>s maires <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Aspe <strong>et</strong> DidierHervé, directeur <strong>de</strong> l’I.P.H.B. Outre <strong>les</strong> avocats, cinq personnes seulement représentent <strong>la</strong>défense <strong>de</strong> l’ours, car aucune consigne n’a été donnée par <strong>les</strong> associations. C<strong>et</strong>te affairen’entraîne aucune prise <strong>de</strong> conscience <strong>dans</strong> l’opinion, alors que l’ourse "C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>" était l’avant<strong>de</strong>rnièrefemelle <strong>de</strong> souche pyrénéenne. Les associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature,manifestement piégées, anesthésiées par leur participation à l‘I.P.H.B., sont incapab<strong>les</strong> <strong>de</strong> tirer<strong>les</strong> conséquences <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te <strong>la</strong>mentable histoire.2000. Augustin Bonrepaux, député <strong>et</strong> homme fort <strong>de</strong> l’Ariège, présente un amen<strong>de</strong>ment<strong>de</strong>vant l’Assemblée nationale, ayant pour but <strong>la</strong> capture <strong>de</strong>s ours réintroduits.26


27 mai. Une "Marche pour l’ours" rassemble plus <strong>de</strong> 1 000 personnes <strong>dans</strong> <strong>les</strong> rues <strong>de</strong>Saint-Gau<strong>de</strong>ns. Le 20 juill<strong>et</strong>, le Conseil constitutionnel cen<strong>sur</strong>e l’amen<strong>de</strong>ment "Bonrepaux".Création <strong>de</strong> <strong>la</strong> Coordination associative pyrénéenne pour l’ours, dite C.A.P.- Ours, quirassemble trente associations <strong>de</strong> bergers, d’éleveurs, d’apiculteurs, <strong>de</strong> comités d’habitants, <strong>de</strong>professionnels du tourisme, ainsi que <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> développement économique durable,<strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>et</strong> d’éducation à <strong>la</strong> nature.2001. L’ours "Néré", né <strong>de</strong> l’ourse "Živa" (Giva), s’installe en Béarn.La Commission européenne refuse le versement <strong>de</strong> 4,8 millions <strong>de</strong> francs du LifeGran<strong>de</strong> Faune Pyrénéenne en raison <strong>de</strong>s désignations très insuffisantes <strong>de</strong> sites Natura 2000pour l’ours.2002. Déc<strong>la</strong>rations du ministre <strong>de</strong> l’Écologie <strong>et</strong> du développement durable, RoselyneBachelot. Le renforcement n’est pas à l’ordre du jour.2004. On apprend au mois <strong>de</strong> juill<strong>et</strong> que "Cannelle", <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière femelle <strong>de</strong> lignéepyrénéenne a donné naissance à un ourson. À l’I.P.H.B., on compte <strong>les</strong> ours <strong>et</strong> bien <strong>de</strong>smembres du réseau Ours, dont <strong>de</strong>s naturalistes, sont chargés <strong>de</strong> ramasser <strong>de</strong>s poils <strong>sur</strong> <strong>les</strong>couches diurnes <strong>de</strong>s ours. Certains refusent en raison du dérangement ainsi occasionné enpério<strong>de</strong> cruciale pour l’animal.Le 1 er novembre, réveil très brutal. L’ourse "Cannelle" est abattue <strong>sur</strong> <strong>les</strong> hauteurs <strong>de</strong>Urdos. Après bien <strong>de</strong>s difficultés internes, une manifestation rassemble près <strong>de</strong> 2 000personnes <strong>dans</strong> <strong>les</strong> rues d’Oloron-Sainte-Marie le 28 novembre, constituant le plus grosrassemblement en défense <strong>de</strong> l’ours après celui <strong>de</strong> Saint-Gau<strong>de</strong>ns en mai 2000.Il ne reste plus que <strong>de</strong>ux ours autochtones <strong>et</strong> le p<strong>et</strong>it <strong>de</strong> "Cannelle", baptisé"Cannelito" ou "Mohican".Janvier 2005. Le F.I.E.P. quitte le conseil <strong>de</strong> gestion patrimoniale <strong>de</strong> l’I.P.H.B.La S.E.P.A.N.S.O.-Béarn, elle, a déjà quitté c<strong>et</strong>te Institution <strong>de</strong>ux ans auparavant. Sesreprésentants se sont épuisés en réunions fleuves qui s’achevaient très tard <strong>dans</strong> <strong>la</strong> nuit(d’autres membres partaient, certains dormaient !) sans jamais déboucher <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>essérieuses, notamment <strong>de</strong> renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours malgré <strong>les</strong> délibérations <strong>de</strong>1996 <strong>et</strong> 1997.Février 2005. Le ministre <strong>de</strong> l’Écologie <strong>et</strong> du développement durable, Serge Lepeltier,annonce un renforcement avec pour objectif un doublement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion à l’horizon 2008.Juill<strong>et</strong>. Le renforcement est reporté au printemps 2006.Mars 2006. Un P<strong>la</strong>n <strong>de</strong> restauration <strong>et</strong> <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénéesfrançaises, 2006-2009 est présenté par Nelly Olin, ministre <strong>de</strong> l’Écologie <strong>et</strong> du développementdurable.Printemps <strong>et</strong> été 2006. Cinq ours d’origine slovène, dont 4 femel<strong>les</strong>, sont lâchés <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées, <strong>dans</strong> un climat rendu très difficile par <strong>de</strong>s groupes d’éleveurs <strong>et</strong> divers élus. Legouvernement central espagnol soutient le renforcement effectué.Août 2007. L’ourse "Franska", lâchée en 2006, est tuée par un véhicule <strong>sur</strong> <strong>la</strong> route àquatre voies entre Lour<strong>de</strong>s <strong>et</strong> Argelès-Gazost. C<strong>et</strong>te ourse a fait l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> traques <strong>et</strong> <strong>de</strong>battues d’effarouchement par <strong>les</strong> opposants radicaux à l’ours, dès le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> son lâcher.27


FERUS a déposé <strong>de</strong>ux p<strong>la</strong>intes en 2006 <strong>et</strong> 2007 <strong>de</strong>vant le Procureur <strong>de</strong> <strong>la</strong> République <strong>de</strong>Tarbes pour perturbation intentionnelle d’une espèce protégée. Aucune suite sérieuse n’a étédonnée. L’ours est malheureusement très mal protégé légalement en France.2008. On évalue <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours entre 17 <strong>et</strong> 23 individus. Deux <strong>de</strong>s oursesrelâchées en 2006 sont mortes. Une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux autres a donné naissance à <strong>de</strong>ux femel<strong>les</strong> audébut <strong>de</strong> l’année 2007.Mars 2008. Procès du chasseur René Marquèze qui a tué l’ourse "Cannelle". Il estre<strong>la</strong>xé par le Tribunal correctionnel <strong>de</strong> Pau le 21 avril 2008.Au terme d’un tel <strong>historique</strong>, il est bien difficile <strong>de</strong> ne pas souscrire à <strong>la</strong> réflexion <strong>de</strong>C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che émise en 1993 : « En dépit <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> expertises, <strong>de</strong> l’accumu<strong>la</strong>tiond’étu<strong>de</strong>s spécialisées à ce jour, aucune décision c<strong>la</strong>ire n’a été prise, aucune politique <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours n’a vraiment été mise en œuvre. Quelques textes synthétiques ont étéécrits mais très vite, <strong>les</strong> divers services administratifs se sont bagarrés à leur propos <strong>et</strong> rienn’en est sorti. Le service administratif français centralisé ou décentralisé est-il marqué dusceau <strong>de</strong> l’impuissance ? 29 »L’expérience <strong>de</strong> <strong>la</strong> délégation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours à <strong>de</strong>s autorités loca<strong>les</strong>, qui peutse révéler une excellente chose en fonction <strong>de</strong>s contextes, a été un échec cuisant parcequ’aucun contrat ne peut être conclu sans obligations, c’est-à-dire sans contraintes. L’État atrouvé là le moyen <strong>de</strong> se débarrasser d’une "patate chau<strong>de</strong>" qu’il faudra bien récupérer le plustôt possible.La <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours peut <strong>et</strong> doit être pour <strong>les</strong> Pyrénéens une gran<strong>de</strong> aventure quisignera une nouvelle re<strong>la</strong>tion culturelle avec c<strong>et</strong> animal incontournable du panthéonmontagnard.29 La Cause <strong>de</strong> l’ours, page 82.28


LA MORT DES DERNIERS OURS DES PYRENEES« Tu te rends compte, si <strong>les</strong> ours qui ont été tués avaient <strong>sur</strong>vécu, on en aurait encore ici. »Dominique BoyerOn ne dit jamais assez comment sont morts <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers ours <strong>de</strong>s Pyrénées, pour cequ’on en sait bien évi<strong>de</strong>mment. Ceci n’a pas qu’un intérêt <strong>historique</strong>, car on verramalheureusement que <strong>la</strong> société française - ses responsab<strong>les</strong> politiques <strong>et</strong> sa justice - a bienpeu évolué au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction d’animaux aussi emblématiques <strong>et</strong> fragi<strong>les</strong>. C’est ainsique le récent procès <strong>de</strong> René Marquèze, qui a tué <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière femelle <strong>de</strong> lignée pyrénéenne, amontré toute l’inconséquence <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> officielle <strong>de</strong> l’ours.La popu<strong>la</strong>tion actuelle d’ours, très faible, n’est malheureusement pas à l’abri <strong>de</strong>nouvel<strong>les</strong> <strong>de</strong>structions.Entre <strong>la</strong> fin officielle <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> celle <strong>de</strong>s battues administrativesLa chasse à l’ours fut interdite en 1962.Pour mémoire, entre 1942 <strong>et</strong> 1957, Gérard Caussimont comptabilise <strong>dans</strong> <strong>les</strong> archivesloca<strong>les</strong> au moins 18 ours tués en Béarn, à l’époque où M. Couturier dénombre 50 ours pour <strong>la</strong>même région <strong>dans</strong> son ouvrage <strong>de</strong> référence 30 !Les <strong>de</strong>rnières battues léga<strong>les</strong> sont organisées en 1967 <strong>et</strong> 1969 avant leur interdictiondéfinitive en 1972.Le 9 août 1967, un arrêté du préf<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Basses-Pyrénées autorise l’organisation d’un<strong>et</strong>elle battue en vue <strong>de</strong> « détruire l’ourse adulte qui, avec son ourson, est l’auteur d’importantsdégâts aux troupeaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> haute vallée <strong>de</strong> Laruns (seule l’ourse adulte peut être tirée). » Onnote une volonté <strong>de</strong> semi <strong>protection</strong> puisqu’il n’est pas question <strong>de</strong> tirer l’ourson.Le 11 avril 1969, un nouvel arrêté préfectoral autorise une battue qui c<strong>et</strong>te fois-ci a pourobjectif <strong>de</strong> « repousser en direction du Parc national, l’ours qui a causé <strong>de</strong>s dégâts auxtroupeaux <strong>sur</strong> le territoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Licq-Athérey. » Quatre moutons avaient été tuéspar un ou <strong>de</strong>ux ours quelques jours auparavant <strong>dans</strong> un quartier situé à 500 mètres d’altitu<strong>de</strong>.Voici ce que répond le lieutenant <strong>de</strong> louv<strong>et</strong>erie au directeur départemental <strong>de</strong> l’agriculture le14 avril suivant :« (…) Sur <strong>les</strong> 20 chasseurs convoqués, 10 seulement se sont présentés au départ, cesdéfections ayant été occasionnées par le mauvais temps qui sévissait <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région. Malgré<strong>les</strong> nombreuses empreintes (d’un ours adulte <strong>et</strong> d’un jeune) relevées <strong>dans</strong> le secteur, il n’a pasété possible <strong>de</strong> <strong>les</strong> débusquer, car nous avons été obligés d’arrêter <strong>la</strong> battue à 9h, <strong>la</strong> pluie dumatin ayant dégénéré en tempête <strong>de</strong> grêle <strong>et</strong> <strong>de</strong> neige. C<strong>et</strong>te battue dont vous nous avez fait <strong>la</strong>faveur s’étant soldée par un échec, je vous serai bien reconnaissant <strong>de</strong> m’indiquer ce qu’il y alieu <strong>de</strong> faire, car <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt n’a pu être explorée. 31 »D’après le lieutenant <strong>de</strong> louv<strong>et</strong>erie Car<strong>les</strong> (quincaillier à Bedous <strong>et</strong> gran<strong>de</strong> figure <strong>de</strong> <strong>la</strong>chasse), l’interdiction <strong>de</strong>s battues administratives fut une erreur. Selon C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducou, quicite ces propos, Car<strong>les</strong> aurait dirigé 52 battues administratives qui se seraient soldées par <strong>la</strong>mort <strong>de</strong> 3 ours. Après maints coups <strong>de</strong> feu <strong>et</strong> beaucoup <strong>de</strong> bruit, <strong>la</strong> conclusion c<strong>la</strong>ssique <strong>de</strong> cesbattues était un repas final <strong>et</strong> <strong>la</strong> satisfaction du berger <strong>de</strong> savoir qu’on s’occupait <strong>de</strong> lui. Quan<strong>de</strong>l<strong>les</strong> ont cessé, <strong>les</strong> éleveurs <strong>et</strong> bergers ne se seraient plus sentis défendus <strong>et</strong> auraient ressorti le30 G. Caussimont, Avec le naturaliste, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> pas <strong>de</strong> l’ours brun <strong>de</strong>s Pyrénées, Loubatières, 1997, p. 135.31 Ces documents nous été fournis par M. C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducou.29


poison. La suppression <strong>de</strong>s battues aurait finalement abouti au résultat inverse recherché.Notons que Henri Navarre, ancien chasseur <strong>de</strong>venu photographe <strong>et</strong> naturaliste, mais aussiFrançois Merl<strong>et</strong>, estimaient eux aussi que c<strong>et</strong>te suppression ne fut pas une très bonne chose<strong>dans</strong> le contexte <strong>de</strong> l’époque 32 .L’époque <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’oursC<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> Jean-Jacques Camarra, <strong>dans</strong> leur rapport <strong>de</strong> 1978, citent <strong>la</strong><strong>de</strong>struction délibérée par <strong>la</strong> strychnine, le braconnage au fusil en rapport à <strong>de</strong>s dégâts mal ounon remboursés, ou avec <strong>la</strong> commercialisation <strong>de</strong>s trophées.Les cas dont ils ont connaissance sont d’ailleurs intervenus au début <strong>de</strong> <strong>la</strong> saisonpastorale ou à l’époque <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse à <strong>la</strong> palombe lorsque l’ours <strong>de</strong>scend manger <strong>de</strong>s faînes ou<strong>de</strong>s g<strong>la</strong>nds. On peut lire sous leur plume : « On peut adm<strong>et</strong>tre que tout berger situé en zone àours est prêt à utiliser son fusil (tous <strong>les</strong> bergers ont en permanence une arme <strong>dans</strong> leur cabanemême en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse prohibée). Nous connaissons <strong>de</strong>s Aspois qui, exaspérés par <strong>de</strong>sattaques printanières répétées, ont gu<strong>et</strong>té l’ours plusieurs nuits <strong>de</strong> suite à l’affût… <strong>et</strong> l’ontmanqué (bassin <strong>de</strong> Lescun, mai 1978) ! »Les Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> 33 :1968 environ : Prosper Poulot <strong>et</strong> un certain Guiraud tuent un ours en vallée d’Arrens, sanssavoir, semble-t-il, que l’espèce ne peut être tirée ainsi. Ils s’en vantent après une tournée <strong>de</strong>sbars <strong>et</strong> <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges puis sont interpellés par <strong>de</strong>s gendarmes. P. Poulot est ancien champion <strong>de</strong>ski : on leur pardonne 34 .1971 : 1 jeune ourson est trouvé par <strong>les</strong> élèves <strong>de</strong> P.E.P. <strong>de</strong> Borce emmenés par leur directeur,René Rose (futur <strong>et</strong> actuel maire du vil<strong>la</strong>ge - 7 ème mandat !), <strong>sur</strong> le sentier <strong>de</strong> Bélonce. Larumeur locale dit que <strong>la</strong> mère a été tuée par <strong>de</strong>s chasseurs du vil<strong>la</strong>ge. «Nous savons où s<strong>et</strong>rouve sa peau <strong>et</strong> son prix <strong>de</strong> vente : 8 000 francs » lit-on aussi <strong>dans</strong> le rapport Dendal<strong>et</strong>che-Camarra.1975 : 1 ours mâle âgé est r<strong>et</strong>rouvé mort près du sentier montant vers Migouleou (valléed’Arrens). Ses restes on fait l’obj<strong>et</strong> d’une étu<strong>de</strong> traumatologique partielle qui mit en évi<strong>de</strong>ncel’existence <strong>de</strong> plusieurs fractures consolidées antérieures à l’ultime acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> septembre1975 35 .Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> Camarra ajoutent qu’un second ours du secteur a disparu <strong>et</strong> soupçonnent qu’i<strong>la</strong> lui aussi été tué ou qu’il a rejoint le noyau ossalois.1976 : 1 adulte r<strong>et</strong>rouvé mort par <strong>les</strong> gar<strong>de</strong>s du Parc national au-<strong>de</strong>ssus d’Etsaut (Aspe)1977 : 1 ours tué en octobre au bois <strong>de</strong> Pétraoube (Aspe)1978 : 1 ourson, âgé <strong>de</strong> 7 mois, a été ach<strong>et</strong>é en avril par le responsable du zoo <strong>de</strong> Lescar à unepersonne qui l’avait capturé <strong>dans</strong> une vallée pyrénéenne. « C<strong>et</strong> ourson très sauvage ne peut32 Rencontre avec François Merl<strong>et</strong>, septembre 2005.33 Ces données, sauf mention contraire, proviennent du rapport Dendal<strong>et</strong>che/Camarra34 Témoignage <strong>de</strong> Cl. Berducou.35 F.I.E.P., L. Né<strong>de</strong>lec, « L’ours brun <strong>et</strong> son habitat, Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>. Situation <strong>et</strong> état <strong>de</strong>s connaissances,1994, page 46.30


venir que <strong>de</strong>s Pyrénées (<strong>la</strong> logique douanière nous fait exclure qu’il puisse venir <strong>de</strong>s Montscantabriques - Espagne - ou <strong>de</strong>s Abruzzes - Italie !) »Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> Camarra ajoutent que certaines personnes vivent encore à l’époqueexclusivement du produit <strong>de</strong> gibiers qu’ils livrent à <strong>de</strong>s restaurateurs. Ils jugent trèsdangereux ces chasseurs qui peuvent éventuellement fournir <strong>de</strong>s trophées à <strong>de</strong>s clients.« Signalons qu’un client a récemment proposé à un berger aspois 6 000 francs pour une peaud’ours ! »1982-1984 : <strong>de</strong>ux femel<strong>les</strong> reproductrices (<strong>et</strong> un ourson) disparaissent, <strong>de</strong> « causes trèsacci<strong>de</strong>ntel<strong>les</strong> » souligne André Etchelecou <strong>dans</strong> un article qui veut démontrer que <strong>la</strong>dynamique <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ursine <strong>de</strong>s Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> a été considérablement freinéepar une <strong>sur</strong>mortalité artificielle 36 . D’après son modèle <strong>de</strong> calcul, il estime que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tiond’ours aurait dû être constituée d’au moins le double d’individus <strong>sur</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 1968-1985,compte tenu <strong>de</strong>s naissances observées : 16 à 20 portées enregistrées <strong>de</strong> manière certaine <strong>dans</strong>le massif du Sesques, dont 4 avec <strong>de</strong>ux oursons, soit 18 à 21 oursons 37En janvier 1982, à Laruns, une ourse <strong>et</strong> son p<strong>et</strong>it ont été tués au cours d’une battue auxsangliers. Dans La cause <strong>de</strong> l’ours 38 , Dendal<strong>et</strong>che rapporte c<strong>et</strong> évènement <strong>dans</strong> l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours. De nombreuses perquisitions sont menées en Ossau au matin du 6 avril<strong>de</strong> <strong>la</strong> même année. On ne trouve pas traces <strong>de</strong>s ours, mais d’autres espèces protégées,notamment <strong>de</strong>s <strong>de</strong>smans <strong>de</strong>s Pyrénées.En octobre 1983, une ourse reproductrice, <strong>la</strong> dénommée "Juli<strong>et</strong>te", est r<strong>et</strong>rouvée morte en basd’une fa<strong>la</strong>ise <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune d’Etsaut, officiellement victime d’une chute. On peut <strong>la</strong> voiraujourd’hui au musée <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison du Parc à Etsaut. Elle ne fera curieusement jamais l’obj<strong>et</strong>d’une analyse quelconque, contrairement au mâle <strong>de</strong> 1975, <strong>et</strong> son squel<strong>et</strong>te finira presque dixans plus tard entre <strong>les</strong> mains d’un vétérinaire. Ce <strong>de</strong>rnier, Pierre Navarre, nous aaffirmé l’avoir eu une première fois entre ses mains peu <strong>de</strong> temps après sa découverte. Ellegisait <strong>dans</strong> une bâche <strong>de</strong> type agricole <strong>dans</strong> une ancienne cour à cochon chez un vétérinair<strong>et</strong>arbais. Il avait d’ailleurs pris le crâne pour le b<strong>la</strong>nchir <strong>et</strong> en faire <strong>de</strong>s clichés. Dix ans plustard, <strong>la</strong> direction du Parc national lui <strong>de</strong>manda <strong>de</strong> restituer le crâne ce qu’il fit. Il examinera <strong>les</strong>quel<strong>et</strong>te <strong>dans</strong> son intégralité <strong>et</strong> nous dit aujourd’hui : « Je n’ai décelé aucune fracture. Tupeux le vérifier à <strong>la</strong> maison du Parc à Etsaut. » G. Caussimont <strong>de</strong> son côté note comme cause<strong>de</strong> <strong>la</strong> mort : « chute acci<strong>de</strong>ntelle ? » Que s’est-il donc passé ?36 « L’ours brun <strong>de</strong>s Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> : une dynamique démographique compromise par une mortalitéanormale (bi<strong>la</strong>n 1968-1990), R.G.P.S.O., 1990, Toulouse.37 A. Etchelecou cite là le rapport <strong>de</strong> D. Chaumeil, « Ours Pyrénées – Popu<strong>la</strong>tion occi<strong>de</strong>ntale – Evolutiondémographique <strong>et</strong> dynamique, Eco-éthologie, 1968-1985 ».38 Ouvrage majeur à lire, Le Sang <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre, 1993.31


Squel<strong>et</strong>te <strong>de</strong> l’ourse "Juli<strong>et</strong>te", maison du Parc national à Etsaut, vallée d’Aspe. (S. Carbonnaux).De 1985 à 1989, on ne décèle aucune portée <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées béarnaises, une situation quidécoule pour beaucoup <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux femel<strong>les</strong> reproductrices. Il semblerait que "Juli<strong>et</strong>te"ait donné plusieurs fois <strong>de</strong>ux oursons.Lors <strong>de</strong> notre premier séjour en Asturies, nous avons longé le territoire d’une oursereproductrice braconnée en 1992. Des mâ<strong>les</strong> sont venus errer en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> rut pendant 2 ou 3ans, puis aucune activité n’a été décelée. Voilà comment, en limite <strong>de</strong> répartition, un territoireest perdu pour l’ours. Fort heureusement, <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion asturienne a permis àune femelle <strong>de</strong> se réinstaller <strong>dans</strong> le coin, faisant espérer une naissance c<strong>et</strong>te année 2008. Ilfaudra donc peut-être 16 ans pour connaître une dynamique naturelle <strong>de</strong> reproduction <strong>dans</strong> cesecteur abandonné.1989. Reprise d’un espoir avec un ourson.1990-1992 : pas <strong>de</strong> naissance observée.1991. Un ours dit familier, une femelle, cause <strong>de</strong> nombreux dégâts à certains troupeaux.L’affaire est montée en épingle par divers élus dont le maire d’Aydius (Aspe) <strong>et</strong> celui <strong>de</strong>Bielle (Ossau). En Ossau, un coup <strong>de</strong> feu est même tiré <strong>sur</strong> l’ours. L. Né<strong>de</strong>lec fait cecommentaire <strong>dans</strong> son rapport pour le F.I.E.P. : « Il est encore possible, en 1991, <strong>de</strong> tirer uncoup <strong>de</strong> feu <strong>sur</strong> une espèce protégée en voie <strong>de</strong> disparition <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>ux agents assermentés <strong>de</strong>l’Etat sans encourir une poursuite judiciaire. »1992. Juill<strong>et</strong>, c<strong>et</strong>te ourse sera capturée au <strong>la</strong>c<strong>et</strong> mais se libèrera faute d’avoir été anesthésiée àtemps. Elle serait partie b<strong>les</strong>sée à <strong>la</strong> patte <strong>et</strong> certains rapportent qu’elle se serait arrachée <strong>la</strong>patte, qu’elle serait morte par <strong>la</strong> suite ou plus vraisemb<strong>la</strong>blement qu’elle aurait été braconnéeen Ossau.32


1994. En novembre, lors d’une battue aux sangliers, <strong>dans</strong> une ancienne réserve dite"Lalon<strong>de</strong>", l’ourse "C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>" est tuée par <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> Borce. Dénoncés plus tard, ilsseront jugés par le T.G.I. <strong>de</strong> Pau <strong>et</strong> condamnés en janvier 1999. C’était l’avant <strong>de</strong>rnièrefemelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> lignée.Ajoutons que J.-J. Camarra cite 6 cas <strong>de</strong> braconnage dont <strong>de</strong>ux <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s femel<strong>les</strong> suitées(cel<strong>les</strong> <strong>de</strong> 1982 <strong>et</strong> 1983 ?) entre 1974 <strong>et</strong> 1989.G. Caussimont, lui, cite 8 ou 9 ours qui auraient été tués entre 1976 <strong>et</strong> 1995 en Béarn <strong>et</strong>Soule <strong>et</strong> 5 <strong>de</strong> plus <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées espagno<strong>les</strong> 39 .C’est ainsi, qu’on adm<strong>et</strong> généralement qu’entre 1976 <strong>et</strong> 1995, treize ou quatorze oursont été tués <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>. Ce qui représente un effectif considérable !1995. Naissance d’un ourson baptisé "Pyren".1998. Naissance d’un ourson2000. Naissance d’un ou <strong>de</strong>ux oursons dont un r<strong>et</strong>rouvé mort en 2001.2004. 25 juill<strong>et</strong>, le patriarche "Papillon" meurt <strong>dans</strong> <strong>la</strong> montagne <strong>de</strong> Chèze (vallée <strong>de</strong> Luz, 65)<strong>de</strong>ux mois après sa capture autorisée par l’Etat suite à une gran<strong>de</strong> excitation <strong>de</strong>sultrapastoraux du pays Toy. Son autopsie révèle <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> plombs <strong>dans</strong> son corps.Le 1 er novembre 2004. La <strong>de</strong>rnière femelle, "Cannelle", alors accompagnée d’un ourson né<strong>dans</strong> l’année, est tuée par un chasseur <strong>sur</strong> le territoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> commune d’Urdos. C<strong>et</strong>te femelleest connue pour se cantonner <strong>de</strong>puis plusieurs automnes <strong>sur</strong> Urdos. Elle est présente avec sonp<strong>et</strong>it <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux mois <strong>dans</strong> le secteur qui sera l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> battue fatale. Le chasseur est jugémais re<strong>la</strong>xé par le T.G.I. <strong>de</strong> Pau le 21 avril 2008.Les Pyrénées centra<strong>les</strong> 401980 : il subsiste 4 ou 5 ours1983 : une rumeur fait état <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort d’un ours en Val d’Aran (<strong>la</strong> Bord<strong>et</strong>a). Le nombre <strong>de</strong>sindices a beaucoup diminué.1984 : il reste 3 ou 4 ours1985 : octobre, un jeune ourson accompagne un adulte en vallée du Lys, augmentation dunombre <strong>de</strong> données.1986 : on estime qu’il reste 5 ours1989-1990 : il ne subsiste plus qu’un seul oursNotons que c’est <strong>la</strong> Fédération <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> Haute-Garonne qui paie <strong>les</strong> rares dégâts <strong>de</strong>s<strong>de</strong>rniers ours du Luchonnais <strong>et</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> remboursement à l’O.N.C. 4139 G. Caussimont, op.cit., p. 136..40 Données <strong>de</strong> Jean-Michel Par<strong>de</strong>, « L’ours brun <strong>dans</strong> le Comminges entre 1980 <strong>et</strong> 1990 ».41 Compte-rendu réunion <strong>sur</strong> l’ours à <strong>la</strong> D.N.P. le 3 juill<strong>et</strong> 1981.33


Après <strong>les</strong> renforcements en Pyrénées centra<strong>les</strong>1997. 27 septembre, l’ourse "Mellba" est abattue par un jeune chasseur, Jean-PhilippeGausseran, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Bézins-Garaux (Haute-Garonne), un fief d’opposants aux ours.A<strong>la</strong>in Suberbielle, photographe <strong>et</strong> naturaliste, présent ce jour-là <strong>dans</strong> le vil<strong>la</strong>ge, voit le jeunechasseur fier, nullement ému par son acte, assis <strong>sur</strong> un tracteur. La p<strong>la</strong>inte est c<strong>la</strong>ssée sanssuite. Malgré bien <strong>de</strong>s rumeurs <strong>sur</strong> le prétendu suici<strong>de</strong> du chasseur, ce <strong>de</strong>rnier est toujoursvivant.2006. L’ourse "Palouma", lâchée au printemps, est r<strong>et</strong>rouvée morte en altitu<strong>de</strong>. Elle seraitmorte d’une chute.2007. août, l’ourse "Franska", lâchée au printemps 2006, est tuée par un véhicule conduit parun militaire <strong>sur</strong> <strong>la</strong> RN 21, route à quatre voies, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Viger (65). La bête a faitl’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> traques diverses <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s ultrapastoraux. L’autopsie révèlera <strong>de</strong>s plombs <strong>dans</strong>son corps.Les membres <strong>de</strong> l’Association Nature Comminges nous rapportent avoir reçu <strong>de</strong> source sûre<strong>de</strong>s témoignages <strong>de</strong> tirs <strong>sur</strong> plusieurs ours d’origine slovène, tels "Pyros", "Boutxy" <strong>et</strong>"Hva<strong>la</strong>".Pourquoi en est-on arrivé là ?Le constat fait par <strong>les</strong> naturalistes <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre fin au braconnage <strong>de</strong> l’oursest ancien. En témoigne <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l’article «Il faut sauver nos <strong>de</strong>rniers ours » paru <strong>dans</strong> LeCourrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature en 1964 : « La cause principale est encore l’ignorance <strong>et</strong> l’esprit <strong>de</strong>lucre. Nous savons qu’encore actuellement, il suffit <strong>de</strong> vouloir <strong>et</strong> <strong>de</strong> pouvoir payer un bon prixau berger-gui<strong>de</strong>, pour aller tirer un ours, malgré <strong>les</strong> interdictions. Ce braconnage scandaleux aassez duré <strong>et</strong> il est grand temps que <strong>la</strong> création du Parc national <strong>de</strong>s Pyrénées y m<strong>et</strong>te un termedéfinitif. "(…) On a parfois comparé <strong>la</strong> responsabilité du chasseur égoïste ou ignorant, quin’hésite pas à tirer <strong>sur</strong> un animal <strong>de</strong>venu rarissime à celle d’un homme qui détruit <strong>dans</strong> unmusée une toile célèbre" écrit le professeur Roger Heim, directeur du Muséum. "En vérité, <strong>la</strong>suppression volontaire d’une relique vivante, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e où elle comprom<strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vivancemême <strong>de</strong> l’espèce est <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n philosophique <strong>et</strong> scientifique aussi grave que le meurtre d’unhomme (…) »Malheureusement, <strong>les</strong> autorités responsab<strong>les</strong> ne sont pas allées beaucoup plus loin que<strong>de</strong> constater une situation grave.Des raisons pratiquesLa création du Parc national n’ayant servi aucunement à protéger l’ours, <strong>les</strong>associations <strong>de</strong>mandèrent au ministre d’agir. On peut ainsi lire <strong>sur</strong> le compte-rendu <strong>de</strong> <strong>la</strong>réunion <strong>sur</strong> l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées à <strong>la</strong> D.P.N. du 30 janvier 1981 :« Il conviendrait en eff<strong>et</strong> que <strong>la</strong> réglementation soit mieux appliquée (il se tue 2 ourspar an par braconnage).Il est donc proposé <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>ux briga<strong>de</strong>s spécialement affectées à <strong>la</strong><strong>sur</strong>veil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s zones ursines, une <strong>sur</strong> le noyau occi<strong>de</strong>ntal, l’autre <strong>sur</strong> le noyau oriental (lerecrutement pourrait être effectué parmi <strong>les</strong> locaux. Il serait souhaitable également <strong>de</strong> mieuxfaire connaître <strong>les</strong> sanctions prévues en cas <strong>de</strong> <strong>de</strong>structions d’ours. »34


C<strong>et</strong>te bonne volonté n’a jamais permis <strong>la</strong> création <strong>de</strong>s briga<strong>de</strong>s en question, souventsouhaitée, alors que <strong>la</strong> forte <strong>sur</strong>veil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s territoires à ours est en eff<strong>et</strong> une me<strong>sur</strong>eessentielle pour limiter le braconnage <strong>et</strong> <strong>la</strong> création. Que s’est-il passé ? C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducoul’explique <strong>dans</strong> son article paru en janvier 1990. L’Etat n’a jamais créé ces briga<strong>de</strong>s <strong>et</strong> l’on asimplement renforcé <strong>la</strong> gar<strong>de</strong>rie <strong>sur</strong> le terrain. Ainsi, <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s nationaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>faune sauvage, notamment ceux affectés auprès <strong>de</strong>s Fédérations départementa<strong>les</strong> <strong>de</strong>sPyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, <strong>de</strong> Haute-Garonne <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’Ariège se rendaient semble-t-il régulièrement<strong>sur</strong> le terrain (D. Boyer confirme c<strong>et</strong> état <strong>de</strong> fait pour <strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques.) Des briga<strong>de</strong>smobi<strong>les</strong> d’intervention <strong>de</strong> l’O.N.C. agissaient aussi. En 1986, <strong>de</strong>ux briga<strong>de</strong>s mobi<strong>les</strong> onteffectué <strong>de</strong> fréquentes missions <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Massat en Ariège. En 1988, une briga<strong>de</strong>mobile est dép<strong>la</strong>cée <strong>de</strong> Tarbes à Lestelle-Bétharram <strong>et</strong> se dép<strong>la</strong>çait plus souvent <strong>dans</strong> <strong>les</strong>territoires ursins. Une ai<strong>de</strong> occasionnelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> briga<strong>de</strong> mobile d’Arcachon a également étéapportée.C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducou donne <strong>les</strong> raisons <strong>de</strong> <strong>la</strong> non création <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> briga<strong>de</strong>s.« 1 - l’ours n’est pas braconné. La résistance du cheptel aux "erreurs <strong>de</strong> tir" (citées <strong>et</strong>auxquel<strong>les</strong> on croit difficilement) est plus une question d’état <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion que d’intensité<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>sur</strong>veil<strong>la</strong>nce ;2 - <strong>les</strong> efforts précé<strong>de</strong>mment cités <strong>de</strong> renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> gar<strong>de</strong>rie compétente en zone à ourssont importants <strong>et</strong> garantissent un contrôle efficace ;3- le <strong>la</strong>bel "ours" associé à <strong>la</strong> dénomination d’une unité <strong>de</strong> répression aurait un impactpsychologique négatif. Il ferait <strong>de</strong> l’ours le symbole <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature sous haute <strong>sur</strong>veil<strong>la</strong>nceimposée, alors que son avenir n’a <strong>de</strong> sens que comme symbole <strong>de</strong> <strong>la</strong> ré-appropriationconsciente <strong>et</strong> responsable <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature par ses usagers. »Contrairement à C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducou nous croyons que l’ours était bel <strong>et</strong> bien braconné <strong>et</strong>pas seulement l’obj<strong>et</strong> d’erreurs <strong>de</strong> tirs. Certes il s’est agi d’un braconnage <strong>de</strong> basse intensitémais très néfaste pour une si p<strong>et</strong>ite popu<strong>la</strong>tion d’ours. Le problème fut (<strong>et</strong> reste en certainslieux) que <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> personnes capab<strong>les</strong> d’emmener <strong>les</strong> leurs vers un autre rapport avecl’ours ne <strong>sur</strong>ent ou ne purent le faire.Des raisons profon<strong>de</strong>sEl<strong>les</strong> tiennent d’une part au sentiment longtemps <strong>et</strong> <strong>la</strong>rgement répandu <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées selon lequel l’ours était un nuisible au même titre que le renard. D’autre part, <strong>les</strong>responsab<strong>les</strong> politiques n’ont jamais pris <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e du drame qui se nouait, <strong>et</strong> <strong>les</strong> procès sontarrivés très tard <strong>et</strong> n’ont guère eu d’eff<strong>et</strong> pédagogique.En 1987, l’américain Christopher Servheen, grand connaisseur <strong>de</strong> l’ours, se rend enmission d’expertise <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées. Il rencontre notamment René Rose. Son témoignageest très éc<strong>la</strong>irant <strong>sur</strong> <strong>la</strong> mentalité <strong>de</strong> celui qui dirigeait alors le syndicat <strong>de</strong> communes <strong>de</strong> <strong>la</strong>vallée d’Aspe <strong>et</strong> dirige toujours aujourd’hui <strong>la</strong> Communauté <strong>de</strong> communes.« J’ai eu l’occasion <strong>de</strong> discuter avec le maire <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville 42 <strong>de</strong> Borce où un ours brun estcaptif <strong>de</strong>puis 16 ans au centre <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville. C<strong>et</strong> ours a été trouvé alors qu’il était ourson. Il est<strong>de</strong>venu une importante attraction touristique qui rapporte beaucoup d’argent à sa ville. J’aitenté d’amener le maire à me dire s’il y avait un intérêt économique au fait <strong>de</strong> maintenir <strong>de</strong>sours sauvages pour le tourisme. C<strong>et</strong>te idée a semblé toute nouvelle pour lui, <strong>et</strong> il ne semb<strong>la</strong>itcomprendre que <strong>les</strong> avantages d’avoir un ours captif. Il souhaiterait même obtenir un autre42 En réalité Borce est un vil<strong>la</strong>ge.35


ours captif <strong>de</strong> façon que <strong>la</strong> ville ne risque pas <strong>de</strong> perdre son attraction rémunératrice. Etantdonné une telle attitu<strong>de</strong>, promouvoir l’adhésion du public local à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’oursbrun est certainement une tâche difficile. »S’il est bien normal qu’un maire s’inquiète <strong>de</strong> renouveler <strong>les</strong> animaux fétiches <strong>de</strong> sonzoo, il est sidérant <strong>de</strong> constater l’insensibilité du même élu, porté à <strong>de</strong>s responsabilitéssupérieures, au sort d’une figure essentielle du patrimoine naturel, culturel <strong>et</strong> <strong>historique</strong> <strong>de</strong> savallée.L’occasion ratée <strong>de</strong>s procèsNous avons écrit que <strong>les</strong> procès pour <strong>la</strong> mort illégale d’un ours étaient arrivés très tard.Trop tard. Entre 1968 <strong>et</strong> 1998, il s’est écoulé trente ans <strong>et</strong> plus <strong>de</strong> 20 ours sont mortsbraconnés <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>. Longtemps, <strong>les</strong> autorités ont fermé <strong>les</strong> yeux, parconnivence <strong>et</strong>/ou par lâch<strong>et</strong>é <strong>et</strong> personne n’a vraiment pris ses responsabilités.Le procès Apiou-Céd<strong>et</strong> (1999)Il a fallu une dénonciation en 1997 pour voir jugés André Apiou, qui vécut par <strong>et</strong> pour<strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>la</strong> braconne toute sa vie, <strong>et</strong> Serge Céd<strong>et</strong> <strong>de</strong>vant le T.G.I. <strong>de</strong> Pau. Ils avaient tuél’ourse "C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>" au mois <strong>de</strong> novembre 1994, ourse dont le réseau <strong>de</strong> suivi ne r<strong>et</strong>rouvait plus<strong>la</strong> trace <strong>et</strong> suspectait <strong>la</strong> mort. Lorsque <strong>les</strong> gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’O.N.C. allèrent récupérer le squel<strong>et</strong>te enjanvier 1997, il manquait <strong>la</strong> peau, <strong>la</strong> tête <strong>et</strong> <strong>les</strong> pattes, soit <strong>les</strong> trophées qui s’échangent contre<strong>de</strong> grosses sommes d’argent. Au moment <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te affaire, une tête se négociait 40 000 francs(6 000 euros) en Asturies, <strong>la</strong> peau 30 000 francs (4 500 euros). La presse posait une bonnequestion : « Ce<strong>la</strong> dit, <strong>dans</strong> tous <strong>les</strong> cas <strong>de</strong> figure, un chaînon manque : à qui a profité lecrime ? Qui détient <strong>les</strong> trophées ? 43 » A-t-on voulu vraiment aller au bout <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te affaire ?Nous pensons que le juge d’instruction Pons a tenté tout ce qui était en son pouvoir. Sansdoute que d’autres n’ont pas eu c<strong>et</strong>te volonté.À <strong>la</strong> mise en examen <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux chasseurs, <strong>les</strong> réactions tombèrent en casca<strong>de</strong>, maissans effervescence. En eff<strong>et</strong>, l’I.P.H.B. avait initié un travail d’illusionnisme bien au point.« Hormis Jean Bay<strong>la</strong>ucq, c<strong>et</strong> atypique au franc-parler populiste <strong>et</strong> provocateur, tout le mon<strong>de</strong>donnait l’impression <strong>de</strong> ne pas vouloir par <strong>de</strong>s propos enf<strong>la</strong>mmés, casser le fil qui acommencé à se nouer autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> réintroduction entre pro <strong>et</strong> anti-ours. 44 »Le procès <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux hommes s’est tenu le 15 décembre 1998 <strong>dans</strong> une salle comble<strong>de</strong> soutiens aux chasseurs. On notait Jean Lassalle, conseiller général, René Rose, M.Loustau-Chartez maire <strong>de</strong> Lees-Athas, M. Eyt <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Ossau.Monsieur Apiou, impeccable avec ses médail<strong>les</strong> militaires présentait fort bien <strong>et</strong> tenaitplutôt tête au juge : « Oui, je suis un solitaire, un p<strong>et</strong>it chasseur… » Son compagnon, plusjeune <strong>et</strong> d’un caractère moins trempé, était effacé. Ils prétendirent s’être trompés en vou<strong>la</strong>nttirer un sanglier : une défense c<strong>la</strong>ssique. L’avocat <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O. <strong>et</strong> du F.I.E.P.<strong>de</strong>manda une très grosse somme <strong>de</strong> dommages <strong>et</strong> intérêts. Ce fut une erreur. L’avocat <strong>de</strong> <strong>la</strong>défense. M. Casa<strong>de</strong>baig, avocat réputé du barreau <strong>de</strong> Pau <strong>et</strong> originaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Ossau,s’empara <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pour déconsidérer <strong>les</strong> associations (« une main <strong>de</strong> velours <strong>de</strong>rrièreune patte d’ours ») <strong>et</strong> prononça une p<strong>la</strong>idoirie très comp<strong>la</strong>isante à l’égard <strong>de</strong>s ennemis <strong>de</strong>l’ours.Il faut s’imaginer <strong>la</strong> valeur d’exemple que revêt une p<strong>la</strong>idoirie pour ceux à qui elle est<strong>de</strong>stinée. Eh bien, l’avocat <strong>de</strong> MM. Apiou <strong>et</strong> Céd<strong>et</strong>, avec l’exagération qu’on lui connaît,évoqua tour à tour <strong>la</strong> cruauté <strong>de</strong> l’ours <strong>de</strong>puis l’Ancien Testament ! jusqu’à nos jours :43 Marie -C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Aristégui, « L’ours tué en vallée d’Aspe », Sud Ouest, 22 février 1997.44 Christian Aguerre, « La mort <strong>de</strong> l’ours, "C’est une catastrophe" », Sud Ouest, 21 février 1997.36


« réalité <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong> ici pour ceux qui vivent <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne. » Narrant <strong>la</strong> chronique<strong>de</strong>s méfaits <strong>de</strong> l’ours, il cita un article du Patriote <strong>de</strong>s Pyrénées <strong>de</strong> 1897 à propos <strong>de</strong> <strong>la</strong> chuted’un troupeau qui aurait été poussé <strong>dans</strong> le vi<strong>de</strong> par l’ours, pour conclure : « Ceux-là<strong>de</strong>venaient val<strong>et</strong>s <strong>de</strong> ferme ou s’exi<strong>la</strong>ient aux Amériques ! » Vint le rappel <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong>primes à <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction en 1938 <strong>et</strong> 1939 par le Conseil général <strong>et</strong> <strong>la</strong> préfecture, puis celui <strong>de</strong>sdélibérations <strong>de</strong> 1996 <strong>et</strong> 1997 <strong>de</strong> l’I.P.H.B. qui ouvraient soit disant <strong>la</strong> porte à unrenforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours. Et arriva c<strong>et</strong>te phrase qui illustre toute l’ambiguïté <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te affaire : « Les mêmes élus qui favorisaient <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction ont le courage politique <strong>de</strong>vouloir le protéger. 45 »C’est que <strong>les</strong> associations parties civi<strong>les</strong> <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te affaire, du moins <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O.Béarn <strong>et</strong> le F.I.E.P, étaient aussi parties prenantes <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mauvaise aventure <strong>de</strong> l’I.P.H.B. <strong>et</strong><strong>de</strong> son fumeux proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> renforcement qui finit aux oubli<strong>et</strong>tes. A <strong>la</strong> sortie <strong>de</strong> l’audience, nousétions moroses <strong>et</strong> isolés quand Jean Lassalle souriait <strong>et</strong> donnait <strong>de</strong>s poignées <strong>de</strong> main en toussens. Il "tenait" <strong>les</strong> associations par ces délibérations <strong>et</strong> son faux travail <strong>de</strong> pacificationLe 16 février 1999, le T.G.I. <strong>de</strong> Pau condamnait <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux chasseurs à <strong>de</strong>s peinesd’amen<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>s dommages intérêt (environ 15 000 euros tout confondu pour <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux) <strong>et</strong> àcinq ans <strong>de</strong> suspension <strong>de</strong> leur permis <strong>de</strong> chasser. Cependant, nous jugeons que sa valeurpédagogique fut très faible. D’une part, l’ourse "Cannelle" fut tuée quelques années après, àfaible distance à vol d’oiseau, au cours d’une battue aux sangliers, preuve que <strong>la</strong> tranquillité àas<strong>sur</strong>er aux ours en c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> critique n’est pas entrée <strong>dans</strong> <strong>les</strong> mœurs. D’autre part, enjuin 2006, lors d’un reportage télévisé <strong>sur</strong> France 3 46 pendant lequel Gérard Caussimont <strong>et</strong>André Apiou intervinrent, ce <strong>de</strong>rnier reconnut avoir légalement tué 13 ( ?) ours <strong>dans</strong> sa vie, <strong>et</strong>personne ne releva sa condamnation par le Tribunal <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> instance <strong>de</strong> Pau !Le procès Marquèze (2008) 47Ce procès <strong>de</strong> René Marquèze qui tua l’ourse "Cannelle" le 1 er novembre 2004 en valléed’Aspe fut une victoire <strong>de</strong>s associations, car tout avait été manifestement prévu pourl’empêcher. Le 18 janvier 2007, le juge d’instruction avait en eff<strong>et</strong> rendu une ordonnance <strong>de</strong>non-lieu qui b<strong>la</strong>nchissait <strong>les</strong> chasseurs <strong>de</strong> toutes leurs fautes <strong>et</strong> tentait <strong>de</strong> démolir <strong>les</strong>déc<strong>la</strong>rations <strong>de</strong> Gérard Caussimont, prési<strong>de</strong>nt du F.I.E.P., qui avait repéré avec ses amis <strong>les</strong>indices <strong>de</strong> présence <strong>de</strong> <strong>la</strong> femelle <strong>et</strong> <strong>de</strong> son p<strong>et</strong>it.Fort heureusement <strong>la</strong> Chambre <strong>de</strong> l’instruction <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour d’appel <strong>de</strong> Pau brisait c<strong>et</strong>te<strong>la</strong>mentable ordonnance <strong>et</strong> renvoyait René Marquèze <strong>de</strong>vant le T.G.I par un arrêt très motivédu 6 avril 2007. Un pourvoi en cassation <strong>de</strong> son avocat r<strong>et</strong>arda <strong>la</strong> tenue <strong>de</strong> l’audience. Leprocès s’est donc déroulé du 12 au 14 mars 2008 <strong>de</strong>vant le T.G.I. <strong>de</strong> Pau, présidé pourl’occasion par un juge unique, <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nte Loub<strong>et</strong>-Porterie.Si en apparence <strong>la</strong> justice a bien fait <strong>les</strong> choses en préparant un procès <strong>sur</strong> <strong>de</strong>ux jours <strong>et</strong><strong>de</strong>mi <strong>et</strong> en faisant revenir tous <strong>les</strong> témoins, nous n’avons pas le sentiment d’avoir assisté auprocès d’un homme qui a tué <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière femelle d’ours <strong>de</strong>s Pyrénées mais, comme leconfieront plusieurs avocats <strong>de</strong>s parties civi<strong>les</strong>, à un procès assez banal <strong>de</strong>vant le Juge auxaffaires familia<strong>les</strong>. C<strong>et</strong>te impression est d’autant plus curieuse que, pour <strong>de</strong>s raisons pratiques,ce procès s’est tenu <strong>dans</strong> <strong>la</strong> salle <strong>de</strong> <strong>la</strong> cour d’assises, qui est bien évi<strong>de</strong>mment réservée auxaffaires criminel<strong>les</strong>. Et puisque <strong>la</strong> justice avait cru bon <strong>de</strong> ne juger qu’un seul homme, <strong>et</strong> pasl’ensemble <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te battue, chose réc<strong>la</strong>mée par <strong>les</strong> parties civi<strong>les</strong>, il en résultac<strong>et</strong>te impression du pauvre homme seul, <strong>dans</strong> son box, acculé par <strong>les</strong> "méchants écolos".45 Extraits <strong>de</strong> nos notes d’audience.46 Information communiquée par M. Philippe Charlier.47 Pour un compte-rendu assez détaillé, lire S. Carbonnaux, « Le décevant procès <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Cannelle,<strong>de</strong>rnière ourse <strong>de</strong>s Pyrénées », La Gaz<strong>et</strong>te <strong>de</strong>s grands prédateurs, revue <strong>de</strong> l’association FERUS, n°28, été 2008.37


Le ton <strong>de</strong> ce procès fut donné le premier jour, avant l’ouverture <strong>de</strong> l’audience, quand<strong>dans</strong> <strong>la</strong> salle <strong>de</strong>s pas perdus nous avons entendu le procureur <strong>de</strong> <strong>la</strong> République annoncer à<strong>de</strong>ux avocats <strong>de</strong>s parties civi<strong>les</strong> qu’il sera leur adversaire. Devant l’étonnement feint <strong>de</strong>savocats, le procureur Maurel s’en tira par une pirou<strong>et</strong>te : « Nous travaillons tous à <strong>la</strong>manifestation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité. » De vérité, il n’y en eut guère. Plusieurs témoins sont revenus <strong>sur</strong>leurs déc<strong>la</strong>rations écrites : <strong>les</strong> amis chasseurs <strong>de</strong> R. Marquèze, le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fédération<strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, un gendarme <strong>de</strong> Bedous, le gar<strong>de</strong>-chef <strong>de</strong>l’O.N.C.F.S., à tel point que <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nte lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra s’il n’a pas reçu <strong>de</strong> pressions. En2004, il critiquait <strong>la</strong> vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s règ<strong>les</strong> <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce par <strong>les</strong> chasseurs, il leur donne presqueun satisfecit trois ans plus tard.Ce procès aura aussi été l’occasion <strong>de</strong> débats proprement hallucinants <strong>sur</strong> <strong>la</strong> question <strong>de</strong>savoir si le lieu du tir était ou pas éloigné du lieu où Gérard Caussimont <strong>et</strong> ses amis duF.I.E.P. avaient repéré <strong>les</strong> indices frais <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ourse suitée. Alors qu’une gran<strong>de</strong>carte exposée aurait suffit à clore c<strong>et</strong>te question <strong>et</strong> à éc<strong>la</strong>irer <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nte, qui ne connaît pas<strong>la</strong> montagne, ce point important a été obscurci, si bien qu’on pouvait penser que <strong>les</strong> chasseursétaient <strong>sur</strong> Pluton quand l’ourse <strong>et</strong> son p<strong>et</strong>it avaient été localisés <strong>sur</strong> <strong>la</strong> Terre. Autre énormité àun tel niveau : <strong>les</strong> experts balistiques se sont p<strong>la</strong>ints à <strong>de</strong>ux reprises <strong>de</strong> ne pas avoir étéconvoqués lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> reconstitution <strong>de</strong>s faits. C’est ainsi que <strong>la</strong> distance <strong>de</strong> tir, élément capital,n’est pas connue, simplement estimée entre 9 <strong>et</strong> 50 mètres…Un <strong>de</strong>s mérites, par défaut, <strong>de</strong> ce procès, aura été <strong>la</strong> démonstration <strong>de</strong> <strong>la</strong> politiqueca<strong>la</strong>miteuse <strong>de</strong> l’I.P.H.B. Passé <strong>la</strong> fumeuse « coresponsabilité » <strong>et</strong> <strong>la</strong> « gestion participative »,<strong>la</strong> déposition <strong>de</strong> son directeur, Didier Hervé, a montré comment nous en étions arrivés, avecl’assentiment <strong>de</strong> l’État, à <strong>la</strong> règle <strong>de</strong> <strong>la</strong> "responsabilité zéro". La procédure alors en coursvou<strong>la</strong>it que D. Hervé, prévenu <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence d’une ourse suitée par J.-J. Camarra, avertisselui-même <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> cynégétiques. À l’écouter, il n’aurait pas interprété <strong>de</strong> <strong>la</strong> mêmemanière <strong>les</strong> propos <strong>et</strong> <strong>les</strong> informations <strong>de</strong> J.-J. Camarra <strong>et</strong> n’aurait pas suggéré aux chasseurs<strong>de</strong> suspendre leur battue. La procédure étant téléphonique, nous en sommes en droit d’avoir<strong>de</strong>s doutes. Quoi qu’il en soit, c<strong>et</strong>te institution qui avait l’autorité morale <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>la</strong>suspension <strong>de</strong> <strong>la</strong> battue n’a rien fait, quand l’Etat, compétent, n’a rien fait non plus.Ce point est capital tant il démontre <strong>la</strong> légèr<strong>et</strong>é, <strong>la</strong> négligence <strong>et</strong> le désintérêt <strong>de</strong> nosélites pour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s espèces <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. Tous lors <strong>de</strong> ces audiences ont rappelé <strong>la</strong>responsabilité <strong>de</strong> l’Etat, y compris son propre avocat : « peut-être que le sous-préf<strong>et</strong> <strong>de</strong>vaitprendre un arrêté pour préserver le territoire <strong>de</strong> l’ourse "Cannelle" » (sic !). Le procureur luiaussi a évoqué <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es que pouvaient édicter l’État. Le jugement rendu par le T.G.I.s’achève également <strong>sur</strong> ces lignes : « Que le jour <strong>de</strong>s faits, si un risque pour l’ours existaitcomme <strong>les</strong> faits l’ont hé<strong>la</strong>s démontré, il existait <strong>de</strong>s dispositions léga<strong>les</strong> pour faire interdirec<strong>et</strong>te chasse <strong>dans</strong> <strong>la</strong> zone que <strong>les</strong> pouvoirs publics pouvaient parfaitement imposer au regard<strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong>s artic<strong>les</strong> L. 420-2 <strong>et</strong> 422-27 du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement. » Ce rappel estd’autant plus amer que le préf<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques a bien pris un arrêté suspendant <strong>la</strong>chasse <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune d’Urdos <strong>et</strong> <strong>sur</strong> une partie <strong>de</strong> celle d’Etsaut… après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’ourse.Avec <strong>la</strong> re<strong>la</strong>xe <strong>de</strong> René Marquèze, <strong>la</strong> conclusion est <strong>la</strong> suivante. Trente-six ans aprèsl’interdiction <strong>de</strong>s battues administratives, dix ans après l’affaire Apiou-Céd<strong>et</strong>, il est possibleen France <strong>de</strong> tuer un ours, qui plus est l’ultime femelle d’une lignée, <strong>dans</strong> un secteur vital sansencourir <strong>de</strong> sanctions. C’est une hérésie pour un pays qui se targue par <strong>de</strong>là ses frontières <strong>de</strong>ses lois <strong>de</strong> <strong>protection</strong>.38


Une autre conclusion qui a sonné comme une évi<strong>de</strong>nce est que <strong>la</strong> situation locale n’a pasévolué. Comme lors du procès Apiou-Céd<strong>et</strong>, <strong>les</strong> grands élus <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Aspe, Jean Lassalle<strong>et</strong> René Rose, sont venus soutenir le chasseur. À <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s audiences, <strong>la</strong> rencontre chaleureuse<strong>sur</strong> <strong>les</strong> marches du Pa<strong>la</strong>is entre Jean Lassalle, Didier Hervé <strong>et</strong> le bâtonnier Casa<strong>de</strong>baig a euvaleur <strong>de</strong> preuve. Le premier, homme fort du Haut-Béarn, qui pèse <strong>de</strong> tout son poidspolitique <strong>de</strong> député <strong>et</strong> fait jouer tous ses réseaux, le second, représentant du lobby pastoral, <strong>et</strong>le troisième, qui ne cesse <strong>de</strong> f<strong>la</strong>tter <strong>les</strong> bas instincts <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> l’ours (« Si l’oursn’était pas dangereux, je ne vois pas pourquoi on le m<strong>et</strong> en cage à Borce ou à Saint-Lary ! »parmi d’autres per<strong>les</strong>), bloquent toute évolution positive pour l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénéesocci<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>.Ces <strong>de</strong>ux affaires ont été précédées par celle <strong>de</strong> l’ourse "Mellba" qui avait fait naître unegran<strong>de</strong> indignation en France <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées. Nombreux ont cru à <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> "Mellba"qu’un procès aurait lieu après <strong>les</strong> p<strong>la</strong>intes <strong>de</strong>s associations. Il n’en fut rien. Et pourtant, le jourmême ou le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’ourse Vincent Pringault, membre <strong>de</strong> l’associationArtus, s’était rendu <strong>sur</strong> <strong>les</strong> lieux mêmes <strong>et</strong> avait d’ailleurs rencontré le jeune chasseur. Il avaitrelevé toutes <strong>les</strong> incohérences <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te affaire (pourquoi le chasseur avait-il attendu l’oursesans fuir ni tirer en l’air ?) <strong>et</strong> avait écrit un article très intéressant, illustré <strong>de</strong> croquis, <strong>dans</strong> <strong>la</strong>revue Ours <strong>et</strong> Nature <strong>de</strong> l’association ARTUS. Le procureur <strong>de</strong> <strong>la</strong> République <strong>de</strong> Saint-Gau<strong>de</strong>ns c<strong>la</strong>ssa <strong>la</strong> p<strong>la</strong>inte au bout <strong>de</strong> quelques jours à peine. Le chasseur aurait tiré à l’instinct<strong>et</strong> l’ourse serait revenue vers lui à <strong>la</strong> charge en faisant <strong>de</strong>s bonds, gueule ouverte <strong>et</strong> en hur<strong>la</strong>nt.Un scénario digne d’un film mais qui ne convainc guère… A-t-on voulu préserver undialogue avec certains habitants du Luchonnais en évitant un procès ?Un c<strong>la</strong>ssement sans suite pour une affaire troub<strong>la</strong>nte, un procès pour chacune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<strong>de</strong>rnières femel<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> lignée pyrénéenne, dont le <strong>de</strong>rnier signe l’échec total <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong><strong>de</strong> <strong>la</strong> lignée pyrénéenne, <strong>les</strong> occasions judiciaires <strong>de</strong> faire évoluer le sort <strong>de</strong> l’ours n’ontproduit rien <strong>de</strong> très constructif. En pratique, peu <strong>de</strong> Français savent également ceci : l’ours"Papillon" <strong>et</strong> l’ourse "Cannelle", qui formaient <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière paire d’ours <strong>de</strong>s Pyrénées, gisent<strong>dans</strong> <strong>de</strong>s congé<strong>la</strong>teurs…Une telle situation est néanmoins appelée à changer un jour ou l’autre. La manière dontnos voisins Espagnols ont su éradiquer <strong>les</strong> causes <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s ours, au moins pour <strong>la</strong>plus grosse popu<strong>la</strong>tion <strong>dans</strong> l’ouest <strong>de</strong>s Asturies, doit faire réfléchir le mouvement associatif.Le cas asturienPendant longtemps <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction directe, <strong>sur</strong>tout pour se procurer <strong>de</strong>s trophées, a été <strong>la</strong>cause principale <strong>de</strong> <strong>la</strong> diminution a<strong>la</strong>rmante <strong>de</strong>s ours cantabriques. Beaucoup condamnaitl’ours comme un animal du passé qui ne résisterait pas à l’époque mo<strong>de</strong>rne. Les ours <strong>de</strong>sCantabriques voient leurs effectifs remonter <strong>et</strong> <strong>de</strong>s individus reproducteurs recolonisentaujourd’hui <strong>de</strong>s vallées à l’ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> province.La lutte contre le braconnage a été un <strong>de</strong>s grands combats <strong>de</strong> l’association FAPAS qui amené, avec d’autres services, <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s opérations ayant abouti à un r<strong>et</strong>ournement <strong>de</strong>l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Il faut ici saluer le courage <strong>de</strong>s membres du FAPAS, dont certainsvivent au sein <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ges <strong>de</strong> montagne <strong>et</strong> n’hésitent pas à dénoncer <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> braconnage,quand un tel comportement peut valoir bien <strong>de</strong>s ennuis. Le succès <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te lutte est égalementpsychologique : « On a commencé à agir contre vous » nous rapportent Alfonso <strong>et</strong> Roberto39


Hartasánchez, <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s piliers du FAPAS. C’est ainsi qu’on ne tue plus impunément un ours<strong>dans</strong> <strong>les</strong> Cantabriques, on <strong>de</strong>vient même un paria <strong>de</strong> <strong>la</strong> société.En 1989, une affaire a constitué un tournant <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te lutte farouche. Un homme avaittué une ourse dont <strong>les</strong> p<strong>et</strong>its avaient disparu. Après une longue enquête, l’homme fut r<strong>et</strong>rouvé<strong>et</strong> <strong>les</strong> oursons (<strong>de</strong>ux femel<strong>les</strong>) furent récupérés <strong>dans</strong> une grange. La <strong>de</strong>scente <strong>de</strong> <strong>la</strong> gar<strong>de</strong> civile<strong>dans</strong> le vil<strong>la</strong>ge en question marqua beaucoup <strong>les</strong> esprits. Ambiance : un habitant qui vit <strong>la</strong>police arriver chez lui désigna son voisin : « C’est lui qui m’a accusé parce que j’ai b… safemme ! » Un autre tenta <strong>de</strong> camoufler un grand tétras empaillé grâce à une culotte <strong>de</strong> safemme, <strong>et</strong>c.Le braconnier, faute <strong>de</strong> preuves très évi<strong>de</strong>ntes, ne fut même pas condamné, à uneépoque il est vrai où l’écologie n’avait pas le même impact qu’aujourd’hui. Cependant,l’homme subit <strong>de</strong> graves troub<strong>les</strong> psychiatriques <strong>et</strong> dépensa <strong>de</strong> gros frais d’avocat. Lapopu<strong>la</strong>tion, émue par le sort <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux ours s’empara <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te histoire, on baptisa <strong>les</strong>femel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong> Paca 48 <strong>et</strong> To<strong>la</strong> <strong>et</strong> on trouva un enclos pour <strong>les</strong> abriter. Paca y To<strong>la</strong> sontainsi <strong>de</strong>venues <strong>de</strong>s icônes <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours, que tous appellent très affectueusementen passant <strong>de</strong>vant leur enclos <strong>de</strong> Proaza. Dans <strong>les</strong> années 1990 une autre affaire <strong>de</strong>braconnage s’est même soldée par <strong>la</strong> mort du braconnier qui mit fin à ses jours paraccumu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> problèmes personnels. Tuer aujourd’hui un ours peut être sanctionné <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxans d’emprisonnement, sauf si le casier judiciaire est vierge. L’amen<strong>de</strong> est <strong>de</strong> 30 000 euros.Ces peines sont très supérieures à cel<strong>les</strong> pratiquées en France puisque le Co<strong>de</strong> pénal prévoitun emprisonnement d’une durée <strong>de</strong> six mois maximum <strong>et</strong> une amen<strong>de</strong> <strong>de</strong> 9 000 euros.Preuve du changement d’attitu<strong>de</strong>, <strong>les</strong> éleveurs <strong>de</strong>s Asturies soutiennent trèsmajoritairement l’ours. En 1998, après <strong>la</strong> mort d’une ourse à Somiedo, <strong>les</strong> éleveurs ont faitpublier une annonce <strong>dans</strong> <strong>la</strong> presse pour affirmer que l’ours est une espèce à protéger. Autrecas, en 1999 à Cangas <strong>de</strong> Narcea, à l’ouest <strong>de</strong>s Asturies. Des gar<strong>de</strong>s qui sont allés récupérerune ourse empoisonnée (sans doute par un produit <strong>de</strong>stiné aux rats ou aux loups) <strong>dans</strong> unvil<strong>la</strong>ge ont dû signer un document attestant aux vil<strong>la</strong>geois que si l’ourse était guérie, elle seraitrelâchée là car elle était du vil<strong>la</strong>ge. Ce fut le cas <strong>et</strong> une fête eut lieu au vil<strong>la</strong>ge.Un autre succès <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te lutte a été <strong>de</strong> stimuler <strong>la</strong> création d’un corps <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>s civilsspécialisés : le Servicio <strong>de</strong> Protección <strong>de</strong> <strong>la</strong> Naturaleza (SE.PRO.NA.). Le FAPAS a formé<strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s civils <strong>et</strong> leur prépare beaucoup le terrain, notamment <strong>dans</strong> <strong>la</strong> production <strong>de</strong>preuves. En outre, il existe une "Patrul<strong>la</strong> Oso", un corps <strong>de</strong> 5 gar<strong>de</strong>s spécialement dédié àl’ours, <strong>sur</strong> 140 gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong>l medio ambiente pour toutes <strong>les</strong> Asturies. Les fonctions <strong>de</strong> <strong>la</strong>patrouille ours sont :- exercer <strong>les</strong> constats <strong>de</strong> dégâts <strong>et</strong> suivre <strong>les</strong> dossiers,- suivre <strong>les</strong> ourses suitées en col<strong>la</strong>boration avec d’autres gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong>l medioambiente, <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s du FAPAS, (3 pour Asturies <strong>et</strong> León) <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fundación OsoPardo (9 pour Asturies <strong>et</strong> León),- lutter contre le braconnage,- récolter <strong>de</strong>s poils <strong>et</strong> excréments pour le suivi génétique.En outre, comme <strong>dans</strong> d’autres régions d’Espagne, il existe en Asturies un jugecompétent pour <strong>les</strong> affaires écologiques, un fiscal ambiental.Actuellement, le braconnage a disparu <strong>de</strong>s Asturies occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>. Subsiste l’épineuxproblème <strong>de</strong>s coll<strong>et</strong>s en métal, <strong>les</strong> <strong>la</strong>zos. Ils sont vraiment très nombreux <strong>et</strong> déposés par <strong>de</strong>s48 Le nom <strong>de</strong> Paca est une référence directe au prénom <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme du prési<strong>de</strong>nt du FAPAS.40


paysans pour tuer <strong>les</strong> sangliers : en 2006, 55 furent trouvés lors d’une seule journée pendantune opération à <strong>la</strong>quelle participèrent plus <strong>de</strong> 70 personnes (SE.PRO.NA, Fapas, Fundaci?nOso Pardo <strong>et</strong> <strong>la</strong> gar<strong>de</strong>rie). On peut trouver un coll<strong>et</strong> le long d’une propriété, mais si lebraconnier n’est pas pris actionnant le piège, aucune condamnation n’est possible. Or, <strong>les</strong>f<strong>la</strong>grants délits sont rares. Pour autant, un habitant <strong>de</strong> Cangas <strong>de</strong>l Narcea a été condamné à1 440 euros d’amen<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux ans d’interdiction <strong>de</strong> chasser pour avoir posé trois coll<strong>et</strong>s <strong>dans</strong><strong>la</strong> zone ursine (bull<strong>et</strong>in du Fapas, avril 2007).ConclusionAndré Etchelecou voyait juste lorsqu’il évoquait une <strong>sur</strong>mortalité anormale <strong>de</strong>s ours <strong>de</strong>sPyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> qui fut pourtant contestée par certains. Malheureusement, aucuneautorité supérieure ne prit conscience <strong>de</strong> l’urgence d’intervenir ou ne voulut le faire. Encoreaujourd’hui, une gêne entoure l’histoire <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers ours <strong>de</strong>s Pyrénées. La communication<strong>de</strong>s rapports d’autopsie <strong>de</strong>s ours "Papillon", "Cannelle", "Palouma" <strong>et</strong> "Franska" estmanifestement chose très difficile…La <strong>protection</strong> directe <strong>de</strong> l’espèce <strong>la</strong> plus emblématique <strong>de</strong> notre faune n’a été, au fond,qu’une succession <strong>de</strong> coups, sans gran<strong>de</strong> réflexion, servie par une justice encore peu au fait<strong>de</strong>s choses <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature.L’étu<strong>de</strong> plus approfondie <strong>de</strong> l’expérience cantabrique est une nécessité pour modifiernos pratiques.41


LA POLITIQUE PASTORALE DES ASSOCIATIONS DANS LES PYRENEESOCCIDENTALESDe <strong>la</strong> révolution à <strong>la</strong> désillusionDominique Boyer nous raconte que le berger ou le paysan <strong>de</strong> Lescun <strong>de</strong>s années 1970qui avait rencontré l’ours <strong>de</strong> près re<strong>de</strong>scendait <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne <strong>les</strong> « cheveux hérissés, <strong>et</strong>s’enfermait mu<strong>et</strong> chez lui ». Cependant, il n’y avait nulle trace <strong>de</strong> haine comme on le constateaujourd’hui auprès d’éleveurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> bergers. François Merl<strong>et</strong>, en septembre 2005, lui qui avaitconnu <strong>les</strong> mêmes bergers <strong>et</strong> paysans <strong>les</strong>cunois à partir <strong>de</strong>s années 1960, nous disait <strong>la</strong> mêmechose.On l’a vu, c’est en 1975 que Joël Tanguy-Le-Gac, C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> quelquesautres créent le Fonds d’intervention éco-pastoral (F.I.E.P.), première association <strong>de</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours qui entend as<strong>sur</strong>er <strong>la</strong> coexistence du pastoralisme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ours, <strong>et</strong> montreraux bergers qu’ils peuvent avoir intérêt à ce que l’ours fréquente leurs estives, alors qu’il estle gêneur voire l’ennemi héréditaire. On pense d’ailleurs que le berger peut <strong>de</strong>venir lemeilleur défenseur <strong>de</strong> l’ours par intérêt bien compris. La plupart <strong>de</strong>s bergers vivent alorspendant <strong>la</strong> saison d’estive au sein <strong>de</strong> cabanes assez voire très rustiques, sans liaison radio <strong>et</strong> leplus souvent sans accès routier. Il subsiste 25 ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, <strong>la</strong> démarche estprésentée comme révolutionnaire <strong>et</strong> elle est justifiée par l’inaction presque totale du Parcnational en matière <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours.C<strong>et</strong>te politique est soutenue alors par l’ensemble <strong>de</strong>s associations nationa<strong>les</strong>, au premierp<strong>la</strong>n le W.W.F. France, Artus puis Ferus, <strong>et</strong> <strong>les</strong> gran<strong>de</strong>s fédérations régiona<strong>les</strong> tel<strong>les</strong> que <strong>la</strong>S.E.P.A.N.S.O. ou Nature Midi-Pyrénées. Le F.I.E.P. part du principe qu’on ne peut isoler unanimal <strong>de</strong> son milieu <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong>s paysages végétaux où il évolue, pas plus que du cadrehumain <strong>dans</strong> lequel il s’insère. Elle se veut une nouvelle approche que celle du simplepaiement <strong>de</strong>s dégâts organisé dès <strong>les</strong> années 50 par l’Association <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> montagne,qui n’a malheureusement pas empêché <strong>la</strong> chute <strong>de</strong>s effectifs d’ours. Certains citent <strong>la</strong> créationdu Parc en 1967 comme source <strong>de</strong> crispation <strong>et</strong> <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>de</strong>structions.Pourtant, dès l’origine, <strong>de</strong>s voix discordantes se font entendre. Ainsi, en 1976, à Pau,lors d’un colloque international <strong>sur</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune <strong>de</strong>s Pyrénées, le biologiste allemand P<strong>et</strong>erRöben estime que <strong>les</strong> Français se trompent à encourager le pastoralisme. « Le pacage ne<strong>de</strong>vrait pas être encouragé. Il faudrait même favoriser l'abandon <strong>de</strong>s fermes <strong>et</strong> exploitationsagrico<strong>les</strong> <strong>dans</strong> toute <strong>la</strong> zone fréquentée par <strong>l'ours</strong>. [...] Rabâcher que le pâturage estabsolument nécessaire au maintien du milieu <strong>et</strong> du paysage montagnard est une erreur <strong>et</strong> unecontrevérité fondamentale. [...] En conclusion, perm<strong>et</strong>tez-moi une remarque quelque peuamère : il serait bon que le Parc National ne s'occupe pas exclusivement <strong>de</strong> développer l<strong>et</strong>ourisme <strong>et</strong> d'as<strong>sur</strong>er le bien-être <strong>de</strong>s bergers, mais - il me semble que c'est même sa vocationprioritaire - qu’il s'occupe également <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s espèces anima<strong>les</strong> <strong>et</strong> végéta<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>leur milieu <strong>de</strong> vie. »C’est aussi <strong>la</strong> position <strong>de</strong> Robert Hainard notamment exprimée lors d’un colloqueanalogue au mois <strong>de</strong> novembre 1981, qui entraîna une discussion franche avec C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> Louis Espinassous, ce <strong>de</strong>rnier alors agent du Parc. Voilà ce que pouvait écrireR. Hainard à Michel Terrasse <strong>de</strong>ux ans auparavant, au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>s fiers montagnards quirefusent <strong>la</strong> réserve d’Indiens mais poussent au grand programme immobilier du Soussouéouen vallée d’Ossau : « Ces sont <strong>de</strong>s sous-développés <strong>et</strong> ils le restent en se précipitant (comme42


le Tiers-Mon<strong>de</strong>) <strong>sur</strong> ce "Progrès", ce "développement" auquel nous ne croyons plus. » Ouencore, alors que <strong>la</strong> tentation pastorale est forte chez <strong>les</strong> naturalistes : « Vas-tu abandonner <strong>la</strong>photo pour élever <strong>de</strong>s moutons, seule communion vraie avec <strong>la</strong> nature ? »Ces voix très singulières furent écoutées mais pas comprises, tant el<strong>les</strong> sont enopposition avec <strong>la</strong> culture pastorale <strong>de</strong>s Pyrénées. Il est vrai aussi qu’un pastoralisme bienconduit <strong>et</strong> plus limité <strong>dans</strong> l’espace est compatible avec <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> même duloup. Une telle réalité s’observe <strong>dans</strong> <strong>de</strong> nombreux pays dits mo<strong>de</strong>rnes.L’idée généreuse <strong>de</strong> venir en ai<strong>de</strong> aux bergers, fut celle <strong>de</strong> Joël Tanguy-Le-Gac,naturaliste pyrénéen très doué <strong>et</strong> créateur par ailleurs en 1979 avec Jean-François Terrassed’Organbi<strong>de</strong>xka Col Libre. Figure incontournable <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>, décédé en 2006, Joël Tanguy-Le-Gac fut aussi un <strong>de</strong>s piliers <strong>de</strong> <strong>la</strong>première Société d’Etu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> Protection <strong>et</strong> d’Aménagement <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature en Sud-Ouest,section du Béarn (S.E.P.A.N.S.O. Béarn), à l’occasion notamment du grand conflit autour <strong>de</strong>slourds proj<strong>et</strong>s immobiliers <strong>dans</strong> le Soussouéou (vallée d’Ossau). C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che, qui futprési<strong>de</strong>nt du F.I.E.P. <strong>de</strong> sa création en 1975 jusqu’au 31 décembre 1985, constate aujourd’huique l’ « argent n’a pas suffit » <strong>et</strong> que ce concept était au fond très « urbain ».En 1979, le F.I.E.P. verse <strong>les</strong> premières in<strong>de</strong>mnités <strong>de</strong> dérangement aux bergers.L’argent provient du Fonds mondial pour <strong>la</strong> nature (W.W.F.) puis viendra <strong>de</strong> l’État. L<strong>et</strong>émoignage <strong>de</strong> Dominique Boyer, naturaliste <strong>et</strong> photographe alors membre du F.I.E.P., quisigna <strong>les</strong> premiers chèques aux bergers, illustre toute l’ambiguïté <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> cesnaturalistes sincères. Son grand-père, berger basque, à qui il explique leur démarche répond :« Ils vont se moquer mais ils te prendront l’argent. » Pour l’essentiel, c’est bien ce qui estarrivé.Une autre politique aurait pu voir le jour mais elle fut sans len<strong>de</strong>main. À <strong>la</strong> charnière <strong>de</strong>sannées 70 <strong>et</strong> 80, D. Boyer avait proposé à l’association d’ach<strong>et</strong>er une coupe <strong>de</strong> bois <strong>dans</strong> unsecteur <strong>de</strong> Lescun très favorable à l’ours qui y séjournait <strong>la</strong> journée (couches diurnes). Unemajorité <strong>de</strong>s membres ayant refusé c<strong>et</strong>te idée pour se consacrer à sa politique pastorale, ilquitta le F.I.E.P. Un <strong>de</strong>s rares proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> conservation directe <strong>de</strong> l’espace ursin fut mené en1985. Un proj<strong>et</strong> d’allongement d’une piste <strong>dans</strong> un secteur très favorable <strong>de</strong> <strong>la</strong> communed’Etsaut mobilise alors <strong>les</strong> associations. Une solution audacieuse est même imaginée <strong>et</strong> miseen pratique par <strong>la</strong> Fédération S.E.PA.N.S.O. qui, avec l’ai<strong>de</strong> d’associations nationa<strong>les</strong> <strong>et</strong>régiona<strong>les</strong>, achète une propriété qui perm<strong>et</strong>trait <strong>de</strong> bloquer le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> piste. La piste ne vitpas le jour.Très tôt, <strong>les</strong> élus, <strong>et</strong> le tout jeune conseiller général <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Aspe, Jean Lassalle,comprirent l’intérêt <strong>de</strong> récupérer ces actions, comme ils récupérèrent par exemple <strong>la</strong> station <strong>de</strong>ski <strong>de</strong> fond du Somport, d’abord <strong>de</strong> taille mo<strong>de</strong>ste <strong>et</strong> <strong>de</strong> fonctionnement associatif, pour enfaire ce que nous savons en parfaite vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s lois.Un héliportage du matériel <strong>de</strong>s bergers réalisé par le F.I.E.P. en début <strong>de</strong> saison d’estivele 2 juill<strong>et</strong> 1983 <strong>sur</strong> <strong>les</strong> communes d’Etsaut <strong>et</strong> <strong>de</strong> C<strong>et</strong>te-Eygun avait fait grand bruit <strong>dans</strong> <strong>la</strong>vallée. Immédiatement, Jean Lassalle écrit au F.I.E.P., évoque un flot d’appels pressantsvenant <strong>de</strong> bergers <strong>de</strong>mandant à en bénéficier aussi, souhaite <strong>de</strong>s renseignements <strong>et</strong> remerciel’association <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te initiative tout en regr<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> ne pas avoir été informé avant 49 .Quid aujourd’hui ? Le quotidien Sud Ouest a fait paraître un article ce 5 juin 2008 :« L’hélico, le bâton <strong>de</strong>s bergers ». Les bergers qui répon<strong>de</strong>nt aux critères d’isolement <strong>et</strong> <strong>de</strong>49 Archives <strong>de</strong> C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che.43


situation en zone à ours ont droit à trois rotations gratuites. Ainsi Jeannine Loustau, bergèreavec son frère à l’estive <strong>de</strong> Lapassa (Aspe), déc<strong>la</strong>re : « "Pour nous, c’est super ! On nepourrait plus s’en passer. C’est bien <strong>et</strong>… c’est grâce à l’I.P.H.B." dit-elle presqu’ens’excusant. »A <strong>la</strong> question du journaliste : « Les héliportages étaient au départ une compensation parrapport à <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ours… », Didier Hervé, directeur <strong>de</strong> l’I.P.H.B. répond : « Au départ,oui. Puis, il y a eu un basculement parce que l’économie pastorale s’est développée. Lescontraintes par rapport aux ours existent toujours, mais c’est <strong>sur</strong>tout <strong>la</strong> nécessité du berger quiest là <strong>et</strong> à <strong>la</strong>quelle il faut répondre. Les bergers ont besoin <strong>de</strong> matériel pour fabriquer lefromage. »Voilà une bonne illustration <strong>de</strong> <strong>la</strong> récupération par l’I.P.H.B. qui réalise <strong>de</strong>s missionsautrefois créées par le F.I.E.P., <strong>et</strong> qui <strong>les</strong> détournent complètement <strong>de</strong> leur raison première.Rappelons qu’il ne reste que trois ou quatre ours <strong>dans</strong> toutes <strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>.Le vrai problème n’a jamais été l’ours« Il serait bon <strong>de</strong> rappeler que le kilo <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> mouton produit en France est ach<strong>et</strong>é22 francs au producteur. Le même kilo <strong>de</strong> mouton néo-zé<strong>la</strong>ndais arrive en France à 13 francs.Huit ours en plus ou en moins ne changeront pas le fait que <strong>la</strong> production française ne couvreplus que 50% <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation nationale contre 75% il y a 20 ans » Ainsi s’exprimeFrançois Moutou <strong>dans</strong> une l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> janvier 1994 adressée au cabin<strong>et</strong> du ministère <strong>de</strong>l’Environnement, au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> signature <strong>de</strong> <strong>la</strong> "Charte du développement durable <strong>de</strong>svallées béarnaises <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours". C<strong>et</strong>te question est toujours aussi brû<strong>la</strong>nte.Une autre question tabou est celle <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies du bétail. Le 8 avril <strong>de</strong>rnier, nousapprenions que le Premier Ministre annonçait un déblocage <strong>de</strong> 6 millions d’euros d’ai<strong>de</strong> auxéleveurs pour faire face à <strong>la</strong> gravité <strong>de</strong> l’épizootie <strong>de</strong> fièvre catarrhale ovine. Le 20 mars, M.Barnier, ministre <strong>de</strong> l’Agriculture annonçait que le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> vaccination en cours était le plusimportant jamais mis en p<strong>la</strong>ce en France. Dans <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, sontconcernés 330 000 bovins <strong>et</strong> 600 000 ovins 50 !Pour occulter ce problème <strong>de</strong> fond, <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> politiques <strong>et</strong> syndicaux ont toujoursattisé <strong>la</strong> haine <strong>de</strong> l’ours, avec <strong>la</strong> complicité <strong>de</strong> nombreux médias qui raffolent <strong>de</strong> titresven<strong>de</strong>urs. Ainsi, <strong>les</strong> attaques d’ours ont toujours été <strong>sur</strong>estimées. En nombre d’une part. De1968 à 1991, le prélèvement <strong>de</strong> l’ours représente en moyenne 0,1% du cheptel présent <strong>dans</strong> <strong>la</strong>zone à ours <strong>de</strong>s Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> (1039 attaques pour 1681 bêtes tuées en 24 ans) 51 . Il esttrès inférieur à <strong>la</strong> mortalité par acci<strong>de</strong>nt, ma<strong>la</strong>die <strong>et</strong> attaques <strong>de</strong>s chiens. En intensité d’autrepart. Comme pour tous <strong>les</strong> prédateurs, l’homme exagère ce qui est reproché au sauvage pourpardonner ce qui revient au domestique, son chien par exemple. Combien d’histoires qui noussont rapportées <strong>de</strong> bonnes sources, toujours ora<strong>les</strong>, où l’ours a le bon dos <strong>et</strong> le chien est oubliéou puni discrètement.La peur fantasmatique <strong>de</strong> l’ours d’origine slovène est également nourrie par <strong>les</strong>adversaires <strong>de</strong> l’ours. Les plus acharnés sont même <strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s défenseurs <strong>de</strong>s ours <strong>de</strong>sPyrénées qu’ils contribuèrent à faire éliminer ! Ainsi, l’ancien maire <strong>de</strong> Bielle, ex-conseillergénéral du canton du Haut-Ossau <strong>et</strong> ex-prési<strong>de</strong>nt du puissant Syndicat du Haut Ossau,50 Source Sud-Ouest Béarn <strong>et</strong> Soule.51 F.I.E.P., L. Né<strong>de</strong>lec, op.cit., 1994.44


Bay<strong>la</strong>ucq écrivait : « L'ours brun <strong>de</strong>s Pyrénées est fin, très élégant, <strong>la</strong> robe c<strong>la</strong>ire <strong>et</strong> <strong>la</strong> têtefine. L'ours slovène est énormément massif <strong>et</strong> grand, <strong>la</strong> tête ron<strong>de</strong> <strong>et</strong> le pe<strong>la</strong>ge presque noir.L'ours brun <strong>de</strong>s Pyrénées est presque totalement herbivore ; il tue pour son équilibrehormonal. Son organisme lui réc<strong>la</strong>me <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> à <strong>la</strong> pousse <strong>de</strong> l'herbe excessivementazotée, en juin en montagne ; <strong>et</strong> fin septembre, gavé <strong>de</strong> fruits d'une flore riche d'été il éprouveun besoin <strong>de</strong> consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>. Les pertes occasionnées par <strong>les</strong> 7 ours <strong>de</strong>s Pyrénéespeuvent s'évaluer à une moyenne <strong>de</strong> 44 brebis par an. L'ours slovène tue en permanence ; c'estainsi que 4 ours ont tué en un an 269 brebis en en ont fait disparaître 1066, soit un total <strong>de</strong>1335 / 4 = 333 brebis par ours. L'ours brun <strong>de</strong>s Pyrénées est peu chasseur. L'ours slovène estun carnassier. De par sa puissance il est à même d'éliminer <strong>les</strong> mâ<strong>les</strong> pyrénéens <strong>et</strong> donc <strong>de</strong>détruire <strong>l'ours</strong> <strong>de</strong>s pyrénées. 52 » Fichtre !Ce fantasme n’atteint pas simplement <strong>les</strong> pires adversaires <strong>de</strong> Lou Moussu, maiscertains bergers plutôt favorab<strong>les</strong>. Ainsi, <strong>sur</strong> le marché biologique <strong>de</strong> Pau, nous avions en2003 ou 2004 eu c<strong>et</strong>te conversation assez sidérante avec une productrice <strong>de</strong> fromagesympathique <strong>et</strong> sincère originaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Ossau :- Que pensez-vous <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> nos montagnes ?- Celui <strong>de</strong>s Pyrénées ne nous pose pas <strong>de</strong> problèmes, mais celui <strong>de</strong> Slovénie c’est paspareil…- Avez-vous subi <strong>de</strong>s dégâts ?- Non, mais <strong>de</strong>s amis ariégeois nous ont envoyé <strong>de</strong>s photos, <strong>et</strong> ce n’est pas joli.- Je veux bien vous croire car un cadavre d’animal n’est pas joli à regar<strong>de</strong>r, mais ici enBéarn, l’ours Néré qui est d’origine slovène, après avoir commis pas mal <strong>de</strong> dégâts là où <strong>les</strong>troupeaux ne sont pas gardés, eh bien il est très calme. Alors que l’ours "Papillon" qui étaitbien béarnais, lui il a tué pas mal <strong>de</strong> moutons à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> sa vie quand il était très diminuéphysiquement.- silence…- Oui, mais l’ours slovène il est pas pareil…Même constat sous <strong>la</strong> plume du journaliste Txomin Laxalt en 2005 :« La réintroduction <strong>de</strong> l’ours, qui alimente <strong>les</strong> conversations <strong>sur</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong>cafés <strong>de</strong> Laruns, nourrissant <strong>de</strong>s peurs ancestra<strong>les</strong>, inquiète plus que <strong>les</strong> perspectiveséconomiques. "L’ours pyrénéen, à <strong>la</strong> limite, on le connaît, <strong>et</strong> il connaît son environnement, onpourrait faire avec. Mais pas avec l’ours slovène, sa réintroduction serait une catastrophe",affirme-t-il catégorique. L’heure sonne du changement <strong>de</strong> pâture <strong>dans</strong> ce pré, au pied <strong>de</strong>spremiers <strong>la</strong>c<strong>et</strong>s du Pourtal<strong>et</strong>. Il endosse son blouson <strong>et</strong> se saisit du bâton. Baptiste trotte-menu,fait <strong>de</strong> même. Dans c<strong>et</strong>te famille, on est berger <strong>de</strong> père en fils. 53 »On ajoutera que <strong>les</strong> perspectives économiques, el<strong>les</strong>, inquiètent sérieusement <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion non pastorale qui est très majoritaire <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées, <strong>et</strong> dont certains disentofficieusement toute leur colère face aux attitu<strong>de</strong>s du mon<strong>de</strong> pastoral choyé par <strong>les</strong> autoritésquand <strong>les</strong> autres souffrent en silence. On remarquera c<strong>et</strong>te volonté, « à <strong>la</strong> limite », <strong>de</strong> faireavec <strong>les</strong> ours <strong>de</strong>s Pyrénées alors qu’il ne reste plus que trois ou quatre mâ<strong>les</strong> <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> mort <strong>de</strong>l’ourse "Cannelle".52 « Le Béarn : <strong>les</strong> vallées d'Aspe, d'Ossau <strong>et</strong> Barétous où <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s femmes s'aventurent <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>dans</strong>e<strong>de</strong>s Ours », mars 2001.53 « Le berger, l’âme <strong>de</strong>s estives », Pyrénées Magazine, juill<strong>et</strong>-août 2005.45


La <strong>de</strong>rnière doctrine à <strong>la</strong> mo<strong>de</strong> : le « risque zéro » !On sait tous que <strong>la</strong> vie suppose le risque <strong>et</strong> <strong>la</strong> mort, mais aux ours on ne veut plus rienpardonner. C’est ainsi qu’est née une doctrine du fameux <strong>et</strong> impossible « risque zéro ».Dominique Boyer, lui, nous dit que <strong>la</strong> première <strong>de</strong>s choses serait d’accepter que l’oursmange <strong>de</strong> temps à autre <strong>de</strong>s brebis, à l’opposé du « risque zéro ». C<strong>et</strong>te réflexion n’est pasneuve mais elle passe très mal auprès <strong>de</strong>s autorités. Il est donc temps <strong>de</strong> s’emparer <strong>de</strong> c<strong>et</strong>teévi<strong>de</strong>nce qu’on lisait en 1964 <strong>dans</strong> Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature :« En adm<strong>et</strong>tant que <strong>de</strong> temps à autre, une ourse suitée ou un ours âgé tue <strong>de</strong>s bêtesdomestiques, <strong>la</strong> contre-valeur argent <strong>de</strong> quelques moutons ne représentent rien à côté <strong>de</strong> <strong>la</strong>valeur scientifique, esthétique, culturelle <strong>et</strong> touristique que représente <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vivance <strong>de</strong>s ours<strong>dans</strong> notre pays. 54 »Revenant d’une sortie <strong>sur</strong> une estive <strong>de</strong> <strong>la</strong> haute vallée d’Aspe, autrefois très réputéepour <strong>les</strong> observations d’ours qu’on pouvait y faire, le même D. Boyer nous dit : « aujourd’hui,on dirait Alcatraz ! » Les clôtures <strong>et</strong> autres systèmes <strong>de</strong> <strong>protection</strong> fleurissent comme jamais.Un berger qui fut longtemps <strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te estive nous confiait un jour, <strong>dans</strong> une discussion àbâtons rompus en pleine montagne, que l’ours n’avait jamais commis <strong>de</strong> dégâts <strong>sur</strong> sontroupeau, car il prenait <strong>les</strong> précautions qui s’imposaient. Il est arrivé à ce berger <strong>de</strong> voir l’oursà l’orée du bois alors qu’il trayait ses brebis. Peut-être ce berger répond-il à c<strong>et</strong>te réflexion dusénateur Bailly, grand défenseur <strong>de</strong> l’élevage, notant que l’élevage se caractérise par <strong>de</strong>sconditions <strong>de</strong> travail diffici<strong>les</strong>, qui supposent une gran<strong>de</strong> disponibilité, notamment pouras<strong>sur</strong>er le gardiennage, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s compétences techniques qui ne s’improvisent pas 55 . En termesmoins diplomatiques, nous dirons que l’élevage est un métier. Entre le véritable élevage <strong>et</strong>une quasi divagation, il existe un gouffre.Ce fumeux « risque zéro », qui part d’un bon sentiment (mais on ne fait rien <strong>de</strong> bon avec<strong>de</strong> bons sentiments…) sert en réalité <strong>la</strong> vraie doctrine, dangereuse, développée chez <strong>les</strong> grandsélus du Haut Béarn, gauche <strong>et</strong> droite confondus. Pour ces élus proches du lobby agropastoral,pas le berger qui fabrique du fromage <strong>sur</strong> l’estive, non celui <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s usines à <strong>la</strong>it, lepastoralisme s’étant développé ces <strong>de</strong>rnières décennies (faut-il rappeler <strong>et</strong> marteler que c’esten partie grâce à l’ours <strong>et</strong> <strong>sur</strong> son dos), il ne faut plus aujourd’hui ajouter <strong>de</strong> contraintes,comme l’apport <strong>de</strong> nouveaux ours d’origine slovène.Nous combattons farouchement une telle manière <strong>de</strong> voir <strong>les</strong> choses, d’ailleurs àl’opposé <strong>de</strong>s volontés <strong>de</strong> bergers fromagers qui souhaitent cohabiter avec l’ours mais quidoivent se taire aujourd’hui. Ils représentaient un tiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> profession au début <strong>de</strong> <strong>la</strong>décennie 80, cinq ans après <strong>les</strong> débuts du F.I.E.P. 56 Ils sont bien plus nombreux qu’on nel’imagine mais, excepté <strong>de</strong>ux d’entre eux en Béarn, <strong>les</strong> autres se taisent sous <strong>la</strong> pressionsociale <strong>et</strong> sous celle <strong>de</strong>s maires <strong>et</strong> responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong>s commissions syndica<strong>les</strong> qui détiennent lepouvoir <strong>de</strong> louer <strong>les</strong> estives. Combien nous disent qu’ils ne peuvent s’exprimer librement. Unvisiteur trop pressé ne s’en rendra pas compte : c<strong>et</strong>te société est c<strong>la</strong>nique avec tout ce qu’el<strong>les</strong>uppose <strong>de</strong> solidarité <strong>et</strong> <strong>de</strong>… persécution. Un berger emblématique comme Joseph Paroix, quia travaillé avec le F.I.E.P., a écrit <strong>de</strong> superbes pages <strong>sur</strong> son métier <strong>et</strong> <strong>sur</strong> l’ours, est même<strong>de</strong>venu un opposant aux réintroductions <strong>et</strong> a d’ailleurs réc<strong>la</strong>mé le r<strong>et</strong>rait du Béarn <strong>de</strong> l’ours54 « Il faut sauver nos <strong>de</strong>rniers ours », n°12, 1964.55 <strong>Rapport</strong> précité, page 93.56 Jean-Pierre Farthouat, <strong>Rapport</strong> <strong>de</strong> synthèse <strong>sur</strong> le problème <strong>de</strong> ma sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours bruns (Ursus arctos)<strong>de</strong>s Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>, janvier 1981, page 11 (enquête <strong>de</strong> M. Dal<strong>la</strong> Rosa).46


"Néré". C’est le r<strong>et</strong>our au c<strong>la</strong>n pour bien <strong>de</strong>s raisons d’angoisse <strong>de</strong>vant l’avenir ou <strong>de</strong>manipu<strong>la</strong>tions diverses <strong>et</strong> variées 57 .L’ultime hypocrisieDe <strong>la</strong> révolution <strong>de</strong> 1975, il reste <strong>de</strong> très bonnes me<strong>sur</strong>es mais aussi d’amèresdésillusions. L’ultime hypocrisie <strong>de</strong>s responsab<strong>les</strong> politiques <strong>et</strong> syndicaux agrico<strong>les</strong> est <strong>de</strong>maintenir <strong>la</strong> fiction d’une popu<strong>la</strong>tion d’ours, en réalité un <strong>de</strong>rnier carré peut-être bienconstitué d’un seul mâle d’origine pyrénéenne, désigné sous le nom d’"Aspe Ouest", du mâle"Néré", d’origine slovène <strong>et</strong> <strong>de</strong> "Cannelito" ou "Mohican", fruit <strong>de</strong> "Cannelle" <strong>et</strong> <strong>de</strong> "Néré".Une empreinte d’ours comme logo <strong>de</strong> l’office <strong>de</strong> tourisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Aspe <strong>et</strong> un zooabritant désormais six ours à Borce 58 suffiront-el<strong>les</strong> longtemps à faire croire aux touristes <strong>et</strong>donc à une partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> France que l’ours est sauvegardé en Béarn <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénéesocci<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> ?Osons c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière remarque subversive en pays pastoral : On ne dit jamais assez quece sont <strong>les</strong> moutons qui envahissent en fin <strong>de</strong> printemps le domaine <strong>de</strong> l’ours, <strong>et</strong> non l’inverse.Il est <strong>de</strong>venu très urgent <strong>de</strong> renforcer l’ultime tribu <strong>de</strong> Mohicans du Béarn ! Touteinaction aurait <strong>les</strong> conséquences <strong>les</strong> plus graves pour <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vie <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers ours <strong>et</strong> <strong>la</strong>préservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> richesse naturel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s montagnes béarnaises.Griffa<strong>de</strong>s d’ours en haute vallée d’Aspe. Sans apport <strong>de</strong> sang neuf, ce sera bientôt une découverteimpossible, septembre 2007. (S. Carbonnaux).57 On lira notamment Vivre avec l’ours <strong>de</strong> Farid Benhammou, Editions Hesse, 2005.58 Dans un espace ridicule (lire <strong>sur</strong> le site <strong>de</strong> Ferus <strong>et</strong> <strong>dans</strong> La Gaz<strong>et</strong>te <strong>de</strong>s grands prédateurs, n°17, automne 2005 : S.Carbonnaux « En Béarn, même morts, <strong>les</strong> ours rapportent ! »47


LE PASTORALISME ET LA PRETENDUE BIODIVERSITEOU JAMAIS L’HOMME, MÊME AVEC SON MOUTON, N’A CREE LA MOINDRE ORCHIDEE 59Au fil <strong>de</strong>s années, <strong>la</strong> question du maintien du pastoralisme pour défendre <strong>la</strong> biodiversitéest <strong>de</strong>venue centrale au regard <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune, <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ours brun enparticulier. C<strong>et</strong>te question est d’autant plus importante qu’elle est instrumentalisée par <strong>les</strong>éleveurs <strong>les</strong> plus opposés à l’ours, que nous appelons ultrapastoraux, <strong>et</strong> par extensionadversaires <strong>de</strong>s prédateurs.DéfinitionsOn ne définit jamais assez <strong>les</strong> mots que l’on utilise. Le pastoralisme paraît banal.Vraiment ? Le terme pastoralisme est sans doute d’apparition assez récente, Littré ne lementionne pas <strong>dans</strong> son dictionnaire. On y trouve pastoral : qui appartient aux pasteurs ou auxbergers. Comme <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s termes formés avec le suffixe « isme », le pastoralisme porteen lui une vision du mon<strong>de</strong>, un contenu idéologique. Lequel ? Celui d’un mon<strong>de</strong> façonné parl’homme <strong>de</strong> <strong>la</strong> civilisation agro-pastorale.Le terme biodiversité est né encore plus récemment. Ce n’est qu’au milieu <strong>de</strong>s années80 qu’il est créé à partir <strong>de</strong> l’expression anglophone biological diversity, <strong>et</strong> c’est à l’occasiondu somm<strong>et</strong> p<strong>la</strong>nétaire <strong>de</strong> Rio <strong>de</strong> Janeiro en juin 1992, qu’il fera vraiment <strong>sur</strong>face. L’article 2<strong>de</strong> <strong>la</strong> Convention <strong>sur</strong> <strong>la</strong> diversité biologique définit <strong>la</strong> biodiversité comme : « <strong>la</strong> variabilité <strong>de</strong>sorganismes vivants <strong>de</strong> toute origine y compris, entre autres, <strong>les</strong> écosystèmes terrestres, marins<strong>et</strong> autres écosystèmes aquatiques <strong>et</strong> <strong>les</strong> complexes écologiques dont ils font partie; ce<strong>la</strong>comprend <strong>la</strong> diversité au sein <strong>de</strong>s espèces <strong>et</strong> entre espèces ainsi que celle <strong>de</strong>s écosystèmes. »L’écologue, naturaliste <strong>et</strong> essayiste Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Génot a cependant bien raison <strong>de</strong> seméfier d’un terme aujourd’hui très galvaudé : « voilà un terme savant, tout droit sorti <strong>de</strong>suniversités, agréé par <strong>les</strong> États lors d’une convention internationale <strong>et</strong> <strong>la</strong>rgement diffusé par<strong>les</strong> médias. C’est l’auberge espagnole, on y trouve tout ce qu’on y apporte, du virus à l’ours,<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte <strong>la</strong> plus banale à <strong>la</strong> plus rare. Le fait que tous <strong>les</strong> aménageurs s’en soientemparés comme d’un saint sacrement me le rend <strong>de</strong> plus en plus suspect. C’est un écran <strong>de</strong>fumée, qui cache n’importe quoi, <strong>de</strong>s doug<strong>la</strong>ss introduits pas <strong>les</strong> forestiers aux lâchersd’espèces stressées <strong>de</strong>s chasseurs. 60 »L’essayiste Jaime Semprun, lui, a décelé <strong>de</strong>rrière <strong>la</strong> création <strong>de</strong>s néologismes <strong>de</strong> ce typel’extension du calcul rationnel à tous <strong>les</strong> aspects <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. « Grâce à ces nouveaux mots, là oùil n’y avait qu’indistinction <strong>et</strong> vague sentimentalisme, on analyse <strong>de</strong>s données, on spécifie <strong>de</strong>sfonctions, on é<strong>la</strong>bore <strong>de</strong>s procédures. Et ce faisant on arrache <strong>les</strong> notions aux songeries dusubstantialisme, à <strong>la</strong> fantaisie <strong>de</strong>s définitions qualitatives, au vieil animisme qui imprégnaittant <strong>de</strong> définitions traditionnel<strong>les</strong>. Pour apprécier <strong>les</strong> progrès ainsi accomplis, il faut fairel’effort <strong>de</strong> se souvenir qu’on n’a par exemple pas toujours connu ni me<strong>sur</strong>é <strong>la</strong> biodiversité,mais qu’autrefois un archéolocuteur <strong>de</strong>vait se contenter <strong>de</strong> parler à ce suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’"exubéranteprodigalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature", <strong>et</strong> autres clichés du même tonneau. 61 »59 Nous empruntons c<strong>et</strong>te expression à Gilbert Coch<strong>et</strong>, voir ci-après.60 Ecologiquement correct ou <strong>protection</strong> contre nature ? Édisud, 1998. Le premier essai, tonique, <strong>de</strong> J.-C. Génot.61 Défense <strong>et</strong> illustration <strong>de</strong> <strong>la</strong> nov<strong>la</strong>ngue française, Éditions <strong>de</strong> l’encyclopédie <strong>de</strong>s nuisances, 2005, pp.28 <strong>et</strong> 29.Un excellent p<strong>et</strong>it ouvrage qui s’inscrit <strong>dans</strong> le combat <strong>de</strong> George Orwell contre <strong>la</strong> substitution du <strong>la</strong>ngage.48


C’est pourquoi, nous préférons toujours le terme <strong>de</strong> nature, déjà défini par ailleurs.Repères <strong>historique</strong>sAvant tout, faisons ce qu’on ne fait jamais assez : reprenons <strong>les</strong> échel<strong>les</strong> <strong>de</strong> temps,comme le propose François Moutou, vétérinaire <strong>et</strong> épidémiologiste à l’Agence française <strong>de</strong>sécurité sanitaire <strong>de</strong>s aliments (A.F.S.S.A.), prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société française d’étu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong>s mammifères (S.F.E.P.M.) <strong>et</strong> membre du comité scientifique <strong>de</strong> Ferus.La preuve <strong>la</strong> plus ancienne <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence humaine en Europe est celle d’un fragment <strong>de</strong>mandibule <strong>et</strong> d’une prémo<strong>la</strong>ire inférieure vieux <strong>de</strong> 1,2 à 1,3 million d’années, découvertsrécemment <strong>sur</strong> le site pré<strong>historique</strong> d’Atapuerca (Burgos, Espagne). L’art apparaît entre 30 <strong>et</strong>40 000 ans en Europe. La statue d’ours <strong>de</strong> <strong>la</strong> grotte <strong>de</strong> Montespan (Haute-Garonne, Pyrénées),considérée comme <strong>la</strong> plus vieille au mon<strong>de</strong>, a 15 ou 20 000 ans d’âgeLes moutons, chèvres <strong>et</strong> bœufs furent domestiquées au 9 ème millénaire avant J.-C., auProche-Orient <strong>et</strong> sont apparus en Europe occi<strong>de</strong>ntale il y a environ 7 à 7 500 ans. Dans <strong>les</strong>Pyrénées, l’élevage s’impose il y a environ 5 000 ans. Au regard <strong>de</strong> l’échelle du temps,rapportée à plus d’un million d’années, l’élevage est très mo<strong>de</strong>rne. Rappelons que <strong>la</strong>domestication est l’asservissement préférentiel <strong>et</strong> déformant d’une fraction <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature,végétale ou animale. La gran<strong>de</strong> faune sauvage, présente bien avant <strong>la</strong> colonisation humaine <strong>et</strong><strong>la</strong> domestication, était beaucoup plus riche qu’aujourd’hui.Car <strong>la</strong> civilisation agro-pastorale s’est <strong>sur</strong>tout illustrée par un appauvrissement accéléré<strong>de</strong> <strong>la</strong> faune européenne. Parmi d’autres, <strong>les</strong> travaux <strong>de</strong> Jean-Denis Vigne, directeur <strong>de</strong>recherches au C.N.R.S. <strong>et</strong> par ailleurs directeur d’un <strong>la</strong>boratoire d’archéozoologie au Muséumnational d’histoire naturelle, démontrent <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s importants <strong>de</strong> <strong>la</strong> société néolithique <strong>sur</strong> <strong>la</strong>nature. Dans son passionnant ouvrage Les origines <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture. Les débuts <strong>de</strong> l’élevage 62 , <strong>et</strong>sous un chapitre intitulé « La "domestication <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature" », Jean-Denis Vigne, dressel’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> chute complète <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité <strong>de</strong>s î<strong>les</strong> méditerranéennes engagée dès lenéolithique, sous l’action <strong>de</strong>s hommes agriculteurs <strong>et</strong> éleveurs. C’est ainsi que nous apprenonsque <strong>les</strong> mammifères autochtones <strong>de</strong> Corse ont tous disparu (5 espèces dont 3 au moinsprobablement par <strong>la</strong> faute <strong>de</strong> l’homme), i<strong>de</strong>m en Crète à l’exception d’une musaraigne. J.-D.Vigne n’hésite pas à parler <strong>de</strong> « catastrophe écologique » car ces espèces endémiques ontdisparu à tout jamais. « À l’échelle du Bassin méditerranéen, c’est donc une chute globale quis’est produite. Même si l’on ne peut pas affirmer que l’extinction <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille(éléphant, hippopotame nain, cervidés…) soit le fait <strong>de</strong> l’homme, il y a fort à parier que celle<strong>de</strong>s rongeurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s insectivores résulte, <strong>dans</strong> toutes <strong>les</strong> î<strong>les</strong> comme en Corse, <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>sdégradations du paysage liées aux activités agro-pastora<strong>les</strong> engagées dès le néolithique. »Sur le continent européen, <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune qui subsiste (ours, loups, lynx, gloutons <strong>et</strong>ongulés sauvages) est l’ombre <strong>de</strong> ce qu’elle fut. Le cheval sauvage <strong>et</strong> l’aurochs ou bœufsauvage ont disparu à <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>historique</strong>. Le bison a été sauvé in extremis en Pologne,l’é<strong>la</strong>n a considérablement régressé, <strong>et</strong>c.Revenons à Jean-Denis Vigne qui va encore plus loin <strong>dans</strong> sa conclusion <strong>et</strong> stimule <strong>de</strong>srecherches pour le moins excitantes : « L’histoire longue, celle qui voit plus loin que le bout<strong>de</strong> ses textes, celle qui inscrit <strong>la</strong> préhistoire <strong>dans</strong> ses préoccupations, apporte aussi matière à62 Edité par Le Pommier, 2004.49


éflexion aux citoyens occi<strong>de</strong>ntaux pressés du XXIe siècle que nous sommes. La lenteur <strong>de</strong>sprocessus <strong>de</strong> domestication, <strong>les</strong> hésitations dont ils témoignent incitent à penser que <strong>les</strong>générations qui <strong>les</strong> ont menés n’avaient pas conscience <strong>de</strong> <strong>la</strong> voie <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quelle, irrémédiable,el<strong>les</strong> engageaient l’humanité tout entière. »Mythe fondateurNous avons tous appris à l’école c<strong>et</strong>te phrase célèbre du duc <strong>de</strong> Sully : « Labourage <strong>et</strong>pâturage sont <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux mamel<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. » Elle démontre toute l’importance d’unecivilisation agro-pastorale vieille <strong>de</strong> plusieurs millénaires qui a <strong>la</strong>rgement façonné <strong>la</strong> France <strong>et</strong>donc nos représentations menta<strong>les</strong>. Nous pourrions citer <strong>de</strong>s dizaines d’exemp<strong>les</strong> <strong>de</strong> Ronsardà Henri Vincenot en passant par Versail<strong>les</strong>. Notre pays est très jardiné, <strong>et</strong> même s’il comportequelques beaux écosystèmes il n’est pas un lieu idéal pour sentir <strong>et</strong> observer comment <strong>la</strong>nature s’exprime librement en Europe. Une très gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong> nos contemporains n’aqu’une faible connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> se nourrit du mythe, encore inoxydable, d’un milieubon à vivre parce que domestiqué <strong>et</strong> habité par l’homme.Voilà ce qu’on peut lire <strong>dans</strong> Le Courrier <strong>de</strong> l’environnement <strong>de</strong> l’Institut national <strong>de</strong>recherche agronomique à propos d’un recueil <strong>de</strong> textes <strong>et</strong> <strong>de</strong> peintures <strong>sur</strong> le thème du jardin,du paysage <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, paru en 1997 : « Dans <strong>les</strong> prés d’aujourd’hui, <strong>la</strong> nouvelle nature esten gestation. C’est le lieu du p<strong>la</strong>isir, <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité, du bonheur. Un É<strong>de</strong>n <strong>de</strong> pur<strong>et</strong>é <strong>et</strong> <strong>de</strong>beauté, d’arbres, <strong>de</strong> fleurs <strong>et</strong> d’eaux. À regar<strong>de</strong>r comme <strong>de</strong>s paysages idylliques <strong>de</strong>campagnes, <strong>de</strong> montagnes <strong>et</strong> <strong>de</strong> vallées champêtres ou sauvages. À façonner comme <strong>de</strong>sjardins. Artificiels, ces paysages, ces campagnes <strong>et</strong> ces jardins ? Certainement. La biodiversitéest proj<strong>et</strong> trop sérieux pour être <strong>la</strong>issé à <strong>la</strong> seule nature. "La nature est <strong>dans</strong> le pré. Cours yvite, cours y vite. La nature est <strong>dans</strong> le pré, cours y vite, elle va filer." »En France, une évi<strong>de</strong>nce : <strong>les</strong> questions relevant <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité,relèvent vite <strong>de</strong> l’idéologie.François Rama<strong>de</strong>, scientifique <strong>et</strong> naturaliste français <strong>de</strong> réputation internationale 63 , un<strong>de</strong>s meilleurs connaisseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité, au fil d’une vie d’une vie <strong>de</strong>recherches <strong>et</strong> <strong>de</strong> voyages <strong>dans</strong> près <strong>de</strong> 54 pays <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> continents, évoque pour nous c<strong>et</strong>te« exception française » en matière <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, ce véritable « discoursidéologique » qui va à l’encontre <strong>de</strong>s données scientifiques, s’en rem<strong>et</strong> à une « gestion » dontle but est, non <strong>de</strong> conserver <strong>la</strong> nature, mais <strong>de</strong>s pratiques <strong>et</strong> techniques soit disanttraditionnel<strong>les</strong>. Il serait grand temps <strong>de</strong> lire <strong>et</strong> d’écouter nos bril<strong>la</strong>nts chercheurs en <strong>la</strong> matière,plutôt que <strong>de</strong> se comp<strong>la</strong>ire <strong>dans</strong> une vision folklorisante <strong>et</strong> stérilisante.Dans <strong>la</strong> culture pyrénéenne, <strong>la</strong> pratique pastorale outre sa vocation nourricière estassociée aux paysages "créés" par <strong>les</strong> ancêtres <strong>et</strong> leurs troupeaux. Certains poussent mêmeplus loin : « Je voudrais que toutes <strong>les</strong> montagnes <strong>de</strong> France soient aussi bien entr<strong>et</strong>enues <strong>et</strong>vivantes qu’au Pays Basque. C’est un véritable gazon avec <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges fleuris <strong>et</strong> refaits àneuf. » Ainsi s’exprimait Jean Lassalle, il y a dix ans <strong>de</strong> ce<strong>la</strong> 64 , alors conseiller général <strong>de</strong> <strong>la</strong>vallée d’Aspe <strong>et</strong> prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Institution Patrimoniale du Haut-Béarn. Rappelons que c<strong>et</strong>te63 Il est notamment professeur émérite d’écologie <strong>et</strong> <strong>de</strong> zoologie à l’Université Paris -Sud, prési<strong>de</strong>nt honoraire <strong>de</strong><strong>la</strong> Société française d’écologie, prési<strong>de</strong>nt d’honneur <strong>et</strong> membre du bureau <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société nationale <strong>de</strong> <strong>protection</strong><strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, membre d’honneur <strong>de</strong> l’Union mondiale pour <strong>la</strong> nature (U.I.C.N.). Il est l’auteur <strong>de</strong> très nombreuxouvrages d’écologie scientifique, dont Ecologie appliquée.64 « Béarn, faut-il suivre <strong>la</strong> piste basque… », Pyrénées Magazine n°57, mai-juin 1998.50


institution a été très impru<strong>de</strong>mment chargée par l’État <strong>de</strong> protéger <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers ours <strong>de</strong>sPyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>.L’élevage pyrénéen est principalement celui <strong>de</strong>s ovins qu’on estime à 620 000 <strong>sur</strong> lemassif, dont 250 000 <strong>sur</strong> <strong>les</strong> territoires habités par l’ours. Si <strong>la</strong> filière ovine connaît un déclincontinu <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 20 ans, c<strong>et</strong>te chute concerne <strong>sur</strong>tout <strong>les</strong> ovins élevés pour <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>.Ainsi, en 2000, le ministère <strong>de</strong> l’Agriculture donnait le chiffre <strong>de</strong> 9,4 millions <strong>de</strong> têtes dont6,6 millions <strong>de</strong> brebis (2,3 millions en Midi-Pyrénées <strong>et</strong> 880 000 en Aquitaine). En 2006, <strong>la</strong>même source donne 8,9 millions d’ovins dont 5,9 millions <strong>de</strong> brebis. (Agreste :www.agriculture.gouv.fr). La filière <strong>la</strong>itière, elle, connaît un certain dynamisme lié à <strong>la</strong> bonnevalorisation <strong>de</strong>s produits fromagers, notamment <strong>dans</strong> <strong>la</strong> partie occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> vieille traditionfromagère. Le cheptel a même augmenté <strong>de</strong> 11% en dix ans 65 , au moins jusqu’en 2002.Une vallée qui se dépeuple ou qui n’est plus assez marquée par <strong>la</strong> présence humaine, perdpour certains son statut <strong>de</strong> « montagne vivante ». On r<strong>et</strong>rouve c<strong>et</strong>te pensée chez un grandnombre <strong>de</strong> personnes, quelle que soit leur origine ou leur formation, puisqu’elle estvéritablement un mythe fondateur. Prenons quelques exemp<strong>les</strong>. Les <strong>de</strong>ux grands promoteursdu reboisement du mont Aigoual en Lozère, le forestier Georges Fabre <strong>et</strong> le botaniste Char<strong>les</strong>F<strong>la</strong>haut, entre <strong>la</strong> fin du 19 ème siècle <strong>et</strong> le début du 20 ème , étaient animés par l’idée qu’un payssans hommes est un « désert ». Paradoxalement, ce « désert » avait été justement l’œuvre d’unélevage <strong>et</strong> d’un charbonnage intensifs, <strong>et</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> l’Aigoual abrite aujourd’hui une fouled’espèces… vivantes.Le fond du discours <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> pensée <strong>de</strong>s éleveurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s bergers est i<strong>de</strong>ntique. On sent bienchez un berger béarnais comme Joseph Paroix, qui fut favorable à <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>de</strong>sPyrénées <strong>et</strong> qui s’oppose désormais aux lâchers d’ours d’origine slovène, toute <strong>la</strong> crainte d’unemontagne qui ne serait plus « vivante » selon ses critères 66 . Mais <strong>la</strong> montagne serait-elle moins« vivante » si elle était moins peuplée <strong>de</strong> bergers <strong>et</strong> d’animaux domestiques <strong>et</strong> plus <strong>de</strong> bêtessauvages ? La montagne serait-elle morte si l’agriculture recu<strong>la</strong>it <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> ronce, le taillis puis<strong>la</strong> forêt ?65 L’avenir <strong>de</strong> l’élevage : territorial, enjeu économique, rapport du Sénat, Gérard Bailly, novembre 2002.66 Lire « Le renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> désespérance » <strong>dans</strong> Laborari, journal <strong>de</strong> <strong>la</strong> Confédération paysanne du PaysBasque, août 2007. Publié aussi <strong>sur</strong> le blog La Buv<strong>et</strong>te <strong>de</strong>s alpages.51


Cliché n°1. P<strong>la</strong>teau pastoral (2000 mètres) en haute vallée d’Aspe avec au fond le Pic du midi d’Ossau,juill<strong>et</strong> 2007. Est-ce <strong>la</strong> seule « montagne vivante » ? (Isabelle Rama<strong>de</strong>).Un tel mythe n’est pas cantonné au seul mon<strong>de</strong> pastoral. Même certains défenseurs <strong>de</strong>l’ours adhèrent à une vision plus ou moins analogue. C’est ainsi qu’on peut lire <strong>dans</strong> <strong>la</strong>p<strong>la</strong>qu<strong>et</strong>te <strong>de</strong> présentation du F.I.E.P., en légen<strong>de</strong> d’un cliché <strong>de</strong> C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che : « Quand<strong>la</strong> montagne se vi<strong>de</strong>ra définitivement <strong>de</strong> troupeaux <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune disparaîtra <strong>et</strong> <strong>la</strong> tristessep<strong>la</strong>nera <strong>sur</strong> <strong>les</strong> hauts pâturages. » Ces propos datent <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l’année 1978. Beaucoup plusrécemment, on pouvait entendre <strong>sur</strong> France Culture, à l’été 2006, Catherine Brun<strong>et</strong>, anciennemembre <strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong> cohabitation pastorale <strong>et</strong> Farid Benhammou, géographe, docteuren sciences <strong>de</strong> l’environnement, chercheur spécialisé <strong>dans</strong> <strong>les</strong> re<strong>la</strong>tions entre <strong>les</strong> hommes <strong>et</strong> <strong>la</strong>gran<strong>de</strong> faune, se p<strong>la</strong>indrent <strong>de</strong> <strong>la</strong> diminution <strong>de</strong> l’élevage, <strong>de</strong>s forêts qui gagnent, <strong>de</strong> <strong>la</strong> frichequi envahirait <strong>les</strong> vil<strong>la</strong>ges, espérant ainsi un développement <strong>de</strong> l’élevage grâce aux jeunes qui<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt à s’installer.De leur côté, <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> politiques, quel que soit leur parti, ne cessent <strong>de</strong>s’inquiéter. Voici ce qu’écrivait le sénateur Gérard Bailly <strong>dans</strong> son rapport déjà cité :« Le développement, à gran<strong>de</strong> échelle, <strong>de</strong> <strong>la</strong> déprise agricole que connaissent diversesparties du territoire constitue un évènement majeur <strong>dans</strong> l’histoire écologique <strong>de</strong> <strong>la</strong> France,dont nos concitoyens n’ont pas encore pris <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e. L’extension progressive <strong>de</strong>s <strong>sur</strong>facesqui r<strong>et</strong>ournent à <strong>la</strong> friche puis à <strong>la</strong> forêt aboutit à une transformation <strong>de</strong>s paysages <strong>et</strong> <strong>de</strong>sécosystèmes sans équivalent <strong>de</strong>puis le mouvement <strong>de</strong> déforestation qu’a connu <strong>la</strong> France auMoyen-Âge. En silence, certaines parties du territoire r<strong>et</strong>rouvent l’apparence qu’el<strong>les</strong> avaientavant l’intervention <strong>de</strong>s moines <strong>de</strong> Cluny. Si d’aucuns étaient tentés <strong>de</strong> se réjouir <strong>de</strong> ce quileur apparaîtrait comme un juste r<strong>et</strong>our à <strong>la</strong> nature, il est urgent, tout au contraire, pour votremission d’information, <strong>de</strong> souligner <strong>les</strong> dangers d’un mouvement difficilement réversible quiconstitue un véritable r<strong>et</strong>our en arrière aux conséquences incalcu<strong>la</strong>b<strong>les</strong>. 67 »Ce même sénateur, manifestement suj<strong>et</strong> aux peurs millénaristes, estime que le r<strong>et</strong>our duloup, du lynx <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ours constitue une véritable catastrophe pour <strong>les</strong> activités d’élevage,interdirait l’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong> vastes <strong>sur</strong>faces herbagères situées en zone <strong>de</strong> montagne, ce<strong>la</strong>entraînant un appauvrissement <strong>de</strong>s écosystèmes. « Alors que <strong>la</strong> société est <strong>de</strong> plus en plusprompte à rem<strong>et</strong>tre en cause <strong>les</strong> excès d’un agriculture intensive <strong>et</strong> productiviste, <strong>la</strong> mise en67 Op.cit. page 38.52


valeur <strong>de</strong> l’élevage ovin ne peut être que favorablement accueillie. (…) L’élevage ovin estune production intrinsèquement liée à l’herbe, qui contribue à l’entr<strong>et</strong>ien du paysage <strong>et</strong> à <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’environnement. 68 »Au niveau local, <strong>les</strong> mêmes craintes s’expriment. Voici un exemple parmi d’autres.Bruno Lepore, maire <strong>de</strong> Saint-Pé-<strong>de</strong>-Bigorre (Hautes-Pyrénées), par ailleurs conseillergénéral, peut tenir <strong>les</strong> propos suivants pour justifier son opposition au r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> l’ours :« Le pastoralisme <strong>sur</strong> St-Pé est sérieusement menacé. Or si <strong>les</strong> pâturages disparaissent,c’est tout l’équilibre du paysage qui se trouve perturbé. À quoi bon, <strong>dans</strong> ce cas, soutenir <strong>de</strong>sprogrammes environnementaux ? » 69Notons que <strong>la</strong> déprise agricole en zone <strong>de</strong> montagne a commencé bien avant l’arrivée<strong>de</strong>s ours d’origine slovène, qu’elle porte <strong>sur</strong>tout <strong>sur</strong> <strong>les</strong> zones dites intermédiaires <strong>de</strong> l’étagemontagnard <strong>et</strong> que l'abandon <strong>de</strong> certaines pratiques, telle que <strong>la</strong> fauche <strong>de</strong>s fougères pour <strong>la</strong>litière animale hivernale, a accéléré ce processus, comme on l’apprend <strong>sur</strong> <strong>les</strong> archives enligne du Parc national <strong>de</strong>s Pyrénées.Alors, faute <strong>de</strong> pastoralisme, point <strong>de</strong> salut pour le paysage, <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> <strong>la</strong> biodiversité ?Cliché n°2. Slovénie, juin 2007. Soixante ans après <strong>la</strong> fin du pâturage par <strong>les</strong> moutons, <strong>la</strong> forêt revient <strong>sur</strong> <strong>les</strong>versants. N’est-ce pas une « montagne vivante » ? (S. Carbonnaux).La position <strong>de</strong> l’État en matière <strong>de</strong> biodiversitéEn France, l’État, comme il a été dit plus haut, a cherché jusqu’à présent à maintenirquantités d’usages dits traditionnels en liant leur avenir à celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité. Ce qui <strong>dans</strong>certaines situations est un véritable casse-tête. Ainsi, comme le souligne François Rama<strong>de</strong>, <strong>la</strong>défense <strong>de</strong> <strong>la</strong> pêche française par <strong>les</strong> gouvernements successifs se heurte aux limitesimp<strong>la</strong>cab<strong>les</strong> <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> poissons (appelés "stocks" avant <strong>la</strong> rupture…).68 Op.cit. page 96.69 Empreinte Ours, L<strong>et</strong>tre d’information semestrielle <strong>de</strong> l’État <strong>sur</strong> le programme <strong>de</strong> restauration <strong>et</strong> <strong>de</strong>conservation <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, n°3, juin 2007.53


La doctrine exprimée au "Grenelle <strong>de</strong> l’environnement"Voici ce qu’on peut lire <strong>dans</strong> le rapport du groupe "Préserver <strong>la</strong> biodiversité <strong>et</strong> <strong>les</strong>ressources naturel<strong>les</strong>" : « L’importance, notamment économique <strong>et</strong> culturelle, <strong>de</strong> <strong>la</strong>biodiversité apparaît <strong>de</strong> plus en plus c<strong>la</strong>irement à tous, au même titre que celle <strong>de</strong> préserverune stabilité climatique minimale. La diversité biologique <strong>et</strong> <strong>les</strong> ressources naturel<strong>les</strong>vivantes, produites par <strong>les</strong> écosystèmes, contribuent directement à plus <strong>de</strong> 40% <strong>de</strong> l’économiemondiale. 70 » C’est une vision très utilitariste <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité au service assez exclusif <strong>de</strong>sbesoins humains qui s’exprime ici. Elle rejoint une doctrine <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation exprimée parune frange d’écologues qui soutiennent que <strong>les</strong> « anciennes métho<strong>de</strong>s définissant <strong>les</strong> priorités<strong>de</strong>vraient être abandonnées, au profit d’une approche m<strong>et</strong>tant l’accent <strong>sur</strong> <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong>d’écosystèmes précieux pour l’homme. » C’est <strong>la</strong> stratégie dite <strong>de</strong>s « services écologiques »qui aboutit à c<strong>et</strong>te conclusion foncièrement égoïste : « Il faut d’abord protéger <strong>les</strong>écosystèmes là où <strong>la</strong> biodiversité offre <strong>de</strong>s services aux personnes qui en ont besoin. »L’impérialisme <strong>de</strong> l’espèce humaine est ainsi remis au goût du jour sous <strong>de</strong>s auspiceshumanitaires. Rien d’étonnant à ce que le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s affaires manifeste son enthousiasmepour c<strong>et</strong>te approche, comme le confie <strong>les</strong> auteurs 71 !Un préambule intitulé « une vision partagée pour <strong>la</strong> biodiversité », donné en annexe dumême rapport, reflète bien <strong>de</strong>s contradictions.« La conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité ne peut ainsi plus se réduire à <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>sespèces sauvages <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s réserves naturel<strong>les</strong>. Elle doit sauvegar<strong>de</strong>r <strong>les</strong> grands écosystèmes<strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète appréhendés comme <strong>la</strong> base <strong>et</strong> le support <strong>de</strong> notre développement. "Il ne s’agitdonc plus <strong>de</strong> geler une nature sauvage, maintenue <strong>dans</strong> son état primitif, à l’abri <strong>de</strong>sinterventions humaines. Au contraire, il faut préserver <strong>la</strong> capacité évolutive <strong>de</strong>s processusécologiques. Ce<strong>la</strong> implique d’harmoniser <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong>s réserves naturel<strong>les</strong> avec <strong>les</strong>zones exploitées par l’homme, <strong>dans</strong> une gestion variée du territoire. Dans une telleconception, l’homme n’est pas extérieur à <strong>la</strong> nature, il en fait partie, il est membre actif d’unenature à <strong>la</strong>quelle il peut faire du bien, s’il se conduit <strong>de</strong> manière avisée, s’il en fait bon usage.C’est l’idée même <strong>de</strong> développement durable : il ne s’agit pas d’étendre <strong>la</strong> logique <strong>de</strong>production à l’environnement, mais au contraire <strong>de</strong> comprendre que nos activitéséconomiques sont incluses <strong>dans</strong> notre environnement naturel. 72 " Ceci est d’autant plus vrai enFrance où tous <strong>les</strong> paysages, réputés naturels ou non, sont le fruit d’une coévolution du travail<strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’homme.L’homme a divorcé <strong>de</strong>puis longtemps <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature : il doit maintenant se réconcilieravec elle, <strong>dans</strong> le cadre d’un progrès <strong>et</strong> d’un développement rénovés. Il faut sauver l’homme<strong>et</strong> <strong>la</strong> nature ensemble. Il nous faut signer un nouveau pacte avec <strong>la</strong> diversité du vivant. (…) I<strong>les</strong>t urgent d’agir : nous sommes sans doute <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière génération à pouvoir maintenir encore<strong>la</strong> majeure partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité biologique, mais, compte tenu du rythme d’érosion, nousn’avons que peu d’années pour inverser <strong>la</strong> tendance. »La première contradiction est <strong>de</strong> reconnaître le divorce <strong>de</strong> l’homme <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, <strong>et</strong> <strong>de</strong>poser <strong>les</strong> grands écosystèmes comme base <strong>et</strong> support <strong>de</strong> notre développement. Nous estimons70 Introduction, page 9.71 P<strong>et</strong>er Kareiva, directeur scientifique <strong>de</strong> l’organisation Nature Conservancy <strong>et</strong> Michelle Marvier, professeur àl’Université <strong>de</strong> Santa C<strong>la</strong>ra (Californie), directrice <strong>de</strong> l’Institut <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s environnementa<strong>les</strong>, « Repenserl’écologie », Pour <strong>la</strong> Science, février 2008.72 C<strong>et</strong>te phrase est empruntée à Catherine Larrère <strong>et</strong> Raphaël Larrère, Du bon usage <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, Pour unephilosophie <strong>de</strong> l’environnement, Aubier, 1997.54


<strong>de</strong> notre côté que le divorce évoqué trouve sa raison <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te volonté <strong>de</strong> l’homme <strong>de</strong> faire <strong>de</strong><strong>la</strong> nature le support exclusif <strong>de</strong> sa civilisation. Les écosystèmes sont aussi <strong>la</strong> base <strong>et</strong> le supportdu développement <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> autres formes <strong>de</strong> vie.La secon<strong>de</strong> est contenue <strong>dans</strong> <strong>la</strong> phrase <strong>de</strong> C. Larrère, agrégée <strong>de</strong> philosophie, <strong>et</strong> R.Larrère, ingénieur agronome, tous <strong>de</strong>ux travail<strong>la</strong>nt <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s thèmes environnementaux. Elleprésente <strong>la</strong> nature sauvage préservée <strong>de</strong>s interventions humaines comme non dynamique,alors que c’est justement parce que <strong>les</strong> hommes <strong>la</strong>issent quelques territoires sans y toucherque <strong>les</strong> processus écologiques se développent librement.Bref, il n’est pas aisé d’y voir c<strong>la</strong>ir, comme si ce préambule avait été une confection <strong>de</strong>pièces <strong>de</strong>s uns <strong>et</strong> <strong>de</strong>s autres en fonction <strong>de</strong> leurs sensibilités. Encore l’auberge espagnole enquelque sorte. Si nous relevons qu’on défend avec raison <strong>la</strong> biodiversité banale, que neprotègent ni <strong>les</strong> parcs nationaux, ni <strong>les</strong> réserves naturel<strong>les</strong>, une évi<strong>de</strong>nce c<strong>la</strong>mée <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>slustres par <strong>les</strong> associations <strong>dans</strong> l’indifférence générale, nous nous inquiétons que l’État parie<strong>sur</strong> le milieu agricole qui <strong>de</strong>vrait mener une « révolution doublement verte » vers uneagriculture productive <strong>et</strong> écologique. On a connu <strong>la</strong> « révolution culturelle » chinoise, <strong>la</strong>« marche verte » marocaine, autant <strong>de</strong> concepts qui collent aux idéologies du temps toujoursnéfastes à <strong>la</strong> nature.Quant à <strong>la</strong> forêt, milieu privilégié <strong>de</strong> l’ours, il est question <strong>de</strong> protéger sa biodiversité <strong>et</strong><strong>de</strong> dynamiser <strong>la</strong> filière bois. « Dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> lutte contre l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> serre <strong>et</strong> <strong>la</strong> recherched’alternatives aux énergies fossi<strong>les</strong>, <strong>la</strong> forêt <strong>et</strong> le bois offrent <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s opportunités par leurcapacité à stocker le CO2. Le bois issu <strong>de</strong> nos forêts est un matériau mo<strong>de</strong>rne, renouve<strong>la</strong>ble <strong>et</strong>recyc<strong>la</strong>ble, qui répond parfaitement aux nouveaux enjeux <strong>de</strong> notre société en matière <strong>de</strong>développement durable. »Ce préambule strictement utilitariste étant posé, le rapport préconise une « gestionforestière durable <strong>et</strong> multifonctionnelle, qui perm<strong>et</strong>te à <strong>la</strong> fois <strong>de</strong> préserver <strong>la</strong> fonctionnalité<strong>de</strong>s écosystèmes forestiers <strong>et</strong> maintenir <strong>la</strong> ressource tout en l’exploitant ». C’est ainsi qu’onpeut lire c<strong>et</strong>te phrase stupéfiante : « L’ensemble du groupe s’accor<strong>de</strong> aisément pourencourager une production accrue du bois dès lors qu’elle perm<strong>et</strong> mieux <strong>de</strong> préserver <strong>la</strong>biodiversité <strong>et</strong> qu’elle favorise <strong>les</strong> services environnementaux. » Voilà au fond <strong>la</strong> poursuite <strong>de</strong><strong>la</strong> doctrine actuelle, reverdie au goût du jour, qui rend <strong>la</strong> France si pauvre en forêts dignes <strong>de</strong>ce nom <strong>et</strong> qui explique pourquoi en 2008 on peut encore écrire que <strong>la</strong> forêt primitive estimpénétrable.La biodiversité associée au pastoralisme <strong>dans</strong> le « P<strong>la</strong>n <strong>de</strong> restauration <strong>et</strong> <strong>de</strong>conservation <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées françaises 2006-2009 »À l’occasion <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>scente du troupeau <strong>de</strong> brebis du lycée <strong>de</strong> Soeix (Oloron-Sainte-Marie), le préf<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques déc<strong>la</strong>rait à l’automne 2007 :« Nous avons un discours mondial <strong>sur</strong> <strong>la</strong> biodiversité. Nous <strong>de</strong>vons l’avoir à notreéchelle. Ici, ce sont <strong>les</strong> acteurs du territoire qui ont fabriqué c<strong>et</strong>te biodiversité. On veut éviterqu’elle ne s’éro<strong>de</strong>. C’est ce que veut dire Natura 2000. 73 »C<strong>et</strong>te défense idéologique du pastoralisme, que le réseau Natura 2000, détourné <strong>de</strong> savocation initiale, élève au rang <strong>de</strong> fabricant <strong>de</strong> biodiversité imprègne le "P<strong>la</strong>n Ours". À <strong>la</strong>page 24, mais <strong>sur</strong>tout aux pages 78 <strong>et</strong> 79, le P<strong>la</strong>n abor<strong>de</strong> <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité <strong>et</strong> dupastoralisme. Ecrire que : « Sous nos <strong>la</strong>titu<strong>de</strong>s, le nombre d’espèces est généralement plus73 La République <strong>de</strong>s Pyrénées, 18 septembre 2007.55


important en milieu ″ouvert″. (…) L’abandon du pastoralisme entraînerait une ferm<strong>et</strong>ure <strong>de</strong>smilieux <strong>et</strong> donc à terme une diminution <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité » est très simplement FAUX.En eff<strong>et</strong>, sous nos <strong>la</strong>titu<strong>de</strong>s, le milieu le plus riche est <strong>la</strong> forêt, comme toutes <strong>les</strong> étu<strong>de</strong>sécologiques le prouvent (cf. Livre b<strong>la</strong>nc <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s forêts naturel<strong>les</strong> <strong>de</strong> France,coordonné par Daniel Val<strong>la</strong>uri, W.W.F., 2003). Bien sûr, il est question ici <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s forêtsnaturel<strong>les</strong> <strong>et</strong> non <strong>de</strong> ″champs d’arbres″, qui très exploités ne perm<strong>et</strong>tent qu’à une très faiblebiodiversité <strong>de</strong> s’exprimer. Plus une forêt est vaste, moins elle est exploitée <strong>de</strong>puis une longuedurée, plus elle est riche. Une <strong>de</strong>s plus gran<strong>de</strong>s forêts d’Europe, Bialowieza en Pologne, abriteprès <strong>de</strong> 12 500 espèces toutes confondues ; celle <strong>de</strong> Fontainebleau accueille plus <strong>de</strong> 11 600espèces. Le professeur agrégé <strong>de</strong> biologie <strong>et</strong> naturaliste Gil<strong>les</strong> Rayé précise <strong>de</strong> son côté : « Onpeut dire qu’objectivement 1 000 hectares <strong>de</strong> vieille forêt contiennent plus d’espèces que <strong>la</strong>même <strong>sur</strong>face <strong>de</strong> prairies sèches. 74 »Le "P<strong>la</strong>n Ours" s’appuie également <strong>sur</strong> une thèse (qu’il ne se donne pas <strong>la</strong> peine <strong>de</strong>présenter comme une thèse, mais comme une vérité) qui est aujourd’hui fortement contestéepar <strong>les</strong> scientifiques : « Avant <strong>la</strong> colonisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne pyrénéenne par l’homme, <strong>les</strong>cerfs, chevreuils, bisons <strong>et</strong> sangliers étaient alors abondants <strong>et</strong> contribuaient à maintenir <strong>de</strong>smilieux ouverts. 75 » C<strong>et</strong>te thèse est celle <strong>de</strong> l’ingénieur forestier néer<strong>la</strong>ndais Vera qui apostulé que <strong>la</strong> nature avant l’homme agriculteur était une forêt semi-ouverte, voire semb<strong>la</strong>bleà une savane boisée, parcourue par <strong>de</strong> nombreux troupeaux d’ongulés sauvages. C<strong>et</strong>te thèseest appelée par son auteur « alternative hypothesis » 76 .Dans leur texte « La forêt en France <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière g<strong>la</strong>ciation », ChristopherCarcaill<strong>et</strong> 77 <strong>et</strong> Brigitte Talon 78 , paru <strong>dans</strong> le Livre b<strong>la</strong>nc précité, écrivent qu’une « telleconception <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature avant l’homme, qui attribue un rôle aussi important aux grandsherbivores <strong>dans</strong> <strong>la</strong> structure <strong>de</strong>s paysages, n’est pas soutenue par suffisamment <strong>de</strong> donnéespaléoécologiques (Swenning, 2002). Les données disponib<strong>les</strong> pour le début <strong>de</strong> notreinterg<strong>la</strong>ciaire montrent que <strong>les</strong> écosystèmes étaient très <strong>la</strong>rgement dominés par <strong>les</strong> arbres,tandis que <strong>les</strong> indices en faveur <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> formations herbacées abondantes oudominantes sont extrêmement rares. (…) En résumé, <strong>les</strong> paysages naturels <strong>de</strong> l’Holocèneétaient certainement à dominante forestière, tout en accueil<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> grands herbivores plusdiversifiés qu’actuellement, mais moins abondants que <strong>dans</strong> <strong>les</strong> milieux ouverts <strong>et</strong> semiouverts<strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s g<strong>la</strong>ciaires <strong>et</strong> tardig<strong>la</strong>ciaires, en raison <strong>de</strong> ressources alimentairesmodifiées (moins d’herbacées, plus <strong>de</strong> ligneux) <strong>et</strong> plus limités. La conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> naturepeut donc s’appuyer <strong>sur</strong> <strong>les</strong> acquis <strong>de</strong> <strong>la</strong> paléoécologie, mais ne doit pas se nourrir d’imagesd’Épinal, en créant <strong>de</strong>s zoos <strong>de</strong> plein air, <strong>dans</strong> <strong>les</strong>quels s’ébattraient cerfs, <strong>et</strong> bisons au sein <strong>de</strong>paysages-mosaïques artificiels composés <strong>de</strong> prairies, <strong>de</strong> fourrés <strong>et</strong> <strong>de</strong> boisements. »Lors d’une conversation téléphonique, Christopher Carcaill<strong>et</strong> est revenu pour nous <strong>sur</strong>ses recherches. D’après lui, <strong>les</strong> scientifiques qui soutiennent c<strong>et</strong>te thèse n’ont pas étudiéobjectivement <strong>la</strong> question. S’il reconnaît que <strong>la</strong> faune herbivore était plus riche qu’aujourd’hui74 « Pastoralisme <strong>et</strong> biodiversité : <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> confusion », La Voie du loup, n°22, 2005. Un article passionnant75 Dernier paragraphe <strong>de</strong> <strong>la</strong> colonne gauche <strong>de</strong> <strong>la</strong> page 78 du "P<strong>la</strong>n Ours".76 F.W.M. Vera, Grazing ecology and forest history, Cabi Publishing, Royaume Uni, 2000. Vera est unfonctionnaire influent du ministère néer<strong>la</strong>ndais <strong>de</strong> l’agriculture, <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> <strong>de</strong>s pêcheries.77 Ch. Carcaill<strong>et</strong> est docteur en sciences, directeur d’étu<strong>de</strong>s à l’École pratique <strong>de</strong>s hautes étu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> directeur du<strong>la</strong>boratoire <strong>de</strong> recherche CNRS dénommé « Centre <strong>de</strong> bio-archéologie <strong>et</strong> d’écologie » à Montpellier. Ils’intéresse particulièrement au rôle écologique <strong>de</strong>s paléo-incendies <strong>sur</strong> <strong>les</strong> écosystèmes.78 B. Talon est maître <strong>de</strong> conférences à l’université d’Aix-Marseille III. Ses recherches portent <strong>sur</strong> <strong>la</strong> composition<strong>de</strong>s groupements forestiers incendiés au cours <strong>de</strong> l’Holocène.56


(<strong>sur</strong>tout composée d’aurochs), <strong>les</strong> grands troupeaux décrits par Vera <strong>et</strong> d’autres n’existaientpas. Au regard <strong>de</strong>s données paléoécologiques, il estime que <strong>les</strong> charges <strong>de</strong>s ongulés sauvagesétaient faib<strong>les</strong> <strong>et</strong> ne suffisaient pas à créer <strong>de</strong> vastes c<strong>la</strong>irières au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, une forêt enréalité très compacte. Christopher Carcaill<strong>et</strong> ajoute que sa position est aujourd’hui partagéepar une gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s scientifiques européens.Dans un remarquable ouvrage <strong>sur</strong> l’aurochs, Cis van Vuure 79 , lui aussi néer<strong>la</strong>ndais,conteste avec <strong>de</strong> nombreuses références c<strong>et</strong>te thèse d’une forêt ouverte grâce à l’action <strong>de</strong>sgrands herbivores sauvages. Il estime même que l’animal qui avait <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> capacitéd’ouvrir <strong>les</strong> milieux était le… castor ! N’en doutons pas, <strong>les</strong> recherches stimu<strong>la</strong>ntes <strong>de</strong> Cis vanVuure feront évoluer nos perceptions <strong>et</strong> connaissances <strong>sur</strong> <strong>les</strong> fonctionnements <strong>de</strong> nosécosystèmes.La démonstration du "P<strong>la</strong>n Ours" <strong>sur</strong> l’impact positif du pastoralisme <strong>sur</strong> <strong>la</strong> biodiversitémériterait <strong>de</strong> s’appuyer <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s bases scientifiques plus soli<strong>de</strong>s. On ne niera pas que certainesformes <strong>de</strong> pastoralisme créent une autre biodiversité, mais il est faux <strong>de</strong> dire que leur abandonau profit du r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt se traduirait systématiquement par une diminution <strong>de</strong> <strong>la</strong>biodiversité. Dans l’absolu, c’est le contraire qui se produira sous réserve <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser le temps<strong>et</strong> l’espace aux milieux forestiers pour se reconstituer. Vera reconnaît d’ailleurs <strong>dans</strong> sonouvrage que l’agriculture n’a pas permis <strong>la</strong> création <strong>de</strong> nouveaux biotopes (prairies,mosaïques <strong>de</strong> paysages) <strong>et</strong> que <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s espèces est le résultat <strong>de</strong> processus naturels 80 .Reste <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> fragmentation <strong>de</strong>s habitats <strong>et</strong> <strong>de</strong>s continuités biologiques soulevée parVincent Vignon, écologue, naturaliste, très bon connaisseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> animateur ducomité scientifique <strong>de</strong> Ferus. Ce point est abordé ci-<strong>de</strong>ssous.La position <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> <strong>de</strong>s gestionnairesd’espaces naturels en matière <strong>de</strong> biodiversitéLe pastoralisme extensif est fréquemment défendu comme une gran<strong>de</strong> source <strong>de</strong>biodiversité face aux ravages <strong>de</strong> l’élevage industriel <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’agriculture intensive, par <strong>de</strong>nombreuses associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong>/ou <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, tels <strong>les</strong>conservatoires <strong>de</strong>s sites. Ces <strong>de</strong>rniers élèvent d’ailleurs très souvent <strong>de</strong>s animaux domestiques(moutons <strong>et</strong> vaches <strong>sur</strong>tout) qui pâturent <strong>les</strong> espaces ainsi gérés. Notons immédiatement que<strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s espaces protégés <strong>et</strong>/ou gérés sont <strong>de</strong>s espaces dits "ouverts", <strong>et</strong> que <strong>la</strong>connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt est faible chez <strong>les</strong> naturalistes <strong>et</strong> gestionnaires alors qu’elle est lemilieu naturel dominant en France <strong>et</strong> en Europe. « La forêt est <strong>la</strong> formation reine, dominante,celle dont l’étendue <strong>de</strong>vrait naturellement être <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong>, celle qui s’établirait partout,sauf conditions limitatives ou exceptionnel<strong>les</strong> » soulignait Robert Hainard.Voici un exemple parmi tant d’autres. L’association Loire Nature, associée à <strong>la</strong>fédération <strong>de</strong>s Conservatoires d’espaces naturels, <strong>la</strong> Ligue pour <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s oiseaux, leW.W.F. <strong>et</strong> l’Assemblée permanente <strong>de</strong>s chambres d’agriculture, a édité une p<strong>la</strong>qu<strong>et</strong>te« Agriculture <strong>et</strong> nature : un lien à préserver » pour présenter ses actio ns en faveur <strong>de</strong>spelouses <strong>et</strong> prairies dites naturel<strong>les</strong>.79 R<strong>et</strong>racing the aurochs, Pensoft, Sofia, Moscou, 2005. Gilbert Coch<strong>et</strong>, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> "Forêts sauvages", achroniqué c<strong>et</strong> ouvrage <strong>dans</strong> Naturalité n°1.80 « As the alternative hypothesis indicates, species diversity in Europe is not a result of the introduction of farming. Thespecies diversity is the result of natural processes which were responsible for a <strong>la</strong>rge diversity of biotopes and <strong>la</strong>ndscapes.Therefore, farming has not led to the creation of new biotopes, such as grass<strong>la</strong>nds and scrub ; nor has it led to the creation, forexample, of mosaic <strong>la</strong>ndscapes, as nature conservationists tend to assume », page 379.57


Parce que <strong>les</strong> prairies <strong>et</strong> pelouses dites "naturel<strong>les</strong>" (qui n’ont en réalité rien <strong>de</strong> naturel)se raréfient sous <strong>les</strong> coups <strong>de</strong> boutoir <strong>de</strong> l’intensification agricole, <strong>de</strong> l’urbanisation, ous’enfrichent après leur abandon, c<strong>et</strong>te association comme <strong>de</strong> très nombreuses autres, semobilise pour <strong>les</strong> préserver. Il ne s’agira pas <strong>de</strong> nier ici que ces milieux abritent <strong>de</strong>s espècesmenacées <strong>de</strong> notre flore <strong>et</strong> <strong>de</strong> notre faune (cependant menacées pour <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> raisons). I<strong>les</strong>t cependant gênant <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser penser, sans aucune nuance, que <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> ces prairiesconstitue une perte pour <strong>la</strong> biodiversité, faisant <strong>de</strong> l’élevage une condition essentielle <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. On peut ainsi lire <strong>sur</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>qu<strong>et</strong>te <strong>de</strong> Loire Nature : « Des milieuxmenacés <strong>de</strong> "ferm<strong>et</strong>ure" : Encore assez communs, <strong>les</strong> prairies <strong>et</strong> pelouses naturel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s bords<strong>de</strong> rivière se raréfient car leur végétation évolue naturellement vers <strong>la</strong> friche puis <strong>la</strong> forêt. (…)En l’absence <strong>de</strong> pâturage, <strong>les</strong> prairies se ferment <strong>et</strong> se transforment en forêt. » Remarquons <strong>la</strong>délicieuse contradiction entre <strong>les</strong> prairies <strong>et</strong> pelouses présentées comme naturel<strong>les</strong> <strong>et</strong> leurévolution naturelle vers <strong>la</strong> friche puis <strong>la</strong> forêt. Une telle rédaction est caractéristique <strong>de</strong> <strong>la</strong>confusion qui règne au sein <strong>de</strong>s associations dès qu’il s’agit <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>… nature.On notera que <strong>les</strong> chambres d’agriculture, <strong>et</strong> le syndicat F.N.S.E.A. qui <strong>les</strong> dirigepresque toutes, sont en pointe <strong>dans</strong> <strong>la</strong> défense d’une agriculture industrielle, celle justementqui a détruit <strong>la</strong> campagne telle qu’elle existait encore au sortir <strong>de</strong> <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> guerre mondiale,avec son cortège d’espèces que certaines associations s’évertuent à sauver. Outar<strong>de</strong>s, cail<strong>les</strong>,perdrix, alou<strong>et</strong>tes, tariers, râ<strong>les</strong> <strong>de</strong>s genêts, courlis, p<strong>la</strong>ntes, batraciens, papillons <strong>et</strong> insectes nereviendront pas grâce au maintien d’un élevage extensif <strong>sur</strong> quelques <strong>sur</strong>faces, ou grâce audébroussail<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> prairies, mais si l’agriculture évolue tout autrement.Un autre cas intéressant est celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> vipère d’Orsini, le serpent le plus rare <strong>de</strong> France,cantonné <strong>dans</strong> quelques secteurs <strong>de</strong>s Alpes du Sud <strong>et</strong> considéré en voie d’extinction <strong>dans</strong> sonaire <strong>de</strong> répartition d’ailleurs morcelée (l’Europe du Sud <strong>et</strong> orientale). Son déclin en Franceremonte à plus <strong>de</strong> trente ans, <strong>et</strong> s’explique en partie par le recul <strong>de</strong> son milieu <strong>de</strong> prédilection,sous l’eff<strong>et</strong> du réchauffement en cours <strong>de</strong>puis 10 000 ans, mais aussi par <strong>de</strong>s mises en culture,le pâturage, l’enrésinement ou l’exploitation forestière qui ont accentué <strong>la</strong> régression <strong>de</strong>spelouses sèches d’altitu<strong>de</strong>. Un programme européen piloté par l’Agence régionale pourl’Environnement <strong>de</strong> Provence-Alpes-Côte-d’Azur, tente <strong>de</strong> sauver l’espèce, notamment parl’encouragement au pâturage <strong>de</strong>s moutons <strong>sur</strong> <strong>les</strong> pelouses sèches, un pâturage autrefoisexercé par <strong>de</strong>s ongulés sauvages. On notera ici que l’agro-pastoralisme a <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>sambivalents <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vie <strong>de</strong> ce serpent 81 .Le lien agriculture <strong>et</strong> biodiversité est également au cœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> doctrine <strong>de</strong>s parcs qu’ilssoient naturels régionaux ou nationaux. Tous <strong>les</strong> parcs naturels régionaux m<strong>et</strong>tent en œuvre <strong>de</strong>nombreuses me<strong>sur</strong>es dites agro-environnementa<strong>les</strong> pour soutenir <strong>de</strong>s pratiques agrico<strong>les</strong>favorab<strong>les</strong> à <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong>s paysages <strong>et</strong> <strong>de</strong> quelques espèces <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore. Àlire le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> fédération <strong>de</strong>s P.N.R. <strong>de</strong> France, biodiversité <strong>et</strong> agriculture sontintimement liées 82 . Dans le massif <strong>de</strong>s Bauges, par exemple, on é<strong>la</strong>bore <strong>et</strong> on suit un p<strong>la</strong>n <strong>de</strong>gestion pastoral (56 euros/hectare) avec une obligation <strong>de</strong> résultats. Il est ainsi questiond’ « états <strong>de</strong> milieux à atteindre » afin <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> végétation favorab<strong>les</strong> àcertaines espèces (tétras lyre, pie-grièche, repti<strong>les</strong>, flore) <strong>et</strong> à l’alimentation <strong>de</strong>s troupeaux.Les moyens sont <strong>de</strong> <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong> l’agriculteur (sauf exception) <strong>et</strong> seul le résultat estcontrôlé. On parle ainsi d’agriculteurs « producteurs <strong>de</strong> nature ».81 P<strong>la</strong>qu<strong>et</strong>te Life Vipère d’Orsini, 2006-2011.82 Editorial Agroenvironnement infos, numéro 44, 2007, l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission agro-environnement <strong>de</strong> F.N.E. <strong>et</strong> <strong>de</strong><strong>la</strong> L.P.O.58


Les parcs nationaux ne sont pas en reste, à commencer par celui <strong>de</strong>s Pyrénées. RouchdyKbaier, ex-directeur du Parc national <strong>de</strong>s Pyrénées ne cessait <strong>de</strong> dire <strong>de</strong> son côté que <strong>les</strong>bergers sont <strong>les</strong> premiers écologistes, sans jamais bien sûr définir ce qu’il entendait parl’écologie. Les pratiques pastora<strong>les</strong> sont d’ailleurs permises <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones centra<strong>les</strong> <strong>de</strong>s parcsnationaux qui sont en France <strong>les</strong> territoires <strong>les</strong> plus protégés… <strong>sur</strong> le papier. C’est ainsi quecertains secteurs comme le cirque d’Anéou (vallée d’Ossau) connaissent <strong>de</strong>s chargesexcessives si bien que certains gar<strong>de</strong>s <strong>et</strong> montagnards qualifient le Parc national <strong>de</strong>s Pyrénées<strong>de</strong> "Parc à moutons".Dans <strong>les</strong> Pyrénées, comme ailleurs <strong>sur</strong> le territoire national, il existe désormais uneprime herbagère agro-environnementale, dite PHAE 2, fruit d’un règlement communautaire<strong>sur</strong> <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es agro-environnementa<strong>les</strong> <strong>et</strong> le soutien au développement rural. L’objectif <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te prime est le maintien <strong>de</strong> prairies à gestion extensive en p<strong>la</strong>ine <strong>et</strong> en montagne, afin <strong>de</strong>conserver une certaine biodiversité, d’améliorer <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong>s eaux, <strong>de</strong> lutter contre l’érosion<strong>et</strong> <strong>de</strong> maintenir <strong>de</strong>s paysages ouverts. Elle est versée ou non en fonction du taux <strong>de</strong>spécialisation herbagère <strong>de</strong>s exploitations, du taux <strong>de</strong> chargement <strong>de</strong> l’exploitation. Un certainnombre <strong>de</strong> pratiques (<strong>la</strong>bour, désherbage chimique, <strong>et</strong>c.) sont précisés ou interdits. C’est àl’exploitant d’indiquer <strong>les</strong> éléments <strong>de</strong> biodiversité <strong>de</strong> son terrain : milieux situés en zoneNatura 2000, vergers <strong>de</strong> haute-tige, tourbières, haies, arbres isolés, mares, mur<strong>et</strong>s, <strong>et</strong>c. Il serar<strong>et</strong>enu si <strong>les</strong> éléments <strong>de</strong> biodiversité r<strong>et</strong>enus correspon<strong>de</strong>nt à 20% au moins <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>sur</strong>faceengagée. Pour atteindre un tel seuil, <strong>de</strong>s compensations sont permises comme <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntations<strong>de</strong> haies. La <strong>de</strong>struction d’éléments <strong>de</strong> biodiversité n’est sanctionnée que lorsqu’elle atteint unhectare.Si toutes <strong>les</strong> conditions sont remplies, l’exploitant recevra pendant 5 ans 76 ou 45euros/hectare selon <strong>la</strong> productivité <strong>de</strong>s <strong>sur</strong>faces. Pour l’année 2008, 2 400 dossiers sontpotentiellement éligib<strong>les</strong>. Notons qu’un certain nombre d’éleveurs ne déposeront pas <strong>de</strong>dossier en raison d’un dépassement <strong>de</strong>s doses <strong>de</strong> fertilisation. Des contrô<strong>les</strong> <strong>de</strong> terrain sontprévus sans qu’on ne connaisse leur ampleur 83 . Remarquons d’emblée que <strong>les</strong> promoteurs <strong>de</strong>sme<strong>sur</strong>es agro-environnementa<strong>les</strong> évoquent <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité, sans pour autantpréciser qu’ils <strong>la</strong> réservent <strong>de</strong> fait à certaines espèces bien précises.À <strong>la</strong> question : « L’agriculture <strong>de</strong> montagne serait-elle plutôt favorable ou défavorable à<strong>la</strong> biodiversité ? » Véronique P<strong>la</strong>ige, chargé <strong>de</strong> mission « milieux naturels <strong>et</strong> paysages » auParc national <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vanoise, répond : « Ni l’un, ni l’autre ! Ce discours est faux <strong>et</strong> <strong>sur</strong>toutréducteur. Tout dépend <strong>de</strong>s pratiques. » Le niveau <strong>de</strong> fertilisation <strong>et</strong> <strong>la</strong> date <strong>de</strong> fauche sontalors déterminants. Dans notre pays, <strong>les</strong> fameuses PHAE 2 ne traitent malheureusement leproblème qu’à ses marges. Citons d’une part le constat du naturaliste auvergnat Jean-PierreDulphy : « <strong>la</strong> biodiversité qui accompagne <strong>les</strong> territoires dédiés aux productions agrico<strong>les</strong> estimportante à considérer car elle représente un enjeu important (<strong>sur</strong>faces élevées) même si <strong>les</strong><strong>de</strong>nsités <strong>de</strong> beaucoup d’espèces sont faib<strong>les</strong>. Par ailleurs, c<strong>et</strong>te avifaune est maintenant <strong>de</strong> plusen plus menacée par l’intensification <strong>de</strong>s pratiques. 84 » Le constat <strong>de</strong> J.-P. Dulphy estd’ailleurs partagé par <strong>de</strong> très nombreux naturalistes français <strong>et</strong> européens. Ainsi Jean-FrançoisTerrasse, ornithologue <strong>de</strong> réputation internationale, observe <strong>de</strong>puis quelques décennies <strong>la</strong>chute <strong>de</strong>s effectifs <strong>de</strong> nombreuses espèces liées aux milieux agrico<strong>les</strong> extensifs <strong>de</strong>s Causses(comm. pers.). Il en est <strong>de</strong> même <strong>dans</strong> d’autres pays d’Europe. Les ornithologues slovènes quiétudient le traqu<strong>et</strong> tarier, un p<strong>et</strong>it passereau typique <strong>de</strong>s prairies <strong>de</strong> fauche, partent désormais83 Communication téléphonique avec Madame Martins du Service <strong>de</strong> l’économie agricole à <strong>la</strong> D.D.A.F. <strong>de</strong>sPyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, notice d’information PHA2 campagne 2008.84 « Note <strong>sur</strong> l’avifaune présente <strong>dans</strong> une zone ouverte d’élevage située à 1 000 mètres d’altitu<strong>de</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Puy<strong>de</strong>-Dôme(Auvergne) » in Le Grand-Duc, n°70, juin 2007.59


plus au sud, au Monténégro, pour trouver <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nsités autrefois "norma<strong>les</strong>" <strong>dans</strong> leur pays(commentaire <strong>de</strong> Cyril Schönbächler, naturaliste suisse, contractuel au Muséum <strong>de</strong> Genève).Pour conclure, nous estimons que <strong>les</strong> gestionnaires d’espaces naturels <strong>de</strong>vraientreconnaître que, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s cas, <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> milieux dits ouverts au moyen dupastoralisme ressort <strong>de</strong> considérations culturel<strong>les</strong> <strong>et</strong> non écologiques. Il n’est pas gênant <strong>de</strong>conserver <strong>de</strong>s pelouses sèches, <strong>de</strong>s estives, <strong>de</strong>s prairies si nous adm<strong>et</strong>tons que leur sauvegar<strong>de</strong>est avant tout une volonté <strong>de</strong> jouir <strong>de</strong> ces paysages avec <strong>la</strong> faune <strong>et</strong> <strong>la</strong> flore qui sont associées.La position ultrapastorale en matière <strong>de</strong> biodiversitéNous appelons ultrapastoraux <strong>les</strong> groupes d’éleveurs, rejoints par d’autres catégoriessocio-économiques, qui excluent toute nature réellement sauvage <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées. Ilsagissent pour voir reconnaître l'incompatibilité entre <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>s prédateurs <strong>et</strong> le maintiend'un pastoralisme qu’ils appellent durable, rej<strong>et</strong>tent par conséquent le renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion d’ours d’origine slovène, refusent par avance le r<strong>et</strong>our naturel <strong>de</strong>s loups,s’inquiètent <strong>de</strong> l’abandon <strong>de</strong>s terres cultivées ou <strong>la</strong>bourées qui s’enfrichent <strong>et</strong> reviennent à <strong>la</strong>forêt. Face à c<strong>et</strong> « ensauvagement » mortifère à leurs yeux, ils défen<strong>de</strong>nt une nouvelle allianceentre l’homme <strong>et</strong> <strong>la</strong> montagne où l’animal domestique primera toujours <strong>sur</strong> le sauvage. Unelecture <strong>de</strong> leur prose indique une forte proximité avec <strong>les</strong> thèmes chers au nouveau ChassePêche Nature Traditions (C.P.N.T.) <strong>de</strong> M. Frédéric Nihous, établi <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, tout comme son maître à penser, Jean Saint-Josse. On <strong>les</strong> reconnaît aussi à leurforte propension <strong>de</strong> qualifier leurs adversaires <strong>de</strong> Talibans !Les principaux groupes ultrapastoraux <strong>de</strong>s Pyrénées sont :- l'Association pour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> du patrimoine d'Ariège-Pyrénées (A.S.P.A.P.), Foix,présidée par Philippe Lacube, animée par Magali Boniface,- l'Association pour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> du patrimoine pyrénéen (A.S.P.P. 65), Argelès-Gazost, présidée par Marie-Lise Broueilh,- l'Association <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité pyrénéenne (A.D.I.P.), Haute-Garonne, dont leprési<strong>de</strong>nt est Francis A<strong>de</strong>r,- <strong>la</strong> Fédération transpyrénéenne <strong>de</strong>s éleveurs <strong>de</strong> montagne <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques(Laruns, 64), présidée par Jean-Pierre Pommiès,- <strong>et</strong> le comité <strong>de</strong> défense contre <strong>la</strong> réintroduction d’ours (Laruns, 64), dont <strong>la</strong> secrétairegénérale est Madé Maylin.Ces groupes sont fédérés au sein <strong>de</strong> l'Association pour le développement durable <strong>de</strong>l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s Pyrénées. L’A.D.D.I.P., créée en 2000, a son siège à <strong>la</strong> Fédération pastorale <strong>de</strong>l‘Ariège à foix. Elle est présidée par Philippe Lacube. Son vice-prési<strong>de</strong>nt est Pierre CazassusLacouzatte <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fédération <strong>de</strong>s éleveurs transhumants (64), son secrétaire Francis A<strong>de</strong>r <strong>et</strong>elle dispose d’une chargée <strong>de</strong> mission en <strong>la</strong> personne <strong>de</strong> Marie-Lise Broueilh. Ajoutons que <strong>la</strong>Fédération pastorale <strong>de</strong> l’Ariège est présidée par M. Jean Rouch, par ailleurs maire <strong>de</strong> <strong>la</strong>commune ariégeoise d’Alzen, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté <strong>de</strong> communes du Séronnais,conseiller général <strong>de</strong> La Basti<strong>de</strong> <strong>de</strong> Sérou, prési<strong>de</strong>nt du Syndicat <strong>de</strong> préfiguration du Parcnaturel régional d’Ariège <strong>et</strong>, bien évi<strong>de</strong>mment, proche d’Augustin Bonrepaux, hommepolitique très influent <strong>de</strong> l’Ariège, ancien député (1981-2007) <strong>et</strong> prési<strong>de</strong>nt du conseil général.Le directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fédération pastorale est Jean-François Rummens qui nous accompagnaitlors du séjour officiel en Trentin (Italie du Nord) organisé par l’Etat au mois <strong>de</strong> décembre2007. M. Rummens est également directeur du service « Espace rural » au conseil général.60


On aura donc compris que ces groupes ultrapastoraux sont tout sauf miséreux <strong>et</strong>bénéficient d’appuis politiques <strong>de</strong> poids.Pourquoi défen<strong>de</strong>nt-ils <strong>la</strong> biodiversité ?On s’étonnera peut-être que <strong>de</strong> tels groupes défen<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> biodiversité. C’est sanscompter <strong>sur</strong> le caractère p<strong>la</strong>stique du terme qui autorise d’y m<strong>et</strong>tre n’importe quoi <strong>et</strong> d’abuserl’opinion. Bref, à l’auberge espagnole dépeinte par Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Génot <strong>les</strong> ultrapastoraux nesont pas <strong>les</strong> moins malins. La question est <strong>de</strong>venue si importante qu’elle figure d’ailleurs entrès bonne p<strong>la</strong>ce <strong>dans</strong> <strong>les</strong> statuts <strong>de</strong> l’A.D.D.I.P. L’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te coordination est : « ledéveloppement durable <strong>et</strong> <strong>la</strong> promotion <strong>de</strong>s activités d’élevage <strong>et</strong> <strong>de</strong> pastoralismecaractéristiques <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s Pyrénées <strong>et</strong> créatrices <strong>de</strong> biodiversité. (…) La représentation<strong>de</strong>s Pyrénéens auprès <strong>de</strong>s départements, <strong>de</strong>s régions, <strong>de</strong>s Etats français <strong>et</strong> espagnol pouraffirmer l’impossible cohabitation entre prédateurs <strong>et</strong> pastoralisme <strong>et</strong> prôner <strong>la</strong> défense dupastoralisme, principal outil <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité <strong>de</strong> ce massif » (c’est nous quisoulignons).Sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité, ces groupes s’appuient essentiellement <strong>sur</strong> <strong>les</strong> écrits<strong>de</strong> Bruno Besche-Commenge, ancien enseignant <strong>et</strong> chercheur au centre <strong>de</strong> linguistique <strong>et</strong> <strong>de</strong>dialectique <strong>de</strong> Toulouse <strong>et</strong> connaisseur <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s techniques agropastora<strong>les</strong>.Aux yeux <strong>de</strong> ces éleveurs, le pastoralisme serait incompatible avec <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>sgrands prédateurs, qui eux-mêmes menaceraient <strong>la</strong> biodiversité. C’est même une formed’Internationale, non du socialisme à visage humain, mais <strong>de</strong>s montagnes à visage humain,qui se m<strong>et</strong> en p<strong>la</strong>ce, avec d’autres éleveurs asturiens <strong>et</strong> alpins essentiellement opposés auxloups. Dans notre pays, le mouvement est soutenu par <strong>la</strong> Fédération nationale <strong>de</strong>s syndicatsd’exploitants agrico<strong>les</strong> (F.N.S.E.A.), <strong>les</strong> Jeunesses agrico<strong>les</strong> (J.A.), l’Assemblée permanente<strong>de</strong>s chambres d’agriculture (A.P.C.A.), <strong>la</strong> Fédération nationale ovine (F.N.O.) <strong>et</strong> <strong>la</strong> Fédérationnationale <strong>de</strong>s éleveurs <strong>de</strong> chèvres (F.N.E.C.) qui ont signé ensemble un manifeste pour «lemaintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité en zone d’élevage » en octobre 2007. Ces organisations exigentl’arrêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> réintroduction <strong>de</strong> l’ours, le r<strong>et</strong>rait <strong>de</strong>s loups en zone d’élevage <strong>et</strong> <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>spopu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> vautours <strong>et</strong> <strong>de</strong> lynx. L’instal<strong>la</strong>tion durable <strong>de</strong>s prédateurs est pour el<strong>les</strong>incompatible avec l’activité agricole <strong>et</strong> menacerait <strong>la</strong> biodiversité, dont ils sont <strong>de</strong>venus enquelques années à peine <strong>les</strong> hérauts.C’est ainsi que nous avons vu apparaître ce concept bien étrange : « <strong>la</strong> biodiversité àvisage humain », presque trente ans après le « socialisme à visage humain » duTchécoslovaque Dubcek. Certes, il est très ras<strong>sur</strong>ant d’être entouré par <strong>les</strong> siens, d’animauxdomestiques, d’évoluer <strong>dans</strong> un paysage partout marqué <strong>de</strong> l’empreinte humaine. Mais nousjugeons qu’il est impossible, chimérique <strong>de</strong> vouloir une biodiversité, c’est-à-dire un ensemble<strong>de</strong> formes <strong>de</strong> vie sauvages, non contrôlées, à « visage humain ». Plus extrémiste encore queses collègues français, Carlos Barrera Sanchez du Sindic du Val d’Aran, déc<strong>la</strong>mait àBagnères-<strong>de</strong>-Bigorre le 13 mai 2006 lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestation <strong>de</strong> refus <strong>de</strong>s lâchers d’ours : « <strong>la</strong>véritable biodiversité du massif <strong>et</strong> <strong>de</strong>s pays pyrénéens, c’est notre culture, notre histoire, nostraditions, <strong>et</strong> ce sont <strong>les</strong> personnes qui habitent <strong>les</strong> Pyrénées. Avec notre travail <strong>et</strong> tout notrerespect, nous avons fait <strong>de</strong>s Pyrénées une merveille, notre maison commune où nous vivonstous. (…) Des Pyrénées déshumanisées ne sont rien » (sic !).On appréciera le caractère profondément narcissique d’une telle envolée. Non, <strong>la</strong>biodiversité ne se réduit pas à <strong>la</strong> culture humaine, si élevée soit elle, aux chèvres, aux moutons61


<strong>et</strong> aux vaches, quand bien même nous pouvons prendre du p<strong>la</strong>isir à manger leur vian<strong>de</strong>, uncrottin <strong>de</strong> bique ou un fromage <strong>de</strong> brebis.Quid <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité domestique ?La convention <strong>de</strong> Rio a ajouté à <strong>la</strong> biodiversité originelle une biodiversité ditedomestique. C<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière doit être défendue d’autant qu’elle est menacée par <strong>les</strong> processus<strong>de</strong> sélection mo<strong>de</strong>rnes.Le pas est vite franchi par <strong>les</strong> ultrapastoraux d’affirmer que <strong>les</strong> races domestiques, <strong>et</strong>particulièrement <strong>les</strong> races autochtones, font partie intégrante <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité pyrénéenne.Rappelons que <strong>les</strong> races <strong>de</strong> moutons ont été sélectionnées au fil du temps à partir d’un ancêtresauvage originaire d’Asie <strong>et</strong> se rattachent à <strong>la</strong> même espèce. Les chèvres actuel<strong>les</strong> <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>ntégalement d’un ancêtre asiatique. La souche <strong>de</strong>s bovins, elle, remonte à l’aurochs.M. Besche-Commenge ou Mme Vio<strong>la</strong>ine Bérot, vice-prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong>puis 2007 <strong>de</strong>l’Association La chèvre pyrénéenne, par exemple, défen<strong>de</strong>nt ces races qui seraient menacéespar <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> le r<strong>et</strong>our du loup, <strong>de</strong>ux animaux qui, eux, ne seraient pas menacés.Rappelons que si quelques races <strong>de</strong> moutons ou <strong>la</strong> chèvre <strong>de</strong>s Pyrénées ont <strong>de</strong> si faib<strong>les</strong>effectifs, el<strong>les</strong> le doivent à <strong>de</strong>s choix agro-industriels décidés par <strong>les</strong> syndicats agrico<strong>les</strong> quisoutiennent <strong>les</strong> groupes ultrapastoraux, mais en aucun cas à l’ours ou au loup. Nousconnaissons <strong>de</strong>s éleveurs <strong>de</strong> brebis castillonaise <strong>et</strong> <strong>de</strong> chèvre <strong>de</strong>s Pyrénées qui n’adhèrent pasau discours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux personnes précitées. Un <strong>de</strong>s éleveurs <strong>de</strong> chèvres pyrénéennes, rencontréen Béarn, nous disait toute son admiration pour l’ours, qu’il appe<strong>la</strong>it respectueusement « LeMonsieur ». S’il appe<strong>la</strong>it même <strong>de</strong> ses vœux le r<strong>et</strong>our du lynx <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, il n’en étaitpas <strong>de</strong> même avec le loup, rej<strong>et</strong>é sans discussion. En outre, <strong>la</strong> position officielle <strong>de</strong>l’association La chèvre pyrénéenne était manifestement favorable aux lâchers d’ours <strong>de</strong> 2006.Malheureusement, en raison <strong>de</strong>s liens c<strong>la</strong>niques du mon<strong>de</strong> pastoral <strong>et</strong> d’un climat violent quirègne <strong>dans</strong> ces milieux, il est très difficile aux éleveurs <strong>de</strong> témoigner ouvertement.Prenons aussi l’exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong> vache béarnaise si belle avec ses cornes en forme <strong>de</strong> lyre.Présente par milliers jusqu’aux années 1960, lorsqu’il y avait encore une trentaine d’ours <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>, elle a cédé <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> Blon<strong>de</strong> d’Aquitaine, à <strong>la</strong> Holstein ou <strong>la</strong> Pienoire sélectionnées pour leur meilleur ren<strong>de</strong>ment. La politique officielle ne vou<strong>la</strong>it plus <strong>de</strong>races dites mixtes, à <strong>la</strong> fois <strong>la</strong>itière <strong>et</strong> à vian<strong>de</strong>. L’intérêt <strong>de</strong>s béarnaises était <strong>de</strong> donner du <strong>la</strong>iten fin <strong>de</strong> printemps <strong>et</strong> <strong>de</strong> début d’été <strong>et</strong> donc <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>tre <strong>la</strong> fabrication importante dufromage mixte vache-brebis. Bernard Cimorra, un <strong>de</strong>s sauveurs <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te race, n’a jamais eu lemoindre problème avec <strong>les</strong> ours, alors que ses bêtes estivent <strong>de</strong>puis onze ans, notamment <strong>dans</strong><strong>la</strong> montagne d’Arrioutort fréquentée <strong>de</strong> tous temps par le p<strong>la</strong>ntigra<strong>de</strong>. Par contre, M. Cimorra,qui détient le plus grand troupeau 85 , nous confie qu’il ne reçoit aucune ai<strong>de</strong> sérieuse <strong>de</strong> <strong>la</strong>chambre d’agriculture <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques qui a même refusé <strong>de</strong> mener le recensementannuel <strong>de</strong> son troupeau. En revanche, alors que c<strong>et</strong>te race n’est pas suffisamment reconnue,elle est <strong>la</strong> mascotte d’un festival <strong>de</strong> musique bien connu en Béarn, <strong>et</strong> ce sont <strong>de</strong>s blon<strong>de</strong>sd’Aquitaine que certains gui<strong>de</strong>s touristiques montrent aux touristes en <strong>les</strong> nommantbéarnaises… Nous ferons une analogie évi<strong>de</strong>nte avec ces représentations d’ours dont certainsabusent à <strong>de</strong>s fins strictement commercia<strong>les</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées (notamment occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>), <strong>les</strong>mêmes refusant le renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> faible popu<strong>la</strong>tion existante.Revenons à nos moutons, toutes races confondues. Le nombre <strong>de</strong> moutons écrase celui<strong>de</strong>s ours : un milliard <strong>de</strong> têtes contre 2 à 300 000, qui peuvent très vite, <strong>et</strong> nous insistons <strong>sur</strong>85 B. Cimorra possè<strong>de</strong> 17 têtes, <strong>sur</strong> un cheptel <strong>de</strong> 150 individus répartis entre 36 éleveurs.62


ce point, se trouver menacés par l’expansion économique <strong>et</strong> démographique exponentielle <strong>de</strong>l’humanité. Insistons aussi <strong>sur</strong> l’extrême faib<strong>les</strong>se <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions d’ours d’Europeocci<strong>de</strong>ntale (Cordillère cantabrique, Pyrénées, Trentin <strong>et</strong> Abruzzes) qui totalisent environ 200individus.En outre, que vaut ce discours <strong>de</strong>s associations ultrapastora<strong>les</strong> selon lequel l’homme aenrichi <strong>la</strong> nature en créant <strong>de</strong>s races <strong>de</strong> moutons ou <strong>de</strong> vaches, quand il a exterminé <strong>la</strong> souche<strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> races <strong>de</strong> moutons ou <strong>de</strong> bovins… Nous faisons nôtres <strong>la</strong> réflexion suivante <strong>de</strong>François Moutou : « La domestication n’est pas une forme <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong>s espèces car <strong>de</strong>nombreux "ancêtres" <strong>et</strong> non <strong>de</strong>s moindres ont déjà disparu (aurochs, chevaux, ânes,dromadaires) ou sont au bord <strong>de</strong> l’extinction (buffle, yack, chameau), pour ne prendre quequelques exemp<strong>les</strong> chez <strong>les</strong> mammifères. Il faut ajouter que si chaque espèce sauvagepossédait le potentiel génétique qui a permis <strong>de</strong> donner naissance à toutes <strong>les</strong> races <strong>et</strong> variétésactuel<strong>les</strong> (je ne parle pas <strong>de</strong>s hybridations interspécifiques volontaires comme le mul<strong>et</strong>), ilsemble très aléatoire d’imaginer que <strong>de</strong>s espèces ancêtres sauvages perdues pourraient êtrereconstituées à partir <strong>de</strong> quelques unes <strong>de</strong> ces races ou variétés qui justement en<strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt. 86 »L’homme éleveur, présenté comme si prévoyant par nos adversaires, a été assezintelligent pour perdre <strong>les</strong> souches <strong>de</strong> ses propres troupeaux. Là est <strong>la</strong> vraie catastrophe, pascelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> raréfaction <strong>de</strong> quelques races <strong>de</strong> moutons sélectionnées <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées. Allonsmême encore plus loin en puisant <strong>dans</strong> <strong>les</strong> travaux passionnants <strong>de</strong> Jean-Denis Vigne <strong>sur</strong> <strong>les</strong>eff<strong>et</strong>s importants <strong>de</strong> <strong>la</strong> société néolithique <strong>sur</strong> <strong>la</strong> nature. Dans son ouvrage Les origines <strong>de</strong> <strong>la</strong>culture. Les débuts <strong>de</strong> l’élevage 87 , ce directeur <strong>de</strong> recherches au C.N.R.S., par ailleursdirecteur d’un <strong>la</strong>boratoire d’archéozoologie au Muséum national d’histoire naturelle, évoque<strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> l’aurochs dont le <strong>de</strong>rnier individu meurt en 1627 <strong>dans</strong> un zoo <strong>sur</strong> le territoire<strong>de</strong> l’actuelle Pologne. L’ultime popu<strong>la</strong>tion sauvage jalousement conservée par <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s duroi <strong>de</strong> Pologne, Ladis<strong>la</strong>s Ier, est alors décimée par <strong>les</strong> conséquences <strong>de</strong>s guerres <strong>et</strong>… uneépidémie transmise par <strong>les</strong> bovins domestiques qui vivaient à leur contact <strong>dans</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong>Jaktorow. Ceci pourrait apparaître comme une vieille affaire sans grand intérêt. Il n’en estrien ! Laissons Jean-Denis Vigne : « Ce qui est intéressant à r<strong>et</strong>enir <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong>disparition <strong>de</strong> l’aurochs qui s’est étendue <strong>sur</strong> 5 000 ans, ce sont <strong>les</strong> différentes étapes qui l’ontjalonnée <strong>et</strong> <strong>la</strong> multiplicité <strong>de</strong> ses causes : <strong>la</strong> concurrence avec l’élevage, <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong> <strong>la</strong>niche écologique - <strong>les</strong> aurochs ayant été contraints <strong>de</strong> reculer <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones restées à l’écart<strong>de</strong>s déforestations - qui a induit <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>et</strong> leur fragilisation -l’occupation d’écosystèmes diversifiés perm<strong>et</strong> une meilleure résistance à l’extinction-, <strong>la</strong>chasse <strong>de</strong>meurée intense <strong>et</strong> <strong>les</strong> ma<strong>la</strong>dies transmises par le bétail. Ces différents éléments sontd’autant plus intéressants à faire ressortir qu’on <strong>les</strong> r<strong>et</strong>rouve à l’œuvre <strong>dans</strong> <strong>les</strong> extinctions quisont actuellement en cours <strong>de</strong> par le mon<strong>de</strong>. »Comme l’avait si bien montré Robert Hainard <strong>dans</strong> ses essais 88 , nous nous comportonsencore comme <strong>de</strong>s hommes néolithiques aux réflexes d’exploitation intégrale. Voilà une <strong>de</strong>sraisons <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te attitu<strong>de</strong> ultrapastorale, en apparence paradoxale, à défendre l’authentique,l’autochtone, le "racé pyrénéen" quand justement l’autochtone est l’ours ou le loup, <strong>et</strong>l’exotique, <strong>la</strong> chèvre ou le mouton.86 « Biodiversité », La Gaz<strong>et</strong>te <strong>de</strong>s grands prédateurs, revue <strong>de</strong> l’association Ferus, n°26, hiver 2007-2008, p. 17.87 Edité par Le Pommier, 2004. Un p<strong>et</strong>it ouvrage vivement recommandé !88 Voir <strong>la</strong> bibliographie générale.63


Qui gèle vraiment <strong>la</strong> montagne ?Ce qui est bien cocasse aujourd’hui est <strong>de</strong> voir <strong>les</strong> groupes ultrapastoraux s’accrocheraux relevés faunistiques <strong>et</strong> floristiques <strong>de</strong>s sites Natura 2000 (qui ne sont ni pas <strong>de</strong>s preuvesabsolues d’une riche biodiversité, mais <strong>la</strong> photographie à l’instant "t" <strong>de</strong> l’état du milieu) pourexiger le maintien <strong>de</strong> leurs activités garantes <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne. Or, qui ditmaintien d’un pastoralisme pour préserver une biodiversité, dit mise sous cloche d’un milieuqui ne connaît plus <strong>les</strong> processus écologiques dynamiques. Les mêmes qui reprochent <strong>la</strong>sanctuarisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature au moyen <strong>de</strong>s parcs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s réserves (une sanctuarisation bienre<strong>la</strong>tive en France), s’acharnent à geler <strong>la</strong> montagne pyrénéenne sous <strong>la</strong> <strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s bêtesdomestiques <strong>et</strong> du feu. Plus que d’un gel, il s’agit d’une infantilisation permanente <strong>de</strong> <strong>la</strong>végétation qui ne doit <strong>sur</strong>tout pas aller jusqu’au sta<strong>de</strong> effrayant <strong>de</strong> <strong>la</strong> broussaille.D’autres sources collectées par M. Besche-Commenge 89 voudraient nous faire croireque sans <strong>les</strong> moutons, bien <strong>de</strong>s graines <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes ne seraient plus disséminées, que <strong>les</strong>herbivores sauvages ne sont pas suffisamment nombreux pour soit disant maintenir <strong>la</strong>biodiversité végétale <strong>et</strong> empêcher le sinistre embroussaillement, que <strong>la</strong> valeur nutritive <strong>de</strong>spâturages est améliorée par <strong>les</strong> brebis <strong>et</strong> qu’elle est plus favorable aux isards, que sanspastoralisme <strong>les</strong> autres ongulés l’emportent <strong>sur</strong> l’isard, <strong>et</strong>c.Sacré mouton ! Si le Bon Dieu ne l’avait pas inventé, il aurait fallu le créer ! Naturaliste<strong>de</strong> terrain reconnu, Gilbert Coch<strong>et</strong> est agrégé <strong>de</strong> sciences naturel<strong>les</strong>, correspondant auMuséum d’histoire naturelle <strong>et</strong> expert auprès du Conseil <strong>de</strong> l’Europe. Voici ce qu’il déc<strong>la</strong>rait<strong>dans</strong> un entr<strong>et</strong>ien 90 :- Selon vous, il n’est pas utile, voire même néfaste, <strong>de</strong> vouloir entr<strong>et</strong>enir à tout prix <strong>de</strong>s" milieux ouverts", en y faisant pâturer <strong>de</strong>s moutons ?« À mon avis, le mouton, c’est bon pour nous donner <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ine, <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>, du <strong>la</strong>it <strong>et</strong><strong>de</strong> bons fromages <strong>et</strong> puis, pourquoi pas, <strong>de</strong>s paysages <strong>de</strong> pelouses mais c’est tout. C’est uneespèce exotique <strong>et</strong> je ne vois pas comment il pourrait, en France, gérer <strong>de</strong>s milieux naturels,ça n’a pas <strong>de</strong> sens. Autant utiliser le <strong>la</strong>ma ou le kangourou ! On comprend certaines personnesqui ont connu une pério<strong>de</strong> où l’agriculture était encore re<strong>la</strong>tivement respectueuse <strong>de</strong>l’environnement <strong>et</strong> où on avait <strong>de</strong>s milieux un peu nouveaux, pâturés par le mouton, mais ilfaut bien imaginer <strong>et</strong> c’est peut-être dur à entendre pour certains qu’une pelouse rase, sèche,pâturée par <strong>les</strong> moutons, ça n’existe pas naturellement en France. C’est un milieu créé parl’homme <strong>et</strong> son cheptel domestique, on peut le gar<strong>de</strong>r pour <strong>de</strong>s raisons <strong>et</strong>hnologiques,culturel<strong>les</strong> mais que l’on ne vienne pas dire qu’il s’agit <strong>de</strong> milieux naturels intéressants !L’homme, même avec son mouton, n’a jamais créé <strong>la</strong> moindre orchidée. »Quelques écrits ultrapastorauxNous avons disséqué quelques textes pour pénétrer plus en avant le credo ultrapastoral.Nous as<strong>sur</strong>ons le lecteur que nous faisons là un commentaire sérieux, <strong>et</strong> ne tronquons aucunephrase <strong>de</strong> manière à faire dire le contraire <strong>de</strong> ce qui a été écrit. Prévenons que nous n’avonspas exercé une critique intégrale <strong>de</strong> ces textes ; ce<strong>la</strong> viendra un jour.89 « Pyrénées : pastoralisme <strong>et</strong> biodiversité, <strong>dans</strong> l’histoire <strong>et</strong> aujourd’hui », février 2008.90 La Voie du Loup (Mission Loup, France Nature Environnement), n°19, octobre 2004.64


- Le pastoralisme <strong>et</strong> <strong>la</strong> biodiversité vus par l’A.S.P.A.P.Dans sa l<strong>et</strong>tre, mise en ligne, Vivre en Pyrénées, <strong>de</strong> septembre 2007, c<strong>et</strong>te associationdéroule son credo <strong>dans</strong> un texte intitulé : « Ruralité, biodiversité, développement durable : <strong>de</strong>sPyrénées à visage humain. »« À partir <strong>de</strong> travaux scientifiques <strong>et</strong> <strong>de</strong> directives politiques qui, <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> Conférence<strong>de</strong> Rio, envisagent <strong>de</strong> façon liée biodiversité, développement durable, <strong>et</strong> ruralité, nous avonspu recueillir <strong>de</strong>s éléments irréfutab<strong>les</strong> qui démontrent comment l’avenir <strong>de</strong>s Pyrénées,montagnes humaines <strong>de</strong>puis le néolithique, ne peut être ni l’ensauvagement, ni leconservationnisme patrimonial.C<strong>et</strong>te approche m<strong>et</strong> en évi<strong>de</strong>nce comment, entre ces <strong>de</strong>ux écueils semb<strong>la</strong>blementréducteurs, <strong>les</strong> Pyrénées ont aujourd’hui un rôle à jouer au croisement <strong>de</strong>s voies qui onttoujours été <strong>les</strong> leurs : as<strong>sur</strong>er à <strong>la</strong> fois - production agricole pour nourrir <strong>les</strong> hommes, -création <strong>et</strong> maintien <strong>de</strong> paysage <strong>et</strong> <strong>de</strong> biodiversité, - offre <strong>de</strong> sites <strong>et</strong> d’activités <strong>de</strong> loisir pourceux qui <strong>les</strong> visitent, - emplois <strong>et</strong> p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong> vivre pour ceux qui y habitent. »Sous <strong>la</strong> rubrique « Pastoralisme <strong>et</strong> biodiversité » on lit : « le pastoralisme, patrimoinevivant <strong>de</strong>s Pyrénées » (le reste est-il mort ?)Présentée comme une activité venue <strong>de</strong> <strong>la</strong> nuit <strong>de</strong>s temps, le pastoralisme aurait un« rôle moteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité » ! Nous n’avions jamais encore repéré l’utilisation du term<strong>et</strong>rès connoté <strong>de</strong> « moteur » <strong>dans</strong> un texte traitant <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité. Une conséquence <strong>de</strong> <strong>la</strong>mécanisation <strong>de</strong> l’agriculture sans doute <strong>et</strong> du goût <strong>de</strong> certains pour <strong>de</strong> puissants 4x4. Notonsaussi que <strong>la</strong> nature n’est que très rarement définie par <strong>les</strong> ultrapastoraux (<strong>et</strong> pas souvent par<strong>les</strong> défenseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature non plus) qui préfèrent aujourd’hui le terme fourre-tout <strong>de</strong>biodiversité. Ce <strong>de</strong>rnier a l’avantage d’épater le cha<strong>la</strong>nd <strong>et</strong> <strong>de</strong> noyer le poisson.L’abandon <strong>de</strong> <strong>la</strong> transhumance est relié à un « appauvrissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité végétale,qui se traduit par une gran<strong>de</strong> sensibilité à ces incendies dont <strong>les</strong> télévisions ont montré <strong>les</strong>déso<strong>la</strong>ntes images » (sic !). Nous apprécierons <strong>la</strong> rapidité dialectique <strong>de</strong> <strong>la</strong> conclusion : c’estvrai puisque c’est « vu à <strong>la</strong> télévision » !D’après l’A.S.P.A.P. <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>s ovins en montagne a « contribué à créer <strong>et</strong>continue à maintenir <strong>la</strong> biodiversité végétale <strong>de</strong>s montagnes, jusqu’à haute altitu<strong>de</strong>. » Bref, ditl’A.S.P.A.P., « <strong>la</strong> biodiversité ça se cultive ! » Nous traduisons : si l’homme, en l’occurrencel’éleveur, n’était pas apparu <strong>dans</strong> nos montagnes il y a 5 000 ans, <strong>la</strong> biodiversité végétale nese serait pas maintenue. Sans doute qu’elle était entrée <strong>dans</strong> un processus dégénératif que <strong>la</strong><strong>de</strong>nt d’animaux exotiques a inversé. Mieux, <strong>les</strong> chèvres <strong>et</strong> moutons ont créé <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes !Lesquel<strong>les</strong> ? Vite, ces noms que nous n’avons jamais encore lu <strong>dans</strong> une flore. Au fond, <strong>la</strong>seule biodiversité admise par <strong>les</strong> ultrapastoraux est celle qui entre en conjonction avec <strong>les</strong>hommes <strong>et</strong> leurs cultures. Ils repoussent <strong>la</strong> nature qui vit par <strong>et</strong> pour elle-même. L’hommedoit lui aussi, pour reprendre <strong>les</strong> mots <strong>de</strong> M. Besche-Commenge, être reconnu comme uncréateur <strong>de</strong> biodiversité.En poursuivant, nous trouvons enfin une phrase très explicite : « Ainsi <strong>la</strong> nature est belleparce qu’elle est entr<strong>et</strong>enue, parce que <strong>les</strong> prairies sont fauchées. » On me<strong>sur</strong>e ici ce que <strong>la</strong>nature culturelle peut bien être. Libre aux membres <strong>de</strong> l’A.S.P.A.P. <strong>de</strong> ne trouver « belle » <strong>la</strong>nature que lorsqu’elle est jardinée, libre à d’autres <strong>de</strong> <strong>la</strong> trouver belle aussi quand elle ne porteaucune marque humaine.65


Après l’éta<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> science, viennent <strong>les</strong> scénarios <strong>de</strong>s catastrophes annoncées, contre<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> éleveurs, qualifiés d’ « acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité », seraient <strong>les</strong> seuls à pouvoirlutter. « Aussitôt l’espace déserté par <strong>les</strong> troupeaux, il suffit <strong>de</strong> quelques saisons aux ligneux<strong>et</strong> fougères, au gisp<strong>et</strong>, espèces végéta<strong>les</strong> dominantes, pour coloniser définitivement <strong>de</strong>spelouses abandonnées, <strong>les</strong> versants, <strong>les</strong> prés. Dans tous <strong>les</strong> cas, s’ensuivra un recul <strong>de</strong> <strong>la</strong>biodiversité <strong>de</strong> ces espaces, que buissons <strong>et</strong> ronces envahiront bientôt. En aucun cas, <strong>la</strong> forêtoriginelle ne reviendra. » Ainsi parle Madame Soleil ! Adieu écologues, paléoécologues,naturalistes (<strong>de</strong>s branches diverses <strong>de</strong> <strong>la</strong> talibanerie internationale), on vous le dit, <strong>la</strong> forêt nereviendra pas !Nul conte <strong>de</strong> fées sans le Papé. L’A.S.P.A.P. en a déniché un, un vrai, un « ancien » quia fatalement toujours raison : « Quand <strong>les</strong> troupeaux seront tous partis, nous dit un ancien,pour que <strong>la</strong> montagne soit belle on fera venir <strong>de</strong>s engins à moteur, <strong>de</strong>s broyeurs, <strong>de</strong>sfaucheuses. Dans le bruit <strong>et</strong> l’o<strong>de</strong>ur d’essence, ils racleront, arracheront, piétineront cesespaces que <strong>les</strong> troupeaux entr<strong>et</strong>enaient pour nous tous. Les loups tueront aussi <strong>les</strong> marmottes,<strong>les</strong> isards. Les ours feront <strong>les</strong> poubel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges. Les touristes regr<strong>et</strong>teront <strong>les</strong> troupeaux,on regar<strong>de</strong>ra <strong>de</strong>s photos, <strong>de</strong>s films <strong>et</strong> <strong>de</strong>s livres <strong>sur</strong> <strong>la</strong> transhumance. Il sera trop tard. » LePapé y va si fort qu’il nous faudrait <strong>de</strong>s pages <strong>de</strong> commentaires. On notera l’emploifondamental <strong>de</strong> l’expression « pour que <strong>la</strong> montagne soit belle », preuve une nouvelle fois que<strong>la</strong> question est culturelle <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout pas écologique. Parmi <strong>les</strong> énormités, on félicitera c<strong>et</strong>« ancien » qui n’a jamais connu <strong>les</strong> loups <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées (<strong>les</strong> meutes ont disparu avant sanaissance, à moins que ce monsieur n’ait plus <strong>de</strong> 120 ans), qui ne sait sans doute rien <strong>de</strong> leurbiologie, <strong>de</strong> prévoir un tel avenir sombre à <strong>la</strong> faune <strong>de</strong> nos montagnes, que toutes <strong>les</strong>situations étrangères <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Alpes du Mercantour viennent contredire.Mais l’A.S.P.A.P. n’ayant peur <strong>de</strong> rien, continue : « C<strong>et</strong>te vision d’avenir fait froid <strong>dans</strong>le dos. Elle est déjà le présent <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong>s Picos <strong>de</strong> Europa, en Espagne <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Asturies,où en dix ans <strong>les</strong> loups ont vidé <strong>les</strong> montagnes <strong>de</strong>s troupeaux, puis <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>et</strong>ite <strong>et</strong> gran<strong>de</strong>faune, jusqu’à transformer <strong>les</strong> paysages en friches. Au point que <strong>les</strong> associations pro-louptirent <strong>la</strong> sonn<strong>et</strong>te d’a<strong>la</strong>rme, démunies <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> résultats catastrophiques <strong>de</strong> leur expérienced’apprentis sorciers. »Nous m<strong>et</strong>tons au défi l’A.S.P.A.P. <strong>de</strong> prouver ce qu’elle affirme là par <strong>de</strong>s donnéesscientifiques sérieuses, pas au moyen <strong>de</strong> fantasmes ou d’histoires récoltées chez Papé. Jamais<strong>de</strong>s loups, ni aucun autre prédateur, n’a entraîné <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> ses proies. Pour ce qui est <strong>de</strong><strong>la</strong> faune domestique, allochtone ou autochtone, c’est elle qui a entraîné <strong>la</strong> disparition, paréradication, <strong>de</strong>s prédateurs sauvages autochtones, <strong>et</strong> pas l’inverse. Aujourd’hui, grâce àl’évolution <strong>de</strong>s mœurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s lois, il est difficile aux éleveurs d’éliminer <strong>les</strong> espèces qui <strong>les</strong>gênent. Notons l’emploi <strong>de</strong> l’image <strong>de</strong>s « paysages en friches », hantises diurnes <strong>et</strong> nocturnes<strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> l’A.S.P.A.P. Deux clichés accompagnent d’ailleurs c<strong>et</strong>te « visiond’avenir » dont on cherche vainement <strong>la</strong> logique : un ours <strong>de</strong>rrière <strong>les</strong> barreaux d’une cage <strong>et</strong>un milieu en voie <strong>de</strong> reboisement. Ces clichés sont ainsi légendés : « Asturies : <strong>de</strong> <strong>la</strong>biodiversité… à l’ensauvagement. » On s’y perd vraiment : <strong>la</strong> biodiversité est réduite à unebête captive d’un cul-<strong>de</strong>-basse-fosse <strong>et</strong> l’ensauvagement est justement représenté par unmilieu riche <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> <strong>de</strong>…biodiversité. Le confusionnisme est roi chez <strong>les</strong> ultrapastoraux !66


Cliché n° 4 Cliché n° 5Asturies : <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité …(Source : A.S.P.A.P.)… à l’ensauvagement.Vous croyez que nous avons livré là un commentaire trop facile. Allez voir !(www.aspap.info)- La fiche « Pastoralisme » <strong>sur</strong> WikipédiaVoici quelques extraits <strong>de</strong> <strong>la</strong> fiche "Pastoralisme" <strong>sur</strong> l’encyclopédie en ligne Wikipédia.Le rédacteur est un gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> pays très proche <strong>de</strong>s ultrapastoraux, qui adoucit ici son discourspour tenter <strong>de</strong> lui donner un ton neutre <strong>et</strong> objectif. Mais patatras…« L’abandon <strong>de</strong>s zones intermédiaires conduit à leur ferm<strong>et</strong>ure progressive.Contrairement à une opinion répandue, le r<strong>et</strong>our du boisement sauvage ne conduit pas à uneréapparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt initiale. On voit au contraire taillis <strong>et</strong> broussail<strong>les</strong> reconquérir ces sitesabandonnés par <strong>les</strong> troupeaux. Les bergers disent: <strong>la</strong> montagne est salie. C<strong>et</strong>te évolution estdifficilement réversible car <strong>les</strong> bêtes refusent <strong>de</strong> pacager <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s prairies embroussaillées,l’herbe y est moins abondante <strong>et</strong> l’ombre inquiète <strong>les</strong> animaux.Les conséquences environnementa<strong>les</strong> ne sont pas négligeab<strong>les</strong>. La plus visible est <strong>la</strong>modification <strong>de</strong>s paysages ancestraux <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne, avec une <strong>de</strong>nsification <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone <strong>de</strong>moyenne montagne qui étouffe progressivement <strong>les</strong> vil<strong>la</strong>ges, accentuant <strong>la</strong> pressionmenaçante <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>et</strong> dégradant l’équilibre visuel <strong>de</strong>s paysages.L’absence <strong>de</strong> l’entr<strong>et</strong>ien as<strong>sur</strong>é par <strong>les</strong> troupeaux induit une fragilisation du milieu :réduction <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité végétale <strong>et</strong> animale (<strong>et</strong> non l’inverse comme on le suppose à tort enconstatant un r<strong>et</strong>our à l’état sauvage d’un paysage), car <strong>les</strong> espèces vivant <strong>dans</strong> un milieuouvert disparaissent. Les zones fermées <strong>et</strong> embroussaillées sont plus vulnérab<strong>les</strong> auxincendies, <strong>les</strong> risques d’ava<strong>la</strong>nches y sont également plus nombreux. Les voies d’accès,inutilisées, <strong>de</strong>viennent inaccessib<strong>les</strong> aux randonneurs. »Remarquons tout d’abord l’emploi <strong>de</strong> mots <strong>et</strong> d’expressions très connotés, qui trahissent<strong>la</strong> peur d’une sauvagerie propre à ensevelir le mon<strong>de</strong> humain : <strong>la</strong> "montagne salie", "étouffer","pression menaçante", l’"ombre" qui inquiète. C’est une constante <strong>dans</strong> tous ces textes. C<strong>et</strong>tevision d’une nature qui reprend ses droits ne mène ni au chaos ni à <strong>la</strong> pauvr<strong>et</strong>é biologique.Nous avons affaire ici à une personne inculte <strong>sur</strong> le suj<strong>et</strong>, qui déverse ses phobies après avoirrecopié <strong>de</strong>s conclusions grossières <strong>et</strong> mensongères.67


- La comp<strong>la</strong>inte <strong>de</strong> Vio<strong>la</strong>ine BérotÉleveuse <strong>de</strong> chèvres <strong>et</strong> <strong>de</strong> chevaux, romancière <strong>et</strong> éducatrice d’enfants en difficulté,Vio<strong>la</strong>ine Bérot a exprimé ses idées <strong>dans</strong> un essai dont voici un extrait :« Et aux p<strong>et</strong>its paysans pyrénéens on impose l’ours, comme pour mieux <strong>les</strong> ai<strong>de</strong>r àdisparaître d’un paysage agricole qui ne veut plus d’eux. Or, c’est le paysan pyrénéen quientr<strong>et</strong>ient <strong>la</strong> montagne. C’est lui qui fait le paysage que le touriste trouve si "naturellement"beau. Les troupeaux en pâturant l’herbe d’estive empêchent <strong>la</strong> fougère <strong>de</strong> tout envahir.Pourtant, rares sont <strong>les</strong> randonneurs qui s’imaginent ce que seraient leurs beaux sentiers <strong>de</strong>promena<strong>de</strong> s’il n’y avait plus ni vaches ni brebis pour pacager <strong>les</strong> alentours. Dans <strong>les</strong> valléesc’est le même paysan qui fauche, qui n<strong>et</strong>toie, qui empêche <strong>la</strong> ronce <strong>et</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> toutrecouvrir. (…) Veut-on que <strong>la</strong> montagne pyrénéenne <strong>de</strong>vienne un no man’s <strong>la</strong>nd inaccessibleà l’homme, où le feu <strong>de</strong> forêt pourra tout anéantir en quelques heures, où il ne restera plusgrand-chose <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te biodiversité si chère à ceux qui se targuent d’écologie. 91 »Misérabilisme, fantasme très occi<strong>de</strong>ntal <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt sombre <strong>et</strong> dangereuse, inversion <strong>de</strong>srô<strong>les</strong> (c’est quand même l’éleveur qui m<strong>et</strong> le feu…), manipu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> réalités inconnues (<strong>la</strong>fameuse <strong>et</strong> trop fumeuse "biodiversité"), tout y est chez c<strong>et</strong>te égérie d’un pastoralismeincapable d’accepter <strong>la</strong> présence du mon<strong>de</strong> sauvage. Excellent connaisseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature,ancien professeur <strong>de</strong> biologie à l’Université <strong>de</strong> Lyon, ingénieur chimiste, docteur ès sciencesnaturel<strong>les</strong>, naturaliste, précurseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature en France <strong>et</strong> à ce titre fondateur<strong>de</strong> <strong>la</strong> F.R.A.P.N.A., auteur <strong>de</strong> nombreux ouvrages 92 , Philippe Lebr<strong>et</strong>on écrivait ces lignes trèsindiquées pour Madame Bérot :« L’Homme, le méditerranéen <strong>sur</strong>tout, animal <strong>de</strong> savane, psychiquement prédisposé auxactivités pastora<strong>les</strong> <strong>et</strong> agrico<strong>les</strong>, voit <strong>dans</strong> <strong>la</strong> forêt l’ennemi "à abattre" (c’est le cas <strong>de</strong> le dire).Loin <strong>de</strong>s espaces ouverts où <strong>la</strong> vue <strong>et</strong> l’ouïe, sens humains prédominants, as<strong>sur</strong>ent <strong>la</strong> sécurité,notre espèce se sent confusément menacée par <strong>les</strong> ombres <strong>et</strong> <strong>les</strong> murmures <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt cachantl’approche du fauve dévorant ! 93 »- La F.N.S.E.A. s’intéresse à <strong>la</strong> biodiversité !La presse régionale, <strong>et</strong> agricole bien entendu, se fait malheureusement très souventl’écho <strong>de</strong>s fantasmes ultrapastoraux, sans analyse sérieuse <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation <strong>et</strong> sans grand respect<strong>de</strong> <strong>la</strong> contradiction. C’est ainsi qu’on a pu lire <strong>dans</strong> l’hebdomadaire Le Sillon du 21 décembre2007 ces propos <strong>de</strong> Jean-Marc Prim, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> section montagne <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fédérationdépartementale <strong>de</strong>s syndicats d’exploitants agrico<strong>les</strong> <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, qui donnait <strong>les</strong>raisons <strong>de</strong> <strong>la</strong> création d’un groupe spécialisé <strong>sur</strong> <strong>les</strong> prédateurs au sein <strong>de</strong>s organisationsagrico<strong>les</strong> :« Les acteurs <strong>de</strong> l’agropastoralisme sont en train <strong>de</strong> se décourager à cause <strong>de</strong>sprédateurs. Si nous ne faisons pas quelques chose rapi<strong>de</strong>ment, nous aurons perdu unecivilisation entière. Nous aurons perdu ce qui reste souvent <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière activité économique<strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées. Nous aurons détruit ce qui est <strong>la</strong> source <strong>de</strong> l’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong> l’espace <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>biodiversité. Donc nous disons stop ! »Et Jean-Marc Prim d’énoncer que pour ce qui est <strong>de</strong> l’ours, <strong>les</strong> organisations agrico<strong>les</strong>exigent l’arrêt du principe <strong>de</strong> <strong>la</strong> réintroduction <strong>et</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> prédation <strong>de</strong>s ours dits « àproblème ». Ce <strong>de</strong>rnier membre <strong>de</strong> phrase est lourd <strong>de</strong> sens, car on constate que tous <strong>les</strong> ours91 Vio<strong>la</strong>ine Bérot, L’ours : <strong>les</strong> raisons <strong>de</strong> <strong>la</strong> colère, éditions Cairn, 2006.92 Parmi <strong>les</strong>quels, La nature en crise, Sang <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre, 1988.93 Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature, revue <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société nationale <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature (S.N.P.N.), n°22, 1972.68


<strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout <strong>les</strong> femel<strong>les</strong> <strong>de</strong>viennent chacune leur tour, aux yeux <strong>de</strong>s ultrapastoraux, <strong>de</strong>s ours « àproblème » dont il faut d’une manière ou une autre se débarrasser…Sans faire <strong>de</strong> longs commentaires, on notera l’audace <strong>de</strong> présenter <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> 15 à 20ours <strong>sur</strong> toute <strong>la</strong> chaîne <strong>de</strong>s Pyrénées, <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> quatre ou six loups <strong>et</strong> d’infimes dégâtscausés par <strong>de</strong>s vautours fauves (<strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> coup<strong>les</strong> nichent en versant nord, <strong>de</strong>s milliersau sud), comme <strong>la</strong> raison unique <strong>de</strong> l’éventuelle chute d’une civilisation. Curieusement, pasun mot <strong>sur</strong> <strong>la</strong> crise <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong> l’agneau ni <strong>sur</strong> <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s existants <strong>et</strong> attendus <strong>de</strong> <strong>la</strong> fièvrecatarrhale ovine (ce point est traité ci-<strong>de</strong>ssous). Nous sourions également d’entendre le mot <strong>de</strong>biodiversité <strong>dans</strong> <strong>la</strong> bouche <strong>de</strong> M. Prim qui s’illustre fréquemment <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, avec ses amis, par ses <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s animaux dits « nuisib<strong>les</strong> »,sans jamais s’impliquer <strong>dans</strong> <strong>la</strong> défense <strong>de</strong>s milieux naturels menacés.Quand <strong>la</strong> nature reprend ses droitsIl serait temps <strong>de</strong> raison gar<strong>de</strong>r <strong>et</strong> <strong>de</strong> se tourner vers <strong>les</strong> pays qui ont su conserver unevaste nature, puis <strong>de</strong> consulter <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s sérieuses menées <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s grands milieux naturels.Signalons tout d’abord que si notre préférence va aux vastes étendues sauvages, peu oupas marquées par l’homme, nous apprécions beaucoup <strong>les</strong> territoires où une belle naturesauvage se mêle à <strong>de</strong>s milieux entr<strong>et</strong>enus par l’homme <strong>et</strong> ses animaux. Nous connaissons d<strong>et</strong>els territoires en Europe orientale <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 15 ans. À <strong>la</strong> fin du printemps 2007, enSerbie <strong>et</strong> en Bulgarie, au cœur <strong>de</strong> régions forestières <strong>et</strong> d’élevage autarcique, nos observationsont été stupéfiantes à bien <strong>de</strong>s égards. El<strong>les</strong> soulignent <strong>la</strong> pauvr<strong>et</strong>é <strong>de</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>sécosystèmes d’Europe occi<strong>de</strong>ntale Dans <strong>les</strong> Rhodopes centraux, cohabitent ainsi <strong>sur</strong> <strong>de</strong> trèsgran<strong>de</strong>s étendues <strong>de</strong>s hommes, paysans <strong>et</strong> éleveurs (vaches <strong>et</strong> chevaux gardés), <strong>de</strong>s ours, <strong>de</strong>sloups <strong>et</strong> une myria<strong>de</strong> d’espèces forestières typiques <strong>de</strong> milieux riches mais aussi une quantitéimpressionnante d’espèces inféodées à <strong>de</strong>s milieux "ouverts", notamment un cortèged’insectes, <strong>de</strong> papillons <strong>et</strong> <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes à faire pâlir. Sur une même échine forestière,entrecoupée <strong>de</strong> p<strong>et</strong>its champs <strong>et</strong> <strong>de</strong> prairies, nous avons pu également, du soir au matin,entendre l’ours grogner, voir passer le chevreuil, découvrir <strong>les</strong> traces <strong>de</strong> <strong>la</strong> martre, entendre <strong>la</strong>chou<strong>et</strong>te chevêch<strong>et</strong>te, strictement forestière, <strong>et</strong> observer quelques minutes plus tard le bruantjaune <strong>et</strong> <strong>la</strong> pie-grièche écorcheur qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s espaces plus ouverts.Loin <strong>de</strong>s fantasmes ultrapastoraux (ils annoncent que c’est l’homme ou l’ours), <strong>la</strong>connaissance <strong>de</strong> tels espaces démontre qu’un certain pastoralisme se marie fort bien avec <strong>la</strong>présence d’une gran<strong>de</strong> faune parfois complète.Avant d’ânonner le terme « biodiversité » à toute occasion, <strong>les</strong> personnes fraîchementconverties à sa défense ou <strong>les</strong> gestionnaires trop pressés, seraient ainsi bien inspirés <strong>de</strong> visiter<strong>les</strong> territoires européens où <strong>la</strong> nature exprime sa plus gran<strong>de</strong> richesse, <strong>et</strong> donc <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong>biodiversité mais aussi <strong>la</strong> plus belle naturalité. Ce <strong>de</strong>rnier terme, d’usage récent en écologie,n’oppose pas l’homme à <strong>la</strong> nature, mais à l’état cultivé, civilisé, domestiqué, c’est-à-direcontrôlé par <strong>la</strong> culture, pour reprendre une partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> définition qu’en donne Daniel Val<strong>la</strong>uri,docteur en écologie forestière <strong>et</strong> chargé du programme « Protection <strong>et</strong> restauration <strong>de</strong>sforêts » au W.W.F. France 94 . « Quoi <strong>de</strong> commun en eff<strong>et</strong> entre, d’une part <strong>les</strong> immensesétendues <strong>de</strong> plusieurs milliers d’hectares en Pologne, Biélorussie, Fin<strong>la</strong>n<strong>de</strong>, Slovénie,Bulgarie, Roumanie, où se perpétue <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong> un cycle biologique compl<strong>et</strong>, <strong>de</strong>puisl’humus <strong>et</strong> <strong>les</strong> micro-organismes jusqu’aux grands prédateurs carnivores, <strong>et</strong> d’autre part <strong>de</strong>94 Lire l’excellente l<strong>et</strong>tre Naturalité, n°2, du groupe "Forêts sauvages", disponible gratuitement : for<strong>et</strong>ssauvages@aliceadsl.fr69


p<strong>et</strong>ites parcel<strong>les</strong> où ce cycle a été irrémédiablement amputé par l’homme mais où l’ons’efforce <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser <strong>la</strong> nature r<strong>et</strong>rouver quand même un équilibre ? » s’interroge ChristianeRuffier-Reynie, journaliste <strong>et</strong> administratrice <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.N.P.N. 95 Nous posons <strong>la</strong> même question,si ce n’est que nous ne sommes pas d’accord avec le caractère irrémédiable <strong>de</strong> l’amputation<strong>de</strong>s équilibres naturels en Europe occi<strong>de</strong>ntale. Tout sera une question <strong>de</strong> temps <strong>et</strong> d’espace.L’extrême richesse <strong>de</strong>s forêts primaires orienta<strong>les</strong>, témoins vivants <strong>de</strong> ce qu’était <strong>la</strong>nature sauvage chez nous avant <strong>la</strong> rupture néolithique, vient contredire <strong>la</strong> fable d’unebiodiversité garantie par le pastoralisme. Par quel miracle une activité qui n’a que 5 ou 8 000ans d’âge (c’est si peu au regard <strong>de</strong>s grands cyc<strong>les</strong> naturels) peut prétendre sauver <strong>de</strong>s espècesapparues <strong>de</strong>s millénaires avant elle.En Slovénie, nous avons vu plus haut que certaines régions se sont reboisées après <strong>la</strong>secon<strong>de</strong> guerre mondiale, telle celle <strong>de</strong> Kocevska Reka dont le taux <strong>de</strong> boisement est <strong>de</strong> 92 à95%. Et il est très intéressant d’y constater que loin <strong>de</strong>s scénario catastrophiques décrits par<strong>les</strong> ultrapastoraux (l’embroussaillement, <strong>la</strong> forêt originelle qui ne reviendrait pas, <strong>et</strong>c.) <strong>la</strong> forêta recolonisé <strong>les</strong> versants à <strong>la</strong> faveur <strong>de</strong> bouleversements <strong>historique</strong>s après <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong>d’occupation humaine. C<strong>et</strong>te forêt abrite une foule <strong>de</strong> mammifères dont l’ours, le lynx, leloup, le cerf, le chevreuil, le sanglier, le chat sauvage, <strong>la</strong> martre, le renard, le b<strong>la</strong>ireau, le loir(très abondant), <strong>de</strong>s chauves-souris rares, <strong>et</strong>c. Chose intéressante, le chamois est bienreprésenté <strong>dans</strong> ce milieu. Il vit <strong>sur</strong> <strong>les</strong> pentes calcaires <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> forêt, sans l’ai<strong>de</strong> du moutonpour « améliorer <strong>la</strong> valeur nutritive <strong>de</strong>s pâturages ». Une myria<strong>de</strong> d’espèces <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes,d’insectes, <strong>de</strong> champignons, <strong>de</strong> repti<strong>les</strong> <strong>et</strong> amphibiens vit ici. Les oiseaux sont bienreprésentés, y compris l’aigle royal qu’on dit ne pas aimer <strong>la</strong> forêt (c’est bien sûr faux), unefoultitu<strong>de</strong> d’espèces forestières, <strong>et</strong> dès que le milieu s’ouvre un peu, naturellement (corniches,fa<strong>la</strong>ises), il est colonisé par <strong>de</strong>s espèces non forestières comme le bruant fou. Preuve qu’unenature primaire (certaines parcel<strong>les</strong> ne sont plus exploitées <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong>) comporte samosaïque <strong>de</strong> milieux en fonction <strong>de</strong>s sols, <strong>de</strong>s expositions, du climat, <strong>et</strong>c. Un cauchemar pour<strong>les</strong> ultrapastoraux. Découvrir <strong>de</strong> tels milieux est as<strong>sur</strong>ément un vaccin contre <strong>les</strong> dogmesd’inspiration néolithique.Dirigeons nous vers <strong>la</strong> Roumanie pour constater que <strong>les</strong> forestiers roumains, trèsaudacieux, <strong>de</strong> certains parcs nationaux ont subverti, au moyen d’une affiche, le concept <strong>de</strong>Natura 2000 puisqu’ils enten<strong>de</strong>nt restaurer <strong>la</strong> nature (natura en <strong>la</strong>ngue roumaine) d’il y a2 000 ans 96 ! As<strong>sur</strong>ément une belle leçon pour nos forestiers <strong>et</strong> gestionnaires français.Revenons en France, <strong>dans</strong> le sud-est, entre Diois <strong>et</strong> Baronnies. Gil<strong>les</strong> Rayé, professeuragrégé <strong>de</strong> biologie <strong>et</strong> naturaliste, prend l’exemple d’un massif qui a connu <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong>l’élevage <strong>et</strong> compare l’impact du pastoralisme <strong>sur</strong> <strong>la</strong> biodiversité entre <strong>de</strong>ux pério<strong>de</strong>s, l’une où<strong>les</strong> troupeaux, nombreux <strong>et</strong> <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ite taille, étaient <strong>la</strong> règle ; l’autre, actuelle, où seuls quelquesgros troupeaux subsistent 97 . Laissons lui <strong>la</strong> parole : « En ce début <strong>de</strong> 21 e siècle, <strong>la</strong> région est<strong>dans</strong> une situation intermédiaire. Tous <strong>les</strong> versants nord sont boisés, certaines forêts âgées <strong>de</strong>plus <strong>de</strong> 50 ans sont <strong>de</strong> belle tenue. (…) Pour un écologiste scientifique, c’est évolution n’estni a<strong>la</strong>rmante, ni réjouissante. C’est un processus naturel intéressant à étudier ! (…) Auchapitre <strong>de</strong>s regr<strong>et</strong>s figure <strong>la</strong> quasi-disparition du traqu<strong>et</strong> oreil<strong>la</strong>rd <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> pie-griècheméridionale, <strong>la</strong> régression <strong>de</strong> <strong>la</strong> chevêche, du hibou p<strong>et</strong>it-duc, <strong>de</strong>s prairies sèches riches enorchidées, <strong>et</strong>c. Mais le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt signe le formidable r<strong>et</strong>our d’une faune <strong>et</strong> d’une flore95 « Naturalité <strong>et</strong> forêts européennes », Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature, n°170, mars-avril 1998.96 J.-Cl. Génot, L. Duchamp <strong>et</strong> Ph. Coch<strong>et</strong>, « La réserve naturelle <strong>de</strong> Géménélé » in Naturalité n°4, avril 2008.97 « Pastoralisme <strong>et</strong> biodiversité : <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> confusion », La Voie du loup, op.cit. Un article passionnant.70


diversifiées : cerf, chevreuil, chamois, loup <strong>et</strong> lynx, pic noir, gélinotte, grive musicienne,chou<strong>et</strong>te <strong>de</strong> Tengmalm, sabot <strong>de</strong> Vénus, bugrane… Les vieux arbres, <strong>les</strong> arbres mortsforcément plus nombreux, <strong>les</strong> arbres à cavités abritent maintenant une formidable diversitéd’insectes <strong>et</strong> autres vertébrés, <strong>de</strong> champignons, tous méconnus du grand public. Par exemple,<strong>la</strong> rosalie <strong>de</strong>s Alpes, espèce « patrimoniale » était absente <strong>de</strong> ces terres érodées <strong>et</strong> <strong>sur</strong>pâturées.Elle est maintenant présente <strong>dans</strong> <strong>les</strong> hêtraies qui se sont reconstituées. »Gil<strong>les</strong> Rayé observe que <strong>la</strong> mosaïque actuelle <strong>de</strong>s milieux étudiés présente une plusgran<strong>de</strong> biodiversité qu’à l’époque <strong>de</strong> l’élevage prédominant. Il nous rappelle <strong>la</strong> seule réalité,loin <strong>de</strong>s fantasmes : <strong>la</strong> biodiversité varie au cours du temps, en fonction <strong>de</strong>s changementsclimatiques <strong>et</strong> <strong>de</strong>s activités humaines. Regr<strong>et</strong>ter <strong>les</strong> milieux pacagés par <strong>les</strong> moutons <strong>et</strong> <strong>les</strong>chèvres, « ce<strong>la</strong> s’appelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> nostalgie ». La biodiversité n’est pas ici en jeu. Il ne s’agit que<strong>de</strong> conserver, à grand prix, <strong>de</strong>s paysages.« Il ne faudrait pas croire que <strong>la</strong> forêt est un milieu pauvre en biodiversité. Au contraire.Une gestion adaptée peut favoriser <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s espèces. Par exemple, <strong>sur</strong> le versant nord<strong>de</strong> l’Aigoual, <strong>la</strong> décision <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser vieillir naturellement <strong>la</strong> hêtraie par endroits a suffi à fairerevenir le pic noir, le plus grand pic d’Europe. C<strong>et</strong> oiseau a en eff<strong>et</strong> besoin <strong>de</strong> troncs <strong>de</strong> plus<strong>de</strong> trente centimètres <strong>de</strong> diamètre pour construire son nid. Et il n’a pas été le seul à revenir. Lachou<strong>et</strong>te <strong>de</strong> Tengmalm, plutôt septentrionale, a elle aussi fait sa réapparition <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Cévennes. » Ainsi parle Rémi Noël, chef du service découverte <strong>et</strong> communication au ParcNational <strong>de</strong>s Cévennes, pourtant fervent partisan <strong>de</strong> l’agriculture comme mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong><strong>la</strong> nature 98 .Le rôle clé <strong>de</strong>s grands prédateursIl sera <strong>sur</strong>tout évoqué ici le rôle du loup qui est un véritable grand prédateur, quandl’ours n’est qu’un p<strong>et</strong>it prédateur, capable cependant <strong>de</strong> tuer <strong>de</strong>s animaux sauvages aussigrands que le cerf 99 .Aldo Leopold figure parmi <strong>les</strong> précurseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> défense <strong>de</strong>s grands prédateurs. Commele souligne Dave Foreman <strong>dans</strong> son stimu<strong>la</strong>nt Rewilding North America 100 , Leopold avaitreconnu dès <strong>les</strong> années 40 le rôle clé <strong>de</strong> ces animaux. Voici ce qu’il écrivait <strong>dans</strong> sonAlmanach d’un comté <strong>de</strong>s sab<strong>les</strong> : « C<strong>et</strong> état <strong>de</strong> doute où nous sommes réduits, concernant <strong>les</strong>fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> notre propre conduite, confère un intérêt <strong>et</strong> une valeur exceptionnels aux seulsanalogues que nous ayons à notre disposition : <strong>les</strong> mammifères supérieurs. Errington, entreautres a mis en avant <strong>la</strong> valeur culturelle <strong>de</strong> ces analogues animaux. Pendant <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong>, c<strong>et</strong>teprodigieuse bibliothèque nous est restée inaccessible parce que nous ne savions pas où nicomment chercher. L’écologie nous apprend maintenant à trouver auprès <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tionsanima<strong>les</strong> <strong>de</strong>s analogies avec nos propres problèmes. En apprenant comment fonctionne tellep<strong>et</strong>ite partie du biote, nous pouvons <strong>de</strong>viner le fonctionnement <strong>de</strong> l’ensemble. La faculté <strong>de</strong>percevoir ces significations profon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>les</strong> apprécier <strong>de</strong> façon critique, voilà l’art forestierdu futur. »98 « Prairies, <strong>la</strong> biodiversité ça se cultive ! » La Montagne <strong>et</strong> Alpinisme, 3-2006.99 Le naturaliste <strong>et</strong> photographe suisse Jacques Ios<strong>et</strong> a reconstitué en 1993 une scène <strong>de</strong> chasse d’un cerf tué parun ours en Slovénie (Archives <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fondation Hainard). Une photographie peu banale d’un ours dévorant uncerf capturé par lui-même figure <strong>dans</strong> Les prédateurs en action, Manuel <strong>sur</strong> l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s proies <strong>de</strong> grandsprédateurs <strong>et</strong> d’autres signes <strong>de</strong> présence, <strong>de</strong> Paolo Molinari <strong>et</strong> al., Parc national <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vanoise, Parc national duGrand Paradis, 2000.100 Sous titré « A vision for conservation in the 21st Century », c’est également un ouvrage fondamental pour <strong>les</strong>Européens. Son auteur est un <strong>de</strong>s écologistes <strong>les</strong> plus étonnants d’Amérique du Nord. Is<strong>la</strong>nd Press, 2004.71


Parmi <strong>les</strong> recherches <strong>de</strong> terrain qui démontrent que l’intégrité <strong>de</strong>s écosystèmes dépendsouvent <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong>s grands carnivores, on citera l’expérience du Parc national <strong>de</strong>Yellowstone. L’extermination <strong>de</strong>s loups <strong>sur</strong> ce territoire avait entraîné l’augmentationimportante <strong>de</strong>s é<strong>la</strong>ns. Ces <strong>de</strong>rniers exercèrent une telle pression <strong>sur</strong> <strong>la</strong> végétation que nombred’espèces disparurent ou régressèrent, dont <strong>les</strong> sau<strong>les</strong> le long <strong>de</strong>s cours d’eau. Depuis <strong>la</strong>réintroduction <strong>de</strong>s loups, <strong>la</strong> flore se porte bien mieux <strong>et</strong> l’on attend le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong>s castors. Demême, sans <strong>les</strong> loups <strong>et</strong> <strong>les</strong> ours grizzli, l’orignal avait un tel impact <strong>sur</strong> <strong>les</strong> sau<strong>les</strong> queplusieurs espèces d’oiseaux déclinèrent 101 .Relevons aussi le travail <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong> Sylvain Allombert, dirigé par Jean-LouisMartin <strong>de</strong> l’Université Montpellier II, Centre d’Ecologie Fonctionnelle <strong>et</strong> Evolutive, C.N.R.S.La thèse <strong>de</strong> S. Allombert, thèse <strong>de</strong> doctorat en biologie <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>et</strong> écologie (EcoleNationale Supérieure d'Agronomie <strong>de</strong> Montpellier), soutenue en 2004, est intitulée Eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong>scervidés <strong>sur</strong> <strong>les</strong> communautés anima<strong>les</strong> en forêt tempérée : interactions complexes <strong>dans</strong> uneexpérience naturelle. Voici son résumé :« Un <strong>de</strong>s enjeux actuels pour <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité est d’acquérir unemeilleure compréhension <strong>de</strong> <strong>la</strong> complexité <strong>de</strong>s interactions au sein <strong>de</strong>s écosystèmes afin <strong>de</strong>mieux p<strong>la</strong>nifier <strong>les</strong> stratégies <strong>de</strong> conservation. Du fait <strong>de</strong>s changements intervenus <strong>dans</strong> <strong>la</strong>gestion <strong>de</strong>s terres, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> du fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong>s grandsprédateurs, <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions d’ongulés forestiers sont aujourd'hui en forte augmentation <strong>dans</strong>une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s forêts tempérées. Ces fortes popu<strong>la</strong>tions ont <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s nombreux <strong>et</strong>complexes <strong>sur</strong> <strong>la</strong> végétation du sous-bois <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> strate arborée, mais également <strong>sur</strong> le sol.Néanmoins peu d'étu<strong>de</strong>s se sont appliquées à en décrypter <strong>les</strong> répercussions <strong>sur</strong> <strong>les</strong>communautés anima<strong>les</strong>.Nous avons utilisé une expérience naturelle <strong>dans</strong> l'archipel <strong>de</strong> Haida Gwaii au Canadaoù le cerf à queue noire a été introduit il y plus d’un siècle alors que ses principauxprédateurs, le loup <strong>et</strong> le puma, étaient absents. On y trouve aujourd’hui côte à côte <strong>de</strong>s î<strong>les</strong>sans cerfs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s î<strong>les</strong> colonisées par <strong>les</strong> cerfs mais variant <strong>dans</strong> <strong>la</strong> durée <strong>de</strong> présence du cerf.Toutes ces î<strong>les</strong> sont couvertes du même type <strong>de</strong> forêt. L'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s communautés d'oiseaux <strong>et</strong><strong>de</strong>s communautés d'insectes liées à <strong>la</strong> végétation du sous-bois a révélé <strong>de</strong> fortes diminutionsd'abondance <strong>et</strong> <strong>de</strong> diversité au sein <strong>de</strong> ces communautés lorsque <strong>la</strong> durée <strong>de</strong> présence du cerfaugmente. Les popu<strong>la</strong>tions d'oiseaux montrent également une réduction du succèsreproducteur <strong>dans</strong> <strong>les</strong> î<strong>les</strong> affectées par le cerf, <strong>et</strong> certaines popu<strong>la</strong>tions disparaissentlocalement. Les résultats concernant <strong>les</strong> invertébrés <strong>de</strong> <strong>la</strong> litière sont plus contrastés maisindiquent également un eff<strong>et</strong> du cerf <strong>sur</strong> certains taxons. A travers l'ensemble <strong>de</strong>scommunautés étudiées, <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> plus affectées par le cerf sont cel<strong>les</strong> qui dépen<strong>de</strong>nt leplus <strong>de</strong> <strong>la</strong> végétation du sous-bois. Les consommateurs primaires sont <strong>les</strong> plus touchés, maisleur diminution se répercute <strong>sur</strong> <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> prédateurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> parasitoï<strong>de</strong>s. En l'absence<strong>de</strong> prédateurs, le cerf a donc d'importants eff<strong>et</strong>s indirects <strong>sur</strong> <strong>les</strong> communautés anima<strong>les</strong> <strong>de</strong>sforêts.Ces résultats suggèrent fortement un rôle clef <strong>de</strong> voûte <strong>de</strong>s grands prédateurs <strong>dans</strong> <strong>les</strong>forêts tempérées. Pour limiter <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s négatifs <strong>sur</strong> <strong>la</strong> biodiversité <strong>de</strong>s <strong>sur</strong>popu<strong>la</strong>tionsd'ongulés forestiers, un maintien <strong>et</strong> une restauration <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> grands prédateursapparaît donc comme primordial. »En France, <strong>les</strong> recherches <strong>sur</strong> le suj<strong>et</strong> sont encore balbutiantes comme le concè<strong>de</strong>Laurent Tillon. Ce <strong>de</strong>rnier nous annonce cependant, comme d’autres naturalistes <strong>et</strong> biologistes101 Rewilding North America, « Large carnivore ecology » pp. 119-124.72


<strong>de</strong> terrain, que <strong>les</strong> observations montrent tout l’intérêt du r<strong>et</strong>our du loup pour <strong>la</strong> santé <strong>de</strong>sécosystèmes. Les loups font éc<strong>la</strong>ter <strong>les</strong> troupeaux d’ongulés dont <strong>la</strong> pression <strong>sur</strong> <strong>la</strong> flore estmoins forte. À terme, c’est <strong>la</strong> reconstitution <strong>de</strong> guil<strong>de</strong>s complètes <strong>de</strong> prédateurs <strong>et</strong> d’onguléssauvages qui sera une excellente nouvelle pour nos écosystèmes appauvris.Le rôle clé <strong>de</strong>s ongulés sauvagesLes phrases qui suivent sont extraites d’un article 102 re<strong>la</strong>tif à l’Afrique tropicale ari<strong>de</strong>,mais s’appliquent aussi très bien à nos ongulés. « Il n’est pas possible d’imaginer une fauneplus adaptée au milieu. Elle est merveilleusement intégrée <strong>dans</strong> l’écosystème : chaque espèces’instal<strong>la</strong>nt <strong>dans</strong> sa niche écologique, façonnée pour elle. Animaux <strong>et</strong> p<strong>la</strong>ntes soumisensemble aux contraintes écologiques se sont développés en harmonie. » Tel est le constatd’Hubert Gill<strong>et</strong>, sous-directeur honoraire au M.N.H.N, qui ajoute que c<strong>et</strong>te faune endommagemoins l’habitat, est un facteur <strong>de</strong> dissémination d’espèces ligneuses, qu’elle consomme <strong>de</strong>sespèces normalement dé<strong>la</strong>issées par le bétail <strong>et</strong> résiste au manque d’eau.Dans nos Pyrénées, suite à l'instauration du p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> chasse, cerf <strong>et</strong> chevreuil ont connuune forte expansion, y compris en zone <strong>de</strong> montagne. Le chevreuil a ainsi colonisé l'ensemble<strong>de</strong>s milieux forestiers. Le cerf a connu <strong>de</strong>s fortunes diverses ces <strong>de</strong>rnières décennies.L’éradication <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion du Bager avait amené sa disparition <strong>de</strong>s vallées d'Aspe <strong>et</strong>Ossau, qui connaissent désormais une lente recolonisation. À l'est, l'espèce fut réintroduite enBarousse en 1957, d’où elle recolonise <strong>les</strong> vallées voisines. Le sanglier est abondant partout,<strong>et</strong> même c<strong>la</strong>ssé <strong>sur</strong> <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s animaux dits nuisib<strong>les</strong> en raison <strong>de</strong>s dégâts causés aux estives.L’isard récupère lentement <strong>de</strong>s effectifs normaux, du moins <strong>dans</strong> le Parc national <strong>et</strong> <strong>les</strong>réserves <strong>de</strong> chasse. Espèce prestigieuse, le bouqu<strong>et</strong>in ibérique a été éradiqué du versantfrançais <strong>de</strong>s Pyrénées par <strong>la</strong> chasse, le <strong>de</strong>rnier individu étant abattu <strong>sur</strong> Cauter<strong>et</strong>s en 1910. La<strong>de</strong>rnière popu<strong>la</strong>tion pyrénéenne, réfugiée <strong>dans</strong> le Parc national d'Or<strong>de</strong>sa, est maintenantéteinte. Pourtant au XVIe siècle l'espèce était présente <strong>sur</strong> toute <strong>la</strong> chaîne <strong>et</strong> <strong>les</strong> restes osseuxindiquent qu'elle colonisait tous <strong>les</strong> milieux jusqu'au piémont. Depuis 1990, <strong>de</strong>s travaux sontconduits pour essayer <strong>de</strong> réintroduire l'espèce <strong>sur</strong> le versant français. Pour <strong>de</strong>s raisonsmanifestement administratives (comm. pers. <strong>de</strong> Jean-François Terrasse) ce beau proj<strong>et</strong> n’a pasencore abouti. Notons que le rôle du cheval tarpan, ou du moins <strong>de</strong> ce qu’il reste <strong>de</strong> c<strong>et</strong>teespèce ancestrale, est envisagé <strong>dans</strong> nos milieux dits ouverts, comme un complément, voire<strong>dans</strong> certains cas, associé à d’autres espèces, comme une alternative au pastoralisme 103 . C’estmanifestement une voie à emprunter <strong>dans</strong> certains cas.Bien sûr, au regard <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions d’animaux domestiques, ces ongulés ne jouent pasencore un rôle majeur, d’autant que <strong>la</strong> guil<strong>de</strong> <strong>de</strong>s prédateurs est singulièrement appauvrie <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées. Outre <strong>les</strong> ours, p<strong>et</strong>its prédateurs, qui ne sont qu’une vingtaine à se partager <strong>les</strong>Pyrénées, on compte officiellement moins <strong>de</strong> 10 loups pour toute <strong>la</strong> chaîne, <strong>et</strong> le lynx estconsidéré comme éteint <strong>de</strong>puis près <strong>de</strong> 90 ans, même si certains naturalistes attestent <strong>de</strong> sa<strong>sur</strong>vivance <strong>dans</strong> plusieurs massifs pyrénéens.102 « La chèvre ou <strong>la</strong> gazelle. Exploitation comparée <strong>de</strong>s pâturages par <strong>la</strong> faune sauvage <strong>et</strong> le bétail en Afrique tropicaleari<strong>de</strong> », Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature, n°90, mars-avril 1984.103 Marc Michelot, « Du tarpan au konik. La saga du cheval ancestral. » Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature, n°207, juill<strong>et</strong>août2003/73


Il est temps pour <strong>les</strong> associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> s’intéresser aux onguléssauvages dé<strong>la</strong>issés aux fédérations <strong>de</strong> chasse qui obtiennent parfois <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ns <strong>de</strong> chasseexcessifs. Il serait naturel <strong>de</strong> réorienter nos efforts vers ces animaux sauvages <strong>et</strong> ainsiconsacrer moins d’efforts au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’élevage qui a ses propres syndicats <strong>de</strong> défense.La fragilité <strong>de</strong>s continuités écologiquesPour certains écologues <strong>et</strong> naturalistes, tel Vincent Vignon 104 , l’élevage a généré unemultitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> milieux ouverts <strong>et</strong> s’est substitué à l’action <strong>de</strong>s grands herbivores sauvages.Citant Juan Luís Arsuaga, fameux paléontologue <strong>de</strong> <strong>la</strong> faculté <strong>de</strong>s sciences géologiques <strong>de</strong>Madrid, Alfonso <strong>et</strong> Roberto Hartasánchez du FAPAS nous disent que le milieu <strong>et</strong> <strong>la</strong>végétations actuels <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cordillère cantabrique sont analogues à ce qu’ils étaient avantl’élevage il y a 5 000 ans, <strong>et</strong> concluent que l’élevage d’aujourd’hui s’est parfaitementsubstitué à <strong>la</strong> guil<strong>de</strong> <strong>de</strong>s ongulés sauvages d’hier. Nous n’avons pas encore vérifié c<strong>et</strong>teassertion. De son côté, Christopher Carcaill<strong>et</strong> nous dit qu’il connaît un site <strong>dans</strong> en Savoiedont <strong>la</strong> végétation n’a pas évolué <strong>de</strong>puis 8 ou 9 000 ans. Alfonso <strong>et</strong> Roberto Hartasánchezvont même plus loin en ce qui concerne l’Espagne tout entière, puisqu’ils rapportent que <strong>la</strong>végétation avant <strong>la</strong> colonisation humaine était une sorte <strong>de</strong> <strong>de</strong>hesa, c’est-à-dire une formationboisée très ouverte, entrecoupée <strong>de</strong> prairies 105 . C<strong>et</strong>te vision qui est proche <strong>de</strong> celle dunéer<strong>la</strong>ndais Vera est aujourd’hui contestée par <strong>de</strong> nombreux scientifiques.Tout comme Alfonso <strong>et</strong> Roberto Hartasánchez, Vincent Vignon s’inquiète <strong>de</strong>sconséquences d’une forte déprise pastorale pour <strong>la</strong> biodiversité. « Les diverses formesd’élevage ont plus ou moins bien préservé <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s habitats naturels d’origine. Lepastoralisme a parfois étendu l’aire <strong>de</strong> répartition d’espèces végéta<strong>les</strong> par le transport <strong>de</strong>sgraines accrochées <strong>sur</strong> <strong>les</strong> bêtes <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> kilomètres <strong>de</strong>puis le pourtourméditerranéen jusqu’au Massif Central ou <strong>les</strong> Alpes. Des espèces anima<strong>les</strong>, notamment <strong>de</strong>sinsectes, ont également été dép<strong>la</strong>cées en se trouvant accrochées <strong>sur</strong> le bétail <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s distancesplus faib<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> quelques kilomètres » écrit-il <strong>dans</strong> <strong>la</strong> revue <strong>de</strong> Ferus. Il nous confieégalement : « Un <strong>de</strong>s problèmes majeurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature est <strong>la</strong> fragilité <strong>de</strong>scontinuités écologiques. L'évolution naturelle conduit à un boisement spontané qui est le plussouvent banal <strong>sur</strong> <strong>de</strong> vastes superficies <strong>et</strong> durant au moins une cinquantaine d'années. Il fautune lente évolution naturelle avant d'avoir une forêt riche <strong>et</strong> ce processus est tributaire <strong>de</strong> <strong>la</strong>recolonisation par <strong>les</strong> organismes forestiers, notamment <strong>les</strong> moins mobi<strong>les</strong> (flore, invertébrés).Dans le <strong>de</strong>rnier numéro <strong>de</strong> Naturalité 106 , une forêt spontanée est présentée. L'articlemontre une structure forestière prom<strong>et</strong>teuse, mais rien n'est dit <strong>sur</strong> son contenu faune - flore <strong>et</strong>sa qualité biologique. Autour <strong>de</strong> ces très nombreux boisements issus <strong>de</strong> <strong>la</strong> déprise, <strong>les</strong> habitatsouverts qui subsistent <strong>de</strong> plus en plus p<strong>et</strong>its se meurent d'isolement... La perte <strong>de</strong>s continuitésécologiques est une donnée <strong>de</strong> plus en plus importante <strong>et</strong> peu prise en compte. La nature secomprend <strong>dans</strong> l'espace <strong>et</strong> <strong>dans</strong> le temps à <strong>de</strong>s échel<strong>les</strong> <strong>de</strong> perceptions très variées (<strong>de</strong>puis <strong>les</strong>micro-organismes du sol jusqu'aux oiseaux migrateurs). C'est <strong>sur</strong> ce point que <strong>la</strong> nature à <strong>de</strong>slimites <strong>et</strong> que <strong>la</strong>isser faire <strong>la</strong> recolonisation fragilise encore plus <strong>les</strong> habitats non forestiers.Les habitats ouverts sont <strong>de</strong>s habitats <strong>de</strong> substitution. Ce n'est pas une raison pour envoyer104 « Réflexions <strong>sur</strong> le pastoralisme <strong>et</strong> <strong>la</strong> qualité biologique <strong>de</strong>s milieux naturels <strong>de</strong> montagne », La Gaz<strong>et</strong>te <strong>de</strong>sgrands prédateurs, n°23, printemps 2007.105 La <strong>de</strong>hesa est aujourd’hui un milieu artificiel très riche pour <strong>la</strong> flore <strong>et</strong> <strong>la</strong> faune. Il est constitué <strong>de</strong> chênesespacés <strong>les</strong> uns <strong>de</strong>s autres (exploités pour le liège <strong>sur</strong>tout), sous <strong>les</strong>quels paissent <strong>de</strong>s cochons ou poussentdiverses céréa<strong>les</strong>.106 Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Génot <strong>et</strong> Annick Schnitzler, « Les boisements spontanés : hauts lieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> naturalité »,Naturalité n° 3, décembre 2007.74


c<strong>et</strong>te biodiversité aux oubli<strong>et</strong>tes ! Du moins ce<strong>la</strong> pose question <strong>de</strong> le faire <strong>sur</strong> un principe <strong>de</strong>conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature au profit du <strong>la</strong>isser faire !Les actions <strong>de</strong>s grands herbivores sont clés <strong>dans</strong> ces processus <strong>de</strong>puis le maintien <strong>de</strong>p<strong>et</strong>its habitats ouverts intraforestiers jusqu'au débat <strong>sur</strong> le maintien ou non d'habitats nonforestiers plus ou moins étendus. C'est <strong>sur</strong> ce point que <strong>la</strong> discussion du rôle <strong>de</strong>s grandsherbivore m'intéresse : quelle a été l'échelle d'action <strong>de</strong> ces espèces contre <strong>la</strong> dynamiqueforestière. »L’inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces écologues <strong>et</strong> naturalistes est d’autant plus forte que nous vivons<strong>dans</strong> certains massifs une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> transition. L’élevage <strong>de</strong>s zones dites intermédiairesrégresse ou disparaît, <strong>et</strong> gran<strong>de</strong> est <strong>la</strong> peur <strong>de</strong> voir disparaître totalement alors <strong>de</strong> nombreusesespèces <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes <strong>et</strong> d’insectes inféodées à ces milieux. « Lorsque <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions isoléesdisparaissent <strong>dans</strong> ces milieux ouverts, <strong>les</strong> recolonisations ne sont pas toujours possib<strong>les</strong>.Enfin, <strong>la</strong> maturation <strong>de</strong>s habitats forestiers est lente. Il faut <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong> pour voir apparaître <strong>les</strong>espèces caractéristiques <strong>de</strong>s vieil<strong>les</strong> forêts. Encore faut-il qu’il y ait <strong>de</strong>s habitats sources pourperm<strong>et</strong>tre <strong>la</strong> recolonisation <strong>de</strong> ces nouvel<strong>les</strong> forêts… » ajoute Vincent Vignon.C’est pourquoi, Vincent Vignon, par exemple, recomman<strong>de</strong> <strong>de</strong> maintenir unpastoralisme, mais pas n’importe lequel dit-il. Une combinaison <strong>de</strong>s bovins, équins (<strong>la</strong>représentation <strong>de</strong>s vaches <strong>et</strong> chevaux étant <strong>la</strong> plus importante) <strong>et</strong> ovins doit être favoriséeselon lui. Elle est associée à un indispensable contrôle du <strong>sur</strong>pâturage, dont <strong>les</strong> dégâtss’observent jusque <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones centra<strong>les</strong> <strong>de</strong>s parcs nationaux.Que l’on maintienne un certain pastoralisme <strong>dans</strong> <strong>les</strong> décennies qui viennent, ou que <strong>la</strong>naturalité gagne beaucoup <strong>de</strong> terrain, nous faisons pour notre part confiance à <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>capacité <strong>de</strong> résistance <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> vie qu’elle a créées. Quoi qu’il en soit,l’existence d’une gran<strong>de</strong> faune, <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées en particulier, ne m<strong>et</strong>tra jamaisen péril <strong>la</strong> dite biodiversité, au contraire. Qu’on le veuille ou non, comme le souligne lechercheur Jean-Pierre Lumar<strong>et</strong> (voir ci-<strong>de</strong>ssous) <strong>la</strong> biodiversité diminue moins par"ferm<strong>et</strong>ure" <strong>de</strong>s milieux que par <strong>les</strong> conséquences <strong>de</strong>s produits chimiques utilisés par tous.Quelques conséquences <strong>de</strong> l’élevage pour <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> l’environnement humainNous avons relevé ici quelques conséquences <strong>de</strong> l’élevage <strong>sur</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong>l’environnement humain appliquées aux Pyrénées ou en lien direct <strong>et</strong> indirect avec nosmontagnes.À l’automne 2006, <strong>la</strong> F.A.O., (Food and Agriculture Organization of the United Nations,<strong>la</strong> branche <strong>de</strong>s Nations Unies pour l’alimentation <strong>et</strong> l’agriculture) a publié un rapportimportant, La gran<strong>de</strong> ombre <strong>de</strong> l’élevage (Livestock’s long shadow, Environmental issues andoptions) 107 qui a fait, <strong>et</strong> fera encore, grand bruit. Qu’une telle organisation internationaleren<strong>de</strong> un rapport aussi sévère donne à réfléchir. Les faits sont têtus. L’élevage à l’échelle <strong>de</strong> <strong>la</strong>Terre, c’est :- 18% <strong>de</strong> l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> serre, davantage que <strong>la</strong> totalité <strong>de</strong>s transports,- 26% <strong>de</strong>s terres émergées- 78% <strong>de</strong>s terres à usage agricole- 33% <strong>de</strong>s terres arab<strong>les</strong> consacrées à <strong>la</strong> production d’aliments <strong>de</strong> bétail- 8% <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation mondiale d’eauLa F.A.O. r<strong>et</strong>ient <strong>sur</strong>tout <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> l’élevage <strong>sur</strong> le réchauffement du climat, <strong>sur</strong>l’utilisation <strong>et</strong> <strong>la</strong> pollution <strong>de</strong>s eaux (<strong>de</strong> plus en plus rares) <strong>et</strong> <strong>sur</strong> <strong>la</strong> biodiversité, qui107 Disponible uniquement en ang<strong>la</strong>is <strong>sur</strong> www.virtualcentre.org/en/library/key_pub/longshad/AE.pdf75


s’effondre. Si ces eff<strong>et</strong>s se font sentir avec plus <strong>de</strong> gravité <strong>dans</strong> <strong>les</strong> pays tropicaux, il seraitillusoire <strong>de</strong> considérer que nos pays sont épargnés par ces menaces, qu’el<strong>les</strong> soient produitespar l’élevage industriel ou pas.L’élevage est aussi <strong>la</strong> source, <strong>et</strong> ce <strong>de</strong>puis l’aube <strong>de</strong>s temps néolithiques, d’épizooties,qui connaissent un regain extraordinaire ces <strong>de</strong>rnières années.La fièvre catarrhale ovineLe cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> fièvre catarrhale ovine, dite "ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue bleue" est trèssignificatif. Elle affecte tous <strong>les</strong> ruminants domestiques ou sauvages (bovins, caprins, cervidés<strong>et</strong> ovins), mais <strong>les</strong> symptômes sont généralement <strong>les</strong> plus aigus chez <strong>les</strong> moutons. Ma<strong>la</strong>died’origine tropicale, découverte en Afrique du Sud, elle a traversé <strong>la</strong> Méditerranée à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>sannées 90, <strong>et</strong> a progressé très vite <strong>de</strong>puis l’été 2006 à partir <strong>de</strong> <strong>la</strong> Belgique, <strong>de</strong> l’Allemagne,du Luxembourg, <strong>de</strong>s Pays-Bas, du nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> France <strong>et</strong> du Royaume-Uni. Le virus estapparemment en train <strong>de</strong> s’adapter à un nouveau vecteur, un insecte local du genre Culicoi<strong>de</strong>squi <strong>sur</strong>vit aux températures rigoureuses. « Nous n’aurions jamais imaginé que le virus <strong>de</strong> <strong>la</strong>fièvre catarrhale puisse atteindre <strong>les</strong> pays européens à <strong>de</strong>s <strong>la</strong>titu<strong>de</strong>s si élevées », a déc<strong>la</strong>réStéphane <strong>de</strong> <strong>la</strong> Rocque, spécialiste <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé animale à <strong>la</strong> F.A.O. « Le virus est déjàendémique en Corse <strong>et</strong> en Sardaigne mais il pourrait maintenant persister <strong>dans</strong> <strong>les</strong> paysd’Europe du Nord. »En France, à l’automne 2007, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue bleue a occasionné jusqu’à 20%<strong>de</strong> mortalité <strong>de</strong> certains troupeaux du nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. En Sardaigne, 200 000 brebis <strong>sur</strong> 3millions sont mortes ou ont été abattues ! Elle a fait son apparition <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées basquesà <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l’année 2007 <strong>et</strong> un bel avenir semble tracé pour elle … « Aucun pays ne peutprétendre être à l’abri <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies anima<strong>les</strong> », a déc<strong>la</strong>ré Joseph Domenech, vétérinaire enchef à <strong>la</strong> F.A.O. « Les ma<strong>la</strong>dies anima<strong>les</strong> transfrontières, qui étaient autrefois confinées auxpays tropicaux, se répan<strong>de</strong>nt désormais <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong> entier. El<strong>les</strong> n’épargnent pas <strong>les</strong> zonestempérées comme l’Europe, <strong>les</strong> Etats-Unis <strong>et</strong> l’Australie.» (Source : bull<strong>et</strong>ins <strong>de</strong> l’A.F.S.S.A.<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> F.A.O.).On sait par ailleurs que <strong>les</strong> gran<strong>de</strong>s concentrations <strong>de</strong> bêtes domestiques perm<strong>et</strong>tent <strong>la</strong>transmission <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>dies vers <strong>la</strong> faune sauvage. Vincent Vignon rappelle l’augmentation <strong>de</strong>scas <strong>de</strong> brucellose ou <strong>de</strong> kératoconjonctivite <strong>sur</strong> <strong>les</strong> chamois <strong>et</strong> <strong>les</strong> bouqu<strong>et</strong>ins <strong>de</strong>s Alpes duSud au cours <strong>de</strong>s années 1980 <strong>et</strong> 1990 108 . Les isards <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées ont eu également àsouffrir <strong>de</strong> <strong>la</strong> kératoconjonctivite <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 1980, une ma<strong>la</strong>die qui fait <strong>de</strong> nouveau parlerd’elle ces <strong>de</strong>rnières années.Une affaire extraordinaire bien <strong>de</strong> chez nous : l’affaire <strong>de</strong> l’aga<strong>la</strong>ctie contagieuseÀ l’été 1993, un berger <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Ossau achète <strong>de</strong>s antibiotiques sans prescription. I<strong>la</strong> malheureusement fait un mauvais choix. Ses bêtes sont atteintes par une pathologie grave,l’aga<strong>la</strong>ctie contagieuse. Conséquence : <strong>les</strong> autorités doivent abattre 4 500 brebis, soit 26troupeaux, soit plus du double que le nombre <strong>de</strong> brebis tuées par <strong>les</strong> ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénéesocci<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> <strong>de</strong>puis l968. Notons que c<strong>et</strong>te ma<strong>la</strong>die n’avait jamais frappée c<strong>et</strong>te vallée 109 .Les "bonnes habitu<strong>de</strong>s" vont-el<strong>les</strong> évoluer ? On l’espère, avec quelques craintes tout <strong>de</strong>même lorsqu’on écoute François Moutou, vétérinaire à l’A.F.S.S.A., membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sociétéfrançaise d’étu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s mammifères <strong>et</strong> membre du comité scientifique <strong>de</strong>108 V. Vignon, 2007, op. cit.109 Anne van <strong>de</strong> Wiele, « Gestion d’un épiso<strong>de</strong> d’aga<strong>la</strong>xie », Epidémiologie <strong>et</strong> santé animale, 1994.76


Ferus. En 1996, à Sofia-Antipolis (siège du <strong>la</strong>boratoire <strong>de</strong> référence <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies ovines), levice-prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> fédération nationale ovine, lui déc<strong>la</strong>rait en substance : «Nous voulonsbien nous intéresser aux problèmes sanitaires, mais sans changer nos habitu<strong>de</strong>s. »L’étrange affaire du lindane <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> en 2001Le lindane appartient à <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s organochlorés, insectici<strong>de</strong>s caractérisés par leursaffinités pour <strong>les</strong> tissus riches en graisses, <strong>et</strong> leurs gran<strong>de</strong>s stabilités chimiques à l’origine <strong>de</strong>leur rémanence tant <strong>dans</strong> <strong>les</strong> organismes vivants que <strong>dans</strong> le milieu extérieur. Il fut très utilisépar <strong>les</strong> éleveurs d’ovins, puis interdit.Nous reprenons ici <strong>les</strong> faits <strong>et</strong> l’analyse telle qu’ils ont été présentés par Pierre Navarre,naturaliste <strong>et</strong> vétérinaire qui connaît très bien <strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> 110 . Durant l’été 2001,une forte mortalité est apparue chez <strong>les</strong> isards du secteur du Pic <strong>de</strong> Bazès (à l’ouest d’Argelès-Gazost, Hautes-Pyrénées). Après diverses tergiversations, l’Administration a reconnu qu’ils’agissait d’une grave intoxication par le lindane.C’est l’initiative d’un éleveur qui a sans doute accéléré <strong>la</strong> manifestation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité :l’analyse du <strong>la</strong>it <strong>de</strong> ses brebis qu’il avait <strong>de</strong>mandé révé<strong>la</strong>it un taux <strong>de</strong> lindane <strong>de</strong> 102 mg/<strong>la</strong>lors que <strong>la</strong> limite supérieure admissible pour commercialiser ce <strong>la</strong>it ne doit pas dépasser0,08mg/l. Une autre analyse, du foie d’un isard femelle, donnait ce résultat : 712 mg/ gramme<strong>de</strong> foie, une teneur très élevée, voire exceptionnelle pour un échantillon <strong>de</strong> foie.Curieusement, <strong>la</strong> presse régionale évoquait <strong>de</strong>s « traces », alors qu’il s’agissait d’une dosemassive.Autres faits curieux, peu d’analyses toxicologiques furent réalisées alors que 59cadavres d’isards auraient été r<strong>et</strong>rouvés à <strong>la</strong> date du 11 août, on a attendu trois mois pour <strong>de</strong>sanalyses <strong>de</strong> <strong>la</strong> végétation, <strong>et</strong> enfin, aucune étu<strong>de</strong> ne fut manifestement menée <strong>sur</strong> l’impact <strong>de</strong>sautres espèces anima<strong>les</strong>. Ce <strong>de</strong>rnier semble pourtant avoir été réel selon <strong>de</strong>s témoignagesrecueillis auprès <strong>de</strong> l’O.N.C.F.S. (disparition d’une colonie <strong>de</strong> marmottes, disparitiond’indices <strong>de</strong> présence <strong>de</strong> sangliers, disparition <strong>de</strong>s criqu<strong>et</strong>s <strong>et</strong> sauterel<strong>les</strong>, abeil<strong>les</strong> àcomportement anormal).Autre anomalie <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te affaire : alors que <strong>les</strong> doses r<strong>et</strong>rouvés <strong>dans</strong> le foie <strong>de</strong> <strong>la</strong>femelle d’isard, <strong>et</strong> <strong>les</strong> symptômes nerveux observés chez <strong>les</strong> autres isards ont fait pensé à un<strong>et</strong>oxicité aiguë, liée à une brève exposition à une forte dose, comment expliquer <strong>de</strong>s mortalitésétalées du 23 mai au 31 juill<strong>et</strong>, soit plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mois ? Fal<strong>la</strong>it-il voir <strong>la</strong> rémanence du produit<strong>dans</strong> le milieu extérieur ou une intoxication <strong>de</strong> type chronique liée à une consommationrépétée <strong>de</strong> faib<strong>les</strong> doses ? Pierre Navarre a montré également pourquoi un animal peut mourird’une intoxication par le lindane re<strong>la</strong>tivement longtemps après l’avoir ingéré <strong>et</strong> pas forcémentà l’endroit où il l’a ingéré.Malheureusement, comme il le regr<strong>et</strong>tait, aucune réponse n’a pu être apportée àl’époque à ces questions faute d’enquête réalisée à temps <strong>sur</strong> le terrain. Malgré toutes <strong>les</strong>déc<strong>la</strong>rations d’intention, aucun moyen n’est donné en France pour se doter d’une <strong>sur</strong>veil<strong>la</strong>ncesanitaire efficace <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage, hormis <strong>les</strong> espèces gibiers. Si plusieurs hypothèsesfurent avancées pour expliquer une telle intoxication (on par<strong>la</strong> même d’un traitement forestier110 Pierre Navarre, « Mortalité <strong>de</strong>s isards du Pic <strong>de</strong> Bazès », La Bergeronn<strong>et</strong>te, n°18, 2002, Bull<strong>et</strong>in <strong>de</strong> liaison duG.O.P.A.77


par hélicoptère), <strong>la</strong> piste pastorale semble <strong>la</strong> plus vraisemb<strong>la</strong>ble, tant ce produit a été utilisé aufil <strong>de</strong>s décennies. François Moutou, vétérinaire lui aussi <strong>et</strong> agent <strong>de</strong> l’A.F.S.S.A., note qu’àchaque interdiction d’un produit, d’une molécule, l’État autorise <strong>les</strong> éleveurs <strong>et</strong> agriculteurs àécouler <strong>les</strong> stocks. La conséquence perverse est que <strong>les</strong> personnes en cause font d’autresréserves 111 .On regr<strong>et</strong>tera une nouvelle fois que <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> affaires s’ensablent sans jamais produire <strong>de</strong>conclusions n<strong>et</strong>tes.Illustration du cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> bromadioloneCe puissant ro<strong>de</strong>ntici<strong>de</strong> anticoagu<strong>la</strong>nt est utilisé <strong>dans</strong> <strong>la</strong> lutte contre divers rongeurs, <strong>et</strong>notamment <strong>les</strong> campagnols terrestres (Arvico<strong>la</strong> terrestris). Il est utilisé à gran<strong>de</strong> échelle<strong>de</strong>puis <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 80, <strong>sur</strong>tout <strong>dans</strong> le nord-est <strong>de</strong> <strong>la</strong> France pour limiter ses popu<strong>la</strong>tions<strong>dans</strong> <strong>les</strong> prairies d’élevage. Il a causé <strong>de</strong> gros dégâts à <strong>la</strong> faune sauvage en Suisse en 1982 112 .En 2002, son utilisation est interdite contre <strong>les</strong> ragondins <strong>et</strong> <strong>les</strong> autres rongeurs.Le 8 juill<strong>et</strong> 2003, un arrêté du ministre <strong>de</strong> l’Environnement, Roselyne Bachelot, autorise<strong>de</strong> nouveau l’utilisation du produit <strong>et</strong> prévoit un p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> transition d’ici 2006. Une utilisation<strong>de</strong> ce poison est possible jusqu’en 2009 en raison <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> stocks.Alors qu’on dispose <strong>de</strong>s coûts <strong>de</strong> <strong>la</strong> lutte, on a très peu <strong>de</strong> données <strong>sur</strong> <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> c<strong>et</strong>telutte… Des loutres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s visons d’Europe, espèces rares <strong>et</strong> strictement protégées, ont pourtantété empoisonnés par ce produit ! Les rapaces paient également un très lourd tribut à <strong>la</strong>bromadiolone, notamment le mi<strong>la</strong>n royal. Une bonne part <strong>de</strong>s animaux sauvages faisant <strong>les</strong>frais <strong>de</strong> ce poison n’ont même pas <strong>de</strong> statut juridique : <strong>les</strong> campagnols, <strong>les</strong> musaraignes(excepté <strong>les</strong> crossopes), <strong>les</strong> souris, le loir <strong>et</strong> le lérot. Ces animaux, membres au même titre qued’autres espèces <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité, n’intéressent manifestement pas du tout <strong>les</strong> éleveurs qui sepiquent <strong>de</strong> biodiversité.Les ivermectinesCe sont <strong>de</strong>s vermifuges massivement utilisés <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong> entier pour traiter le bétail,<strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> vingt ans. Ils constituent <strong>la</strong> troisième génération <strong>de</strong>s anti-parasitaires agrico<strong>les</strong>fabriqués par le <strong>la</strong>boratoire Mairial. Le gros intérêt <strong>de</strong> ce produit est qu’une <strong>de</strong>s modalitésd’administration prend <strong>la</strong> forme d’une capsule à diffusion lente qui se fixe pendant quatremois <strong>dans</strong> <strong>la</strong> panse, le « bolus ». La légis<strong>la</strong>tion communautaire interdit d’administrer c<strong>et</strong>temolécule au bétail gestant <strong>et</strong> prohibe <strong>la</strong> commercialisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> pendant une durée <strong>de</strong>six mois, lorsqu’un bolus a été administré. Les ivermectines sont très utilisées, notamment<strong>dans</strong> <strong>les</strong> Alpes <strong>et</strong> en Pays Basque, avec un traitement en septembre pour tuer <strong>les</strong> insectesnémato<strong>de</strong>s.Des conversations avec Jacques Cabar<strong>et</strong> (I.N.R.A., Tours) <strong>et</strong> Jean-Pierre Lumar<strong>et</strong>(Laboratoire <strong>de</strong> zoogéographie, Université Paul Valéry, Montpellier 113 ) ont apporté <strong>de</strong>s111 Jacques Cabar<strong>et</strong> (I.N.R.A. Tours) nous signale était toujours légalement utilisé en traitement <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes ily a quelques années à peine, au moins en Provence.112 Gérard Grolleau, « Neuchâtel : <strong>les</strong> buses empoisonnées au campagnol », Panda Nouvel<strong>les</strong>, W.W.F. Suisse,février 1983.113J.-P. Lumar<strong>et</strong> travaille au sein <strong>de</strong> l’équipe « Ecologie <strong>de</strong>s arthropo<strong>de</strong>s <strong>dans</strong> <strong>les</strong> agroécosystèmesméditerranéens » <strong>et</strong> s’intéresse au fonctionnement <strong>et</strong> dysfonctionnements <strong>de</strong>s systèmes pâturés.78


enseignements précieux <strong>sur</strong> ce suj<strong>et</strong>. Tous <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux insistent <strong>sur</strong> le grand nombre d’espècesqui profitent <strong>de</strong>s excréments du bétail <strong>et</strong> en l’occurrence <strong>de</strong>s moutons. Jean-Pierre Lumar<strong>et</strong>s’est intéressé par acci<strong>de</strong>nt à c<strong>et</strong>te question. Il nourrissait <strong>de</strong>s insectes avec <strong>de</strong>s bouses <strong>de</strong>zèbres du zoo <strong>de</strong> Montpellier quand une forte mortalité <strong>les</strong> a touchés. Une enquête adéterminé qu’on avait traité <strong>les</strong> zèbres avec un vermifuge. Plus tard, en Cévennes, une<strong>sur</strong>mortalité <strong>de</strong> bousiers a pu être attribuée au traitement <strong>de</strong> chevaux <strong>de</strong> randonnée. C’est ainsique <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s ont commencé <strong>sur</strong> <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> ces produits <strong>sur</strong> <strong>les</strong> insectes consommateurs<strong>de</strong>s excréments d’animaux traités, <strong>les</strong> fameux insectes coprophages. Les vers <strong>de</strong> terre <strong>et</strong> <strong>les</strong>insectes némato<strong>de</strong>s du sol qui jouent pourtant un rôle important sont, eux, peu étudiés.Malheureusement aussi, J.-P. Lumar<strong>et</strong> confie que nous ne disposons pas d’une référence <strong>de</strong>l’abondance <strong>de</strong>s bousiers <strong>et</strong> autres insectes coprophages à un point zéro. On sait cependantqu’une disparition lente affecte ces espèces <strong>de</strong>puis 1975-1980.Tous <strong>les</strong> élevages utilisent <strong>les</strong> ivermectines, même l’élevage biologique à un <strong>de</strong>grémoindre certes, <strong>et</strong> <strong>les</strong> centres équestres 114 . Le produit actif ou ses métabolites rej<strong>et</strong>és par <strong>les</strong>animaux sont encore toxiques <strong>de</strong>ux à trois semaines. Aucune étu<strong>de</strong> n’est cependant menée <strong>sur</strong>une région entière tel le Pays Basque, ou <strong>sur</strong> <strong>la</strong> longue durée. Outre l’effondrement <strong>de</strong>spopu<strong>la</strong>tions d’insectes coprophages, une autre conséquence <strong>de</strong> ces produits est uneperturbation du cycle <strong>de</strong>s bouses <strong>et</strong> crottins. Lorsque <strong>les</strong> bouses sont enfouies, sous une formefractionnée, el<strong>les</strong> contribuent à modifier <strong>la</strong> structure du sol en augmentant sa stabilité <strong>et</strong> sacapacité <strong>de</strong> rétention <strong>de</strong> l’eau au bénéfice <strong>de</strong> <strong>la</strong> végétation qui profite <strong>de</strong> <strong>la</strong> minéralisationrapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te matière organique. Un recyc<strong>la</strong>ge plus lent, c’est aussi à terme moins <strong>de</strong>superficie pour l’herbe. Comme le note Vincent Vignon, c<strong>et</strong>te évolution participe àl’expansion <strong>de</strong>s espèces nitrophi<strong>les</strong> qui banalisent encore plus <strong>les</strong> pâturages. YvesThonnérieux, <strong>de</strong> son côté souligne qu’en Gran<strong>de</strong>-Br<strong>et</strong>agne, l’effondrement spectacu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong>salou<strong>et</strong>tes semble étroitement corrélé à <strong>la</strong> généralisation <strong>de</strong>s ivermectines. Il en serait <strong>de</strong> mêmechez <strong>les</strong> rhinolophes, une espèce <strong>de</strong> chauve souris insectivore dont le régime alimentaire estcomposé <strong>de</strong> bousiers. Quid pour <strong>les</strong> sangliers consommateurs <strong>de</strong> gros scarabées, <strong>et</strong> donc <strong>sur</strong> <strong>la</strong>consommation <strong>de</strong> leur vian<strong>de</strong> 115 ? Jacques Cabarr<strong>et</strong> signale <strong>de</strong>s résistances importantesapparues en Argentine où <strong>les</strong> produits sont utilisés presque une fois par mois. En Australie,<strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction à gran<strong>de</strong> échelle ont obligé d’importer <strong>de</strong>s insectes ! Si <strong>de</strong>s résistancesse généralisaient, J. Cabar<strong>et</strong> <strong>et</strong> J.-P. Lumar<strong>et</strong> annoncent bien <strong>de</strong>s difficultés.Le <strong>la</strong>boratoire <strong>de</strong> Jean-Pierre Lumar<strong>et</strong> est le seul à travailler à c<strong>et</strong>te question sérieuse <strong>et</strong>difficile. C’est dit-il, le « grand écart » entre <strong>les</strong> recherches fondamenta<strong>les</strong>, <strong>les</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong>subventions, <strong>et</strong>c. Sa position est d’agir auprès <strong>de</strong> tous : l’éleveur consommateur <strong>de</strong> produits, levétérinaire prescripteur <strong>de</strong> ces produits, présentés par un commercial… Ne voyant pascomment supprimer ces traitements <strong>dans</strong> un mon<strong>de</strong> tel que le nôtre, il évoque <strong>la</strong> «part dufeu » <strong>et</strong> <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> protoco<strong>les</strong> que <strong>les</strong> industries <strong>de</strong>vraient suivre au sein <strong>de</strong>s pays <strong>de</strong>l’O.C.D.E.À force <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> <strong>de</strong> persuasion, un programme <strong>de</strong> recherches à été <strong>la</strong>ncé en Queyras.Il s’agit <strong>de</strong> quantifier <strong>les</strong> pratiques <strong>de</strong>s éleveurs (qui furent <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs pour col<strong>la</strong>borer) <strong>de</strong>connaître <strong>les</strong> produits utilisés, <strong>les</strong> animaux traités <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s relevés à différents niveauxd’altitu<strong>de</strong>. Enfin, il s’agit <strong>de</strong> croiser <strong>les</strong> informations du Parc <strong>et</strong> <strong>de</strong>s vétérinaires pour faire <strong>de</strong>scalculs <strong>de</strong> risque. C’est ainsi qu’on pourra estimer le risque sanitaire en fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong>114 La randonnée équestre est responsable <strong>de</strong> <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> très nombreux scarabées <strong>dans</strong> <strong>les</strong> arrières dunes duLanguedoc.115 Yves Thonnérieux, « Ivermectine. Menace <strong>sur</strong> <strong>la</strong> faune sauvage », Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, septembreoctobre2002.79


présence d’espèces dites patrimonia<strong>les</strong> <strong>et</strong> peut-être <strong>de</strong> décaler <strong>de</strong>s traitements. Jean-PierreLumar<strong>et</strong> nous annonce que le Parc national du Mercantour a publié une p<strong>la</strong>qu<strong>et</strong>te <strong>sur</strong> le suj<strong>et</strong>pour <strong>les</strong> éleveurs, qu’une personne y travaille au Parc national <strong>de</strong>s Ecrins, que son <strong>la</strong>boratoirea eu une réunion avec le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> commission scientifique du Parc national <strong>de</strong> <strong>la</strong>Vanoise, qu’un séminaire a été organisé <strong>sur</strong> <strong>la</strong> côte d’Opale, que <strong>la</strong> question intéresse <strong>les</strong>gestionnaires <strong>de</strong>s marais <strong>de</strong> Lavours.Manifestement, il ne passe pas grand-chose <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées où <strong>la</strong> question est aussibrû<strong>la</strong>nte qu’ailleurs…La crise extraordinaire <strong>de</strong>s vautours en In<strong>de</strong>En l’espace <strong>de</strong> dix ans, <strong>de</strong> 1994 à 2004, le mon<strong>de</strong> a assisté à <strong>la</strong> diminutioncatastrophique <strong>de</strong> 97% <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions du vautour indien (Gyps indicus), du vautour à longbec (Gyps tenuirostris) <strong>et</strong> du vautour changoun (Gyps bengalensis), si bien que ces espèceendémiques d’Asie du Sud-Est ont été inscrites par l’U.I.C.N. <strong>dans</strong> <strong>la</strong> catégorie "En dangercritique d’extinction" <strong>dans</strong> <strong>la</strong> « Liste rouge <strong>de</strong> l’U.I.C.N. », qui est <strong>la</strong> plus haute catégorie <strong>de</strong>menace. Les conséquences écologiques, économiques, sanitaires, socia<strong>les</strong> <strong>et</strong> spirituel<strong>les</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>effondrement sont immenses en Asie.Au terme <strong>de</strong> quelques années <strong>de</strong> recherche, il a été démontré que ce déclin s’explique<strong>sur</strong>tout par un traitement du bétail au moyen d’un anti-inf<strong>la</strong>mmatoire appelé Diclofenac, que<strong>les</strong> vautours ne supportent pas. Rappelons que l’utilisation vétérinaire <strong>de</strong> ce médicament a étéimmédiatement suivie <strong>de</strong>s décès massifs <strong>de</strong>s vautours. L’U.I.C.N. a ainsi <strong>la</strong>ncé un crid’a<strong>la</strong>rme en 2004 116 .D’où il ressort que l’utilisation d’une molécule en apparence inoffensive peut avoir <strong>dans</strong>le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’élevage <strong>de</strong>s conséquences désastreuses, très rapi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> imprévisib<strong>les</strong>. Il seraitimpru<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> considérer que ces menaces ne toucheraient que <strong>les</strong> pays dits « pauvres ». Jean-François Terrasse n’exclut pas <strong>la</strong> possibilité d’une crise <strong>dans</strong> notre Europe occi<strong>de</strong>ntale. Dansl’absolu, <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> vautours <strong>de</strong>s Pyrénées ne sont pas à l’abri <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> tel<strong>les</strong>molécu<strong>les</strong>.La <strong>de</strong>struction <strong>et</strong> dégradation d’écosystèmesLa civilisation agro-pastorale, on ne le sait pas ou on refuse <strong>de</strong> le voir, aconsidérablement détruit <strong>les</strong> écosystèmes. Les sociétés <strong>de</strong> pasteurs ont notamment dévasté leBassin <strong>de</strong> <strong>la</strong> Méditerranée, autrefois très boisé. Quelques autres exemp<strong>les</strong> : <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>smilieux naturels par l’élevage <strong>de</strong>s chèvres est connue <strong>de</strong> longue date. Michel Tarrier,entomologiste, ingénieur-écologue, prési<strong>de</strong>nt du Groupe d’Etu<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong>sécologistes sahariens (le G.E.R.E.S. est constitué d’Européens <strong>et</strong> <strong>de</strong> Marocains) est un <strong>de</strong>ceux qui alerte vigoureusement contre <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s forêts d’agamiers <strong>et</strong> <strong>de</strong>s cédraies par<strong>les</strong> moutons <strong>et</strong> <strong>les</strong> chèvres. La consultation <strong>de</strong> leur site est édifiante (www.geres-asso.org). Ony parle d’un pays « ma<strong>la</strong><strong>de</strong> du mouton ». En Amazonie 70% <strong>de</strong> <strong>la</strong> déforestation est due àl’élevage. À ce suj<strong>et</strong>, un rapport <strong>de</strong> janvier 2008 <strong>de</strong>s Amigos <strong>de</strong> Terra, Le règne du bétail,montre que <strong>la</strong> déforestation a gagné <strong>de</strong> 46% entre 2004 <strong>et</strong> 2007, en gran<strong>de</strong> partie à cause <strong>de</strong>l’élevage bovin 117 .Sans aller aussi loin, <strong>dans</strong> nos Pyrénées <strong>les</strong> ravages <strong>de</strong>s moutons au Pays Basque sontune triste réalité. Martel (1930), explorateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> France souterraine, cité par C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>116 Déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> l’U.I.C.N. lors du Congrès mondial <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, 17-25 novembre 2004, Bangkok, Thaï<strong>la</strong>n<strong>de</strong>.117 Source : Le Courrier international, 24 janvier 2008.80


Dendal<strong>et</strong>che <strong>dans</strong> son Gui<strong>de</strong> du naturaliste <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées. La vie sauvage <strong>et</strong> celle <strong>de</strong>shommes en montagne, 118 n’est pas tendre avec le pastoralisme ovin au Pays Basque :« À Sampory-Eraycé, nous avons pris <strong>sur</strong> le fait <strong>les</strong> ravages que <strong>les</strong> moutons espagnolsperpètrent <strong>dans</strong> le peu <strong>de</strong> forêts qui subsistent. Ils viennent tondre notre territoire. Et <strong>la</strong>responsabilité <strong>de</strong> ceux qui le lui abandonnent, au lieu <strong>de</strong> reconstituer nos forêts, est écrasante.Dans toute <strong>la</strong> région d’Ar<strong>la</strong>s-Eraycé, où <strong>la</strong> carte ne marque rien <strong>de</strong> tout ce qui vientd’être énuméré, nous constatâmes donc, en dix jours, l’existence insoupçonnée <strong>de</strong> trentegouffres, trois pertes actuel<strong>les</strong>, un grand <strong>la</strong>piaz <strong>et</strong> une zone absorbante <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 20 km2. Onne sait pas où reparaissent <strong>les</strong> pluies perdues, ni <strong>la</strong> fonte lente <strong>de</strong> ces inuti<strong>les</strong>emmagasinements <strong>de</strong> neige ! Et le mouton achève d’arracher le <strong>de</strong>rnier brin d’herbe, le<strong>de</strong>rnier terreau végétal, décoiffant toujours <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> crevasses <strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te <strong>sur</strong>face grêlée d<strong>et</strong>rous. C’est d’autant plus graves que <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées basques, <strong>la</strong> limite <strong>de</strong>s arbres estexceptionnellement basse (1 500 m au lieu <strong>de</strong> 1 800 m), parce que <strong>les</strong> troupeaux enlèvent tout,<strong>les</strong> jeunes pousses, l’herbe <strong>et</strong> <strong>la</strong> terre végétale ; le calcaire engloutisseur d’eau, vient alorsoffrir aux pluies l’insatiable écumoire <strong>de</strong> ses milliers <strong>de</strong> crevasses <strong>et</strong> abîmes. Et c’estl’effroyable fléau <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>ssication progressive,- <strong>de</strong> <strong>la</strong> "fin du mon<strong>de</strong> par <strong>la</strong> soif",- <strong>de</strong> <strong>la</strong>terrible marche "à <strong>la</strong> lune" que j’ai prédite dès 1902. On est prévenu ! »À <strong>la</strong> <strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s animaux, il faut ajouter le feu pour comprendre pourquoi <strong>de</strong> grandsterritoires du Pays Basque sont aujourd’hui <strong>de</strong> véritab<strong>les</strong> golfs au lieu d’abriter <strong>de</strong>s forêts,dont <strong>la</strong> richesse en toutes formes <strong>de</strong> vie serait infiniment supérieure. Au risque <strong>de</strong> choquer,nous affirmons que certaines parties <strong>de</strong>s Pyrénées, au Pays Basque notamment, sont« ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s du mouton ». Hormis <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s <strong>sur</strong>tout constatés cheznous sont ceux du <strong>sur</strong>pâturage. Citons Michèle Evin, géologue, professeur <strong>de</strong>s universités à <strong>la</strong>r<strong>et</strong>raite <strong>et</strong> botaniste, <strong>dans</strong> son introduction à un article consacré à l’érosion <strong>et</strong> au <strong>sur</strong>pâturage<strong>dans</strong> <strong>les</strong> Alpes du Sud.« On appelle <strong>sur</strong>pâturage le fait <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre plus <strong>de</strong> bêtes <strong>sur</strong> un pâturage que le territoirene peut en supporter sans dommages. Il peut <strong>sur</strong>venir à toutes <strong>les</strong> altitu<strong>de</strong>s. Les dégradationssont toutefois plus importantes en montagne en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> pente, <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>s terrains <strong>et</strong><strong>de</strong> <strong>la</strong> fragilité <strong>de</strong> certaines formations végéta<strong>les</strong>.Le <strong>sur</strong>pâturage occasionne <strong>de</strong>s transformations <strong>dans</strong> le cortège floristique : <strong>les</strong> p<strong>la</strong>ntes"refusées" par le bétail prennent le pas <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s espèces plus diversifiées <strong>et</strong> fragi<strong>les</strong>. Il génèreaussi <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s mécaniques qui, en se cumu<strong>la</strong>nt dégra<strong>de</strong>nt le couvert végétal <strong>et</strong> favorisent àterme l’érosion <strong>et</strong> <strong>la</strong> torrentialité. 119 »Dans un autre article <strong>sur</strong> le même suj<strong>et</strong>, paru <strong>dans</strong> La Voie du loup 120 , décrit une floredévastée <strong>dans</strong> <strong>la</strong> vallée <strong>de</strong> l’Ubaye, par un pastoralisme ovin très important (4 à 5 000 têtesparfois par troupeau). « Autour <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges <strong>de</strong>s hautes vallées <strong>de</strong> l’Ubaye, tout est dévasté.Les seu<strong>les</strong> "oasis" verdoyantes appartiennent aux rési<strong>de</strong>nts secondaires qui, à l’abri <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>sgril<strong>la</strong>ges, "cultivent" reines <strong>de</strong>s Alpes, lis martagon <strong>et</strong> lis orangés qui ont disparu <strong>de</strong>spâturages. À Vars ou à Sauze, on peut encore herboriser avec succès <strong>sur</strong>… <strong>les</strong> pistes <strong>de</strong> ski.Les dameurs, <strong>les</strong> canons à neige <strong>et</strong> <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> skieurs font moins <strong>de</strong> dégâts (avec unecouverture neigeuse plus ou moins maigre) que <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> pattes <strong>de</strong> moutons (multipliéespar 4 pattes <strong>et</strong> encore multiplié par 4 allers <strong>et</strong> r<strong>et</strong>ours <strong>dans</strong> <strong>la</strong> journée, soit 16 000 pattes/jourautour <strong>de</strong> l’église <strong>de</strong> Maurin (Haute-Ubaye). (…) Une piste <strong>de</strong> ski à Vars, <strong>dans</strong> le mélézin,118 De<strong>la</strong>chaux <strong>et</strong> Niestlé, 1997.119 La Garance voyageuse, n°68, dossier spécial Surpâturage, hiver 2004.120 « Les eff<strong>et</strong>s du <strong>sur</strong>pâturage <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Alpes du Sud : impacts <strong>sur</strong> <strong>la</strong> biodiversité <strong>et</strong> <strong>la</strong> torrentialité », La Voie duloup, dossier Pastoralisme <strong>et</strong> biodiversité, n°22, 2005.81


c’est encore 125 espèces observées en <strong>de</strong>ux heures, fin juill<strong>et</strong> 2005. Un pâturage <strong>sur</strong>pâturé <strong>de</strong>l’Ubay<strong>et</strong>te (Montagn<strong>et</strong>te ou bas <strong>de</strong> l’Oronaye), c’est moins <strong>de</strong> 5 espèces <strong>sur</strong> 4 m2 en 2000.Avec <strong>les</strong> grands troupeaux, peu ou mal gardés, tout l’espace est parcouru. Les zones <strong>de</strong>crêtes sont utilisées lors du repos du milieu du jour. El<strong>les</strong> ne joueront plus leur rôle <strong>de</strong> réserve<strong>de</strong> graines pour <strong>les</strong> secteurs saccagés <strong>de</strong>s fonds <strong>de</strong> vallons. Le phénomène s’emballe : toujoursplus ! Plus <strong>de</strong> brebis ! Plus <strong>de</strong> primes ! Plus <strong>de</strong> rentabilité ! Comme <strong>les</strong> pâturages sontpauvres, on essaye <strong>de</strong> gagner plus en compensant par <strong>la</strong> quantité l’absence <strong>de</strong> qualité ! »En Mercantour, l’élevage du mouton est présenté comme « traditionnel ». Rien <strong>de</strong> plusfaux ! Le cheptel à l’intérieur du Parc national est passé <strong>de</strong> 1 000 têtes à sa création, en 1978,à 100 000 têtes ces <strong>de</strong>rnières années. Plusieurs botanistes amateurs <strong>et</strong> réputés pour leursérieux ont rapporté à Pierre Pfeffer, gran<strong>de</strong> figure <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, membre duMuséum national d’histoire naturelle, <strong>et</strong> administrateur du Parc, <strong>de</strong>s observations inquiétantes<strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s du <strong>sur</strong>pâturage <strong>de</strong>s brebis <strong>sur</strong> <strong>la</strong> flore rare du Mercantour. Aucune étu<strong>de</strong> ne sembleavoir été malheureusement publiée à ce jour. Le Mercantour est aussi une région « ma<strong>la</strong><strong>de</strong> dumouton ».Dans <strong>les</strong> Pyrénées, le <strong>sur</strong>pâturage est peu évoqué <strong>et</strong> manifestement peu étudié par <strong>les</strong>naturalistes. Au sein <strong>de</strong> montagnes très pastora<strong>les</strong>, il est un <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s qu’on préfère éviter.Rappelons aussi que <strong>de</strong>s écarts importants existent parfois (souvent ?) entre <strong>les</strong> effectifsd’animaux déc<strong>la</strong>rés par <strong>les</strong> éleveurs <strong>et</strong> ceux mis en estive, ce qui n’est pas sans inci<strong>de</strong>nce <strong>sur</strong><strong>la</strong> question.Nous nous contenterons <strong>dans</strong> l’immédiat <strong>de</strong>s constatations communiquées par leConservatoire régional <strong>de</strong>s espaces naturels d’Aquitaine. Le Conservatoire a mené uninventaire <strong>de</strong>s milieux humi<strong>de</strong>s <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques <strong>de</strong> 2000 à 2006, <strong>et</strong> anime unecellule d’assistance technique zones humi<strong>de</strong>s (autrefois appelée réseau SAGNE). C’est ainsiqu’il a une très bonne connaissance <strong>de</strong> ces milieux, aussi bien en p<strong>la</strong>ine qu’en montagne.Dans le cadre <strong>de</strong> diagnostics <strong>de</strong> massif <strong>sur</strong> le pays <strong>de</strong> Cize au Pays Basque, le Conservatoireassiste techniquement <strong>la</strong> Commission syndicale du Pays <strong>de</strong> Cize, maître d’ouvrage. Le constatgénéral, en montagne, est un <strong>sur</strong>pâturage localisé aux zones d’abreuvement ou <strong>de</strong> reposoir.Ainsi, <strong>dans</strong> le massif <strong>de</strong> Cize, il a été constaté un <strong>sur</strong>piétinement <strong>de</strong> massifs <strong>de</strong> sphaignes 121<strong>de</strong>s tourbières (exemple, celle d’Arxilondo, commune <strong>de</strong> Lecumberri) <strong>et</strong> <strong>de</strong>s risquesd’eutrophisation liés aux déjections anima<strong>les</strong>.Face à c<strong>et</strong>te menace <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s milieux humi<strong>de</strong>s exceptionnels, <strong>et</strong> arguant <strong>de</strong>s risques réelsd’enlisement du bétail bovin, il a été proposé <strong>la</strong> mise en défens totale ou sélective (on ne<strong>la</strong>isse passer que <strong>les</strong> ovins) <strong>sur</strong> certains sites. C<strong>et</strong>te me<strong>sur</strong>e expérimentale couvre par exemple5% <strong>de</strong> <strong>la</strong> superficie du site d’Arxilondo. Toutefois, Thierry Laporte le rapporte, « <strong>la</strong> réduction<strong>de</strong> <strong>la</strong> pression du pâturage en montagne est difficile à m<strong>et</strong>tre en œuvre », d’autant que leproblème est <strong>la</strong> concentration du pâturage <strong>sur</strong> certains espaces plus riches en herbe.Une autre conséquence du <strong>sur</strong>pâturage est <strong>la</strong> colonisation <strong>de</strong>s estives par le gisp<strong>et</strong>(Festuca ekia), une p<strong>la</strong>nte endémique <strong>de</strong>s Pyrénées que <strong>les</strong> animaux mangent quand elle esttendre puis dé<strong>la</strong>isse plus tard lorsqu’elle est rêche. C’est donc typiquement une p<strong>la</strong>nte« refusée » qui prend <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce d’autres espèces. Mais <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> précisément ?Comme l’indique Michèle Evin <strong>dans</strong> son article, «<strong>les</strong> recommandations pour éviter le<strong>sur</strong>pâturage sont connues <strong>de</strong> tous », ajoutant plus loin : « Chacun sait ce<strong>la</strong>, mais ces pratiques<strong>de</strong> bon sens sont bien rarement respectées. La filière ovine est entraînée <strong>dans</strong> une spirale121 Les sphaignes lorsqu’el<strong>les</strong> meurent donnent naissance à <strong>la</strong> tourbe. Un certain nombre <strong>de</strong> ces espèces estmenacé. On en compte plus <strong>de</strong> 15 espèces <strong>sur</strong> <strong>la</strong> tourbière citée.82


productiviste qui lui convient mal avec une augmentation <strong>de</strong>s bergers souvent peu qualifiés <strong>et</strong>un défaut d’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong>s pâturages. Le pâturage se transforme alors en <strong>sur</strong>pâturage avec soncortège <strong>de</strong> dommages dont certains sont irréversib<strong>les</strong>. »Même si c<strong>et</strong>te conclusion est sans doute plus adaptée au contexte <strong>de</strong>s Alpes du Sud, iln’en <strong>de</strong>meure pas moins que le problème existe <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, qu’il est assez étouffé <strong>et</strong>qu’il serait bon <strong>de</strong> mener <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s indépendantes <strong>sur</strong> le suj<strong>et</strong>. Ajoutons que certaines forêtssont également exposées aux eff<strong>et</strong>s néfastes du pâturage <strong>de</strong>s vaches, comme l’avait noté P<strong>et</strong>erRobën pour plusieurs forêts comprises <strong>dans</strong> le Parc national.La banalisation <strong>de</strong>s paysages est enfin une réalité à m<strong>et</strong>tre <strong>sur</strong> le compte d’unpastoralisme débridé. Au Pays Basque notamment, <strong>de</strong> nombreux massifs souffrent d’unedégradation <strong>de</strong> leurs paysages, zébrés par <strong>de</strong>s pistes pastora<strong>les</strong>, en<strong>la</strong>idis par <strong>de</strong>s instal<strong>la</strong>tionsmo<strong>de</strong>rnes sans prescriptions architectura<strong>les</strong> (cabanes, abreuvoirs en béton, <strong>et</strong>c.), <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus enplus pénétrés par <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s véhicu<strong>les</strong> à moteur, dont <strong>de</strong>s 4x4 <strong>et</strong> <strong>de</strong>s quads. Eff<strong>et</strong>particulièrement pervers, <strong>la</strong> procédure d’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong>s documents d’objectif <strong>de</strong> Natura 2000pourrait d’ailleurs être l’occasion <strong>de</strong> re<strong>la</strong>ncer certains aménagements. De nouveaux accèspourraient être créés quand le biologiste américain Servheen, lui, réc<strong>la</strong>mait <strong>de</strong> fermer bien <strong>de</strong>saccès, notamment ceux d’estives sensib<strong>les</strong> ! Nous sommes bien loin <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition fièrementrevendiquée jusque <strong>dans</strong> <strong>les</strong> publicités pour diverses marques <strong>de</strong> fromage.La pollution <strong>de</strong>s eauxIl a été évoqué ci-<strong>de</strong>ssus l’eutrophisation d’eaux <strong>de</strong> tourbières en Pays Basque, unphénomène que l’on observe sans doute <strong>sur</strong> toute <strong>la</strong> chaîne <strong>de</strong>s Pyrénées.Notons que notre séjour d’étu<strong>de</strong>s <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Asturies (février 2008 à l’invitation duFAPAS) a permis <strong>de</strong> constater que l’intensification <strong>de</strong> l’élevage bovin a <strong>de</strong>s conséquencessuspectées <strong>sur</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong>s cours d’eau. Par exemple, <strong>les</strong> naturalistes soupçonnent quel’utilisation <strong>de</strong>s divers produits phytosanitaires <strong>et</strong> antiparasitaires pourrait expliquer <strong>la</strong>disparition du <strong>de</strong>sman (Galemys pyrenaïcus) <strong>dans</strong> <strong>de</strong> nombreux cours d’eau. Par ailleurs,l’enrichissement <strong>de</strong>s prairies par <strong>de</strong>s engrais banalise considérablement <strong>la</strong> flore autrefois riche<strong>de</strong> ces milieux. La couleur quasi monochrome <strong>de</strong>s prés illustre bien le phénomène en cours,qui s’accompagne inévitablement d’une disparition <strong>de</strong> cortèges entiers d’insectes <strong>et</strong> <strong>de</strong>papillons.En Jura, enfin, on constate <strong>de</strong>s confrontations périodiques entre <strong>de</strong>s agriculteurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>spêcheurs à <strong>la</strong> ligne au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’accès <strong>de</strong>s animaux aux cours d’eau. Les pêcheurs se p<strong>la</strong>ignentque <strong>les</strong> animaux domestiques souillent <strong>les</strong> rivières lorsqu’ils s’abreuvent 122 .L’impact du pastoralisme <strong>sur</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> grands tétrasDans un courrier adressé au ministre chargé <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, <strong>les</strong> prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s sixfédérations <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> chaîne pyrénéenne, <strong>les</strong> prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s fédérations régiona<strong>les</strong><strong>de</strong>s chasseurs d’Aquitaine <strong>et</strong> <strong>de</strong> Midi-Pyrénées, <strong>et</strong> enfin, le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Associationnationale <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> montagne, réagissaient à <strong>la</strong> publication du Manifeste grand tétras<strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. Ces instances cynégétiques reconnaissaient122 L’avenir <strong>de</strong> l’élevage : enjeu territorial, enjeu économique. <strong>Rapport</strong> d’information du Sénat, Gérard Bailly,2002, page 37.83


« l’impact réel du pacage non contrôlé <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune domestique <strong>sur</strong> <strong>la</strong> réussite <strong>de</strong> <strong>la</strong>reproduction <strong>et</strong> le décantonnement <strong>de</strong>s nichées <strong>et</strong> <strong>de</strong>s adultes, mais à l’inverse également <strong>la</strong>diminution <strong>sur</strong> certains secteurs <strong>de</strong>s zones pâturées favorisant <strong>la</strong> ferm<strong>et</strong>ure <strong>de</strong>s milieuxfavorab<strong>les</strong>. 123 »Le premier point développé par ces instances cynégétiques démontre une nouvelle fois<strong>les</strong> conséquences désastreuses d’un pastoralisme sans gardiennage. Cependant, comme <strong>de</strong>snaturalistes <strong>de</strong> Haute-Garonne l’ont constaté, certaines pratiques pastora<strong>les</strong> courantes, comme<strong>les</strong> feux ou le broyage mécanique <strong>de</strong> <strong>la</strong> végétation en lisière supérieure, dégra<strong>de</strong>nt <strong>les</strong> milieuxdu grand tétras mais aussi <strong>de</strong> <strong>la</strong> perdrix grise <strong>de</strong> montagne, espèce qui ne se portemanifestement pas très bien non plus.La position <strong>de</strong> l’association Nature Comminges est <strong>la</strong> suivante : « Le Grand-tétras, enparticulier au voisinage <strong>de</strong>s lisières supérieures <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, a besoin <strong>de</strong> zones <strong>de</strong> <strong>la</strong>n<strong>de</strong>s d’unehauteur comprise entre 0,3 <strong>et</strong> 0,5 m pour l’élevage <strong>de</strong>s jeunes. Ces zones <strong>de</strong> <strong>la</strong>n<strong>de</strong>s peuventêtre soit continues soit en mosaïque.Certains changements <strong>dans</strong> <strong>les</strong> pratiques pastora<strong>les</strong> peuvent avoir <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s négatifs.L’enfrichement, le <strong>sur</strong>pâturage ou le sous pâturage induisant un mauvais entr<strong>et</strong>ien du couvertherbacé <strong>et</strong> <strong>la</strong> ferm<strong>et</strong>ure du milieu. La réduction <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>irières fait diminuer le nombred’insectes nécessaires à l’alimentation <strong>de</strong>s poussins durant le premier mois <strong>de</strong> leur vie.Les opérations <strong>de</strong> girobroyage trop systématiques, <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s <strong>sur</strong>faces importantes (20hectares) avec <strong>de</strong> rares îlots <strong>de</strong> <strong>la</strong>n<strong>de</strong> préservée <strong>et</strong> <strong>de</strong> taille réduite, supprimant <strong>la</strong> fonction <strong>de</strong>refuge <strong>et</strong> d’alimentation pour <strong>les</strong> espèces <strong>de</strong> galliformes, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> lisières supérieures <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt(secteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong>n<strong>de</strong>s à genévrier, myrtil<strong>les</strong>, callune). Ces opérations doivent respecter certainesrèg<strong>les</strong> techniques qui ont été reprécisées par l’O.N.F. <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Forêts Domania<strong>les</strong> (cas <strong>de</strong>l'estive du Barest<strong>et</strong> entre Haute-Garonne <strong>et</strong> Ariège <strong>sur</strong> le domaine où se trouve l’ourse Hva<strong>la</strong>):- maintenir <strong>de</strong> zones non broyées en mosaïques (îlots <strong>de</strong> 30 ares minimum) <strong>sur</strong> 30%<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>sur</strong>face totale ;- épargner une ban<strong>de</strong> discontinue <strong>de</strong> 30 m en lisière forestière (avec possibilité <strong>de</strong>broyage « tournant » <strong>sur</strong> <strong>de</strong> longues pério<strong>de</strong>s ;- l’inscription <strong>de</strong> ces me<strong>sur</strong>es <strong>dans</strong> le cadre d’un CADLa pratique <strong>de</strong> l’écobuage (mise à feu en hiver pour éliminer <strong>les</strong> buissons <strong>et</strong> favoriser <strong>la</strong>repousse) non maîtrisés peuvent faire régresser <strong>de</strong>s milieux favorab<strong>les</strong>. Ils nécessitent <strong>la</strong> plusextrême pru<strong>de</strong>nce <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> ces opérations <strong>et</strong> le respect <strong>de</strong>s règ<strong>les</strong> techniques<strong>et</strong> doivent être encadrés par <strong>de</strong>s commissions loca<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>sur</strong>veil<strong>la</strong>nce. 124 »Ajoutons que <strong>de</strong> fortes charges pastora<strong>les</strong> sont également très néfastes pour <strong>les</strong>popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> cail<strong>les</strong>, comme ce<strong>la</strong> a été constaté en haute vallée d’Ossau <strong>dans</strong> le cirqued’Anéou, principal site <strong>de</strong> transhumance <strong>de</strong>s ovins <strong>sur</strong> l'espace Parc, par <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s du Parcnational. Le piétinement <strong>de</strong>s animaux entraîne <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong>s cail<strong>les</strong> qui nichent <strong>dans</strong> <strong>les</strong>hautes herbes à partir du mois <strong>de</strong> juin.123 Le montagnard, bull<strong>et</strong>in <strong>de</strong> l’Association nationale <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> montagne, novembre 2007.124 Sources : Guil<strong>la</strong>ume Castaing, naturaliste, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> Nature Comminges.84


La question <strong>de</strong>s feux courants ou feux pastorauxIl semble que l’activité pastorale ait été <strong>de</strong> tout temps accompagnée par c<strong>et</strong>te pratique.La prise <strong>de</strong> conscience du caractère très souvent néfaste <strong>de</strong>s feux ne date pas d’hier puisqu’en1764, Laclè<strong>de</strong> <strong>de</strong> Bedous, maître <strong>de</strong>s Eaux <strong>et</strong> Forêts <strong>de</strong> Béarn, Navarre <strong>et</strong> Soule, ordonnaitqu’ « cesse <strong>de</strong> brûler <strong>les</strong> arbres (…) <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre le feu aux <strong>la</strong>n<strong>de</strong>s, bruyères <strong>et</strong> bois pour <strong>les</strong>défricher <strong>et</strong> faire venir l’herbe pour le bétail <strong>et</strong> ce, en tous temps, principalement par vent dusud. »La réponse à leur existence est : « il faut bien n<strong>et</strong>toyer » ou plus vulgairement « Faut queça n<strong>et</strong>toye ! » (entendu en vallée d’Aspe alors que brû<strong>la</strong>it une pente très rai<strong>de</strong>, couloird’ava<strong>la</strong>nches, <strong>sur</strong> <strong>la</strong>quelle aucun bétail ne se rend aujourd’hui). Au temps où <strong>les</strong> bêtes étaientbien plus <strong>sur</strong>veillées, il semble que <strong>les</strong> grands feux n’existaient pas, car <strong>les</strong> troupeauxentr<strong>et</strong>enaient régulièrement le couvert végétal. Durant <strong>les</strong> années 80, certains scientifiques ontposé un nouveau regard <strong>sur</strong> l’utilisation du feu, <strong>et</strong> re<strong>la</strong>tivisé <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s catastrophiques qu’onlui prêtait <strong>sur</strong> <strong>la</strong> nature. Christopher Carcaill<strong>et</strong> révèle, lui, qu’aucune étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s conséquencesécologiques <strong>de</strong>s feux n’est menée en montagne, à l’exception <strong>de</strong>s forêts boréa<strong>les</strong> <strong>et</strong>méditerranéennes.En Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiquesPour ce qui concerne <strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, certaines forêts <strong>de</strong> hêtres ont étésévèrement touchées au fil du temps, comme <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune d’Etsaut en haute vallée d’Aspe(observations personnel<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O.-Béarn). Le record <strong>de</strong> dégâtsest manifestement celui <strong>de</strong> l’année 2002 : <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers jours <strong>de</strong> janvier au 3 février, <strong>la</strong>montagne brû<strong>la</strong>it presque partout <strong>et</strong> même très bien en raison d’une sécheresse persistante <strong>et</strong><strong>de</strong> vents forts. Malgré un arrêté préfectoral interdisant tous <strong>les</strong> écobuages, le bi<strong>la</strong>n fut trèslourd : un homme mort asphyxié, <strong>de</strong>s pompiers b<strong>les</strong>sés, <strong>de</strong>s granges détruites <strong>et</strong> 5 000hectares <strong>de</strong> bois, forêts <strong>et</strong> <strong>la</strong>n<strong>de</strong>s ravagés. Parmi <strong>les</strong> sites touchés, on r<strong>et</strong>iendra en valléed’Aspe <strong>la</strong> forêt communale <strong>de</strong> Lescun (bois <strong>de</strong> Landrosque <strong>et</strong> <strong>de</strong> Lhurs), <strong>et</strong> <strong>la</strong> forêtcommunale <strong>de</strong> Chimits à Aydius (qui protège le vil<strong>la</strong>ge contre <strong>les</strong> coulées <strong>de</strong> neige), puis envallée d’Ossau le vallon d’Aspeich à Bielle <strong>et</strong> Bilhères-en-Ossau.C<strong>et</strong> épiso<strong>de</strong> peu glorieux mais aussi le drame d’Estérencuby 125 , ont enfin poussé <strong>les</strong>autorités à réagir. C’est ainsi qu’on été créées <strong>les</strong> commissions loca<strong>les</strong> d’écobuage, quiassocient au niveau cantonal, éleveurs, chasseurs, forestiers, sapeurs pompiers, gendarmes,agents du Parc national <strong>de</strong>s Pyrénées, représentants <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature<strong>et</strong> <strong>de</strong>s administrations. Un schéma départemental a été mis en p<strong>la</strong>ce en 2004 <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques. Le nombre <strong>de</strong> feux c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stins est moins nombreux as<strong>sur</strong>e <strong>la</strong> D.D.A.F.De 1995 à 2001, 20 incendies ont été recensés en forêt publique avec 160 à 1 300hectares brûlés. En 2007, l’O.N.F. n’aurait recensé que quatre départs <strong>de</strong> feux non déc<strong>la</strong>rés <strong>et</strong>7 hectares brûlés, alors que 1 800 requêtes concernaient 16 000 hectares.La prise <strong>de</strong> conscience du mon<strong>de</strong> pastoral est faite d’après le responsable dupastoralisme à <strong>la</strong> D.D.A.F. Il aura fallu le drame d’Estérencuby avec pas moins <strong>de</strong> sixrandonneurs morts <strong>dans</strong> <strong>les</strong> f<strong>la</strong>mmes, <strong>de</strong>s biens matériels incendiés <strong>et</strong> <strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong> <strong>protection</strong>touchées pour réagir. Si nous nous félicitons <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te prise <strong>de</strong> conscience, nous observons que<strong>les</strong> conséquences <strong>de</strong> ces feux <strong>sur</strong> <strong>les</strong> écosystèmes ne sont pas réellement étudiées <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques tout du moins.125 En février 2000, 8 randonneurs étaient pris <strong>dans</strong> <strong>les</strong> f<strong>la</strong>mmes à Estérencuby au Pays Basque. C<strong>et</strong> acte commispar <strong>de</strong>s agriculteurs fit 6 morts !85


En Haute-GaronneChangeons <strong>de</strong> département. Voici un compte-rendu <strong>de</strong> <strong>la</strong> commission d’écobuage,réunie à Saint-Béat le 13 décembre 2007. Nous avons conservé <strong>la</strong> fraîcheur <strong>de</strong> ce compterendu,écrit par le représentant <strong>de</strong> l’association Nature Comminges, qui, mieux que <strong>de</strong> longuesdémonstrations éc<strong>la</strong>ire <strong>sur</strong> le climat local <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées autour <strong>de</strong>s feux "n<strong>et</strong>toyeurs".« Garin : une zone assez importante <strong>de</strong> 40 ha.Gouaux-<strong>de</strong>-Larboust : une très gran<strong>de</strong> zone <strong>de</strong> 121 ha.Ces <strong>de</strong>ux zones n’ont pas été brûlées <strong>de</strong>puis très longtemps (20/30 ans)Sur Gouaux ils vont brûler <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt (bouleaux) « même <strong>de</strong>s sangliers ne voudront pasy aller si on ne fait rien »Des réserves ont été émises <strong>sur</strong> <strong>la</strong> sécurité <strong>et</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> expresse <strong>de</strong> brûler en plusieursfois afin <strong>de</strong> perturber le moins possible <strong>et</strong> <strong>de</strong> pouvoir maîtriser le feu.Artigue : sept zones <strong>de</strong> tail<strong>les</strong> moyennes mais une très importante <strong>de</strong> 115 ha. Deman<strong>de</strong>expresse <strong>de</strong> brûler en plusieurs foisJuz<strong>et</strong> : <strong>de</strong>ux zones moyennesGouaux-<strong>de</strong>-Luchon : <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> brûler <strong>de</strong>s fougères. Réserves émises car <strong>les</strong> fougèresrepousseront <strong>de</strong> plus belle. Il leur est <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>les</strong> troupeaux <strong>sur</strong> ces estives aumoment <strong>de</strong> <strong>la</strong> pousse <strong>de</strong>s fougères afin <strong>de</strong> <strong>les</strong> épuiser <strong>et</strong> là el<strong>les</strong> régresseront. Apparemment lemaire n’est pas d’accord.Bézins-Garraux : Là aussi <strong>de</strong>s fougères <strong>et</strong> <strong>de</strong>s bouleaux à brûler, mais <strong>de</strong>s p<strong>et</strong>its (lemaire dixit : 20 à 30 cm, mais moi je n’appelle pas ça du p<strong>et</strong>it). Prévoient <strong>de</strong> faire une pistecoupe-feu pour <strong>la</strong> sécurité… (Commentaire personnel : on sait ensuite à quoi servent <strong>les</strong>pistes.)De plus le maire fait du mauvais esprit. Sachant que je vais poser <strong>la</strong> question <strong>sur</strong> <strong>la</strong>faune, il précise : "au point <strong>de</strong> vue bestio<strong>les</strong>, il y a <strong>de</strong>s taupes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s cerfs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s sangliers quifoutront le camp. De toute façon c<strong>et</strong>te année c’est une année à fougères <strong>et</strong> ce n’est pas <strong>les</strong>gens <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong> qui nous dirons ce qu’il faut faire. Et si on ne fait pas, <strong>les</strong> bois vont <strong>de</strong>scendreencore plus bas <strong>et</strong> il n’y aura plus d’estives."Burga<strong>la</strong>ys : 15 ha <strong>de</strong> fougèresGuran : quatre p<strong>et</strong>its proj<strong>et</strong>s, mais en basse altitu<strong>de</strong>Baren : une zone <strong>de</strong> 1,6 ha près <strong>de</strong> <strong>la</strong> routeMel<strong>les</strong> : 2 ha <strong>de</strong> fougères à LabachPas <strong>de</strong> bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s écobuages sauvages.Mon opinion personnelle : mieux vaut ne pas trop enquiquiner ceux qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt caren cas <strong>de</strong> refus ils feront sans autorisation <strong>de</strong> toute façon avec tous <strong>les</strong> risques annexes. »Et Yvan Puntous <strong>de</strong> poursuivre <strong>dans</strong> un courrier du 5 mars 2008 :« Ecobuages: dimanche <strong>la</strong> montagne était en feu vers Mel<strong>les</strong>, <strong>de</strong>s centaines d'hectaresont brûlés! Quand je pense que j'étais <strong>de</strong> commission d'écobuage <strong>et</strong> qu'il avait bien été<strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> ne brûler qu'en plusieurs fois afin <strong>de</strong> faire le moins <strong>de</strong> dégâts possible <strong>sur</strong> <strong>la</strong>faune ! Que même il avait été émis <strong>de</strong>s réserves <strong>sur</strong> certaines <strong>de</strong> ces pratiques quin'apportaient rien au pastoralisme puisque le fait <strong>de</strong> brûler faisait que fougères <strong>et</strong> autresrepartaient <strong>de</strong> plus belle avec c<strong>et</strong> apport <strong>de</strong> cendres. Mais <strong>la</strong> pression <strong>de</strong>s chasseurs/éleveursest tellement forte qu'on ne peut quasiment rien contre eux. J'avais à côté <strong>de</strong> moi le maire<strong>de</strong> Bézins-Garraux, vous savez, là où Mellba a été tuée, qui suite à certaines réserves, <strong>et</strong> là ilme visait ainsi que <strong>les</strong> représentants <strong>de</strong> <strong>la</strong> préfecture, a dit " ce ne sont pas <strong>les</strong> gens <strong>de</strong> <strong>la</strong> villequi vont nous apprendre comment faire chez nous, il n'y a que <strong>de</strong>s saloperies, fougères,86


onces, genêts où seuls <strong>les</strong> sangliers peuvent entrer <strong>et</strong> comme faune seulement <strong>de</strong>s serpents,<strong>de</strong>s taupes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s rats" Et je ne parle pas <strong>de</strong> l'Espagne, <strong>de</strong> chez moi, en gros <strong>de</strong>rrière le Crabèrepour simplifier, on voyait <strong>la</strong> fumée venant du versant sud <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s kilomètres <strong>et</strong> <strong>de</strong>skilomètres. »Il ajoute <strong>dans</strong> un autre courrier du 19 mars 2008 : « ce que je pensais voir venird'Espagne était en réalité versant français ! Mais vu <strong>la</strong> fumée <strong>et</strong> <strong>la</strong> distance où j'étais (20 km àvol d'oiseau) je m'étais trompé <strong>sur</strong> <strong>la</strong> provenance <strong>de</strong> ces fumées qui étaient donc du côtéMel<strong>les</strong> <strong>et</strong> Port<strong>et</strong>. »De son côté, Germain Cucuron, membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> même association Nature Comminges,écrivait : « Le 24 Février, en randonnée au massif du Puech en Haute-Garonne, j’ai été témoin<strong>de</strong>s écobuages pratiqués ce jour là. Le temps très sec <strong>et</strong> ensoleillé était propice à c<strong>et</strong>te activité.Peu <strong>de</strong> vent.- Un feu d’une superficie importante sévissait <strong>sur</strong> <strong>les</strong> sou<strong>la</strong>nes <strong>de</strong> Port<strong>et</strong> d’Asp<strong>et</strong>.- Un second incendie embrasait <strong>les</strong> versants Sud <strong>de</strong> Labach <strong>de</strong> Mel<strong>les</strong>.En Haute-Garonne, une commission d’écobuage se réunit chaque année pour déci<strong>de</strong>r <strong>et</strong>aboutir à un accord entre <strong>les</strong> organisations concernées : communes, O.N.F., O.N.C.F.S.,groupements pastoraux, chambre d’agriculture, associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. Lesparcel<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> superficies à brûler sont décidées d’un commun accord après proposition <strong>de</strong>smairies.Ma question est : c<strong>et</strong> accord est-il respecté ? Et qui est chargé <strong>de</strong> le faire respecter ?-Pour l’incendie <strong>de</strong> Port<strong>et</strong> d’Asp<strong>et</strong> : pas <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’écobuage pour 2007. On peutpenser que c<strong>et</strong> un écobuage sauvage qui a dégénéré.-Pour l’incendie <strong>de</strong> Mel<strong>les</strong> : 3 ha ont été <strong>de</strong>mandés par <strong>la</strong> mairie mais c’est dix ou vingtfois c<strong>et</strong>te superficie qui a brûlé.Toutes <strong>les</strong> crêtes <strong>de</strong> (lieu volontairement non indiqué), secteur à perdrix grises sontroussies par le feu, j’ai pu le constater lors d’une randonnée suivante <strong>dans</strong> ces secteurs, quijouxtent le (lieu volontairement non indiqué), lieu <strong>de</strong> tanière d’une ourse <strong>et</strong> ses p<strong>et</strong>its (voirphoto avec neige ci jointe). Le feu ne pouvait pas s’étendre <strong>sur</strong> <strong>la</strong> zone <strong>de</strong>s ours étant donné<strong>les</strong> reliquats <strong>de</strong> neige, mais, vu <strong>la</strong> faible distance <strong>et</strong> bien que <strong>la</strong> sortie <strong>de</strong> tanière n’était pasencore annoncée, on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, s’il n’y a pas eu dérangement.Je pense que nous <strong>de</strong>vrions être plus vigi<strong>la</strong>nts <strong>et</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à être présents lors <strong>de</strong>sécobuages. »Les impacts <strong>de</strong>s feux pastorauxLes impacts <strong>de</strong> ces feux <strong>sur</strong> <strong>la</strong> flore <strong>et</strong> <strong>la</strong> faune pyrénéenne sont très souvent éludés parleurs partisans. Aucune espèce <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore ne disparaîtrait, mais l’abondance <strong>de</strong> certainesd’entre el<strong>les</strong> se serait considérablement réduite <strong>et</strong> leur réapparition serait plus échelonnée. Lesinsectes sont bien entendus très touchés, <strong>les</strong> escargots aussi mais on nous dit que leur capacité<strong>de</strong> recolonisation est forte. Comme nous aimerions croire tout ce<strong>la</strong> ! À consulter quelquesdocuments, on constate que <strong>les</strong> repti<strong>les</strong> souffrent <strong>de</strong>s écobuages, comme <strong>les</strong> couleuvres ditescoronel<strong>les</strong> qui vivent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées (source : Gui<strong>de</strong> pour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s espècesanima<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’Isère, CORA-Isère <strong>et</strong> Service environnement du Conseil général, 2005), que <strong>les</strong>chambres d’agriculture <strong>de</strong> Picardie (<strong>de</strong>s institutions peu réputées pour leur soutien à <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature) proposent <strong>de</strong>s solutions alternatives au brû<strong>la</strong>ge <strong>de</strong>s talus, quiconstituent <strong>de</strong> précieux refuges pour <strong>la</strong> flore <strong>et</strong> <strong>la</strong> faune.Dans une étu<strong>de</strong> menée par <strong>de</strong>s biologistes <strong>et</strong> <strong>la</strong> fédération <strong>de</strong>s chasseurs du Jura :« Impact <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> brû<strong>la</strong>ge dirigé <strong>sur</strong> <strong>les</strong> communaux <strong>de</strong> Vesc<strong>les</strong> », on lit à propos <strong>de</strong>sorthoptères : « moins un site est brûlé fréquemment, moins <strong>les</strong> graminées sont abondantes,87


plus <strong>la</strong> diversité spécifique <strong>de</strong>s autres p<strong>la</strong>ntes est gran<strong>de</strong> <strong>et</strong> plus <strong>les</strong> sauterel<strong>les</strong> consommatrices<strong>de</strong> ces p<strong>la</strong>ntes sont présentes <strong>sur</strong> ce site. C<strong>et</strong>te observation est à rattacher à un principeécologique général qui veut que <strong>la</strong> diversité en espèces d’insectes est corrélée positivementavec l’augmentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité en espèces végéta<strong>les</strong>. Employé trop fréquemment, le feusimplifie <strong>les</strong> milieux en homogénéisant <strong>la</strong> végétation. D’une année <strong>sur</strong> l’autre, ce seronttoujours <strong>les</strong> mêmes espèces végéta<strong>les</strong>, avec leur cortège d’orthoptères associés, qui serontfavorisées. La perte <strong>de</strong> diversité floristique conduit à une perte <strong>de</strong> diversitéorthoptérologique. »Les auteurs d’ajouter que « <strong>les</strong> impacts du feu <strong>sur</strong> <strong>les</strong> communautés d’insectes sontdivers <strong>et</strong> variés. La plupart du temps, ils sont <strong>de</strong> courte durée si <strong>les</strong> possibilités <strong>de</strong>recolonisation existent (présence <strong>de</strong> milieux périphériques), mais comme pour <strong>les</strong> p<strong>la</strong>ntes, <strong>de</strong>sfeux trop intenses <strong>et</strong> trop fréquents peuvent aboutir à <strong>la</strong> disparition progressive <strong>de</strong> certainesespèces. »Dans <strong>la</strong> P<strong>et</strong>ite montagne jurassienne, comme en bien <strong>de</strong>s lieux, l’écobuage trouve saraison d’être <strong>dans</strong> le désir <strong>de</strong> conserver, fixer un paysage que l’on a connu <strong>et</strong> qui, s’ildisparaissait, <strong>la</strong>isserait p<strong>la</strong>ce à ce que beaucoup imagine être un chaos.Des étu<strong>de</strong>s sérieuses <strong>et</strong> indépendantes seraient à mener <strong>sur</strong> <strong>les</strong> feux pastoraux <strong>et</strong> leursimpacts réels <strong>sur</strong> <strong>les</strong> écosystèmes pyrénéens.L’impact <strong>de</strong>s feux <strong>sur</strong> <strong>la</strong> nourriture <strong>de</strong>s oursMoins connu est l’impact <strong>de</strong>s feux pastoraux <strong>sur</strong> l’alimentation <strong>de</strong>s ours. Voici <strong>la</strong>réponse d’Alfonso Hartasánchez à un journaliste espagnol :- Otro aspecto que preocupa mucho es el fuego. ¿Hasta qué punto pue<strong>de</strong> resultarperjudicial?- El fuego es un problema muy grave. Se están quemando zonas <strong>de</strong> vital importanciapara <strong>la</strong> alimentación <strong>de</strong>l oso. Evi<strong>de</strong>ntemente, no es un problema <strong>de</strong> mortalidad directa, peroindirectamente le está obligando a realizar más <strong>de</strong>sp<strong>la</strong>zamientos. Para comer lo mismo tienenque andar mucho más. Ésa es otra <strong>de</strong> <strong>la</strong>s asignaturas pendientes. (Source : La Nueva España,30 novembre 2006).Traduction : « Le feu est un problème très grave. Ils brûlent <strong>de</strong>s zones d’importancevitale pour l’alimentation <strong>de</strong>s ours. Bien sûr, ce n’est pas un problème <strong>de</strong> mortalité directe,mais indirectement ce<strong>la</strong> oblige l’ours à plus se dép<strong>la</strong>cer. Pour manger <strong>la</strong> même chose, ilsdoivent marcher plus. C’est une autre matière en suspens. »Au cours <strong>de</strong> notre mission en Asturies, <strong>les</strong> membres du FAPAS ont insisté <strong>sur</strong> ceproblème, <strong>et</strong> notamment <strong>sur</strong> le caractère plus nocif <strong>de</strong>s feux hivernaux qui pénètrent le sol enprofon<strong>de</strong>ur, <strong>et</strong> ainsi détruisent plus sûrement l’humus <strong>et</strong> <strong>la</strong> flore que <strong>les</strong> feux estivaux. Une<strong>de</strong>s para<strong>de</strong>s imaginées <strong>et</strong> mises en pratique par c<strong>et</strong>te association est <strong>de</strong> proposer aux intéressésd’entr<strong>et</strong>enir mécaniquement <strong>les</strong> parcel<strong>les</strong> en cause.Ajoutons que Jean-Jacques Camarra <strong>et</strong> l’O.N.C.F.S. ont déjà alerté <strong>sur</strong> <strong>les</strong> dégâtscommis par ces feux à certains refuges vitaux <strong>de</strong> l’ours (voir notre partie consacrée à l’espacevital <strong>de</strong> l’ours).88


L’impact <strong>de</strong>s feux <strong>sur</strong> <strong>la</strong> p<strong>et</strong>ite fauneNous donnons ci-<strong>de</strong>ssous un entr<strong>et</strong>ien publié <strong>sur</strong> le blog <strong>de</strong> Jenofa Cuiss<strong>et</strong>, écologist<strong>et</strong>rès active <strong>et</strong> membre <strong>de</strong>s Verts, qui vit au Pays Basque.En finir avec le mythe du feu purificateur.Dans Avant que nature meure, le livre du Professeur Jean Dorst, dont <strong>la</strong> première éditiondate <strong>de</strong> 1965, une gran<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce est réservée à ce thème "Par le fer <strong>et</strong> par le feu, <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction<strong>de</strong>s terres par l’Homme". L’érosion accélérée par <strong>les</strong> activités humaines désordonnées <strong>et</strong>irrespectueuses en est le souci permanent. Ce livre rejoint celui d’André Birre Un grandproblème humain, l’humus, paru à <strong>la</strong> même époque où l’on découvre, entre autres, <strong>les</strong>inquiétu<strong>de</strong>s à ce suj<strong>et</strong> d’un certain Victor Hugo. C’est dire si certaines prises <strong>de</strong> consciencecontemporaines sont tardives <strong>et</strong> timi<strong>de</strong>s.Dans <strong>les</strong> années 70, Manex Lanatua a pratiqué le métier <strong>de</strong> berger en montagne Basque.Un grave acci<strong>de</strong>nt l’a contraint à cesser c<strong>et</strong>te activité. A l’époque, déjà, il était en compl<strong>et</strong>désaccord avec l’écobuage, c<strong>et</strong>te pratique pastorale <strong>de</strong> mise à feu <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne.Aujourd’hui qu’il est apiculteur, « berger d’abeil<strong>les</strong> », ce désaccord est encore plus vif. Mêmesi bien d’autres pratiques agrico<strong>les</strong> m<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> nos jours en péril <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vie <strong>de</strong>s abeil<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>sinsectes en général, (monoculture, mono élevage, fenaison hâtive, réduction <strong>de</strong>s <strong>sur</strong>facesboisées, pestici<strong>de</strong>s, OGM, <strong>et</strong>c), il n’hésite pas à déc<strong>la</strong>rer « Nous sommes <strong>de</strong>s sinistrés dufeu ».Dans le département, ils sont environ 350 apiculteurs déc<strong>la</strong>rés, ce qui représente à peuprès 20 000 ruches dont <strong>les</strong> abeil<strong>les</strong> s’activent pour le bien commun. « C<strong>et</strong>te noble activité,activité <strong>de</strong> paix par excellence, tente <strong>de</strong> <strong>sur</strong>vivre <strong>dans</strong> une ambiance <strong>de</strong> guerre ouverte. Cesfeux terrib<strong>les</strong>, nous <strong>les</strong> regardons avec angoisse détruire <strong>de</strong>s centaines d’hectares <strong>de</strong> ce quenous pourrions appeler <strong>les</strong> « pâturages <strong>de</strong> nos abeil<strong>les</strong>. ».Manex, que penses-tu <strong>de</strong> <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> l’écobuage ?Je n’ai jamais mis le feu à <strong>la</strong> montagne <strong>et</strong> je ne le m<strong>et</strong>trai jamais. C’est un acte <strong>de</strong> mort.Il s’agit <strong>de</strong> tuer <strong>la</strong> nature. Or, qu’est-ce que <strong>la</strong> nature ? C’est vous, c’est moi, c’est l’ensemble<strong>de</strong>s êtres vivants. Brûler <strong>la</strong> montagne, c’est se m<strong>et</strong>tre à mort soi-même. Tout acte <strong>de</strong><strong>de</strong>struction opéré contre <strong>la</strong> nature est un acte <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction opéré contre soi-même. Cesincendies, que je considère comme criminels, sont également <strong>de</strong>s actes suicidaires. Il n’y aque du négatif <strong>et</strong> du mortifère <strong>dans</strong> l’acte d’allumer <strong>de</strong>s incendies <strong>de</strong> montagne.Certains m<strong>et</strong>tent en avant <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> « tradition ». Qu’en penses-tu ?Comme <strong>dans</strong> beaucoup d’autres domaines, il y a confusion <strong>dans</strong> <strong>la</strong> tête <strong>de</strong>s éleveurs.Nombreux sont encore ceux qui pensent que ces incendies volontaires sont une bonne chose.Quant à moi, je suis absolument persuadé que c<strong>et</strong>te pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition basque estmauvaise. Ce n’est pas parce qu’une coutume est <strong>dans</strong> le droit fil <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition que c<strong>et</strong>te89


coutume est bonne. Il y a <strong>dans</strong> <strong>la</strong> tradition du peuple basque <strong>de</strong> bonnes <strong>et</strong> <strong>de</strong> mauvaiseschoses. Les mauvaises sont à <strong>la</strong>isser <strong>de</strong> côté. En outre, je ne comprends pas commentquelqu’un peut brûler ce qui le nourrit. Car c’est bien <strong>la</strong> montagne qui nourrit le bétail quinourrit ensuite le berger ou le paysan. Incendier <strong>la</strong> montagne, est-ce une façon <strong>de</strong> <strong>la</strong> remercier? Quelque chose ne tourne plus rond. C’est l’ab<strong>sur</strong>dité <strong>la</strong> plus totale car, avant toute chose, lefon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> <strong>la</strong> véritable tradition n’est-il pas l’amour <strong>et</strong> le respect <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre ? Il y a encore àpeine quarante ans, <strong>les</strong> hommes <strong>et</strong> <strong>les</strong> femmes qui nous ont précédés ont pratiqué <strong>et</strong> entr<strong>et</strong>enuc<strong>et</strong> amour <strong>et</strong> ce respect. Ce<strong>la</strong> aussi se cultivait. L’amour <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre, c’était leur culture. Puispar <strong>la</strong> divinisation <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> progrès, ne jugeant <strong>et</strong> ne jaugeant que par lui, l’harmonie a étérompue. Tout n’est plus maintenant que rivalité. La re<strong>la</strong>tion homme/nature est elle aussiconflictuelle. Aujourd’hui, vivre en harmonie avec <strong>la</strong> nature, <strong>les</strong> animaux, <strong>les</strong> autres humains,tous <strong>les</strong> êtres vivants, <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s humains s’en foutent. Seul compte leur profit immédiat,c’est -à dire l’argent, divinité suprême <strong>de</strong> notre époque. Pourtant, comme disaient <strong>les</strong> indiens" La terre ne nous appartient pas. Nous l’empruntons à nos enfants. " Je suis persuadé que lePays Basque est pourtant le lieu idéal pour promouvoir une agriculture respectueuse <strong>de</strong>l’avenir <strong>et</strong> du vivant.D’abord <strong>et</strong> avant toute chose, nous <strong>de</strong>vons tous nous imprégner <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te idée que nousne sommes pas seuls au mon<strong>de</strong>. Tout acte que chacun pose en montagne a <strong>de</strong>s conséquencespour <strong>les</strong> autres utilisateurs <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te même montagne. A preuve, par exemple, MonsieurLacoste, <strong>de</strong> St Just Ibarre, producteur <strong>de</strong> porcs, qui a perdu quinze hectares <strong>de</strong> forêts, sousbois<strong>et</strong> <strong>la</strong>n<strong>de</strong>s à caused’incendies incontrôlés. " Les dommages causés se répercuteront <strong>sur</strong> plusieurs années ",déc<strong>la</strong>re-t-il.Et <strong>les</strong> conséquences pour <strong>les</strong> apiculteurs, quel<strong>les</strong> sont-t-el<strong>les</strong> ?Il s’agit d’une véritable catastrophe. Le feu détruit <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> variétés <strong>de</strong> fleurs.Beaucoup ont déjà disparu pour toujours. Peut-être certaines avaient-el<strong>les</strong> <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> guérir<strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies. On ne le saura jamais. Le feu détruit aussi <strong>les</strong> insectes pollinisateurs. Ainsi <strong>de</strong>svariétés <strong>de</strong> bourdons <strong>de</strong> montagne ont déjà disparu. Des variétés d’abeil<strong>les</strong> sauvages seraréfient. Sans parler <strong>de</strong>s <strong>la</strong>pins, <strong>de</strong>s lièvres <strong>et</strong> autres animaux qui meurent carbonisés. Et quedire <strong>de</strong>s " pottok ", <strong>de</strong>s chèvres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s brebis qui ont brûlé <strong>dans</strong> leurs bergeries ?Mais revenons à l’apiculture. Il faut savoir que contrairement aux bergers <strong>et</strong> paysans, <strong>les</strong>apiculteurs travaillent sans <strong>la</strong> moindre prime. Lorsqu’un f<strong>la</strong>n <strong>de</strong> montagne fleuri <strong>de</strong> bruyèresdisparaît <strong>dans</strong> <strong>les</strong> f<strong>la</strong>mmes, l’éleveur d’abeil<strong>les</strong> <strong>de</strong>vra attendre huit ou dix ans avant <strong>de</strong> faireune nouvelle récolte. Oui, tout acte individuel a <strong>de</strong>s conséquences pour <strong>les</strong> autres <strong>et</strong> pour <strong>la</strong>nature.Alors, que faire ?- D’abord, cesser <strong>de</strong> penser que <strong>la</strong> montagne est un tas <strong>de</strong> m… couverte <strong>de</strong> cochonneriesque le feu " n<strong>et</strong>toie ". Pour nous, <strong>la</strong> ronce <strong>et</strong> <strong>la</strong> bruyère sont une bénédiction <strong>de</strong>s dieux. Avecce tas <strong>de</strong> " sal<strong>et</strong>és ", <strong>les</strong> abeil<strong>les</strong> font du miel. Qui peut faire mieux ?90


- Au moins pour un certain temps, il faut totalement interdire ces feux <strong>de</strong>structeurs,<strong>la</strong>isser le temps à <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> reprendre force, à l’humus <strong>de</strong> se reconstituer. Dans ce cadre, ilfaudra réserver <strong>de</strong>s zones à l’apiculture.-Il faut promouvoir <strong>la</strong> machine à débroussailler. Là où elle ne peut aller, il faut <strong>la</strong>isserfaire le travail aux pottok qui ont une excellente <strong>de</strong>ntition ---- En outre, si le système <strong>de</strong>l’écobuage doit être pratiqué, je dirais, que vu ses dangers, il faut absolument as<strong>sur</strong>er unevéritable formation/information <strong>de</strong>s éleveurs susceptib<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’utiliser. Il faudrait que <strong>les</strong>éleveurs se regroupent pour ne pas se <strong>la</strong>isser débor<strong>de</strong>r par l’incendie. Dans ces cas là, il nefaut pas oublier que ce sont <strong>les</strong> pompiers qui risquent leur vie.- Il faut sans doute aussi réunir autour d’une table <strong>les</strong> différents " utilisateurs " <strong>de</strong> <strong>la</strong>montagne- Enfin, il faut reboiser avec <strong>de</strong>s essences loca<strong>les</strong> ( châtaignier, chêne, hêtre, tilleul, <strong>et</strong>c. )<strong>et</strong> ai<strong>de</strong>r financièrement ceux qui vraiment ( j’insiste <strong>sur</strong> le mot vraiment ) travaillent avec <strong>la</strong>nature <strong>et</strong> non pas contre elle.Le réchauffement du climat est-il lié à <strong>la</strong> civilisation agropastorale ?Les pratiques agrico<strong>les</strong> <strong>de</strong> nos ancêtres auraient-el<strong>les</strong> commencé à réchauffer le climat<strong>de</strong>s milliers d’années avant que nous ne brûlions industriellement du charbon <strong>et</strong> conduisions<strong>de</strong>s voitures ? Bien que controversée, c<strong>et</strong>te hypothèse récente a ses arguments, révé<strong>la</strong>it unarticle fort intéressant, « La révolution néolithique a-t-elle modifié le climat ? », <strong>de</strong> WilliamRuddinam, paléo-océanographe, professeur émérite <strong>de</strong> sciences <strong>de</strong> l’environnement àl’Université <strong>de</strong> Virginie, aux Etats-Unis,Voici <strong>de</strong>s extraits <strong>de</strong> son article paru <strong>dans</strong> le magazine Pour <strong>la</strong> science 126 :« Les hommes <strong>de</strong> l’ère industrielle ne sont peut-être pas <strong>les</strong> premiers à avoir modifié <strong>de</strong>façon globale. Je suis récemment parvenu à <strong>la</strong> conclusion que nos ancêtres agriculteurs ontcommencé à ém<strong>et</strong>tre ces gaz <strong>dans</strong> l’atmosphère il y a plusieurs millénaires, <strong>et</strong> que <strong>la</strong>modification du climat global, sous l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong>s activités humaines est intervenue bien plus tôtqu’on ne pensait. » S’étant aperçu que l’évolution <strong>de</strong>s gaz à eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> serre s’est modifiée il y aenviron 8 000 ans, <strong>et</strong> qu’on ne pouvait <strong>la</strong> déduire <strong>de</strong>s comportements antérieurs, il en a concluque « <strong>les</strong> activités humaines liées à l’agriculture - le déboisement <strong>et</strong> l’irrigation <strong>de</strong>s cultures enparticulier - avaient libéré du dioxy<strong>de</strong> <strong>de</strong> carbone <strong>et</strong> du méthane supplémentaires <strong>dans</strong>l’atmosphère. Ces activités expliqueraient à <strong>la</strong> fois <strong>les</strong> renversements <strong>de</strong> tendance <strong>de</strong>s gaz àeff<strong>et</strong> <strong>de</strong> serre <strong>et</strong> leur augmentation jusqu’au début <strong>de</strong> l’ère industrielle, augmentation qui s’esten outre accélérée avec l’essor technique <strong>et</strong> économique <strong>de</strong> l’humanité. »Si c<strong>et</strong>te théorie est contestée, comme toutes <strong>les</strong> théories <strong>et</strong> cel<strong>les</strong> re<strong>la</strong>tives au climat enparticulier, elle a le mérite d’abor<strong>de</strong>r le suj<strong>et</strong> sous un angle assez tabou. En eff<strong>et</strong>, jusqu’à uneépoque récente <strong>la</strong> révolution néolithique (en réalité c’est une rupture) était parée <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong>vertus. Les temps changent désormais.126 Pour <strong>la</strong> science, n°330, avril 2005, pp.31-37. W. Ruddiman est l’auteur <strong>de</strong> Plows, p<strong>la</strong>gues and p<strong>et</strong>roleum :how humans took control of climate, Princ<strong>et</strong>on University Press, 2005.91


Conclusion :Artiste compl<strong>et</strong>, <strong>de</strong>ssinateur, sculpteur <strong>et</strong> graveur <strong>sur</strong> bois, naturaliste, précurseur <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature dès <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 1920, philosophe fondamental <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong>l’homme <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, le genevois Robert Hainard livrait une vision hors-piste <strong>de</strong> <strong>la</strong>civilisation agropastorale :« On s’inquiète, avec raison, <strong>de</strong> <strong>la</strong> perturbation du climat par <strong>les</strong> activités humaines.Mais on prend <strong>de</strong>s références immédiates. Il semblerait qu’avant l’ère industrielle, il y a <strong>de</strong>uxsièc<strong>les</strong>, tout était innocence <strong>et</strong> harmonie. Pourtant, <strong>la</strong> civilisation agro-pastorale a détruit plusqu’elle n’a <strong>la</strong>issé à détruire. Différence capitale, ces transformations se sont produites avecune lenteur qui a permis <strong>de</strong>s compensations plus ou moins bonnes.La déforestation <strong>de</strong> l’Amazonie, l’incendie <strong>de</strong>s forêts, ce<strong>la</strong> s’est produit à bien plusgran<strong>de</strong> échelle en Europe, en Asie. Mais <strong>de</strong> façon beaucoup moins brusque, <strong>et</strong> avec bonneconscience, un zèle messianique. Quelle transformation que celle du climat méditerranéen !L’inquiétu<strong>de</strong> que nous cause <strong>la</strong> brutalité actuelle a un eff<strong>et</strong> rétroactif. Elle <strong>de</strong>vrait rem<strong>et</strong>tre enquestion <strong>la</strong> civilisation agro-pastorale. Nous en sommes loin. Pour nous, un écologiste doittout naturellement élever <strong>de</strong>s chèvres ou <strong>de</strong>s moutons, jardiner. C’est ce<strong>la</strong>, pour nous, ler<strong>et</strong>our à <strong>la</strong> nature. Pourtant, l’industrie est sans doute plus naturelle à l’homme quel’agriculture, elle est bien antérieure.L’abandon du préjugé néolithique nous perm<strong>et</strong>trait d’envisager <strong>de</strong>s solutions plussimp<strong>les</strong> <strong>et</strong> plus hardies. 127 »Une personnalité aussi différente que Vera a exprimé une vision que nousapprouvons également :« Perm<strong>et</strong>tre à <strong>la</strong> nature sauvage <strong>de</strong> se développer <strong>de</strong> nouveau est très important pour <strong>la</strong>culture <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation, autant que pour sauvegar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> biodiversité. De plus, <strong>la</strong> naturesauvage nous montre le cadre <strong>dans</strong> lequel notre paysage culturel s’est développé. C’estseulement par <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature sauvage que nous pouvons comprendre notrepaysage culturel. 128 »La défense du pastoralisme qui serait nécessaire à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversitéexprime <strong>dans</strong> <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s cas une vision idéologique. Celle d’une nature ras<strong>sur</strong>ante,maîtrisée par l’homme. Activité très mo<strong>de</strong>rne, le pastoralisme entr<strong>et</strong>ient une certaine diversité<strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> vie, c’est tout. De nombreux naturalistes soulignent avec raison quel’artificialisation <strong>de</strong>s milieux, conséquence <strong>de</strong>s activités humaines, <strong>la</strong> diffusion <strong>de</strong>s bioci<strong>de</strong>s<strong>dans</strong> l’air <strong>et</strong> <strong>dans</strong> l’eau sont <strong>de</strong>s phénomènes autrement plus préoccupants que l’abandon <strong>de</strong>spâturages. Par ailleurs, il est temps d’abor<strong>de</strong>r sans tabous <strong>les</strong> impacts <strong>historique</strong>s <strong>et</strong> présentsdu pastoralisme <strong>sur</strong> nos milieux naturels.Le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> l’ours, du loup, du lynx ou d’autres prédateurs n’a jamais entraîné unechute <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité. Nous rej<strong>et</strong>ons c<strong>et</strong>te biodiversité à <strong>la</strong> carte que certains éleveursvoudraient imposer <strong>dans</strong> nos montagnes, en particulier <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées où isards <strong>et</strong> vautoursseraient acceptés quand on rej<strong>et</strong>terait <strong>les</strong> prédateurs par essence "nuisible". Nous estimons en127 Le Mon<strong>de</strong> plein, Editions Melchior, 1991. Epuisé mais téléchargeable <strong>sur</strong> le site <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fondation Hainard :www.hainard.ch128 Traduction par nos soins. « Allowing the wil<strong>de</strong>rness to <strong>de</strong>velop once again is very important for culturalconservation, as well for safeguarding biodiversity. After all, the wil<strong>de</strong>rness shows us the framework withinwhich our cultural <strong>la</strong>ndscape <strong>de</strong>veloped. It is only by knowing the wil<strong>de</strong>rness that we can un<strong>de</strong>rstand ourcultural <strong>la</strong>ndscape. » Ce sont <strong>les</strong> <strong>de</strong>rnières lignes <strong>de</strong> son ouvrage Grazing ecology and forest history.92


outre que <strong>la</strong> reconstitution <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tions d’ongulés sauvages, aux <strong>de</strong>nsités norma<strong>les</strong>, est unepriorité, comme celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> restauration d’une guil<strong>de</strong> complète <strong>de</strong>s prédateurs, <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux étant<strong>de</strong>s conditions d’une meilleure harmonie <strong>de</strong>s écosystèmes. Toutes <strong>les</strong> étu<strong>de</strong>s sérieuses ledémontrent.Soutenir le pastoralisme pour maintenir <strong>de</strong>s paysages ouverts est un choix culturel quine doit pas rechercher une caution scientifique qui fait très souvent défaut. « On peutd’ailleurs se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si le maintien <strong>de</strong>s paysages dits traditionnels au nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong><strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité ne reflète pas aussi <strong>la</strong> volonté inconsciente <strong>de</strong>s déci<strong>de</strong>urs actuels <strong>de</strong>conserver <strong>les</strong> paysages <strong>de</strong> <strong>la</strong> France <strong>de</strong>s années 1950, celle justement qui a accompagné leurenfance. 129 » Poser <strong>la</strong> question du maintien <strong>de</strong> l’élevage ovin en montagne, du moins d’unélevage aussi important avec toutes ses conséquences écologiques, n’est pas une hérésie. Enpratique, comme l’énonce Hervé Brustel, entomologiste à l’École <strong>de</strong> Purpan (Toulouse), lechoix est :- pour <strong>les</strong> espaces pastoraux gagnés <strong>sur</strong> <strong>la</strong> forêt, sous <strong>la</strong> limite normale forestière, <strong>de</strong><strong>la</strong>isser <strong>la</strong> forêt reprendre ou <strong>de</strong> maintenir le pastoralisme. Mais pour quel<strong>les</strong> forêts ? Devieil<strong>les</strong> forêts à terme, <strong>et</strong> donc très riches, ou <strong>de</strong> jeunes forêts exploitées ?- pour <strong>les</strong> milieux au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> <strong>la</strong> limite potentielle <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, <strong>de</strong> maintenir ou non lepâturage.En outre, nous jugeons que nos territoires dits protégés, notamment ceux <strong>de</strong>s parcsnationaux, ne <strong>de</strong>vraient pas êtres soumis à un pastoralisme aussi fort. Sinon, qu’entend-on parespace protégé ? Les espaces <strong>la</strong>issés en libre évolution sont rarissimes <strong>dans</strong> notre pays à <strong>la</strong>différence <strong>de</strong>s pays voisins. La Suisse peut s’enorgueillir d’un Parc national à l’avant-gar<strong>de</strong><strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, d’autant qu’il a été créé au tout début du XXe siècle.L’Allemagne possè<strong>de</strong> le Bayerischer Wald qui se prolonge en République tchèque par le Parcnational <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> Bohème ou Šumava (Choumava). Soixante-dix pour cent <strong>de</strong>s 24 250hectares sont <strong>la</strong>issés en libre évolution 130 . La Slovénie compte plus <strong>de</strong> 1 000 hectares <strong>de</strong> forêtsprimaires, une <strong>sur</strong>face importante pour un si p<strong>et</strong>it pays. Il est temps que <strong>les</strong> protecteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong>nature agissent en France pour un équilibre entre une nature jardinée, gérée, défendable quan<strong>de</strong>lle est assumée, <strong>et</strong> une nature sauvage riche d’une faune complète, dont l’ours estl’incarnation suprême.129 Alex C<strong>la</strong>mens, « De <strong>la</strong> <strong>protection</strong> du loup à <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s paysages. 2 ème partie : Quel environnementsouhaitons-nous protéger ? » Le Courrier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature, n°234, juill<strong>et</strong>-août 2007.130 Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Génot, « Un parc national pas comme <strong>les</strong> autres : le Bayerischer Wald en Allemagne »,Naturalité n°1, février 2007.93


L’OURS ET LA CHASSE« Mes plus beaux souvenirs <strong>de</strong> chasse, c’est quand l’ours vivait <strong>dans</strong> <strong>la</strong> montagne.Il était là comme <strong>les</strong> tempêtes en Br<strong>et</strong>agne. »Un chasseur aspoisLa chasse est très souvent regardée en France <strong>et</strong> ailleurs comme <strong>la</strong> cause majeure <strong>de</strong>disparition <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> <strong>de</strong> bien d’autres espèces anima<strong>les</strong>. Pourtant. « Si <strong>les</strong> biotopes <strong>de</strong> l’ourssont très <strong>la</strong>rgement intacts <strong>de</strong>puis <strong>les</strong> Rhodopes jusqu’aux Tatras <strong>et</strong> même jusqu’à l’Oural, cen’est pas seulement grâce à <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te espèce, c’est aussi grâce à <strong>la</strong> conception <strong>de</strong><strong>la</strong> chasse <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te zone qui reconnaît à l’ours une p<strong>la</strong>ce privilégiée » écrivait RudolfRösler 131 .Au mois <strong>de</strong> mai <strong>de</strong>rnier, un chasseur <strong>de</strong> Kocevska Reka (Slovénie) faisait c<strong>et</strong>teremarque rapportée à nous qui avions "loué" un <strong>de</strong>s miradors qu’il gère : « Je ne comprendspas pourquoi <strong>les</strong> Français viennent voir <strong>les</strong> ours chez nous, leurs chasseurs <strong>les</strong> tuent. » Un<strong>et</strong>elle remarque démontre l’attachement, réel, qui est parfois une véritable fascination, <strong>de</strong>sSlovènes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> ce pays aux ours. Elle illustre aussi <strong>la</strong> puissance déformatrice <strong>de</strong>sinformations médiatisées qui empêchent toute compréhension d’un problème plus complexe.Les dangers <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse pour l’oursToutes <strong>les</strong> situations étrangères démontrent que <strong>les</strong> ours s’adaptent à <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>schasseurs, mais pas à tous <strong>les</strong> mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chasse ni quand ils ne connaissent aucune limite. EnSlovénie ou en Slovaquie, pour ne prendre que ces <strong>de</strong>ux exemp<strong>les</strong>, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours,aujourd’hui florissante, a été sauvée grâce aux efforts <strong>de</strong>s chasseurs. Dans ces <strong>de</strong>ux pays,cependant, <strong>la</strong> chasse à l’ours est pratiquée à l’affût <strong>de</strong>puis un mirador. C’est donc un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>chasse peu dérangeant pour l’ours <strong>et</strong> <strong>la</strong> faune en général.Il n’en est pas <strong>de</strong> même avec <strong>la</strong> chasse en battue aux sangliers. Partout où elle estpratiquée, elle se révèle extrêmement dérangeante pour l’ours, lui-même soumis pendant <strong>les</strong><strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong> à <strong>de</strong>s battues <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction. « La battue au chevreuil <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout au sanglier estcertainement le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse le plus perturbant, car son obj<strong>et</strong> même est <strong>de</strong> débusquerl’animal chassé », lit-on <strong>dans</strong> le bull<strong>et</strong>in <strong>de</strong> l’O.N.C. spécialement consacré à l’ours brun <strong>de</strong>sPyrénées en janvier 1990. Nous qui avons participé à <strong>de</strong>s battues aux cerfs <strong>et</strong> sangliers savonsquelle panique s’empare <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> animaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt.Pour mémoire, <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 60 <strong>et</strong> 70 on chassait <strong>sur</strong>tout l’isard <strong>et</strong> le lièvre <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>. Les chiens courants utilisés avaient très peur <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> venaientalors, en cas <strong>de</strong> rencontre, se m<strong>et</strong>trent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> jambes <strong>de</strong>s hommes. Détail d’importance : onpartait <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges à pied à 3 ou 4 heures du matin <strong>et</strong> l’on chassait une fois par semaine. Or,<strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong>s années 90, <strong>les</strong> sangliers (mais aussi <strong>les</strong> chevreuils) vivent en grandnombre <strong>dans</strong> tous <strong>les</strong> secteurs. Les accès routiers perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> chasser trois fois parsemaine : mercredi, samedi <strong>et</strong> dimanche. Les chiens courants utilisés sont plus p<strong>et</strong>its (Fox,Jack), car <strong>les</strong> chasseurs venant <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine veulent <strong>les</strong> récupérer <strong>les</strong>oir. Ils courent moins mais sont très agressifs même au ferme avec un sanglier. C’est <strong>de</strong>venuune culture, avec <strong>les</strong> congé<strong>la</strong>teurs (Conversations avec <strong>de</strong>ux chasseurs aspois). Parallèlement,<strong>la</strong> pression <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s fédéraux, très présents <strong>sur</strong> le terrain à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 70, a beaucoup131 « L’ours brun en Europe centrale <strong>et</strong> orientale » in Atelier <strong>sur</strong> <strong>la</strong> situation <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours brun enEurope, Asturies, Conseil <strong>de</strong> l’Europe, mai 1988.94


diminué, alors qu’entre temps <strong>la</strong> disponibilité <strong>de</strong>s chasseurs s’est accrue. (Commentaire <strong>de</strong>D.Boyer).Dans <strong>les</strong> Pyrénées navarraises <strong>et</strong> aragonaises, « <strong>la</strong> chasse au sanglier est considéréecomme une activité qui a une influence négative <strong>sur</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours (Herrero <strong>et</strong> Guiral,1994) » rapporte Olivier Patrimonio. Ce jugement est malheureusement va<strong>la</strong>ble pour toutes<strong>les</strong> Pyrénées. Dans <strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, plusieurs gar<strong>de</strong>s du Parc national confient,qu’hormis <strong>la</strong> zone centrale du parc, il n’y a pas un secteur, « pas un mètre carré qui ne soitdérangé » par <strong>les</strong> battues aux sangliers. De nombreux naturalistes <strong>et</strong> gar<strong>de</strong>s se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ntmême si <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées est encore possible sans qu’il ait pendant <strong>de</strong>s mois<strong>de</strong>s chiens aux trousses (D. Boyer notamment).Le sanglier fréquente <strong>les</strong> mêmes territoires que l’ours pour se nourrir ou se remiser.Tous <strong>les</strong> chasseurs <strong>et</strong> <strong>les</strong> bons connaisseurs <strong>de</strong> l’ours le savent, si bien que <strong>les</strong> risques <strong>de</strong>confusion entre <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux espèces sont bien réels. Encore une fois, tous <strong>les</strong> connaisseurs <strong>les</strong>avent, chasseurs ou naturalistes. Les naturalistes espagnols qui étudient c<strong>et</strong>te espèce ont ainsichoisi le terme <strong>de</strong> « jabaloso » (contraction <strong>de</strong> jabalí - sanglier - <strong>et</strong> oso) pour exprimer <strong>la</strong>difficulté d’i<strong>de</strong>ntification correcte <strong>de</strong> l’animal <strong>dans</strong> certaines situations 132 . Ils rappellent qu’i<strong>les</strong>t très facile <strong>de</strong> confondre <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux espèces <strong>et</strong> tant le FAPAS (Fondo par <strong>la</strong> protecci?n <strong>de</strong> losanima<strong>les</strong> salvajes) que <strong>la</strong> Fundaci?n Oso Pardo ont chacun produit <strong>de</strong>s documentsphotographiques qui le démontrent parfaitement.Dans <strong>les</strong> Pyrénées, André Apiou, lors <strong>de</strong> son procès en décembre 1998 avait lui mêmeinvoqué c<strong>et</strong>te confusion. C<strong>et</strong> homme qui chassa toute sa vie, tuant officiellement 6 ours, savaittrès bien que <strong>la</strong> confusion est possible. Mais <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te affaire-là, il fut confondu, c’est le cas<strong>de</strong> le dire, par le juge d’instruction. Il lui avait déc<strong>la</strong>ré avoir visé le torse <strong>de</strong> l’animal, un termeque l’on peut utiliser pour désigner l’ours mais pas le sanglier.La chasse en battue a également <strong>de</strong>s conséquences indirectes <strong>et</strong> graves pour l’ours. Ellele dérange <strong>dans</strong> une pério<strong>de</strong> cruciale <strong>de</strong> l’année, pendant <strong>la</strong>quelle l’ours s’engraisse avantl’entrée en tanière. Pour une femelle qui a été fécondée au printemps, <strong>les</strong> conséquencespeuvent être graves. L’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> l’œuf est différée chez l’ourse jusqu’en novembre, peu<strong>de</strong> temps avant l’entrée en tanière. Des dérangements fréquents empêchant l’animal <strong>de</strong> senourrir correctement peuvent provoquer <strong>la</strong> perte <strong>de</strong> l’œuf. S’il s’agit d’une femelle suitée, <strong>de</strong>sdérangements répétés peuvent affaiblir mère <strong>et</strong> oursons, <strong>et</strong> comprom<strong>et</strong>tre <strong>les</strong> chances <strong>de</strong><strong>sur</strong>vie <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers.Olivier Patrimonio rapporte que <strong>la</strong> chasse au sanglier en battue est citée en Espagne, enItalie, en Grèce <strong>et</strong> en France, comme une <strong>de</strong>s sources majeures <strong>de</strong> dérangement, voire <strong>de</strong>mortalité <strong>de</strong> l’ours.En Grèce : « La fréquence <strong>de</strong> mortalité par <strong>de</strong>struction est concentrée <strong>sur</strong>tout durant <strong>la</strong>pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse (entre septembre <strong>et</strong> janvier) <strong>et</strong> plus spécialement durant <strong>les</strong> battues àsanglier qui sont <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> 27% <strong>de</strong>s cas recensés durant <strong>les</strong> années 1994-1995 (proj<strong>et</strong>Arctos, 1996). »En Italie : « À l’extérieur du Parc National <strong>de</strong>s Abruzzes, <strong>les</strong> chasseurs <strong>de</strong> sangliers sontresponsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> braconnage d’ours (Roth, 1995). »132 « Los cazadores asturianos y <strong>la</strong> conservaci?n <strong>de</strong>l oso. Manual para cazar en <strong>la</strong>s zonas oseras asturianas. » Fundaci?n OsoPardo <strong>et</strong> neuf sociétés <strong>de</strong> chasse, 2002 ( ?).95


On notera aussi que <strong>la</strong> chasse en battue fait courir <strong>de</strong>s dangers à <strong>de</strong> nombreusespersonnes qui fréquentent <strong>les</strong> forêts.Un peu d’histoire ancienneDans notre pays, <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s premières <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> <strong>de</strong> seshabitats vinrent <strong>de</strong>s… chasseurs. Cependant, <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s chasseurs d’aujourd’huine le savent pas, <strong>et</strong> <strong>les</strong> officiels qui le savent ne se bousculent pas pour le faire savoir. Car ils’agissait d’une autre espèce <strong>de</strong> chasseurs… C’est ainsi qu’à lire un article consacré àl’Institution Patrimoniale du Haut Béarn <strong>dans</strong> La Revue nationale <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> novembre2007 133 , on pourrait croire que <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>la</strong> fédération <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques font beaucoup pour <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s ours, quand, sous leur prési<strong>de</strong>nce, sontmortes <strong>les</strong> <strong>de</strong>rnières femel<strong>les</strong> autochtones faute <strong>de</strong> me<strong>sur</strong>es sérieuses <strong>de</strong> <strong>protection</strong>. Etcurieusement, pas un mot, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> vraies <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>protection</strong>s émises par <strong>de</strong>s chasseurs endéfense <strong>de</strong> l’ours !Remontons aux années 1915-1916, quand le prince Albert <strong>de</strong> Monaco, venu chasserl’ours <strong>et</strong> l’isard en Ariège eut <strong>la</strong> prescience <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> <strong>la</strong> création <strong>de</strong> réserves <strong>de</strong> chassepour préserver le gibier, <strong>et</strong> l’ours en particulier 134 . Dès 1923, lors du premier congrèsinternational <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature tenu à Paris, l’inspecteur <strong>de</strong>s Eaux <strong>et</strong> Forêts Salvat,attribuait <strong>la</strong> régression <strong>de</strong> l’ours (déjà !) à "l’ouverture <strong>de</strong>s routes, l’exploitation <strong>de</strong>s bois, ledébroussaillement <strong>et</strong>… <strong>la</strong> chasse" 135 », lui, <strong>de</strong>mandait l’arrêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse à l’ours <strong>et</strong> <strong>la</strong>création d’un parc national. En 1937, Bour<strong>de</strong>lle, professeur au Muséum national d’histoirenaturelle, menait <strong>la</strong> première enquête <strong>sur</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées françaises qui paraît<strong>dans</strong> <strong>la</strong> revue Mammalia. Il préconisait l’instauration <strong>de</strong> vastes réserves sans chasse <strong>et</strong> sansexploitation forestière.En 1946, Jean-Émile Bénech, auteur <strong>de</strong> plusieurs ouvrages cynégétiques, s’écriait <strong>dans</strong>Fauves <strong>de</strong> France, chez Stock : « Peut-être - il est bien tard ! - quelques me<strong>sur</strong>esdraconiennes… Mais non ! Il n’est jamais trop tard. Seulement, il faudrait <strong>les</strong> prendre tout <strong>de</strong>suite. N’ont-el<strong>les</strong> pas sauvé <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers <strong>sur</strong>vivants <strong>de</strong>s républiques <strong>de</strong> castors ? N’assistonsnouspas aujourd’hui au miracle <strong>de</strong> leur <strong>sur</strong>vivance <strong>sur</strong> le Rhône. Qui défendra <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s<strong>de</strong>rniers ours pyrénéens ? »En 1954, le docteur Marcel Couturier, gran<strong>de</strong> figure <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse française, membrecorrespondant du Muséum national d’histoire naturelle (<strong>et</strong> nous passons bien d’autres titres),fait paraître à compte d’auteur une volumineuse monographie : L’Ours brun. Au cours <strong>de</strong> savie, M. Couturier a publié d’autres travaux du même type <strong>sur</strong> le chamois ou <strong>les</strong> coqs <strong>de</strong>bruyère. Il évaluait alors <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours <strong>de</strong>s Pyrénées françaises à 70 têtes. « Ce nombrevarie d’ailleurs beaucoup pendant <strong>la</strong> belle saison, en raison du va-<strong>et</strong>-vient <strong>de</strong>s animaux entre<strong>la</strong> France <strong>et</strong> l’Espagne, <strong>et</strong> vice versa. » Pour <strong>les</strong> Pyrénées espagno<strong>les</strong>, justement, il estime que<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours y serait inférieure à celle du versant nord. À titre <strong>de</strong> comparaison, i<strong>les</strong>timait que <strong>la</strong> Slovénie abritait alors 75 ours <strong>et</strong> <strong>la</strong> Croatie voisine (<strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions sontreliées), 200 individus.133 Laurent Ferrière, « Gestion en montagne, l’histoire <strong>de</strong> l’IPHB », La Revue nationale <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, novembre2007, pages 72-75. Un article très mauvais, sans référence sérieuse, avec <strong>de</strong>s oublis majeurs, <strong>de</strong>s faits erronés…134 C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che, La Cause <strong>de</strong> l’ours, Sang <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre, 1993.135 C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che, op.cit.96


Rappelons que M. Couturier a chassé l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées <strong>et</strong> qu’il a tué son premierours à Urdos grâce à André <strong>et</strong> Jean-Bernard Apiou, fils <strong>de</strong> Bernard Apiou, tous chasseursd’ours.Quant aux réserves, Couturier écrivait : « Ainsi n’existe-t-il en France qu’une seuleréserve d’ours, celle du Pic du Midi d’Ossau. Il est donc <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus haute utilité d’en créer <strong>de</strong>nouvel<strong>les</strong> dont l’obj<strong>et</strong> sera <strong>de</strong> protéger c<strong>et</strong>te espèce. » Et il évoquait avec précision <strong>les</strong>secteurs en question pour conclure : « La question <strong>de</strong>s réserves à ours en France est aussiimportante que celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> réglementation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au fauve. L’une ne vaut rien sansl’autre. Rien ne s’oppose vraiment à ce qu’el<strong>les</strong> soient harmonieusement conjuguées <strong>et</strong> alliéespour <strong>la</strong> meilleure <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’espèce. » (Nouvel<strong>les</strong> réserves à créer, pages 722-723).À <strong>la</strong> même époque, <strong>et</strong> forts <strong>de</strong> ces constats, <strong>de</strong>s chasseurs éc<strong>la</strong>irés, tels Maître Chavanne,prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> montagne, aidé <strong>de</strong> Maître Gilbert <strong>et</strong> <strong>de</strong> M.Champ<strong>et</strong>ier <strong>de</strong> Ribes, vice-prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> même association, obtenaient en 1958 du ministère<strong>de</strong> l’Agriculture, via le Conseil supérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, <strong>la</strong> première interdiction <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse àl’ours. Celle-ci sera conditionnée à l’in<strong>de</strong>mnisation <strong>de</strong>s dégâts <strong>de</strong>s ours au bétail, queChavanne a manifestement engagé seul dès 1955 136 . Les chasseurs souscriront par <strong>la</strong> suite uneas<strong>sur</strong>ance auprès <strong>de</strong> <strong>la</strong> compagnie suisse Winterthur. Le contrat sera dénoncé <strong>de</strong>vantl’augmentation <strong>de</strong>s coûts 137 .Il est bon <strong>de</strong> savoir que <strong>la</strong> Fédération <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong>s Basses-Pyrénées, présidée alorspar M. Faure, avait <strong>de</strong>mandé le maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> l’ours pendant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>chasse à l’isard, soit un mois au lieu <strong>de</strong> ramener l’autorisation à une seule journée. C’est ceque nous apprend un article <strong>de</strong> presse <strong>de</strong> l’époque qui ajoutait : « cependant, l’Association <strong>de</strong>schasseurs <strong>de</strong> montagne était hostile à ce vœu, <strong>et</strong> son opinion <strong>de</strong>vait prévaloir en haut lieu,d’autant plus qu’elle s’engageait à régler <strong>la</strong> totalité <strong>de</strong>s dégâts dûment constatés, sous réserveque <strong>les</strong> expertises aient lieu en accord avec elle, étant bien entendu que <strong>dans</strong> le cas d’"ourscarnassier", <strong>de</strong>s battues seraient organisées. Depuis, après un échange <strong>de</strong> points <strong>de</strong> vue <strong>et</strong> <strong>de</strong>correspondance, rien n’a été changé, <strong>et</strong> ce n’est pas parce que c<strong>et</strong>te année <strong>de</strong>ux ours ont ététués au cours <strong>de</strong> battues que <strong>la</strong> menace qui pèse <strong>sur</strong> <strong>les</strong> troupeaux s’est éloignée. Car l’espècen’est pas, loin <strong>de</strong> là, en voie <strong>de</strong> disparition. 138 »Un tel article est symptomatique <strong>de</strong> l’exagération médiatique <strong>de</strong> tout ce qui se rapporteau sauvage <strong>et</strong> à l’ours en particulier. Non seulement, <strong>les</strong> dégâts commis par l’ours en 1954<strong>dans</strong> <strong>les</strong> trois vallées béarnaises sont très faib<strong>les</strong> à lire le compte-rendu détaillé du journaliste(22 brebis, 3 bovins <strong>et</strong> 2 chèvres), à une époque où l’ours est bien en voie <strong>de</strong> disparition, ceque refusaient d’adm<strong>et</strong>tre <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> locaux, politiques <strong>et</strong> cynégétiques. Les chasseursselon C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducou se m<strong>et</strong>taient au service <strong>de</strong> <strong>la</strong> société agropastorale par p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong>chasser. « Si l’ours avait été considéré comme un vrai gibier on en aurait toujours » analyseC<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducou. Aurait-on vraiment réussi <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées ce que <strong>de</strong>s Espagnols firent àSomiedo en créant une réserve où l’ours était en eff<strong>et</strong> chassé <strong>et</strong> donc « géré » <strong>et</strong> protégé ?136 C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducou, « Le rôle <strong>de</strong> l’Office national <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong>s organisations cynégétiques en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong><strong>de</strong> l’ours brun », Bull<strong>et</strong>in <strong>de</strong> l’O.N.C., spécial ours brun <strong>de</strong>s Pyrénées, n°142, janvier 1990.137 C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducou, « Les rô<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’Office national <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong>s organisations cynégétiques en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong><strong>de</strong> l’ours brun », Bull<strong>et</strong>in mensuel <strong>de</strong> l’O.N.C., n°142, pp. 5-13, janvier 1990138 Georges Naychent, « La chasse à l’ours est fermée afin d’as<strong>sur</strong>er <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vivance <strong>de</strong> l’espèce, ce qui n’est pas du goût <strong>de</strong>sbergers dont <strong>les</strong> troupeaux sont régulièrement décimés », La Dépêche du Midi, 2 janvier 1955.97


L’histoire mo<strong>de</strong>rnePuis vint le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> Parc national <strong>de</strong>s Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>, créé en mars 1967.Malheureusement, en raison d’un découpage fondé <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s considérations politiques <strong>et</strong> nonbiologiques, le Parc national ne contiendra qu’une infime partie <strong>de</strong>s territoires habités par <strong>les</strong>ours. Après <strong>la</strong> création du F.I.E.P. en 1975, <strong>les</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> réglementer <strong>la</strong> chasse se fontplus pressantes. Ainsi, en 1981, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> réunion <strong>sur</strong> l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées à <strong>la</strong> D.N.P. <strong>la</strong>question <strong>de</strong> <strong>la</strong> réglementation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en battue est bien évi<strong>de</strong>mment abordée. Il estmême r<strong>et</strong>enu le principe <strong>de</strong> l’interdire <strong>sur</strong> l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone à ours entre le 15 octobre <strong>et</strong>le 1 er décembre. Rien <strong>de</strong> ce<strong>la</strong> ne sera mis en pratique. Deux ans plus tard, en 1983, le F.I.E.P.avait étudié avec <strong>la</strong> Fédération <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es qu’elleavait acceptées, <strong>et</strong> faisait <strong>de</strong>s propositions constructives aux sociétés <strong>de</strong> chasse (modification<strong>de</strong>s limites <strong>de</strong>s réserves, <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chasse, déc<strong>la</strong>ration téléphonique <strong>de</strong>s battues, limitation<strong>de</strong> <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion <strong>sur</strong> <strong>les</strong> pistes). Les sociétés <strong>de</strong> chasse acceptaient une seule modification <strong>de</strong>limite <strong>de</strong> réserve, organisent <strong>de</strong>s battues supplémentaires en temps <strong>de</strong> neige (pour lutter contre<strong>les</strong> dégâts <strong>de</strong>s sangliers, air connu…), modifiaient à peine leur pratique <strong>de</strong> circu<strong>la</strong>tion 139 . Lespopu<strong>la</strong>tions d’isard diminuent tellement <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> pression <strong>de</strong> chasse que <strong>la</strong> Fédération <strong>de</strong>vram<strong>et</strong>tre le holà <strong>et</strong> organiser <strong>la</strong> réintroduction <strong>dans</strong> plusieurs massifs…Les propositions du F.I.E.P. <strong>et</strong> <strong>de</strong>s associations nationa<strong>les</strong> n’avaient pour but que <strong>de</strong>réaliser chez nous ce que nos voisins <strong>les</strong> plus proches ont su faire avec succès. En France, à <strong>la</strong>différence <strong>de</strong> l’Espagne ou <strong>de</strong> l’Italie, dont <strong>les</strong> popu<strong>la</strong>tions d’ours sont faib<strong>les</strong>, <strong>les</strong> territoire<strong>sur</strong>sins ne sont en eff<strong>et</strong> que très peu recouverts par <strong>de</strong>s aires protégées. Après l’échec du "P<strong>la</strong>nOurs", <strong>les</strong> associations réunies <strong>dans</strong> le "Groupe Ours" <strong>la</strong>nçaient avril 1989 une gran<strong>de</strong>campagne nationale, avec ce préambule : « Aucun pays n’a réussi <strong>la</strong> restauration <strong>de</strong> l’oursbrun sans un territoire protégé, sans une structure territoriale pérenne. »Pour <strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>, c’est une gran<strong>de</strong> réserve naturelle <strong>de</strong> 60 000 hectarescouvrant <strong>la</strong> zone à ours qui avait <strong>les</strong> faveurs <strong>de</strong>s associations. C<strong>et</strong>te réserve <strong>de</strong>vait s’adosseraux <strong>de</strong>ux réserves espagno<strong>les</strong>, une réserve nationale <strong>de</strong> chasse, Los Val<strong>les</strong> en Aragon (1966,38 535 hectares), <strong>et</strong> <strong>la</strong> réserve naturelle <strong>de</strong> Larra en Navarre (1987, 2 353 hectares), <strong>et</strong>constituer un vaste ensemble <strong>de</strong> 100 000 hectares.Pour <strong>les</strong> Pyrénées centra<strong>les</strong>, si on évoquait <strong>la</strong> création <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> réserves, on poussait plusà <strong>la</strong> « mise en concordance <strong>de</strong>s réserves <strong>de</strong> chasse <strong>et</strong> réserves forestières avec <strong>les</strong> biotopespotentiels afin qu’entre <strong>les</strong> principaux noyaux <strong>de</strong> <strong>protection</strong> existe un réseau d’espace d<strong>et</strong>ranquillité perm<strong>et</strong>tant <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s animaux <strong>et</strong> leur repli éventuel. »Existaient alors :- Réserve domaniale du Mont Valier (Ariège) <strong>sur</strong> environ 9 000 hectares (1937),<strong>et</strong> une réserve <strong>de</strong> chasse domaniale <strong>sur</strong> 8 815 hectares (arrêté ministériel du27/11/1975). Seule <strong>la</strong> chasse accompagnée à l’isard est permise.- Réserve <strong>de</strong> chasse domaniale <strong>de</strong> Luchon (Haute-Garonne) <strong>sur</strong> 1 038 hectares(arrêté du 27/08/1985) <strong>et</strong> réserve biologique domaniale dirigée <strong>sur</strong> 333 hectares (arrêtéministériel du 30/08/1988).- Proj<strong>et</strong>s d’une réserve <strong>de</strong> chasse domaniale <strong>et</strong> d’une réserve biologique <strong>sur</strong> lemassif <strong>de</strong> Burat (communes <strong>de</strong> Cierp-Gaud <strong>et</strong> <strong>de</strong> Marignac, Haute-Garonne).139 « Territoires protégés pour l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées », Groupe Ours, F.I.E.P., S.P.N.M.P., 1989.98


Devant le refus <strong>de</strong> l’Etat <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s réserves, plusieurs associations déposeront <strong>de</strong>srecours <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> T.A. <strong>de</strong> Pau <strong>et</strong> <strong>de</strong> Toulouse au printemps <strong>de</strong> 1990 140 . La même année, aprèsd’âpres <strong>et</strong> longues négociations, le 5 septembre, le secrétaire d’Etat chargé <strong>de</strong>l’Environnement, Brice Lalon<strong>de</strong>, prend un arrêté créant <strong>de</strong>s réserves pour protéger l’ours enpério<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse. C<strong>et</strong> arrêté qui fixe <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es prises pour prévenir <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction <strong>et</strong>favoriser le repeuplement <strong>de</strong>s ours <strong>de</strong>s Pyrénées, prévoit <strong>de</strong>s interdictions <strong>de</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong>circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> véhicu<strong>les</strong> à moteur. C’est <strong>la</strong> première décision du genre <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées.Si un climat violent s’installe alors <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées béarnaises, tous <strong>les</strong> intéresséstémoignent qu’au fil <strong>de</strong>s mois <strong>les</strong> réserves ainsi créées furent respectées (Jean-JacquesCamarra, Dominique Boyer notamment). C’est ce que révèle aussi un travail <strong>sur</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong>l’ours <strong>dans</strong> le Haut-Béarn : « d’après tous <strong>les</strong> entr<strong>et</strong>iens réalisés avec <strong>les</strong> gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’Officenational <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage <strong>de</strong> l’époque, <strong>les</strong> réserves Lalon<strong>de</strong> ont été assezrapi<strong>de</strong>ment respectées ; à partir <strong>de</strong> novembre-décembre 1990, <strong>les</strong> gar<strong>de</strong>s affirment qu’il n’yavait plus <strong>de</strong> chasse <strong>dans</strong> ces zones. 141 » Notons que <strong>de</strong>s chasseurs tel que C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducoun’était pas favorab<strong>les</strong> à ces réserves, n’y voyant pas d’intérêt <strong>et</strong> craignant qu’el<strong>les</strong>n’anéantissent <strong>la</strong> fonction sociale <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées. Las, sensible aux arguments <strong>de</strong>MM. Lassalle, Bayrou <strong>et</strong> Saint-Josse 142 , le ministre <strong>de</strong> l’Environnement Michel Barnierabroge le 9 décembre 1993 l’arrêté du 5 septembre 1990.C’est l’ère <strong>de</strong> <strong>la</strong> déréglementation. Un G.I.C. "Montagne" est ainsi créé en 1993 avec 44sociétés <strong>de</strong> chasse du Béarn <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Soule <strong>sur</strong> 160 000 hectares. À <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s réservesministériel<strong>les</strong>, on a créé d’autres réserves dont <strong>la</strong> limitation <strong>de</strong> chasse est fondée <strong>sur</strong> un cadreconventionnel <strong>et</strong> non <strong>sur</strong> <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. Ces zones sont appelées "réservestournantes", car <strong>les</strong> battues y sont tantôt interdites tantôt autorisées (du 1 er octobre au 20novembre <strong>et</strong> du 20 novembre au 25 décembre), <strong>et</strong> couvrent une superficie <strong>de</strong> 5 950 hectares.Les sociétés <strong>de</strong> chasse se sont alors engagées à ne pas chasser lorsque <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ours estsignalée, <strong>sur</strong>tout s’il s’agit d’une femelle suitée.Les juristes qui ont analysé <strong>la</strong> charte <strong>de</strong> développement durable <strong>de</strong>s vallées béarnaises <strong>et</strong><strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours ont conclu, tel Philippe Lan<strong>de</strong>lle ou Maître Sylvie Godard, qu’il nes’agissait manifestement pas d’un contrat. « Il s’agirait plutôt d’une convention, c’est-à-dired’un simple accord <strong>de</strong> volontés <strong>sur</strong> le développement durable <strong>de</strong>s vallées béarnaises <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours, sans que ce<strong>la</strong> se traduise par <strong>de</strong>s obligations sanctionnab<strong>les</strong>. 143 »« La responsabilité <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong>s activités cynégétiques <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones à ours aété <strong>la</strong>issée aux chasseurs… » conclut <strong>de</strong> son côté Olivier Patrimonio. Comme si <strong>les</strong>automobilistes rédigeaient eux-mêmes le co<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> route ! C’est vraiment le sentiment que<strong>les</strong> protecteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature ont lorsqu’ils rencontrent <strong>de</strong>s chasseurs <strong>dans</strong> <strong>la</strong> montagne <strong>et</strong> qu’ilsdiscutent avec eux. Dominique Boyer, naturaliste, photographe <strong>et</strong> très bon connaisseur <strong>de</strong>l’ours <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne, déc<strong>la</strong>re à ce suj<strong>et</strong> : « Je suis un mec <strong>de</strong> 68, on par<strong>la</strong>it d’autogestion.Tu as vu un endroit où ça a marché ? » André Etchelecou, professeur à l’Université <strong>de</strong> Pau, <strong>et</strong>140 Le Conseil d’Etat rendra un arrêt le 26 mai 1995, rej<strong>et</strong>ant <strong>les</strong> recours <strong>de</strong>s associations. Il rappelle <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> choix dugouvernement entre <strong>les</strong> divers mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>protection</strong>, <strong>et</strong> juge que le Premier ministre pouvait, sans erreur manifested’appréciation, estimer que <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es <strong>de</strong> <strong>protection</strong> déjà prises <strong>sur</strong> le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> <strong>la</strong> police <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> du co<strong>de</strong> rural nerendaient pas nécessaires <strong>la</strong> création d’une réserve naturelle.141 Elodie Bonnemaison, « Pratiques cynégétiques en présence <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> le Haut-Béarn », Master 1 Société,Aménagement, Territoires, U.P.P.A., janvier 2006, page 15.142 Jean Saint-Josse, présenté par certains chasseurs <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques comme « un chasseur improvisé à 25 ans, aprèsune carrière déçue au R.P.R. ».143 Aspects juridique <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours brun en France, op.cit., page 74.99


lui aussi grand connaisseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa faune, y voit, lui, une stratégied’ « appropriation » <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne par certains chasseurs tout du moins.Le résultat <strong>de</strong> <strong>la</strong> déréglementation est accab<strong>la</strong>nt : <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières femel<strong>les</strong> <strong>de</strong>sPyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> sont tuées en 1994 <strong>et</strong> 2004 144 !En novembre 1994, une équipe <strong>de</strong> chasseurs <strong>de</strong> Borce, dont le fameux André Apiou,part chasser le sanglier en battue <strong>sur</strong> le secteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cristallère <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Borce. Aucours <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te partie <strong>de</strong> chasse, l’ourse "C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>" sera abattue. Ce n’est que bien plus tard,dénoncés, que <strong>les</strong> chasseurs avoueront. André Apiou <strong>et</strong> A<strong>la</strong>in Céd<strong>et</strong> seront ainsi condamnéspar le Tribunal correctionnel <strong>de</strong> Pau le 16 février 1999. Ces hommes avaient légalementchassé <strong>dans</strong> une ancienne réserve dite "Lalon<strong>de</strong>"…Dix ans plus tard, le 1 er novembre 2004. Une équipe <strong>de</strong> chasseurs du vil<strong>la</strong>ge voisind’Urdos part chasser le sanglier en battue <strong>dans</strong> un secteur où l’ourse "Cannelle" étaitprésente avec son ourson <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux mois. La <strong>de</strong>rnière ourse <strong>de</strong> <strong>la</strong> lignée pyrénéenne estabattue par un <strong>de</strong>s chasseurs, René Marquèze. Ce secteur jouxtait une ancienne réserve dite"Lalon<strong>de</strong>"…Aujourd’huiLa volonté <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> voir créer <strong>de</strong>s réserves n’est pas un désir d’empêchertoute forme <strong>de</strong> chasse 145 , mais celui <strong>de</strong> préserver <strong>la</strong> tranquillité <strong>de</strong>s secteurs vitaux sans<strong>la</strong>quelle une popu<strong>la</strong>tion d’ours n’a guère d’avenir.Alors que nous attendions une réaction forte après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière ourse <strong>de</strong>sPyrénées, ce fut l’exact contraire qui se produisit. Depuis 2005, <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse ne faitplus l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> limitation spécifique en zone <strong>de</strong> présence régulière d’ours, en vertu <strong>de</strong> <strong>la</strong>"Charte massif" négociée par l’Etat avec <strong>les</strong> six fédérations <strong>de</strong> chasseurs <strong>de</strong>s Pyrénées, dont<strong>de</strong>ux seulement l’ont ratifiée (Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, Haute-Garonne). Ainsi, en 2005, <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> signature <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te charte par <strong>les</strong> chasseurs, <strong>les</strong> réservesdites tournantes sont remp<strong>la</strong>cées, <strong>dans</strong> certains secteurs répertoriés comme fréquentés parl’ours en automne, par une simple déc<strong>la</strong>ration d’aller y chasser en battue, à envoyer àl’O.N.C.F.S. 72 heures avant <strong>la</strong> battue ! Le Réseau ours brun <strong>et</strong> l’O.N.C.F.S. sont <strong>dans</strong>l’impossibilité en moyens humains d’aller vérifier <strong>dans</strong> chacun <strong>de</strong> ces secteurs, <strong>et</strong> <strong>dans</strong> undé<strong>la</strong>i aussi bref, qu’un ours est présent ou non. Jean-Jacques Camarra confie que repérer <strong>les</strong>ourses suitées nécessite <strong>de</strong>s moyens que son réseau ne possè<strong>de</strong> pas. Il est seul avec quelquesvacataires, ce qui est très insuffisant. Aujourd’hui, <strong>la</strong> question ne se pose toutefois plus <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière femelle. Toutefois, <strong>la</strong>S.E.P.A.N.S.O.-Béarn, excédée par <strong>la</strong> mol<strong>les</strong>se du préf<strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> dispositions pour empêcher <strong>de</strong>nouveaux "acci<strong>de</strong>nts" entre chasseurs <strong>et</strong> ours, a déposé <strong>de</strong>puis trois ans <strong>de</strong>s recours enannu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>vant le T.A. <strong>de</strong> Pau, contre <strong>les</strong> dispositions réglementant <strong>la</strong> chasse en battue <strong>dans</strong><strong>les</strong> territoires ursins <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, dispositions contenues <strong>dans</strong> <strong>les</strong> arrêtéspréfectoraux d’ouverture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. C’est <strong>la</strong> seule association à mener un tel contentieux<strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées (voir ci-<strong>de</strong>ssous).144 Une troisième est peut-être aussi morte sous <strong>les</strong> bal<strong>les</strong>, sans preuve absolue.145 Rappelons que Ferus <strong>et</strong> <strong>la</strong> Fédération S.E.P.A.N.S.O., notamment, comptent <strong>de</strong>s chasseurs aux postes <strong>de</strong>reponsabilité.100


Voici ce que Jean Lauz<strong>et</strong>, naturaliste, très bon connaisseur <strong>de</strong> <strong>l'ours</strong> <strong>de</strong>s Pyrénées, <strong>et</strong>représentant <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O.-Béarn, écrivait après une réunion à <strong>la</strong> sous-préfectured'Oloron concernant <strong>la</strong> prise en compte <strong>de</strong> <strong>l'ours</strong> lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> saison <strong>de</strong> chasse, 2006-2007, <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques :« Depuis l'an passé, en eff<strong>et</strong>, le préf<strong>et</strong> a tenté <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es pour éviter<strong>de</strong> nouveaux "acci<strong>de</strong>nts". En cours <strong>de</strong> saison <strong>de</strong> chasse 2005-2006 (en novembre) il avait ainsiété décidé que <strong>les</strong> chasseurs téléphonent à l'O.N.C.F.S. 72 heures avant <strong>la</strong> tenue d'une battue<strong>dans</strong> certaines zones. La S.E.P.A.N.S.O.-Béarn avait estimé à l'époque que ce<strong>la</strong> étaitcomplètement insuffisant puisque rien n'interdisait <strong>les</strong> chasseurs <strong>de</strong> chasser même si un oursétait repéré <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones en question, que <strong>la</strong> superficie concernée était ridicule <strong>et</strong> que <strong>de</strong>véritab<strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es cynégétiques auraient été <strong>de</strong> supprimer <strong>la</strong> chasse en battue au profit <strong>de</strong> <strong>la</strong>chasse à l'affût. Nous avions donc dénoncé au TA l'arrêté préfectoral. Ce printemps, un bi<strong>la</strong>n aété tiré <strong>de</strong> l'expérience <strong>et</strong> l'on s'est aperçu que <strong>les</strong> chasseurs avaient fait en réalité ce qu'ilsavaient voulu. Trois réunions ont eu lieu ensuite pour adapter <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es à <strong>la</strong> nouvelle saison<strong>de</strong> chasse 2006-2007. Il a seulement été décidé d'appliquer ce dispositif à partir du 1erseptembre. C'est à dire que certains secteurs sont concernés du 1 er sept au 30 octobre, d'autredu 1 er octobre au 1 er novembre....pour coller au plus prêt (belle foutaise!!) à l'activité(supposée!!!) <strong>de</strong> <strong>l'ours</strong>. Hé bien, hier soir, <strong>les</strong> représentants <strong>de</strong>s chasseurs sont venus expliquerque <strong>les</strong> valléens refusaient <strong>de</strong> voir ainsi évoluer <strong>la</strong> "règlementation" (je rappelle qu'il n'y a rien<strong>de</strong> contraignant) !! Je pourrais parler <strong>de</strong>s heures <strong>de</strong> tout ce qui s'est dit d'ubuesque <strong>et</strong>d'écoeurant lors <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te réunion. (…) Ou dois-je me réjouir que plus <strong>de</strong> 70% <strong>de</strong>s Pyrénéenssont favorab<strong>les</strong> à <strong>l'ours</strong> en attendant le prochain tir malencontreux ? »Le "P<strong>la</strong>n <strong>de</strong> restauration <strong>et</strong> <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées françaises2006-2009", ou "P<strong>la</strong>n Ours", qui s’appuie <strong>sur</strong> <strong>la</strong> "Charte massif" est lui bien décevant. L’Etatrappelle en eff<strong>et</strong> son engagement à « ne pas imposer <strong>de</strong> me<strong>sur</strong>es réglementaires concernant <strong>la</strong>chasse en présence d’ours <strong>dans</strong> le massif <strong>de</strong>s Pyrénées. (…) La mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> me<strong>sur</strong>esréglementaires n’est pas exclue, si elle fait l’obj<strong>et</strong> d’un consensus. » En conséquence, pour <strong>les</strong>Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>, <strong>la</strong> déréglementation a été avalisée sans lâcher d’ours en 2006 : c’est un« champ <strong>de</strong> ruines » que nous décrivent presque tous <strong>les</strong> connaisseurs <strong>et</strong> défenseurs <strong>de</strong> l’oursrencontrés, qu’ils fassent partie <strong>de</strong> l’Administration ou <strong>de</strong>s associations.En Pyrénées centra<strong>les</strong>, d’après l’E.T.O. (Frédéric Decaluwe, ingénieur adjoint), <strong>les</strong>chasseurs jouent le jeu. Si un ours <strong>et</strong> plus encore une ourse suitée est repérée, l’informationest transmise par téléphone aux prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> chasse, qui prennent <strong>la</strong>responsabilité <strong>de</strong> chasser ou pas. Chaque fois, <strong>les</strong> chasseurs auraient dép<strong>la</strong>cé <strong>les</strong> battues, entout cas <strong>de</strong>puis 2006. Cependant, ce système est artificiel en ce qu’il concerne <strong>les</strong> ourslocalisés électroniquement. Dans <strong>la</strong> durée, on parie <strong>sur</strong> l’éducation. À <strong>la</strong> question <strong>de</strong> savoir sil’impact <strong>de</strong>s chasses répétées en battue est connu <strong>sur</strong> le succès <strong>de</strong> reproduction <strong>de</strong>s ourses<strong>et</strong>/ou <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vie <strong>de</strong>s oursons, Frédéric Decaluwe répond par <strong>la</strong> négative, alors que c’est bienévi<strong>de</strong>mment une question centrale.De son côté, l’association Nature Comminges, par <strong>la</strong> voix <strong>de</strong> son prési<strong>de</strong>nt Guil<strong>la</strong>umeCastaing, n’est pas satisfaite <strong>de</strong> ce système qui n’offre aucune garantie pérenne ni ne prévoit<strong>de</strong> sanction. D’autre part, elle a collecté <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> tirs officieux <strong>sur</strong> <strong>les</strong> ours "Pyros","Boutxy" <strong>et</strong> "Hva<strong>la</strong>". En eff<strong>et</strong>, on voit mal, en l’absence d’un changement radical <strong>dans</strong> <strong>les</strong>manières <strong>de</strong> chasser, comment se passer d’espaces <strong>de</strong> tranquillité, qui ont également101


l’avantage d’abriter <strong>les</strong> ours dérangés pour d’autres raisons que cynégétiques, comme ledémontrent <strong>de</strong>ux cas bien renseignés :- Au mois <strong>de</strong> juin 1997, l’ourse "Mellba" est dérangée par <strong>de</strong>s travaux forestiers enforêt privée à proximité <strong>de</strong> sa tanière. Elle se dép<strong>la</strong>ce alors <strong>de</strong> 30 kilomètres (à vol d’oiseau)avec ses trois oursons <strong>de</strong> six mois, <strong>et</strong> ce du 1 er au 6 juin, pour rejoindre… <strong>la</strong> réserve naturellepartielle <strong>de</strong> Pal<strong>la</strong>rs-Aran (94 931 hectares) en Catalogne espagnole.- À <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> Catalogne, l’équipe <strong>de</strong> suivi,aidée par Djuro Huber, a piégé un ourson <strong>de</strong> 14 mois en essayant <strong>de</strong> piéger sa mère, "Živa",pour le seul motif <strong>de</strong> lui changer son collier ém<strong>et</strong>teur. Le piégeage fut réalisé <strong>dans</strong> <strong>de</strong> trèsmauvaises conditions pour <strong>la</strong> sécurité <strong>de</strong> l’ourson. Une importante chute <strong>de</strong> neige a failli luiêtre fatale, l’animal est resté seul sans sa mère, qui est revenue malgré tout. S’en est suivi unlong dép<strong>la</strong>cement <strong>et</strong> une fuite <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 35 kilomètres <strong>de</strong>puis le Val d’Aran (alors zonerefuge) jusqu’à <strong>la</strong> réserve <strong>de</strong> chasse du Mont Valier (9 124 ha hectares) en Ariège (Source :Artus <strong>et</strong> Nature Comminges).Le rôle <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve <strong>de</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong> faune sauvage du Mont Valier, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> communes<strong>de</strong> B<strong>et</strong>hmale, Bonac-Irazein, Bor<strong>de</strong>s/Lez <strong>et</strong> Seix, est désormais connu. D’autres pourraientjouer un tel rôle à l’avenir, comme celle d’Orlu (Ariège, 4 247 ha), celle <strong>de</strong> l’Isard (Ariège,Antras, 158 ha), qui est fréquentée <strong>de</strong> temps à autre par l’ours, comme Hva<strong>la</strong> en 2007, i<strong>de</strong>mpour celle du Laurenti (Artigues, Le P<strong>la</strong>, Mijanès, 1 698 ha) ou celle <strong>de</strong> l’Esteille (Mérens-<strong>les</strong>-Vals, 1 373 ha). Deux autres <strong>de</strong> faible superficie sont aussi à signaler, celle <strong>de</strong> Monteillé(Sentein, 212 ha) <strong>et</strong> Côte Rouge (Galey, 66 ha). Toutes font l’obj<strong>et</strong> d’arrêtés <strong>de</strong> 2006 va<strong>la</strong>b<strong>les</strong>6 ans.En Haute-Garonne, on relève <strong>de</strong>ux réserves en forêt domaniale 146 . Elle se situent <strong>dans</strong> <strong>les</strong>ecteur <strong>de</strong> présence <strong>de</strong> l’ourse "Sarousse". Celle <strong>de</strong> Jouéou (Bagnères-<strong>de</strong>-Luchon, 617 ha) <strong>et</strong>celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt domaniale <strong>de</strong> Burat-Pa<strong>la</strong>rquère (Marignac, 173 ha). Ces <strong>de</strong>ux réserves <strong>de</strong>chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong> faune sauvage sont arrivées à échéance fin mars 2008, <strong>et</strong> nous n’avons pasconfirmation <strong>de</strong> leur reconduction.Dans <strong>les</strong> Hautes-Pyrénées, on relève trois réserves en forêt domaniale pour unesuperficie totale <strong>de</strong> 384,97 ha. Celle <strong>de</strong> La Mongie (Bagnères-<strong>de</strong>-Bigorre, 112,57 ha), celle <strong>de</strong><strong>la</strong> Neste du Louron (A<strong>de</strong>rvielle, 24,32 ha) <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> Péguère (Cauter<strong>et</strong>s, 278,08 ha). El<strong>les</strong>expireront le 31 mars 2010. Jusqu’à présent, l’ours fréquente peu ce département.Notons que <strong>dans</strong> ces réserves, toute l’année, <strong>les</strong> sangliers peuvent faire l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> battuesadministratives. Ajoutons qu’eu égard à l’importance <strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong> chasse, ces réservessont encore peu nombreuses.Quelques expériences étrangèresDe tel<strong>les</strong> réserves au régime juridique plus ou moins contraignant, existent pourtant cheznos voisins <strong>les</strong> plus proches, plus <strong>la</strong>tins que nous.- En Espagne, <strong>la</strong> réserve intégrale <strong>de</strong> Muniellos, <strong>la</strong> réserve nationale <strong>de</strong>chasse <strong>de</strong> Somiedo, notamment, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> Cordillère Cantabrique.146 Voir l’arrêté préfectoral <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-Garonne du 11 juin 2003 portant approbation <strong>de</strong> réserves <strong>de</strong> chasse enforêt domaniale.102


- En Italie, le Parc national <strong>de</strong>s Abruzzes (1922) qui héberge <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong><strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ursine a joué un rôle capital pour <strong>la</strong> conservation d’Ursus arctosmarsicanus ; le parc naturel du Trentin <strong>et</strong> une réserve intégrale protègent le nouveaunoyau d’ours d’origine slovène.Dans son rapport intitulé « La conservation <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> l’Union européenne.Actions financées par LIFE-Nature », Olivier Patrimonio, pour le bureau d’étu<strong>de</strong>s Écosphère(1997), conclut ainsi un tour d’Europe méridionale : « L’existence d’espaces avec une<strong>protection</strong> réglementaire (parc national ou réserve naturelle) <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s habitats hébergeant <strong>de</strong>sours donne une assise territoriale à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’espèce. L’existence <strong>de</strong> "noyaux durs"pour préserver <strong>les</strong> zones refuges <strong>et</strong> <strong>les</strong> sites vitaux semble un préa<strong>la</strong>ble indispensable à <strong>la</strong> miseen œuvre <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s activités humaines <strong>sur</strong> <strong>les</strong> secteurs moins sensib<strong>les</strong>.Seule <strong>la</strong> France <strong>et</strong> peut-être l’Autriche ne semblent pas privilégier c<strong>et</strong>te voie. »Il est révé<strong>la</strong>teur <strong>de</strong> constater que <strong>la</strong> France <strong>et</strong> l’Autriche justement connaissent <strong>de</strong>grosses difficultés <strong>dans</strong> <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong> leurs ours… La première voit le nombre <strong>de</strong>s oursstagner (au mieux) <strong>et</strong> <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> subit un effondrement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours. A contrario,l’expérience italienne du Trentin, encore récente, montre une évolution positive <strong>de</strong>s effectifsd’ours <strong>et</strong> le redressement <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s Cantabriques est en partie dû à <strong>de</strong>s <strong>protection</strong>sréglementaires.En Italie, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> province du Trentin, le voyage organisé par le ministère <strong>de</strong> l’Ecologie<strong>et</strong> <strong>la</strong> DIREN Midi-Pyrénées en décembre 2007, a permis <strong>de</strong> constater une nouvelle fois que <strong>la</strong>chasse lorsqu’elle est pratiquée à l’affût ou à l’approche, sans chien, est peu perturbatrice pourl’ours. Les ongulés sont chassés sans véritab<strong>les</strong> contraintes <strong>de</strong> temps ou <strong>de</strong> lieu à l’intérieur <strong>de</strong><strong>la</strong> saison. Il faut cependant relever un détail qui a toute son importance : le sanglier est quasiabsent <strong>de</strong> <strong>la</strong> région.Notre séjour en Asturies (quatre jours en permanence <strong>sur</strong> le terrain en février 2008) àl’invitation du FAPAS, piloté par Roberto <strong>et</strong> Alfonso Hartasánchez, grands connaisseurs <strong>de</strong>l’ours <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, a permis <strong>de</strong> constater <strong>les</strong> points suivants :- On chasse beaucoup <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région, en particulier le sanglier en battues,trois jours par semaine : jeudi, samedi <strong>et</strong> dimanche. C<strong>et</strong>te chasse a beaucoup augmentésuite à <strong>la</strong> quasi disparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> caza menor (<strong>de</strong>s lièvres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s perdrix) en raison <strong>de</strong>l’avancée du matoral (genêts <strong>et</strong> bruyères) <strong>sur</strong> <strong>les</strong> prairies.- Si le noyau reproducteur <strong>de</strong> Somiedo a pu <strong>sur</strong>vivre, c’est bien grâce àl’existence d’un grand domaine privé <strong>de</strong> chasse, coto privado <strong>de</strong> caza, tenu par unbanquier <strong>et</strong> <strong>de</strong>stiné à chasser l’ours. Une gar<strong>de</strong>rie spécifique existait.- La réserve nationale <strong>de</strong> chasse a pris le re<strong>la</strong>is à Somiedo en 1955. Le cœur<strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours <strong>de</strong> Somiedo (vallée <strong>de</strong> Pigüeña) est épargné par <strong>les</strong> battues quiy sont interdites. C’est <strong>de</strong> ce cœur que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion a redémarré.- Dans <strong>les</strong> aires critiques (areas critícas), c’est-à-dire <strong>les</strong> refuges vitaux, <strong>les</strong>battues sont interdites du 1 er décembre au 1 er août. La chasse est accompagnée. On necoupe pas <strong>les</strong> bois. Le <strong>de</strong>rnier état <strong>de</strong> ces aires est <strong>de</strong> 2003, en révision actuellement.- Dans <strong>les</strong> secteurs non réservés, comme <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Proaza (au nord <strong>de</strong>Somiedo), il n’existe aucune interdiction particulière en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>s ours,mais <strong>de</strong>s arrangements sont passés entre chasseurs <strong>et</strong> protecteurs. Et puis, on nous l’afait remarquer, l’orographie est favorable aux animaux, en raison <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong>bastions rocheux plus ou moins importants très diffici<strong>les</strong> d’accès, refuges <strong>de</strong>s ours,103


loups <strong>et</strong> <strong>de</strong>s mammifères dérangés <strong>et</strong>/ou chassés.- Actuellement, <strong>la</strong> réflexion du FAPAS est <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>ssites d’alimentation d’automne <strong>de</strong>s ourses suitées (sites bien connus <strong>et</strong> cartographiés),c’est-à-dire moins <strong>de</strong> battues ou plus réglementées.- Enfin, l’existence <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> réserves n’empêche pas <strong>les</strong> protecteurs <strong>de</strong>cultiver <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions cordia<strong>les</strong> avec <strong>les</strong> chasseurs. Exemple : le FAPAS a mené unproj<strong>et</strong> Life en commun avec une société <strong>de</strong> chasse (proj<strong>et</strong> qui se poursuit au-<strong>de</strong>là) <strong>et</strong>mène une campagne <strong>de</strong> sensibilisation aux risques <strong>de</strong> confusion, bien réels, entre ours<strong>et</strong> sangliers.Un entr<strong>et</strong>ien récent (La Nueva España, novembre 2006 147 ) avec Alfonso Hartasánchez,« vétéran naturaliste » qui s’est établi il y a vingt ans <strong>dans</strong> un vil<strong>la</strong>ge au cœur du territoire <strong>de</strong>sours, éc<strong>la</strong>ire bien <strong>les</strong> données du problème. En voici <strong>de</strong>s extraits.-¿Cuál era <strong>la</strong> situación <strong>de</strong>l oso hace 20 años?Quelle était <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> l’ours il y a 20 ans ?- Cuando llegué a Somiedo, estaba c<strong>la</strong>ro que <strong>de</strong>saparecía. Al no pagarse los daños,existía una auténtica diatriba contra él por parte <strong>de</strong> los gana<strong>de</strong>ros, a<strong>de</strong>más <strong>de</strong>l furtivismo, muyextendido por entonces. El oso estaba consi<strong>de</strong>rado un trofeo <strong>de</strong> caza.Quand je suis arrivé à Somiedo, il était évi<strong>de</strong>nt qu’il disparaissait. À ne pas payer <strong>les</strong>dégâts, il existait une véritable colère contre lui <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s éleveurs. De même lebraconnage était très fréquent. L’ours était considéré comme un trophée <strong>de</strong> chasse.-¿Y qué hicieron?Qu’a-t-il été fait ?- Se ha trabajado mucho, sobre todo para erradicar el furtivismo. También hemosconseguido sensibilizar al gana<strong>de</strong>ro. La supervivencia <strong>de</strong> una especie sólo pue<strong>de</strong> lograrse si<strong>la</strong>s personas que viven en su entorno aceptan su conservación. Actualmente, <strong>la</strong> pob<strong>la</strong>ción <strong>de</strong>oso pardo está aumentando. Eso creo que está c<strong>la</strong>ro y fuera <strong>de</strong> toda discusión. El medio hacambiado en estos últimos años.On a travaillé beaucoup, <strong>sur</strong>tout pour éradiquer le braconnage. Nous avons aussisensibilisé <strong>les</strong> éleveurs. La <strong>sur</strong>vie d’une espèce ne peut s’envisager que si <strong>les</strong> habitantsacceptent sa conservation. Actuellement, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours augmente. Je crois que c’estévi<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> hors <strong>de</strong> toute discussion. Le milieu a changé ces <strong>de</strong>rnières années.147 Trouvé <strong>sur</strong> le site du FAPAS : www.fapas.es104


-¿De qué manera?De quelle manière ?- Se ha atajado el principal problema, que era <strong>la</strong> caza. Pero han <strong>sur</strong>gido otrosinconvenientes, como <strong>la</strong> presión turística y el incremento <strong>de</strong> <strong>la</strong>s cacerías, sobre todo <strong>de</strong> jabalí.El principal problema <strong>de</strong>l oso fue que se le acorraló en zonas como Somiedo o Cangas <strong>de</strong>lNarcea, don<strong>de</strong> encontraron cierto refugio. Sin embargo, ahora parece que está volviendo acolonizar; se está expandiendo <strong>de</strong> nuevo. Pero hay que tener cuidado con <strong>la</strong>s batidas y <strong>la</strong>presión turística: pue<strong>de</strong>n acarrear consecuencias nefastas para sus intereses.On a enrayé le principal problème qui était <strong>la</strong> chasse. Mais d’autres problèmes ont <strong>sur</strong>gicomme <strong>la</strong> pression touristique <strong>et</strong> l’augmentation <strong>de</strong>s chasses, <strong>sur</strong>tout celle du sanglier. Leproblème principal <strong>de</strong> l’ours fut qu’il était acculé à <strong>de</strong>s zones comme Somiedo ou Cangas <strong>de</strong>lNarcea, où il trouvait un certain refuge. Néanmoins, il recolonise <strong>et</strong> s’étend aujourd’hui. Maisil faut être pru<strong>de</strong>nt avec <strong>les</strong> battues <strong>et</strong> <strong>la</strong> pression touristique : el<strong>les</strong> peuvent occasionner <strong>de</strong>sconséquences néfastes pour <strong>les</strong> intérêts <strong>de</strong> l’ours.-Y eso, ¿cómo se consigue?Et ceci, comment on l’obtient ?- Proporcionándo<strong>les</strong> dos entornos, uno <strong>de</strong> refugio tranquilo, para lo que hay que <strong>de</strong>finirc<strong>la</strong>ramente <strong>la</strong>s áreas críticas, y, otro, resp<strong>et</strong>ando sus <strong>de</strong>spensas alimentarias. También hay queser cuidadoso con <strong>la</strong>s infraestructuras, ya que pue<strong>de</strong>n dañar sus zonas <strong>de</strong> paso.En procurant à l’ours <strong>de</strong>ux territoires, un secteur <strong>de</strong> tranquillité, pour lequel nous <strong>de</strong>vonsdéfinir c<strong>la</strong>irement <strong>les</strong> aires critiques, <strong>et</strong>, un autre, respectant ses ressources alimentaires. Il fautêtre également pru<strong>de</strong>nt avec <strong>les</strong> infrastructures qui peuvent endommager ses lieux <strong>de</strong> passage.Que déduit-on <strong>de</strong> c<strong>et</strong> entr<strong>et</strong>ien avec Alfonso Hartasánchez ? L’ours, qui a profité <strong>de</strong>srefuges tel que Somiedo, recolonise d’anciens territoires dérangés par <strong>les</strong> battues <strong>et</strong> <strong>la</strong>pression touristique. Il a besoin <strong>de</strong> refuges où il peut être tranquille <strong>et</strong> d’autres qui respectentses zones d’alimentation.L’expérience asturienne démontre que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours a <strong>sur</strong>vécu grâce à <strong>de</strong>ssecteurs réservés <strong>et</strong> gardés. Pour <strong>la</strong> Cordillère cantabrique (Asturias, Cantabria <strong>et</strong> Le?n) lenombre <strong>de</strong> personnes affectées à <strong>la</strong> <strong>sur</strong>veil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s territoires ursins est d’environ 37, entenant compte <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s administrations <strong>de</strong>s différentes provinces <strong>et</strong> <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> <strong>la</strong> F.O.P.<strong>et</strong> du FAPAS. Dans <strong>les</strong> Pyrénées françaises, on peut estimer que pour une superficieéquivalente, 4 à 5 personnes sont alors mobilisées <strong>sur</strong> le terrain ! Alors qu’en Espagnecertains gar<strong>de</strong>s <strong>sur</strong>veillent <strong>les</strong> ourses <strong>et</strong> leurs oursons en plein jour, <strong>les</strong> gar<strong>de</strong>s français secontentent <strong>de</strong> traces <strong>et</strong> d’indices. (Conversations avec Jean-Jacques Camarra, Roberto <strong>et</strong>Alfonso Hartasánchez <strong>et</strong> Miguel Fernan<strong>de</strong>z Otero, gar<strong>de</strong> chef <strong>de</strong> <strong>la</strong> "Patrul<strong>la</strong> Oso" enAsturies). Pour le versant espagnol <strong>de</strong>s Pyrénées, <strong>la</strong> gar<strong>de</strong>rie a été augmentée, au moins enAragon <strong>et</strong> en Navarre (Patrimonio, 1997).105


Le contentieux initié par <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O. BéarnLa S.E.P.A.N.S.O.-Béarn s’appuie notamment <strong>sur</strong> certaines conclusions d’un mémoir<strong>et</strong>rès intéressant d’une ancienne étudiante <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Pau, Elodie Bonnemaison :« Pratiques cynégétiques en présence <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> le Haut-Béarn », Master 1 Société,Aménagement, Territoires, U.P.P.A., janvier 2006.Une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s conclusions <strong>de</strong> ce travail est qu’on peut facilement créer <strong>de</strong>s réserves àpartir du droit commun <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, en c<strong>la</strong>ssant <strong>les</strong> secteurs vitaux <strong>de</strong> l’ours parmi <strong>les</strong> 10%du territoire <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong>s A.C.C.A. que <strong>la</strong> loi oblige à réserver. Elodie Bonnemaison amontré que malgré une importante <strong>sur</strong>face <strong>de</strong> zones en réserve <strong>de</strong> chasse (21 758 hectares),seuls 11% <strong>de</strong>s sites vitaux sont protégés par <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es à valeur réglementaire (Réserves <strong>de</strong>chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong> faune sauvage <strong>et</strong> zone centrale du Parc national). «Or, si <strong>les</strong> 10% du territoire<strong>de</strong>s 12 A.C.C.A. (<strong>sur</strong>face <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone centrale du Parc national <strong>de</strong>s Pyrénées déduite), soit5 908 hectares, étaient effectivement mis en R.D.C.F.S., <strong>et</strong> si ces <strong>sur</strong>faces étaient superposées<strong>sur</strong> <strong>de</strong>s sites vitaux <strong>et</strong> centres d’activités, ce<strong>la</strong> perm<strong>et</strong>trait d’en préserver d’ores <strong>et</strong> déjà près <strong>de</strong>60% » (page 75).D’autre part <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O.-Béarn conteste l’insuffisance criante <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es<strong>de</strong>stinées à protéger l’ours <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en battue, notamment <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>rationpréa<strong>la</strong>ble par <strong>les</strong> chasseurs 72 heures avant <strong>la</strong> battue.Voici <strong>de</strong>s extraits du <strong>de</strong>rnier recours <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O.-Béarn.« Conformément au Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Environnement, le Préf<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques a fixépar arrêté <strong>les</strong> dates d’ouverture <strong>et</strong> <strong>de</strong> clôture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>dans</strong> son département pour <strong>la</strong> saison2007-2008, autorisant ainsi <strong>la</strong> pratique cynégétique. Celle-ci est ensuite gérée au niveaucommunal par <strong>de</strong>s Associations Communa<strong>les</strong> <strong>de</strong> Chasse Agréés (ACCA) ou <strong>de</strong>s Sociétés <strong>de</strong>Chasse (SC). Cel<strong>les</strong>-ci se doivent notamment <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s réserves <strong>de</strong> chasse. Le Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’Environnement prévoit <strong>dans</strong> ses artic<strong>les</strong> R. 222-65 à R. 222-68 que : « La superficieminimale <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve <strong>de</strong> l’ACCA sera d’un dixième <strong>de</strong> <strong>la</strong> superficie totale <strong>de</strong> son territoire.Elle sera constituée <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s parties du territoire <strong>de</strong> chasse adaptées aux espèces <strong>de</strong> gibier àprotéger <strong>et</strong> établie <strong>de</strong> manière à as<strong>sur</strong>er le respect <strong>de</strong>s propriétés, <strong>de</strong>s récoltes ou p<strong>la</strong>ntationsdiverses. » Or <strong>dans</strong> <strong>la</strong> partie montagneuse du département <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, <strong>et</strong>notamment <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées d’Aspe <strong>et</strong> d’Ossau, c<strong>et</strong>te disposition n’est pas respectée, à doubl<strong>et</strong>itre, par plusieurs ACCA.« D’une part, <strong>dans</strong> certaines communes, il n’existe aucune réserve ou alors cel<strong>les</strong>-cisont instituées en totalité ou en partie, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> zone centrale du Parc National <strong>de</strong>sPyrénées Occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> où toute chasse est prohibée. La règle <strong>de</strong> mise en réserve d’auminimum un dixième <strong>de</strong> <strong>la</strong> superficie du territoire <strong>de</strong> chasse n’est donc pas respectée.D’autre part, <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s sites vitaux <strong>de</strong> l’ours brun ne sont donc pas mis enréserve contrairement à <strong>la</strong> règle rappelée ci-<strong>de</strong>ssus, selon <strong>la</strong>quelle <strong>les</strong> réserves d’ACCA sontconstituées <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s parties du territoire <strong>de</strong> chasse adaptées aux espèces <strong>de</strong> gibier à protéger.« Pourtant, <strong>les</strong> vallées d’Aspe <strong>et</strong> d’Ossau sont le sanctuaire <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers ours bruns <strong>de</strong> <strong>la</strong>souche pyrénéenne <strong>et</strong> à ce titre, sont incluses en gran<strong>de</strong> partie <strong>dans</strong> le réseau « Natura 2000 »<strong>de</strong>s sites d’importance communautaire au sens <strong>de</strong> <strong>la</strong> « directive Habitats ». Or, l’ours brun estune espèce protégée au titre <strong>de</strong> l’article L. 411-1 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Environnement par arrêtéministériel du 17 avril 1981 (modifié par l’arrêté du 16 décembre 2004) <strong>et</strong> également c<strong>la</strong>ssée106


prioritaire au titre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Directive 92/43/CEE dite « Directive Habitats »). En 1994 <strong>et</strong> en 2004<strong>les</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières ourses ont été tuées au cours <strong>de</strong> battues en vallée d’Aspe, preuve que <strong>la</strong>chasse est une <strong>de</strong>s causes majeures <strong>de</strong> <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntigra<strong>de</strong>s en Béarn. D’ailleurs <strong>les</strong>battues en zones à ours <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques ont été soumises à <strong>de</strong>s réglementationssuccessives, dont le caractère <strong>de</strong> moins en moins contraignant s’est hé<strong>la</strong>s avéré fatal pourl’espèce. Sur <strong>de</strong>s territoires où <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong>s battues est aussi intense qu’en Haut-Béarn, <strong>la</strong>clé <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours brun, selon <strong>les</strong> préconisations <strong>de</strong>s spécialistes <strong>et</strong> <strong>les</strong> exemp<strong>les</strong>étrangers, rési<strong>de</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> création d’un réseau <strong>de</strong> réserves <strong>de</strong> chasse coïncidant avec <strong>les</strong> sitesvitaux <strong>de</strong>s ours.« Au titre <strong>de</strong>s artic<strong>les</strong> R 222-82 à R. 222-92 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Environnement, Monsieur lePréf<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques as<strong>sur</strong>e <strong>la</strong> tutelle <strong>de</strong>s ACCA <strong>et</strong> institue <strong>les</strong> réserves d’ACCAen Réserves <strong>de</strong> Chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong> Faune Sauvage (RDCFS) avec notamment pourobjectif d’as<strong>sur</strong>er : « <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s milieux naturels indispensab<strong>les</strong> à <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong>d’espèces menacées » (article L. 422-27 du CE). C’est parce qu’il autorise <strong>la</strong> chasse en zone àours, sans que soit prévu le quota <strong>de</strong> réserves indiqué par <strong>la</strong> loi, <strong>et</strong> sans que soit donc rempliel’obligation <strong>de</strong> protéger <strong>les</strong> milieux indispensab<strong>les</strong> à <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vie <strong>de</strong> l’ours brun que nous vousdéferons c<strong>et</strong> arrêté.« Afin <strong>de</strong> limiter ces risques <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction, il convient donc d’interdire <strong>la</strong> chasse ou <strong>de</strong>supprimer <strong>les</strong> battues <strong>dans</strong> <strong>les</strong> secteurs où l’ours se réfugie à l’automne. On sait en eff<strong>et</strong>, grâceà plus <strong>de</strong> vingt années d’étu<strong>de</strong>, menées par le Réseau Ours Brun, coordonné par l’OfficeNational <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faune Sauvage (ONCFS) que selon <strong>les</strong> pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’année, <strong>les</strong>ours se cantonnent <strong>dans</strong> certains secteurs. Souvent <strong>de</strong> superficie réduite ils sont caractériséspar leur gran<strong>de</strong> richesse trophique ou leur difficulté d’accès. On parle en l’occurrence <strong>de</strong> sitesvitaux pour l’ours, car <strong>les</strong> p<strong>la</strong>ntigra<strong>de</strong>s ont besoin d’y être tranquil<strong>les</strong> pour pouvoir se nourrirou se réfugier pour l’hiver. La cartographie issue <strong>de</strong> ce travail a d’ailleurs servi <strong>de</strong> base à <strong>la</strong>mise en réserve <strong>de</strong> sites vitaux (désignés sous le nom <strong>de</strong> « zones Lalon<strong>de</strong> ») lorsque fut prisl’arrêté ministériel du 5 septembre 1990 qui visait à <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ours. Aprèsl’abrogation <strong>de</strong> c<strong>et</strong> arrêté, le 3 décembre 1993, <strong>les</strong> battues ne furent interdites qu’à certainespério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’année <strong>sur</strong> quelques uns <strong>de</strong> ces sites vitaux. Ces restrictions insuffisantes onthé<strong>la</strong>s conduit à <strong>la</strong> mort d’une ourse en 1994. Celle-ci se trouvait bien à l’intérieur d’une <strong>de</strong>sanciennes « zones Lalon<strong>de</strong> », mais <strong>les</strong> battues y avaient été autorisées <strong>de</strong> nouveau.« Depuis <strong>la</strong> saison <strong>de</strong> chasse 2005-2006 une réglementation encore plus <strong>la</strong>xisteprétend prendre en compte <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ours <strong>sur</strong> ces zones. Il n’est plus questiond’interdire <strong>les</strong> battues. Les chasseurs se doivent simplement d’avertir l’ONCFS 72heures avant. La SEPANSO-Béarn avait d’ailleurs dénoncé <strong>la</strong> faib<strong>les</strong>se <strong>de</strong> ces me<strong>sur</strong>es auregard <strong>de</strong> l’enjeu. Preuve que <strong>la</strong> préfecture avait bien conscience <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te carence, <strong>de</strong>uxnouvel<strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es ont été introduites <strong>dans</strong> l’arrêté attaqué. L’une concerne <strong>la</strong> conduite à teniren cas <strong>de</strong> présence d’une femelle avec ourson. C<strong>et</strong>te disposition est d’autant plus aberrantequ’aucune femelle suitée n’est recensée en Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques <strong>et</strong> que <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> mort <strong>de</strong>l’ourse « Franska » il n’y a même plus <strong>de</strong> femelle en Béarn. L’autre disposition énonce <strong>les</strong>me<strong>sur</strong>es à prendre au cas ou l’on aurait localisé un ours en tanière. Sachant que jamais un<strong>et</strong>elle observation n’a pu être faite en Béarn où <strong>les</strong> animaux ne sont pas équipés <strong>de</strong> colliersém<strong>et</strong>teur, c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>uxième disposition apparaît toute aussi inutile que <strong>la</strong> première. Ce qu’il estpar contre possible <strong>de</strong> faire, c’est <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en réserve <strong>les</strong> sites vitaux où <strong>les</strong> recherches ontpermis <strong>de</strong> localiser d’anciennes tanières <strong>et</strong> où <strong>la</strong> probabilité est donc plus forte <strong>de</strong> voir unp<strong>la</strong>ntigra<strong>de</strong> hiverner à nouveau. Comme nous allons le détailler ci-<strong>de</strong>ssous, le légis<strong>la</strong>teur abien prévu un dispositif qui perm<strong>et</strong>trait <strong>de</strong> prendre une telle me<strong>sur</strong>e <strong>et</strong> il est d’autant plus107


<strong>sur</strong>prenant <strong>de</strong> constater que Monsieur le Préf<strong>et</strong> prennent <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es contestab<strong>les</strong> quand <strong>les</strong>imple respect <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi lui perm<strong>et</strong>trait <strong>de</strong> limiter bien plus sûrement le risque <strong>de</strong> voir unnouvel ours tué au cours d’une battue.« En eff<strong>et</strong>, <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> R. 222-65 à R. 222-68 du CE spécifient que :« La superficieminimale <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve <strong>de</strong> l’ACCA sera d’un dixième <strong>de</strong> <strong>la</strong> superficie totale <strong>de</strong> son territoire.Elle sera constituée <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s parties du territoire <strong>de</strong> chasse adaptée aux espèces <strong>de</strong> gibier àprotéger <strong>et</strong> établies <strong>de</strong> manière à as<strong>sur</strong>er le respect <strong>de</strong>s propriétés, <strong>de</strong>s récoltes ou p<strong>la</strong>ntationsdiverses. ». Or <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Borce où a été créée une ACCA le 24/08/77 n’a mis aucunezone <strong>de</strong> son territoire <strong>de</strong> chasse en réserve. Le motif avancé est qu’une partie du territoire <strong>de</strong><strong>la</strong> commune est en zone centrale du PNPO <strong>et</strong> que <strong>la</strong> chasse y est interdite. Cependant, <strong>la</strong>création <strong>de</strong> l’ACCA <strong>de</strong> Borce est postérieure à celle du PNPO. Son « territoire <strong>de</strong> chasse » nepeut donc en aucun cas, prendre en compte <strong>la</strong> zone centrale du PNPO. Par ailleurs, on sait quelors <strong>de</strong> <strong>la</strong> négociation ayant conduit à <strong>la</strong> délimitation du PNPO, <strong>les</strong> exigences <strong>de</strong>s chasseursavaient été <strong>la</strong>rgement re<strong>la</strong>yés par <strong>les</strong> élus locaux. Les communes d’Urdos <strong>et</strong> Etsaut ont, el<strong>les</strong>,p<strong>la</strong>cé leurs réserves d’ACCA à l’intérieur <strong>de</strong>s <strong>la</strong> zone centrale du PNPO. Ici encore, <strong>les</strong>ACCA ayant été créées respectivement en 1977 <strong>et</strong> 1978, c'est-à-dire après <strong>la</strong> création duPNPO, el<strong>les</strong> ne peuvent prétendre que <strong>la</strong> zone centrale fasse partie <strong>de</strong> leur « territoire <strong>de</strong>chasse » alors que toute activité cynégétique y est prohibée.« Enfin, <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Laruns n’a p<strong>la</strong>cé que 3.5% <strong>de</strong> son territoire <strong>de</strong> chasse en réserveau lieu <strong>de</strong>s 10% réglementaire.« L’insuffisance <strong>de</strong>s réserves <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong>s ACCA <strong>de</strong> ces quatre communes justifiel’illégalité <strong>de</strong> l’arrêté attaqué car celui-ci autorise <strong>la</strong> pratique cynégétique sans que soientrespectées <strong>les</strong> injonctions <strong>de</strong>s artic<strong>les</strong> R.222-65 à R.222-68 du CE concernant <strong>les</strong> réservesd’ACCA. Fait aggravant, c’est <strong>sur</strong> le territoire <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ces communes qu’ont étéabattues <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières ourses lors <strong>de</strong> battues au sanglier.« Par ailleurs, <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> R. 222-65 à R. 222-68 du CE précisent que <strong>les</strong> réservesd’ACCA doivent être constituées : « <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s parties du territoire <strong>de</strong> chasse adaptées auxespèces <strong>de</strong> gibier à protéger. » Or <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce c<strong>la</strong>sse l’ours parmi <strong>les</strong> espèces gibiers. Eneff<strong>et</strong>, <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> Cassation, par un arrêt du 12 octobre 1994 estimait que : « constituent ungibier, au sens <strong>de</strong> <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion <strong>sur</strong> <strong>la</strong> chasse, <strong>les</strong> animaux sans maître appartenant à uneespèce non domestique, fut-elle protégée, vivant à l’état sauvage. ».« Pour maintenir <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours sauvages à un niveau correspondant aux exigencesécologiques, <strong>les</strong> engagements internationaux auxquels <strong>la</strong> France est partie imposentexplicitement aux Etats <strong>de</strong> prendre <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es nécessaires.« La mise en p<strong>la</strong>ce d’un véritable p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> conservation est rendu d’autant plus nécessaireque si l’ours n’est, à travers le mon<strong>de</strong>, répertorié qu’au titre d’espèce en danger (catégorie E<strong>dans</strong> le c<strong>la</strong>ssement UICN), il est, <strong>dans</strong> certains pays d’Europe <strong>de</strong> l’ouest, dont <strong>la</strong> France,considéré comme espèce menacée d’extinction. Il est d’ailleurs c<strong>la</strong>ssé <strong>dans</strong> <strong>la</strong> catégoried’espèce prioritaire au titre <strong>de</strong> <strong>la</strong> « directive habitats ».« La <strong>de</strong>struction par <strong>de</strong>ux chasseurs au cours <strong>de</strong> battues aux sangliers <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnièresourses <strong>de</strong> <strong>la</strong> souche pyrénéenne en 1994 <strong>et</strong> 2004 démontre que l’activité cynégétique a bien eu« une inci<strong>de</strong>nce négative importante » <strong>sur</strong> l’espèce ours brun. Il est donc du <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> <strong>la</strong>108


France <strong>de</strong> prendre « <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es <strong>de</strong> conservation nécessaires » pour éviter <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong><strong>de</strong>structions d’ours.« La disposition mentionnant l’obligation <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>rer <strong>les</strong> battues à l’ONCFS 72 heuresavant <strong>la</strong> chasse <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones <strong>et</strong> pour <strong>les</strong> pério<strong>de</strong>s déterminées <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cartes annexées àl’arrêté a déjà démontré son inefficacité. En eff<strong>et</strong>, ce <strong>de</strong>rnier dispositif est basé <strong>sur</strong>l’information donnée aux chasseurs <strong>de</strong> l’éventuelle présence d’un ours <strong>dans</strong> le secteur où estprévu <strong>la</strong> battue afin d’espérer sa suspension. Or, <strong>la</strong> triste expérience <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’ourse« Cannelle » démontre que, bien qu’avertis <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te femelle <strong>et</strong> <strong>de</strong> son p<strong>et</strong>it le 31octobre 2004, <strong>les</strong> chasseurs d’Urdos ont maintenu <strong>la</strong> battue prévue le len<strong>de</strong>main, ce qui aconduit à <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’animal. »L’audience du Tribunal administratif <strong>de</strong> PauLes recours <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O.-Béarn (saisons <strong>de</strong> chasse 2005-2006, 2006-2007,2007-2008) sont passés en audience le jeudi 13 mars <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>vant le T.A. <strong>de</strong> Pau, réuniexceptionnellement en séance plénière, ce qui a <strong>sur</strong>pris toutes <strong>les</strong> parties en cause.Le commissaire du gouvernement a prononcé <strong>de</strong>s conclusions très motivées <strong>de</strong>mandantl’annu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s arrêtés attaqués. Il a notamment précisé que l’annonce téléphonique <strong>de</strong> <strong>la</strong>présence d’une ourse suitée <strong>dans</strong> un secteur ne perm<strong>et</strong>tait pas d’empêcher une battue <strong>dans</strong> <strong>les</strong>zones dites "consensuel<strong>les</strong>". En outre, il a insisté <strong>sur</strong> l’absence <strong>de</strong> prise en compte <strong>de</strong> <strong>la</strong>perturbation pour <strong>de</strong>s ours non suitées, notamment pour <strong>de</strong>s ourses gestantes dont on sait que<strong>les</strong> dérangements répétés peuvent empêchés <strong>la</strong> naissance du ou <strong>de</strong>s jeunes.Le jugement du T.A. <strong>de</strong> Pau du 27 mars 2008, rendu en formation plénièreLe Tribunal rappelle tout d’abord l’application <strong>de</strong> <strong>la</strong> directive dite Habitats <strong>et</strong>notamment son article 12 (point 1 a) <strong>et</strong> b) puis point 4 a)). Ces dispositions visent <strong>la</strong><strong>protection</strong> stricte <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> l’annexe IV (l’ours en fait partie) <strong>et</strong> <strong>la</strong> perturbationintentionnelle <strong>de</strong> ces espèces, notamment durant <strong>les</strong> pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> reproduction, <strong>de</strong> dépendance<strong>et</strong> d’hibernation.Il ajoute « qu’il appartient aux autorités administratives nationa<strong>les</strong>, sous le contrôle dujuge, d’exercer <strong>les</strong> pouvoirs qui leur sont conférés par <strong>la</strong> loi en donnant à celle-ci, <strong>dans</strong> tous<strong>les</strong> cas où elle se trouve <strong>dans</strong> le champ d’application d’une règle communautaire, uneinterprétation qui soit conforme au droit communautaire ; que <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> justice <strong>de</strong>sCommunautés européennes a jugé (Arrêt C-103/00 du 30 janvier 2002) que, pour éviter <strong>la</strong>perturbation intentionnelle d’une espèce protégée, <strong>les</strong> Etats <strong>de</strong>vaient prendre toutes « <strong>les</strong>me<strong>sur</strong>es concrètes nécessaires ».Ayant rappelé que l’ours figure parmi <strong>les</strong> espèces protégées <strong>sur</strong> le territoire national,ayant rappelé aussi <strong>les</strong> différentes dispositions visant à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours, contenues<strong>dans</strong> <strong>les</strong> trois arrêtés déférés, le T.A. poursuit :« Considérant qu’il ressort <strong>de</strong>s pièces du dossier d’une part qu’un très p<strong>et</strong>it nombred’ours pyrénéens subsisterait <strong>dans</strong> le département <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, d’autre part que<strong>la</strong> battue collective est un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse très perturbant pour l’ours, dérangé <strong>dans</strong> sa pério<strong>de</strong><strong>de</strong> pré-hibernation ou pendant son hibernation elle-même <strong>et</strong> exposé par ailleurs à c<strong>et</strong>teoccasion à une mort acci<strong>de</strong>ntelle ;109


« Considérant que le dispositif mis en p<strong>la</strong>ce par l’administration pour protéger l’oursconsiste en un simple système <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>ration préa<strong>la</strong>ble <strong>de</strong>s battues, s’en rem<strong>et</strong>tant àl’information <strong>et</strong> à <strong>la</strong> responsabilisation <strong>de</strong>s chasseurs, dont <strong>la</strong> fédération départementale asigné avec l’Etat, en août 2005, une « charte re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées prenant en compte <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ours brun », <strong>la</strong>quelle prévoit <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong>formation <strong>de</strong>s chasseurs, notamment pour « prévenir <strong>les</strong> risques d’acci<strong>de</strong>nt entre un chasseur<strong>et</strong> un ours » mais ne contient elle-même aucune disposition contraignante ; qu’il en est <strong>de</strong>même du schéma <strong>de</strong> gestion cynégétique approuvé le 24 octobre 2006 ; que seu<strong>les</strong> <strong>les</strong>me<strong>sur</strong>es d’interdiction <strong>de</strong> chasser concernent <strong>la</strong> campagne 2007/2008 <strong>et</strong> uniquement en cas <strong>de</strong>localisation d’une femelle avec ourson ou d’un ours en tanière hivernale <strong>et</strong> ne concernentdonc ni <strong>les</strong> ours en pré-hibernation ni <strong>les</strong> ours en tanière non localisée, ce qui estgénéralement le cas ; qu’ainsi aucun <strong>de</strong>s arrêtés attaqués ne peut être regardé commecontenant <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es nécessaires pour qu’une battue ne puisse être organisée <strong>sur</strong> un territoirefréquenté par un ours, seule modalité concrète <strong>de</strong> <strong>protection</strong> stricte <strong>de</strong> l’espèce menacée quiserait <strong>de</strong> nature à interdire sa "perturbation intentionnelle" <strong>et</strong> à éviter sa "<strong>de</strong>struction", au sens<strong>de</strong>s dispositions sus rappelées du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement ;« Considérant qu’il résulte <strong>de</strong> ce qui précè<strong>de</strong> que <strong>les</strong> dispositions re<strong>la</strong>tives aux me<strong>sur</strong>esvisant à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’habitat <strong>de</strong> l’ours contenues <strong>dans</strong> <strong>les</strong> trois arrêtés préfectorauxattaqués, <strong>et</strong> qui sont divisib<strong>les</strong> <strong>de</strong> leurs autres dispositions, méconnaissent tant <strong>les</strong> objectifs <strong>de</strong><strong>la</strong> directive Habitats que l’article L.411-1du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement ; qu’il y a donc lieu <strong>de</strong><strong>les</strong> annuler » (…)« Considérant, d’autre part, que l’annu<strong>la</strong>tion prononcée par le présent jugementn’implique pas en elle-même <strong>la</strong> mise en réserve par <strong>les</strong> associations communa<strong>les</strong> <strong>de</strong> chasseagréées d’une partie <strong>de</strong> leur territoire ; que par suite, <strong>les</strong> conclusions <strong>de</strong> <strong>la</strong> requête tendant à cequ’il soit enjoint au préf<strong>et</strong> d’obliger <strong>les</strong>dites associations à <strong>la</strong> pratiquer doivent être rej<strong>et</strong>ées ; »Quelques remarques : <strong>les</strong> dispositions du préf<strong>et</strong> <strong>de</strong>s P.A. sont sérieusement éreintées,mais aussi <strong>la</strong> « Charte chasse massif » <strong>et</strong> même le Schéma <strong>de</strong> gestion cynégétiquedépartemental ! C’est sans doute <strong>la</strong> première décision qui vient rappeler fermement <strong>les</strong>obligations juridiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> France quant à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours brun.Sans c<strong>et</strong>te pression associative, nous en serions encore à <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong><strong>et</strong>tes.L’affaire Marquèze 148Il est difficile <strong>de</strong> ne pas relier ce jugement à quelques enseignements <strong>de</strong>s audiences <strong>de</strong>l’affaire Marquèze (12 au 14 mars <strong>de</strong>rnier). Au cours <strong>de</strong> cel<strong>les</strong>-ci, il a été établi que <strong>la</strong>procédure qui avait été mise en p<strong>la</strong>ce par l’I.P.H.B., une procédure non réglementaire elleaussi, a failli.C’est Gérard Caussimont <strong>et</strong> d’autres membres du F.I.E.P. qui avaient repéré <strong>de</strong>s indicesfrais <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ourse Cannelle <strong>et</strong> <strong>de</strong> son ourson au-<strong>de</strong>ssus d’Urdos. G. Caussimont enavait immédiatement averti J.J. Camarra (O.N.C.F.S.) qui lui-même avait averti Didier Hervé,directeur <strong>de</strong> l’I.P.H.B, lui-même appe<strong>la</strong>nt par téléphone le secrétaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fédération <strong>de</strong>chasse puis le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’A.C.C.A. d’Urdos.148 Lire aussi nos commentaires <strong>dans</strong> <strong>la</strong> partie consacrée aux <strong>de</strong>rniers ours <strong>de</strong>s Pyrénées.110


Le témoignage <strong>de</strong> M. Didier Hervé a démontré toute <strong>la</strong> fragilité d’un tel système. M.Hervé, informé donc par téléphone <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence d’indices très frais <strong>de</strong> l’ourse Cannelle <strong>et</strong> <strong>de</strong>son ourson <strong>dans</strong> un secteur bien précis au-<strong>de</strong>ssus d’Urdos, a en eff<strong>et</strong> rapporté qu’il n’avait pasbien compris <strong>la</strong> localisation précise <strong>de</strong> ces indices. Ainsi, il n’avait pas, a-t-il déc<strong>la</strong>ré,<strong>de</strong>mandé aux chasseurs d’Urdos <strong>de</strong> <strong>sur</strong>seoir à <strong>la</strong> battue prévue.Lors <strong>de</strong> ses réquisitions, le Procureur <strong>de</strong> <strong>la</strong> République a d’ailleurs insisté <strong>sur</strong> le fait que<strong>les</strong> autres responsab<strong>les</strong> <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te affaire n’étaient pas <strong>dans</strong> le box <strong>de</strong>s accusés. Il n’était pasbien difficile <strong>de</strong> sentir qu’il visait alors l’État, puisque ce <strong>de</strong>rnier avait abandonné toute<strong>protection</strong> réglementaire <strong>de</strong> l’ours. L’ourse <strong>et</strong> son ourson étaient en eff<strong>et</strong> présents <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>uxmois <strong>dans</strong> le même secteur sans que le ministre ni le préf<strong>et</strong> ne prennent aucune me<strong>sur</strong>esérieuse ! En pareil cas, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> Cordillère Cantabrique, l’administration suspend <strong>la</strong> chasse <strong>sur</strong>tout le massif concerné, <strong>de</strong>puis le cours d’eau jusqu’aux crêtes (témoignages <strong>de</strong> AlfonsoHartasanchez <strong>et</strong> <strong>de</strong> J.J. Camarra). Ce fut après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Cannelle que le préf<strong>et</strong> <strong>de</strong>s P.A. pritun arrêté interdisant <strong>la</strong> chasse <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune d’Urdos <strong>et</strong> une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> celled’Etsaut…Depuis le prononcé <strong>de</strong> ces jugements du Tribunal administratif <strong>et</strong> du Tribunalcorrectionnel <strong>de</strong> Pau, nous constatons que <strong>la</strong> position <strong>de</strong>s chasseurs est par trop égoïste <strong>et</strong>refuse <strong>de</strong> prendre en compte l’évi<strong>de</strong>nce que l’ours a <strong>de</strong>s besoins particuliers <strong>de</strong> tranquillité.Que <strong>les</strong> chasseurs <strong>de</strong> montagne se ras<strong>sur</strong>ent, il n’a jamais été question pour <strong>les</strong> associationsd’abolir <strong>la</strong> chasse ni sa fonction sociale importante <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vallées. La plupart <strong>de</strong>s personnesrencontrées sont très favorab<strong>les</strong> à <strong>de</strong>s réserves ou, sans employer ce mot "tabou", à une<strong>protection</strong> spatiale réglementaire. Certains seraient favorab<strong>les</strong> à <strong>de</strong>s contrats, mais avec <strong>de</strong>véritab<strong>les</strong> sanctions à <strong>la</strong> clé (Vincent Vignon ou Jean-Pierre Raffin qui préfère <strong>la</strong> solutionréglementaire). Jean-Jacques Camarra voit un système mixte : utiliser l’acquis <strong>de</strong> 30 ansd’observations <strong>de</strong> terrain (quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> probabilités <strong>de</strong> trouver une ourse suitée ?) <strong>et</strong> gérerl’information au jour le jour. Mais ce<strong>la</strong> nécessite <strong>de</strong>s moyens inexistants aujourd’hui ! MichelClou<strong>et</strong> estime que le minimum est d’as<strong>sur</strong>er <strong>la</strong> tranquillité <strong>de</strong>s ours en zones <strong>de</strong> tanières <strong>et</strong> <strong>de</strong>sourses suitées <strong>et</strong> jeunes en zones d’alimentation. Un gar<strong>de</strong> du Parc (Ossau) verrait bien àdéfaut d’une réserve fixe, <strong>de</strong>s réserves tournantes <strong>sur</strong> une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 5 ans, <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s grandssecteurs comme le Bit<strong>et</strong> ou Gé<strong>la</strong>n en Ossau.Il est urgent que <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> cynégétiques reconnaissent que l’excès <strong>de</strong> battuesdérange l’ours <strong>et</strong> qu’un partage du territoire est une nécessité absolue. Les chasseurs ont cesentiment qu’ils cè<strong>de</strong>nt toujours du terrain. Aux associations <strong>et</strong> à l’Etat <strong>de</strong> créer une re<strong>la</strong>tion<strong>de</strong> confiance qui chasse, sans mauvais jeu <strong>de</strong> mot, se sentiment <strong>de</strong> leur esprit.Conclusions <strong>et</strong> avenir :Hormis quelques fonctionnaires du Parc national ou du ministère <strong>de</strong> l’Environnement,personne à plus haut niveau n’a voulu prendre <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es qui s’imposaient. C’est <strong>les</strong>entiment qui monte au fil <strong>de</strong> <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong>s rapports <strong>sur</strong> <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> l’ours, innombrab<strong>les</strong>,<strong>et</strong> <strong>de</strong>s discussions avec tous <strong>les</strong> connaisseurs.N’est-ce pas un scénario à l’autrichienne qui menace <strong>les</strong> Pyrénées ? Il faut franchementposer <strong>la</strong> question au vu <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s quant au nombre d’ours présents <strong>et</strong> aux menaces <strong>de</strong><strong>de</strong>struction volontaire ou pas. Si l’on interprète, comme le F.I.E.P. ou <strong>de</strong>s naturalistesindépendants, <strong>les</strong> documents officiels, on pourrait avancer que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours aurait dûêtre estimée en 2005 à 8-12 ours. Notons que le second ours du noyau oriental n’est plus111


<strong>et</strong>rouvé <strong>de</strong>puis 2003 <strong>et</strong> que l’ours "Camille" (qui évolue <strong>la</strong> plupart du temps entre Navarre <strong>et</strong>Aragon) est toujours considéré comme vivant d’après un échantillon datant <strong>de</strong>…2001.Si l’on accepte un tel scénario pessimiste, outre un nouveau renforcement, très urgent enBéarn où 3 à 4 ours mâ<strong>les</strong> sont improductifs, <strong>la</strong> création <strong>de</strong> zones <strong>de</strong> tranquillité est nécessaire<strong>sur</strong> toute <strong>la</strong> chaîne <strong>de</strong>s Pyrénées pour as<strong>sur</strong>er <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vie <strong>de</strong>s oursons <strong>de</strong>s rares femel<strong>les</strong>reproductrices, dérangées par <strong>de</strong>s battues incessantes <strong>et</strong> même harcelées par <strong>de</strong>sultrapastoraux.112


L’ESPACE VITAL POUR L’OURS DANS LES PYRENEES« Cinq cents ours peuvent vivre <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, autant <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Cantabriques. »Roberto Hartasánchez 149Les Pyrénées sont-el<strong>les</strong> trop humanisées pour l’ours ?On entend <strong>et</strong> on lit trop souvent ces <strong>de</strong>rnières années qu’il n’y a plus assez d’espacepour l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, <strong>de</strong>s montagnes trop peuplées ? C’est un discours qui gagne duterrain auprès d’un public citadin très coupé <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> d’un mon<strong>de</strong> pastoral <strong>et</strong> rural quisouhaiterait se passer <strong>de</strong> tout ce qui peut le "gêner", prédateurs <strong>de</strong> toute taille <strong>et</strong> mêmevautours désormais pour certains, ou qui méconnaît <strong>la</strong> nature.C’est ainsi que le journaliste Jack Dion a pu écrire ce commentaire parfaitement ridicule<strong>et</strong> odieux : « On découvrit même, non sans effarement, que certains groupuscu<strong>les</strong> écolos sebattaient pour as<strong>sur</strong>er "<strong>dans</strong> notre société une réelle p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> nature sauvage", ce qui pourraitlégitimer <strong>la</strong> libre circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> <strong>de</strong>s Pyrénées, l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong>s lynx<strong>dans</strong> <strong>les</strong> banlieues <strong>de</strong>s Vosges, voire le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong>s SS <strong>dans</strong> le Vercors. 150 »Voici un autre commentaire en apparence nuancé mais tout aussi grossier : « Enimportant <strong>les</strong> ours <strong>les</strong> promoteurs <strong>de</strong> ces programmes n’ont pas importé leur territoire : jamaisces ours ne trouveront <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées vivantes <strong>et</strong> humanisées <strong>les</strong> conditions <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>sdéserts forestiers <strong>de</strong> Slovénie, qu’ils n’auraient jamais du quitter. » (Vivre en Pyrénées, L<strong>et</strong>tre<strong>de</strong> l’A.S.P.A.P., n°5, septembre 2007).C’est aussi <strong>la</strong> position <strong>de</strong> Jacques Vyns qui réalisa quelques clichés <strong>de</strong> l’ours en valléed’Aspe. « De 1937 (<strong>de</strong>rnier ours <strong>de</strong>s Alpes) à 2004, (<strong>de</strong>rnier ours <strong>de</strong> souche béarnaise) il s'estpassé 67 ans. Les Béarnais sont à féliciter d'avoir su cohabiter avec <strong>les</strong> ours 67 ans <strong>de</strong> plusque <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Alpes ! C'est au prix d'un r<strong>et</strong>ard économique <strong>de</strong> 67 ans, qu'ils ont conservé leursours. » C<strong>et</strong>te <strong>sur</strong>prenante démonstration, J. Vyns <strong>la</strong> nourrit d’un exemple : celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêtd’Issaux. Il écrit : « En 1960, à Lourdios- Ichère, <strong>la</strong> route s'arrêtait avant le col d'Ichère à l'est,<strong>et</strong> à "Badarié" au sud-ouest, Lourdios était ainsi un cul-<strong>de</strong>-sac <strong>et</strong> non un passage. Aujourd'hui,le beau territoire à ours qu'est <strong>la</strong> splendi<strong>de</strong> forêt d'Issaux est "sillonné" par <strong>de</strong>s routes (…).Pourtant, personne n'était venu perturber <strong>les</strong> lieux <strong>de</strong>puis <strong>les</strong> bûcherons <strong>de</strong> <strong>la</strong> marine royale duXVIIIème siècle, qui venaient ici prélever <strong>les</strong> arbres pour confectionner <strong>les</strong> mâts <strong>de</strong>s grandsvoiliers <strong>de</strong> l'époque ! Nous avons le souvenir précis du silence ABSOLU qui régnait au coeur<strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt d'Issaux en 1960. Jamais, nous n'avons pu r<strong>et</strong>rouver un tel silence <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te forêt !Il était alors courant <strong>de</strong> voir <strong>l'ours</strong> <strong>de</strong>scendre aux abords du vil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> Lourdios, au début <strong>de</strong>l'hiver. Maintenant, <strong>les</strong> tronçonneuses <strong>et</strong> autres camions perm<strong>et</strong>tent à seulement 3 hommes <strong>de</strong>couper <strong>et</strong> <strong>de</strong> charger un hectare <strong>de</strong> bois par jour, <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout pénètrent toujours plusprofondément <strong>dans</strong> le territoire <strong>de</strong> <strong>l'ours</strong> grâce aux nouvel<strong>les</strong> routes <strong>et</strong> pistes. 151 »149 Discussion avec R. H., prési<strong>de</strong>nt du Fond pour <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s animaux sauvages (Asturies, Espagne),gran<strong>de</strong> personnalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature en Espagne <strong>et</strong> excellent connaisseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ours,mars 2008.150 « Le loup <strong>et</strong> l’agneau (nouvelle version) » Libération ou Marianne, 2005 ou 2006.151 Extraits d’un texte « Le déclin naturel <strong>de</strong> l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées » publié <strong>sur</strong> son site.113


Sans rem<strong>et</strong>tre en cause <strong>les</strong> éléments factuels <strong>de</strong> ce témoignage (<strong>la</strong> création <strong>de</strong>s routes <strong>et</strong><strong>de</strong>s pistes en forêt d’Issaux, l’exploitation <strong>de</strong>s bois, l’existence sé<strong>de</strong>ntaire <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> cehaut lieu), il nous faut ajouter ceci. Nous regr<strong>et</strong>tons bien évi<strong>de</strong>mment <strong>la</strong> création <strong>de</strong> routes<strong>dans</strong> ce massif, son exploitation outrancière mais nous constatons que <strong>de</strong>s massifs forestiers<strong>de</strong> Slovénie très aménagés <strong>et</strong> exploités abritent <strong>de</strong>s ours. Nous rappelons aussi que le loup,présent <strong>dans</strong> le département <strong>et</strong> en forêt d’Issaux encore à <strong>la</strong> fin du 19 ème siècle, a disparu alorsqu’il n’existait aucune route ni piste ni exploitation mo<strong>de</strong>rne du bois. Ces <strong>de</strong>ux élémentsattestent que l’existence <strong>de</strong> l’ours tient bien sûr à <strong>la</strong> qualité du milieu, qui s’est dégradée àIssaux, mais aussi à son acceptation par <strong>les</strong> habitants.Ce n’est pas forcément <strong>la</strong> route qui tue l’ours mais ce qu’on fera <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te route, parexemple un moyen pour <strong>de</strong>s hommes armés <strong>de</strong> se rendre facilement en un lieu où ils peuventabattre l’ours ou chasser trois fois ou plus par semaine au lieu d’une. La forêt d’Issaux amalheureusement été le théâtre d’éliminations directes d’ours facilitées par <strong>les</strong> pistes <strong>et</strong> <strong>les</strong>routes. La <strong>de</strong>rnière mise bas a été relevée en 1979 <strong>et</strong> <strong>de</strong>puis 1983-1984 <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ours yest <strong>de</strong>venue occasionnelle 152 . Cependant, si l’ours venait à repeupler <strong>les</strong> Pyrénéesocci<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>, ce massif apparaît encore comme favorable à l’espèce, sous réserve bienentendu d’une autre pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion qui ne constitue pas uneprivation excessive <strong>de</strong>s libertés.C<strong>et</strong>te idée que l’ours ne pouvait vivre que <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s territoires d’une gran<strong>de</strong> sauvagerie,toujours loin <strong>de</strong>s hommes, est sans doute née sous l’influence d’auteurs <strong>et</strong> biologistesaméricains, habitués à <strong>de</strong> grands espaces peu perturbés. Dans son remarquable Almanach d’uncomté <strong>de</strong>s sab<strong>les</strong>, l’Américain Aldo Leopold, un <strong>de</strong>s précurseurs <strong>de</strong> l’écologie, professeur <strong>et</strong>chasseur, écrivait ainsi en 1947 que pour l’Europe, <strong>la</strong> vie sauvage s’est r<strong>et</strong>irée <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Carpathes <strong>et</strong> en Sibérie.C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Berducou, à l’époque agent <strong>de</strong> l’O.N.F. chargé <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune, interrogé parMarieke Aucante en 1990, déc<strong>la</strong>rait <strong>de</strong> son côté : « Je crois que ce serait abusif d’accuserl’O.N.F., un organisme particulier plutôt qu’un autre. Notre civilisation s’est occupée <strong>de</strong>prendre <strong>de</strong>s terrains <strong>et</strong> je ne suis pas persuadé que <strong>les</strong> ours aient encore leur p<strong>la</strong>ce <strong>dans</strong>l’Europe occi<strong>de</strong>ntale <strong>dans</strong> leur façon <strong>de</strong> vivre sauvage. Il est possible <strong>de</strong> maintenir c<strong>et</strong>teespèce au prix d’un p<strong>et</strong>it <strong>de</strong>gré d’artificialisation <strong>de</strong> leur milieu <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur vie, il faut arriver àcréer <strong>de</strong>s milieux qui soient plus favorab<strong>les</strong>, à <strong>de</strong>s potentialités plus élevées que ce qu’el<strong>les</strong>seraient <strong>dans</strong> <strong>les</strong> forêts vierges, inexploitées. Si on veut <strong>la</strong> gar<strong>de</strong>r vraiment, renforcer <strong>les</strong>popu<strong>la</strong>tions. »Ces <strong>de</strong>ux visions sont en gran<strong>de</strong> partie fausses. Certes, <strong>les</strong> Carpathes <strong>et</strong> <strong>la</strong> Sibérie sontplus sauvages que <strong>les</strong> Pyrénées, quoi que <strong>les</strong> premières soient très occupées par une sociétépaysanne traditionnelle qui a disparu chez nous. Nous avons vécu au contact <strong>de</strong> ces paysansen Roumanie, au cœur d’une montagne à <strong>la</strong> fois sauvage <strong>et</strong> humanisée. Oui, l’hommeocci<strong>de</strong>ntal rogne <strong>la</strong> nature pour <strong>la</strong> satisfaction égoïste <strong>de</strong> ses seuls besoins (c’est ce qu’on peutappeler <strong>la</strong> sous civilisation du « C’est mon choix »), <strong>et</strong> ne se soucie guère <strong>de</strong>s espècessauvages. C’est d’ailleurs une <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature,<strong>de</strong>s parcs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s réserves. Cependant, force est <strong>de</strong> constater, pour ce qui est <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faunesauvage, une amélioration générale <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation d’après-guerre. Si <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers ours alpins,ceux du Trentin, ont disparu, si <strong>la</strong> lignée pyrénéenne est presque éteinte, l’espèce a regagné duterrain <strong>dans</strong> plusieurs pays <strong>et</strong> vu sa popu<strong>la</strong>tion considérablement augmenté, notamment en152 J.-J. Camarra, « L’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées : suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> 1979 à 1983 », Bull<strong>et</strong>in <strong>de</strong> l’O.N.C.,n°142, janvier 1990.114


Slovénie, Slovaquie <strong>et</strong> Suè<strong>de</strong>. Elle recolonise même naturellement l’est <strong>de</strong> l’Italie, le sud <strong>de</strong>l’Autriche. Qui aurait cru il y a 20 ans au r<strong>et</strong>our du loup en France, en Allemagne, en Suisse,<strong>et</strong>c. ? Le lynx boréal, lui aussi, a reconquis <strong>de</strong> grands territoires européens <strong>et</strong> s’apprête sansdoute en France à recoloniser <strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ine. À partir <strong>de</strong> son bastion polonais, le bisond’Europe s’étend, il est vrai mo<strong>de</strong>stement, vers l’ouest. Des é<strong>la</strong>ns gagnent aussi, trèsdoucement, l’ouest <strong>de</strong> l’Europe. Nous pourrions ajouter d’autres exemp<strong>les</strong> <strong>et</strong> évoquer lebouqu<strong>et</strong>in <strong>et</strong> le r<strong>et</strong>our en nombre <strong>de</strong> nombreux ongulés plus communs (cerfs, chevreuils,sangliers) <strong>dans</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong> nos pays.L’aire <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> PyrénéesD’après <strong>les</strong> travaux <strong>de</strong> l’O.N.C.F.S., il est probable qu’au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> première moitié duXXe siècle, l’habitat <strong>de</strong> l’ours brun a fortement diminué suite à une déforestation importante.Rappelons que l’optimum démographique en montagne en France a été atteint à <strong>la</strong> fin duXIXe siècle.En 2003, l’aire <strong>de</strong> distribution est momentanément <strong>de</strong> 8 300 km2, une superficie jamaisatteinte <strong>de</strong>puis 50 ans.Entre 2004 <strong>et</strong> 2006, l’aire fréquentée par le noyau occi<strong>de</strong>ntal avoisine 1 440 km2 enversant nord. Il faut y ajouter le versant sud, navarro-aragonais estimé à 500 km2.Pour mémoire, l’aire <strong>de</strong> répartition <strong>sur</strong> le versant français était estimée en 1970 à120 000 hectares, soit 1 200 km2. Les témoignages d’observation <strong>et</strong> <strong>les</strong> dégâts aux troupeauxétaient re<strong>la</strong>tivement fréquents entre le pic d’Orri en haute Soule <strong>et</strong> <strong>la</strong> crête du Moun Né à l’esten vallée d’Estaing. Entre 1979 <strong>et</strong> 1988, l’aire <strong>de</strong> répartition <strong>sur</strong> le versant français étaitréduite à 80 000 hectares (800 km2) 153 .Si l’aire <strong>de</strong> répartition du noyau occi<strong>de</strong>ntal est plus importante en 2004-2006 qu’en1970, alors que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion est plus faible, c’est en raison <strong>de</strong> l’arrivée d’ours originaires <strong>de</strong>Slovénie.L’aire <strong>de</strong> distribution du noyau centro-oriental atteint 3 600 km2 en versant nord.Au total : 5 000 à 5 500 km2, soit 500 000 hectares, sont habités par l’ours brun <strong>sur</strong> leversant nord <strong>de</strong>s Pyrénées 154 .D’après l’Équipe technique ours (E.T.O.), « l’habitat disponible pour l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées couvre une <strong>sur</strong>face estimée à 10 460 km2. En intégrant l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> zonemontagne <strong>de</strong>s Pyrénées (versant français 155 ) <strong>et</strong> une part du piémont où <strong>la</strong> couverture forestièreest importante (au moins 40%), il apparaît que 10 460 km2 serait potentiellement disponiblepour perm<strong>et</strong>tre l’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées.« La <strong>sur</strong>face nécessaire à <strong>la</strong> <strong>sur</strong>vie à long terme <strong>de</strong> l’espèce, à partir <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle l’espèceest en état <strong>de</strong> conservation favorable est estimée à 10 500 km2.153 J.-J. Camarra, op.cit.154 J.-J. Camarra, D. Coreau, P. Touch<strong>et</strong>, « Le statut <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées françaises. Historique,évolution, perspectives », Faune sauvage, revue <strong>de</strong> l’O.N.C.F.S., n°277, septembre 2007.115


« Il n’existe pas <strong>de</strong> données c<strong>la</strong>ires <strong>dans</strong> <strong>la</strong> littérature scientifique. L’ours est une espèceà grand domaine (plusieurs centaines <strong>de</strong> km2, variable selon <strong>les</strong> individus) <strong>et</strong> à faible <strong>de</strong>nsitéd’individus. Il a besoin <strong>de</strong> vastes forêts réparties <strong>sur</strong> plusieurs milliers <strong>de</strong> kilomètres carrés.La popu<strong>la</strong>tion d’ours brun <strong>la</strong> plus proche d’un point <strong>de</strong> vue écologique, est <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionsituée en Espagne <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Monts Cantabriques. Répartie actuellement en <strong>de</strong>ux noyaux, c<strong>et</strong>tepopu<strong>la</strong>tion (note : <strong>de</strong> 120 à 150 ours) occupe une aire totale d’environ 5 500 km2. C<strong>et</strong>te<strong>sur</strong>face d’habitat peut constituer un ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur pour le maintien <strong>de</strong> l’espèce. 156 »On n’a pas d’idée précise du territoire habité par l’ours ou potentiel pour l’ours <strong>sur</strong> leversant sud <strong>de</strong>s Pyrénées, dixit Frédéric Decaluwe <strong>de</strong> l’E.T.O.Ces éléments scientifiques démontrent ce que nous vérifions <strong>de</strong>puis le renforcement <strong>de</strong>1996. À savoir que l’ours, mammifère très "p<strong>la</strong>stique", a su réoccuper <strong>les</strong> anciens territoires<strong>de</strong>s ours <strong>de</strong> lignée pyrénéenne, al<strong>la</strong>nt même jusqu’à reprendre <strong>les</strong> mêmes sentiers, démontranttoute l’intelligence proverbiale <strong>de</strong> <strong>la</strong> bête.Les incursions connues <strong>de</strong> l’ours hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> haute montagne, loin d’être anorma<strong>les</strong>, sontau contraire le signe <strong>de</strong> <strong>la</strong> vitalité <strong>de</strong> l’espèce. Si el<strong>les</strong> s’accompagnent du hourvari <strong>de</strong>séléments ultrapastoraux, c’est en raison <strong>de</strong> l’attitu<strong>de</strong> provocatrice <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers soutenus par<strong>de</strong>s chefs <strong>de</strong> file politiques ou du syndicalisme agricole. L’emballement médiatique fait lereste. Faut-il se moquer quand en 1993 (pas en 1893 !), <strong>la</strong> presse locale <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques se faisait l’écho d’une bête, <strong>la</strong> fameuse "bête <strong>de</strong> Nay", qui fut tour à tour unelionne, un lynx, une gen<strong>et</strong>te, un chien, qui se perdait <strong>dans</strong> <strong>les</strong> champs <strong>de</strong> maïs, effrayant unepartie <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ? Les ressorts <strong>de</strong> <strong>la</strong> peur n’ont finalement pas évolué <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>smillénaires. Faut-il condamner certains individus pour propagation <strong>de</strong> fausse nouvellelorsqu’en 2008 on essaie d’apeurer <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’agglomération toulousaine parce qu’unours <strong>de</strong>scendrait <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne pour se rendre au Capitole ?Bien avant <strong>les</strong> incursions médiatisées à outrance <strong>de</strong>s ours "Balou" <strong>et</strong> "Sarousse", un oursissu du premier renforcement <strong>de</strong> 1996-1997 était venu en piémont pyrénéen sans tohu-bohuimbécile. C’était au printemps 2000, donc, que <strong>les</strong> traces d’un ours avaient été repérées ausud-est <strong>de</strong> Saint-Gau<strong>de</strong>ns, en rive droite <strong>de</strong> <strong>la</strong> Garonne. L’animal avait d’ailleurs pousséjusqu’au fleuve (altitu<strong>de</strong>, environ 300 m) <strong>et</strong> avait attaqué une ruche. Personne ne l’a vu !Notons que l’ours avait dû utiliser le couvert forestier presque continu, même s’il est parfoisétroit, entre <strong>la</strong> montagne <strong>et</strong> le piémont. Ce comportement est tout à fait normal, s’est reproduit<strong>et</strong> se reproduira à l’avenir.Les incursions <strong>de</strong>s ours issus du renforcement <strong>de</strong> 2006 en piémont (rive droite <strong>de</strong> <strong>la</strong>vallée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lèze, région du Volvestre en Haute-Garonne) sont <strong>de</strong> <strong>la</strong> même nature. Enautomne, c’était le cas en 2006, el<strong>les</strong> correspon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>s recherches <strong>de</strong> nourriture abondanteen piémont. Au printemps, comme en avril 2008 <strong>dans</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Foix, el<strong>les</strong> signent <strong>la</strong>facilité pour l’ours <strong>de</strong> trouver sa nourriture à basse altitu<strong>de</strong> lorsque <strong>la</strong> végétation n’a pasencore démarré ou tar<strong>de</strong> à le faire en montagne. Dans une France qui a oublié que l’oursn’était pas un strict animal <strong>de</strong> montagne, il est facile pour <strong>les</strong> ultrapastoraux <strong>de</strong> crier au danger<strong>et</strong> d’effrayer <strong>les</strong> Toulousains comme il le font (« L'ours slovène Balou r<strong>et</strong>ourne t'il à Toulouse,comme il l'a déjà tenté ? » ainsi commence un communiqué <strong>de</strong> presse <strong>de</strong> l’A.S.P.A.P. du 10 avril156 Eléments provenant <strong>de</strong> <strong>la</strong> « Pré-fiche » Natura 2000 - document non validé - Espèce 1354 : Ursus arctos,Ours brun, rédaction par l’E.T.O. 1999.116


2008). Rappelons que personne n’a vu ces ours qui n’ont manifestement pas commis <strong>de</strong> dégâtsinvraisemb<strong>la</strong>b<strong>les</strong>.Il est donc d’une nécessité absolue que l’État tienne désormais un autre discoursvraiment appuyé <strong>sur</strong> <strong>la</strong> biologie <strong>de</strong> l’ours. Dans un reportage diffusé <strong>sur</strong> France 3 en avril2008, Madame Véronique Castro, directrice <strong>de</strong> cabin<strong>et</strong> du préf<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’Ariège, déc<strong>la</strong>rait qu<strong>et</strong>out le mon<strong>de</strong> peut être un peu <strong>sur</strong>pris, que <strong>la</strong> localisation d’un animal sauvage n’est pas facile(puisque c’est un forestier qui a découvert <strong>de</strong>s traces <strong>et</strong> a prévenu l’E.T.O.), cherchait àras<strong>sur</strong>er <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion qui peut s’a<strong>la</strong>rmer <strong>et</strong> espère que <strong>la</strong> localisation se fera le plusrapi<strong>de</strong>ment possible. Un tel discours par trop frileux n’est pas propre à ras<strong>sur</strong>er <strong>les</strong>popu<strong>la</strong>tions. La meilleure réponse à ces comportements normaux est <strong>de</strong> renseigner <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion <strong>sur</strong> <strong>les</strong> mœurs réel<strong>les</strong>, <strong>et</strong> non supposées, <strong>de</strong> l’ours.En réalité, l’ours sait vivre au contact immédiat <strong>de</strong>s hommesLa vision <strong>la</strong> plus proche <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité, en tout cas pour <strong>les</strong> Pyrénées, est celle que l’ondécouvre <strong>dans</strong> <strong>la</strong> Cordillère cantabrique ou en Slovénie. C’est celle d’un ours très proche <strong>de</strong>l’homme, presque un commensal qui ne fera jamais <strong>de</strong> mal à personne si on observe <strong>de</strong>sconseils <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce <strong>et</strong> si on le <strong>la</strong>isse tranquille.On oublie trop souvent que l’ours n’est pas franchement montagnard, qu’il est unp<strong>la</strong>ntigra<strong>de</strong> préférant marcher <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>t, lou pè-<strong>de</strong>scaùs comme le nomme <strong>les</strong> Gascons. Lafréquentation <strong>de</strong> pentes à 30 ou 40 <strong>de</strong>grés, comme c’est son habitu<strong>de</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, n’estpas une fatalité, <strong>et</strong> d’ailleurs <strong>sur</strong> ces terrains, il prend très souvent <strong>les</strong> sentiers comme nous.C’est <strong>la</strong> persécution qui a poussé l’ours à se r<strong>et</strong>rancher <strong>dans</strong> <strong>les</strong> massifs <strong>les</strong> plus sauvages, <strong>les</strong>plus inaccessib<strong>les</strong> <strong>de</strong>s Pyrénées. Comme nous le fait remarquer Dominique Boyer, l’ours n’apas été par p<strong>la</strong>isir se terrer <strong>dans</strong> <strong>les</strong> coins <strong>les</strong> plus rai<strong>de</strong>s, <strong>les</strong> plus "pourris" <strong>de</strong> <strong>la</strong> haute valléed’Aspe. Jean Céd<strong>et</strong>, ancien gar<strong>de</strong> du Parc national l’exprime fort bien : « Je méditelonguement <strong>sur</strong> le seul droit, le seul espoir que l’homme a <strong>la</strong>issé à l’ours : le droit <strong>de</strong> secacher. »C<strong>et</strong>te idée d’un ours "génétiquement" reclus <strong>dans</strong> <strong>la</strong> haute montagne a tellementimprégné <strong>les</strong> esprits que <strong>de</strong> nombreux habitants <strong>de</strong>s Pyrénées finissent par le croire.« "L’ours ? Il peut venir. De toute façon, il ne restera pas longtemps. Ce n’est pas sonterritoire ici", rigole le vieux Jean-Paul, enfant du pays, coiffé du bér<strong>et</strong> traditionnel. Arbas estsitué trop bas <strong>dans</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine pour que l’ours y séjourne. À peine lâché, il préférera rejoindre<strong>de</strong>s zones plus pentues <strong>et</strong> plus sauvages. » Ces phrases sont extraites d’un article « Débathouleux <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées » en ligne <strong>sur</strong> le site du parti <strong>de</strong>s Verts <strong>de</strong> Belfort. El<strong>les</strong> illustrentl’ignorance <strong>de</strong> l’urbain, qui ne connaît <strong>de</strong> l’ours que le film <strong>de</strong> Jean-Jacques Annaud, <strong>et</strong> celledu rural qui a oublié ce que ses parents ou grands-parents, eux, savaient très bien : à savoirque <strong>les</strong> ours vivaient <strong>sur</strong> <strong>les</strong> hauteurs d’Arbas <strong>dans</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> Paloumère ! D’ailleurs, pourl’époque récente, Marcel Couturier signale <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> massifs proches duCagire <strong>et</strong> du Gar en 1932. Si c<strong>et</strong>te présence était exceptionnelle à l’époque en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong>persécution <strong>de</strong> l’espèce, il n’empêche que le Cagire fut un haut lieu ursin <strong>et</strong> pourrait lere<strong>de</strong>venir. Quiconque a visité <strong>la</strong> Slovénie du sud ou <strong>les</strong> Asturies sait que l’ours vivra <strong>de</strong>main<strong>dans</strong> <strong>la</strong> région d’Arbas où il trouvera une nourriture abondante <strong>et</strong> quantité <strong>de</strong> refuges.De même, <strong>la</strong> visite <strong>de</strong>s abords <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges <strong>de</strong>s Pyrénées est une réalité <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s tempstrès anciens. Ceux qui agitent le spectre d’ours <strong>de</strong>venus excessivement familiers <strong>et</strong> doncdangereux sont acculturés ou mentent, ou <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux. Tous <strong>les</strong> récits pyrénéens font état d’ours117


qui, au début du printemps entre autre, s’approchent <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges, chipent une brebis s’ils lepeuvent, attaquent <strong>de</strong>s ruches (l’ancien rucher du curé à Urdos (Aspe), situé <strong>sur</strong> le tunnel <strong>de</strong> <strong>la</strong>voie ferrée en contrebas <strong>de</strong> <strong>la</strong> douane, était connu pour être visité par Martin), ou vont auxarbres fruitiers. Gérard Caussimont rapporte plusieurs <strong>de</strong> ces témoignages 157 . Celui parexemple d’un ours jugé téméraire : « Le Parc national cite le cas <strong>de</strong> l’ours qui a pénétré à <strong>la</strong>tombée <strong>de</strong> <strong>la</strong> nuit <strong>dans</strong> <strong>la</strong> cour <strong>de</strong> <strong>la</strong> ferme, il se saisit d’une brebis <strong>et</strong> disparut avant quepersonne n’ait eu le temps <strong>de</strong> réagir. » Ou celui-ci : « Le 10 juin 1982, un ourson <strong>de</strong> l’anné<strong>et</strong>raverse le vil<strong>la</strong>ge d’Aydius en plein jour, à 16 heures <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ébahie. » Et encorecelui-ci qui passerait aujourd’hui aux yeux <strong>de</strong> certains comme une agression intolérable : « À<strong>la</strong> mi-novembre 1961, à Lées-Athas, <strong>de</strong>ux oursons avaient pénétré <strong>dans</strong> une cabane par unefenêtre <strong>et</strong> avaient dégusté <strong>de</strong>ux morues salées <strong>et</strong> une ventrèche. 158 »Les dépôts d’ordures ont toujours <strong>et</strong> attireront toujours <strong>les</strong> ours <strong>et</strong> quantité <strong>de</strong> bêtessauvages opportunistes <strong>dans</strong> leur recherche <strong>de</strong> nourriture, à l’image <strong>de</strong> l’homme. Les ours <strong>de</strong>sAsturies, qui sont <strong>les</strong> ours <strong>les</strong> plus proches <strong>de</strong> <strong>la</strong> lignée pyrénéenne, n’agissent pas autrement(lire ci-<strong>de</strong>ssous). Les ours <strong>de</strong> Slovénie itou. Pour mémoire : « À Lhers <strong>et</strong> à Lescun, un p<strong>et</strong>itours noir avait pris l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> capturer <strong>de</strong>s brebis à côté <strong>de</strong>s fermes, <strong>de</strong> fréquenter <strong>la</strong>décharge du vil<strong>la</strong>ge. Répétant plusieurs fois ses tentatives d’attaques près d’une ferme, i<strong>la</strong>urait été tué… en 1987. »Quelques éléments <strong>sur</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>la</strong> Cordillère cantabriqueLa comparaison avec <strong>la</strong> Cordillère cantabrique que fait l’E.T.O. est en eff<strong>et</strong> une trèsbonne entrée en matière. C<strong>et</strong>te chaîne <strong>de</strong> montagne poursuit <strong>les</strong> Pyrénées jusqu’à <strong>la</strong> Galice (onparle d’axe pyrénéo-cantabrique), <strong>et</strong> par bien <strong>de</strong>s aspects écologiques <strong>et</strong> humains, elle rappelle<strong>les</strong> Pyrénées. Une même culture s’y est exprimée il y a <strong>de</strong>s millénaires qui a notammentproduit <strong>les</strong> merveilleux chefs d’œuvre <strong>de</strong> l’art pariétal franco-cantabrique. Depuis TitoBustillo, Altamira, Ekain, Isturits-Oxocelhaya, jusqu’à Niaux en Ariège, pour ne citer que <strong>de</strong>grands noms, <strong>les</strong> hommes paléolithiques, ancêtres <strong>de</strong>s Pyrénéens, ont représenté un bestiaireextraordinaire, parmi lequel l’ours avait manifestement une p<strong>la</strong>ce privilégiée.Les ours <strong>de</strong>s Cantabriques sont séparés en <strong>de</strong>ux noyaux <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion distants d’unequarantaine <strong>de</strong> kilomètres avec très peu d’échanges entre eux. Le noyau oriental, le plusproche <strong>de</strong> chez nous, couvre une toute p<strong>et</strong>ite partie <strong>de</strong>s Asturias, l’extrême sud-ouest <strong>de</strong>Cantabria, le nord <strong>de</strong> Palencia <strong>et</strong> le nord-est <strong>de</strong> Le?n, soit 20 à 30 ours pour 2 100 kilomètrescarrés.Le noyau occi<strong>de</strong>ntal qui s’étend <strong>sur</strong>tout en Asturias, au nord-ouest <strong>de</strong> Le?n <strong>et</strong> <strong>sur</strong> un<strong>et</strong>oute p<strong>et</strong>ite portion <strong>de</strong> <strong>la</strong> Galice, compte 100 à 120 ours <strong>sur</strong> 2 800 kilomètres carrés. Pourmémoire, <strong>les</strong> Pyrénées abritent une p<strong>et</strong>ite vingtaine d’ours… Dans <strong>la</strong> partie asturienne,plusieurs dizaines d’ours dont une trentaine <strong>de</strong> femel<strong>les</strong> reproductrices vivent <strong>sur</strong> un territoirelong d’environ 85 kilomètres <strong>et</strong> jamais plus <strong>la</strong>rge que 50 kilomètres. Sur c<strong>et</strong> espace, on trouve19 concejos (une entité typiquement asturienne qui regroupe plusieurs vil<strong>la</strong>ges) <strong>et</strong> 75 000habitants. L’élevage est <strong>sur</strong>tout celui <strong>de</strong>s bovins (races loca<strong>les</strong>), quelques milliers <strong>de</strong> moutonstranshument <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> province <strong>de</strong> Sa<strong>la</strong>manca, <strong>et</strong> on trouve <strong>de</strong> p<strong>et</strong>its troupeaux <strong>de</strong> moutonsautour <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges presque toujours gardés par <strong>de</strong>s grands chiens, <strong>les</strong> mastínes, qui <strong>les</strong>protègent <strong>de</strong>s loups. Les dégâts causés par <strong>les</strong> ours sont très faib<strong>les</strong> <strong>et</strong> touchent <strong>sur</strong>tout <strong>les</strong>ruches.157 Avec le naturaliste, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> pas <strong>de</strong> l’ours brun <strong>de</strong>s Pyrénées, F.I.E.P. <strong>et</strong> Loubatières, 1997, pp. 170-171.158 Témoignage extrait d’un numéro <strong>de</strong> <strong>la</strong> revue Pyrénées, 1962, cité par G. Caussimont.118


Depuis quelques années à peine, l’ours recolonise certains territoires abandonnés,notamment en direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale Oviedo <strong>et</strong> son agglomération <strong>de</strong> 270 000 habitants.Lisons <strong>les</strong> réponses d’Alfonso Hartasánchez données à un journaliste <strong>de</strong> La NuevaEspaña le 30 novembre 2006. A. Hartasánchez est un naturaliste espagnol, très grandconnaisseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ours en particulier, cofondateur du Fond pour <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>sanimaux sauvages (F.A.P.A.S.) avec son frère Roberto, une gran<strong>de</strong> figure lui aussi <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. C<strong>et</strong>te association créée en 1983, forte <strong>de</strong> 15 000 donateurs, est un <strong>de</strong>sfers <strong>de</strong> <strong>la</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Cantabriques. Elle est indépendante <strong>de</strong>spouvoirs publics <strong>et</strong> compte plus <strong>de</strong> dix sa<strong>la</strong>riés.-Últimamente parece que el oso está a <strong>la</strong>s puertas <strong>de</strong> Oviedo. ¿Con qué re<strong>la</strong>ciona esefenómeno?- Dernièrement, il semble que l’ours est aux portes d’Oviedo. Comment expliquer cephénomène ?- Sin lugar a dudas, con el crecimiento <strong>de</strong> <strong>la</strong> especie. El oso siempre va buscandocomida. Hace unos años, cuando se salía <strong>de</strong> los límites <strong>de</strong> protección <strong>de</strong> Somiedo, eraasesinado por sistema. Las medidas protectoras le han permitido avanzar hacia Proaza yBelmonte sin riesgo alguno.- Sans aucun doute à l’augmentation <strong>de</strong> l’espèce. L’ours va toujours à <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong>nourriture. Il y a quelques années, quand il sortait <strong>de</strong>s limites protégées <strong>de</strong> Somiedo, il étaitsystématiquement abattu. Les moyens <strong>de</strong> <strong>protection</strong> lui ont permis d’avancer jusqu’à Proza <strong>et</strong>Belmonte sans risque aucun.-¿ Y es por algún motivo en concr<strong>et</strong>o?- Est-ce pour un motif particulier ?- Por <strong>la</strong>s <strong>de</strong>spensas alimenticias. Aquí siempre se ha tendido a re<strong>la</strong>cionar al oso con losgran<strong>de</strong>s bosques (Somiedo, Quirós, Monasterio <strong>de</strong> Hermo). Sin embargo, eso sólo soncorredores <strong>de</strong> <strong>de</strong>sp<strong>la</strong>zamiento. Las verda<strong>de</strong>ras <strong>de</strong>spensas se encuentran en otros lugaresmucho más cercanos al hombre. El oso se adapta muy bien al medio humano. Estamosposiblemente ante <strong>la</strong> pob<strong>la</strong>ción <strong>de</strong> osos más humanizada <strong>de</strong> toda Europa.- Pour <strong>les</strong> ressources alimentaires. Ici, on a toujours relié l’ours aux gran<strong>de</strong>s forêts. Enfait, ce sont seulement <strong>de</strong>s corridors <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cement. Les véritab<strong>les</strong> ressources se rencontrent<strong>dans</strong> d’autres lieux très près <strong>de</strong> l’homme. L’ours s’adapte très bien au milieu humain. Il estpossible que nous soyons <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours <strong>la</strong> plus "humanisée" <strong>de</strong> toute l’Europe.C<strong>et</strong> extrait d’un entr<strong>et</strong>ien d’Alfonso Hartasánchez a le mérite <strong>de</strong> rappeler qu’une foisréellement protégé, l’ours recolonise <strong>les</strong> territoires perdus <strong>et</strong> notamment ceux <strong>les</strong> plusanthropisés auxquels il sait très bien s’adapter.Nous avons effectué <strong>de</strong>ux séjours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Asturies (total : 10 jours). L’un à l’invitationdu F.A.P.A.S. pour comprendre <strong>la</strong> situation cantabrique <strong>et</strong> asturienne <strong>et</strong> saisir <strong>les</strong> métho<strong>de</strong>s d<strong>et</strong>ravail <strong>de</strong> l’association, l’autre plus tourné vers l’observation. Nous avons fréquenté <strong>les</strong>secteurs recolonisés par l’ours <strong>et</strong> le territoire <strong>historique</strong> <strong>de</strong> Somiedo. Nous avons été vraiment119


frappés <strong>de</strong> découvrir ces vallées très marquées par l’empreinte <strong>de</strong> l’homme, que recolonisent<strong>les</strong> ours, rappelons le, grâce aux noyaux <strong>historique</strong>s <strong>et</strong> aux réserves <strong>de</strong> chasse. Ils s’approchentmême jusqu’à 6 kilomètres du centre ville d’Oviedo pour manger <strong>les</strong> premières cerises aumois <strong>de</strong> mai ! Là, personne ne <strong>les</strong> voit, on ne relève que leurs empreintes.Pour rendre le propos plus vivant, voici <strong>de</strong>s extraits du compte-rendu du premier séjour,effectué en compagnie <strong>de</strong> Denis Bouissou, administrateur <strong>de</strong> FERUS.Mardi 12 février 2008. Très beau temps sans un nuage <strong>et</strong> température très douce. C’estun temps inhabituel pour <strong>les</strong> Asturies. Nous <strong>de</strong>vrions trouver <strong>de</strong> <strong>la</strong> neige à 7 ou 800 mètres <strong>et</strong>autour <strong>de</strong> nous <strong>les</strong> somm<strong>et</strong>s (1 200 à 1 700 m) sont vierges. La sécheresse sévit <strong>de</strong>puis unmoment. Un vil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong>s Asturies est même privé d’eau !Passons <strong>la</strong> journée avec Roberto Hartasánchez qui a voulu nous montrer une valléeparmi <strong>les</strong> plus anthropisées du coin, <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quelle l’ours regagne <strong>de</strong>s territoires perdus 159 .La vallée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Trubia (Proaza) était autrefois très agricole car dix fois plus peuplée, avecencore <strong>de</strong> nombreuses prairies, certaines en voie <strong>de</strong> colonisation par <strong>les</strong> genêts <strong>et</strong> bruyères, <strong>et</strong>qui est <strong>sur</strong>tout boisée <strong>de</strong> chênes (dont <strong>de</strong>s chênes verts) <strong>et</strong> <strong>de</strong> châtaigniers.Jusqu’en 2000/2004, le Fapas ne trouvait que <strong>de</strong>s traces, <strong>et</strong> connaissait l’existenced’une femelle dont <strong>les</strong> portées ne <strong>sur</strong>vivaient pas. Les oursons étaient victimes <strong>de</strong>s nombreuxcoll<strong>et</strong>s en métal <strong>de</strong>stinés aux sangliers, <strong>et</strong> <strong>la</strong> mère fréquentait souvent une décharge.Aujourd’hui, on a repéré plus <strong>de</strong> 15 ours <strong>dans</strong> <strong>la</strong> vallée, parmi <strong>les</strong>quels 3 femel<strong>les</strong>reproductrices dont <strong>les</strong> portées <strong>sur</strong>vivent. Ces ours vivent au contact <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges, aussipeuplés que ceux <strong>de</strong>s Pyrénées, mais aujourd’hui très attractifs en raison <strong>de</strong> l’image positive<strong>de</strong> l’ours.Roberto Hartasánchez ajoute que personne au début, y compris <strong>les</strong> spécialistes, n’a cruà <strong>la</strong> nouvelle <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> femel<strong>les</strong> reproductrices <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te vallée. Leur associationinsiste beaucoup d’ailleurs pour faire tomber le mythe, dit-il, <strong>de</strong> l’ours très sauvage quivivrait loin <strong>de</strong>s hommes, <strong>et</strong> qui serait donc, par définition, incapable <strong>de</strong> vivre à son contact.Ce qui est faux, <strong>sur</strong>tout <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Asturies, ajoute-t-il. Voici une anecdote intéressante. Laveille, Luis García Fernán<strong>de</strong>s, nous montrait à <strong>la</strong> sortie d’un vil<strong>la</strong>ge une maison, au bord <strong>de</strong><strong>la</strong> route principale que nous empruntions : « Vous voyez, le 31 décembre il y a <strong>de</strong>ux ans, unours est venu griffer c<strong>et</strong>te porte. Le propriétaire, absent ce soir-là, s’en est rendu compte enrentrant chez lui. » C<strong>et</strong>te histoire n’a pas fait scandale <strong>dans</strong> une vallée où <strong>les</strong> habitants sonthabitués, <strong>de</strong> nouveau, à c<strong>et</strong>te présence.Roberto Hartasánchez nous a expliqué que le Fapas, s’appuyant <strong>sur</strong> l’histoire <strong>de</strong>l’occupation du territoire par <strong>les</strong> hommes <strong>et</strong> <strong>les</strong> ours (<strong>et</strong> notamment <strong>dans</strong> <strong>les</strong> <strong>de</strong>rnièresdécennies), cherche à s’approcher <strong>de</strong>s conditions que <strong>les</strong> ours ont connus avant <strong>la</strong> rupturequ’a été <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l’économie agro-pastorale autarcique. En pratique, le Fapas réalise unnourrissage assisté <strong>et</strong> ponctuel <strong>de</strong>s ourses suitées aux moments critiques <strong>de</strong> leur vie, pourpallier l’absence actuelle <strong>de</strong> cadavres <strong>de</strong> vaches <strong>dans</strong> <strong>la</strong> montagne, en application <strong>de</strong> règ<strong>les</strong>communautaires édictées en 2001 suite à <strong>la</strong> crise <strong>de</strong> <strong>la</strong> vache dite folle. Selon le service <strong>de</strong>salertes sanitaires du gouvernement <strong>de</strong>s Asturies, plus <strong>de</strong> 17 000 cadavres ont été récupéréspuis incinérés (dont 6 à 7 000 viennent <strong>de</strong>s territoires ursins, commentaire <strong>de</strong> VincentVignon). Le Fapas dépose ainsi <strong>de</strong>s cadavres <strong>de</strong> chevaux <strong>et</strong> d’ânes <strong>de</strong> façon aléatoire, non159 Ce sont <strong>les</strong> ours <strong>les</strong> plus proches <strong>de</strong> l’Océan. Autrefois, ils al<strong>la</strong>ient très près <strong>de</strong> <strong>la</strong> côte en suivant <strong>les</strong> fonds <strong>de</strong>vallée couverts <strong>de</strong> châtaigniers. L’eucalyptus, espèce d’arbre allocthone <strong>et</strong> sans valeur biologique, amalheureusement pris beaucoup <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>puis.120


loin <strong>de</strong>s sites fréquentés par <strong>les</strong> ourses suitées, au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> sortie <strong>de</strong>s tanières <strong>et</strong> àl’automne.Une autre vision serait <strong>de</strong> ne pas intervenir du tout, comme s’il n’y avait pas eud’hommes <strong>dans</strong> <strong>les</strong> montagnes cantabriques ces cinq <strong>de</strong>rniers millénaires. C’est, dit-il, <strong>la</strong>vision <strong>de</strong> certains universitaires d’Oviedo qui reprochent au Fapas ses actions. Pour cesbiologistes, il s’agit d’actions artificiel<strong>les</strong>, ce à quoi le Fapas répond qu’il s’agit alors d’unartifice vieux <strong>de</strong> 5 ou 6 000 ans, qui n’est donc plus un artifice à part entière. RobertoHartasánchez ajoute que <strong>dans</strong> le cas d’une p<strong>et</strong>ite popu<strong>la</strong>tion d’ours, ce qui est le cas <strong>dans</strong> <strong>la</strong>chaîne <strong>de</strong>s Cantabriques, <strong>la</strong> priorité est <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong>r à recouvrir un bon effectif. C’est pourquoi,l’assistance alimentaire, <strong>dans</strong> le contexte asturien, leur paraît indispensable. Ils disent qu’ilsabandonneront c<strong>et</strong>te manière <strong>de</strong> faire lorsque <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> communautaires auront étémodifiées. (Relevons <strong>de</strong> notre côté que l’activité pastorale est un artifice qui a profondémentbouleversé l’équilibre <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, s’accompagnant d’une réduction du nombre <strong>de</strong>s grandsherbivores sauvages dont <strong>les</strong> cadavres profitent à l’ours <strong>et</strong> aux mammifères strictementcarnivores).À noter que Francisco Purroy, professeur <strong>de</strong> biologie à l’Université <strong>de</strong> León, membre<strong>de</strong> leur comité scientifique, vali<strong>de</strong> <strong>les</strong> travaux du Fapas (nous l’avons rencontré le <strong>de</strong>rnierjour <strong>et</strong> avons vérifié qu’il soutenait en eff<strong>et</strong> l’association <strong>de</strong> très longue date). On litd’ailleurs <strong>dans</strong> le bull<strong>et</strong>in <strong>de</strong> septembre 2006 du Fapas (n°77) que <strong>les</strong> analyses <strong>de</strong>s contenus<strong>de</strong>s excréments d’ours étudiés par Purroy, Clevenger <strong>et</strong> leur équipe démontrent <strong>la</strong> présenceconstante <strong>de</strong> restes <strong>de</strong> charogne <strong>de</strong> bêtes domestiques, entre 5 <strong>et</strong> 12% du volume <strong>de</strong>sexcréments (publications <strong>de</strong> 1991 <strong>et</strong> 1992). Dans un rapport d’octobre 2006 160 , é<strong>la</strong>boré parAlfonso Hartasánchez <strong>et</strong> Francisco Purroy, on lit que le suivi photographique <strong>de</strong>s charognes,en 2004 <strong>et</strong> 2005, <strong>dans</strong> un territoire peuplé d’ours solitaires adultes <strong>et</strong> jeunes <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxfemel<strong>les</strong> reproductrices, prouve <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> attractivité <strong>de</strong> ces charognes pour <strong>les</strong> ours (70%<strong>de</strong>s cadavres sont consommés).(…)Sur <strong>la</strong> finca (propriété agricole), <strong>de</strong>s arbres ont été rep<strong>la</strong>ntés <strong>sur</strong> une pente assez rai<strong>de</strong>où <strong>les</strong> hommes cultivaient autrefois du blé. Dans une grange ouverte, <strong>de</strong>s ruches ont étéinstallées à l’étage <strong>et</strong> nous constatons que le couvercle <strong>de</strong> certaines d’entre el<strong>les</strong> a étésoulevé. C’est le travail <strong>de</strong> l’ours dont nous trouvons une crotte séchée (<strong>de</strong> janvier semble-til)pleine <strong>de</strong> restes <strong>de</strong> couvain. Et <strong>sur</strong>prise, <strong>la</strong> tanière est à quelques centaines <strong>de</strong> mètres <strong>de</strong>nous, à moins <strong>de</strong> 500 mètres d’altitu<strong>de</strong>… Dans un creux, un cadavre d’âne a été déposé en find’automne/début d’hiver pour vérifier si l’ourse irait s’alimenter. Ce ne fut pas le cas <strong>et</strong>l’animal s’est contenté d’un peu <strong>de</strong> couvain. Un appareil photographique est p<strong>la</strong>cé près ducadavre.Pourquoi <strong>de</strong>s ruches <strong>de</strong>stinées à l’ours ? On constate <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Asturies, où l’oursattaque <strong>les</strong> ruches, autrefois plus nombreuses, que <strong>les</strong> dégâts aux ruchers ont grimpé <strong>de</strong> façonbrutale <strong>de</strong>puis l’obligation d’envoyer <strong>les</strong> cadavres bovins à l’équarrissage. De 12, <strong>les</strong> dégâtssont passés à 500 ruches par an ! La métho<strong>de</strong> du Fapas consiste donc à pallier l’absenced’une ressource mais <strong>sur</strong>tout à éviter <strong>les</strong> conflits entre <strong>les</strong> hommes <strong>et</strong> <strong>les</strong> ours.Outre <strong>les</strong> vautours, voyons <strong>de</strong>s grands corbeaux, <strong>de</strong>s corneil<strong>les</strong> <strong>et</strong> geais. Des hellébores<strong>et</strong> viol<strong>et</strong>tes sont en fleurs. Les nois<strong>et</strong>iers aussi.Le vil<strong>la</strong>ge est à moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux kilomètres du site <strong>de</strong> <strong>la</strong> tanière. On nous montre unemaison <strong>et</strong> le pommier qui en est voisin : l’ours est venu l’automne passé manger <strong>de</strong>s fruits<strong>dans</strong> l’arbre…160 Informe sobre <strong>la</strong> importancia <strong>de</strong> <strong>la</strong>s carroñas <strong>de</strong> ganado doméstico para el oso pardo cantábrico, FAPAS <strong>et</strong>Universidad <strong>de</strong> León, 10 pages.121


Ces ours asturiens vivent <strong>et</strong> hivernent donc très proches <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges <strong>et</strong> nul ne s’enétonne. Jean-Michel Par<strong>de</strong> avait noté pour <strong>les</strong> Pyrénées centra<strong>les</strong> que « <strong>la</strong> disposition <strong>de</strong>s sitesd’hibernation, parfois assez proches <strong>de</strong>s instal<strong>la</strong>tions humaines montre que l’ourss’accommo<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> proximité <strong>de</strong> l’homme. Ceci est va<strong>la</strong>ble aussi bien <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones trèshumanisées <strong>de</strong>s Asturies que <strong>dans</strong> <strong>la</strong> forêt russe. 161 » On nous a également raconté c<strong>et</strong>tehistoire d’une famille <strong>de</strong> Madrilènes qui en promena<strong>de</strong> le long <strong>de</strong> <strong>la</strong> Senda <strong>de</strong>l oso (chemin <strong>de</strong>l’ours) croit apercevoir, <strong>de</strong> jour, un homme accoudé à regar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> rivière : c’était un ours !Les frères Hartasánchez estiment ainsi à <strong>la</strong> lumière <strong>de</strong> ce qu’ils connaissent, <strong>et</strong>singulièrement <strong>de</strong>puis <strong>les</strong> années 2000, que 500 ours pourraient ainsi habiter <strong>la</strong> CordillèreCantabrique… mais aussi <strong>les</strong> Pyrénées. Ils connaissent bien <strong>les</strong> Pyrénées <strong>de</strong>puis 25 ans,notamment grâce aux échanges avec le F.I.E.P. Ils disent (<strong>et</strong> ne sont pas <strong>les</strong> seuls) que lepiémont nord <strong>et</strong> <strong>les</strong> pré-Pyrénées sud sont plus riches pour <strong>les</strong> ours que <strong>la</strong> haute chaîne. Pourmémoire <strong>les</strong> ours ont disparu du Lavedan <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> très vaste forêt <strong>de</strong> St-Pé (piémont <strong>de</strong>sHautes-Pyrénées, région <strong>de</strong> Lour<strong>de</strong>s) entre 1970 <strong>et</strong> 1975, non pas en raison <strong>de</strong> l’altération <strong>de</strong>leur biotope mais par <strong>de</strong>struction directe.Au printemps 1989, <strong>les</strong> Russes Koudatkine <strong>et</strong> Paj<strong>et</strong>nov, très grands connaisseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong>nature <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ours, en visite <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, avaient <strong>de</strong> leur côté estimé <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong>shabitats <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers ours pyrénéens. Pour le Béarn, voici ce qu’on peut lire <strong>dans</strong> le compterendu<strong>de</strong> leur séjour : « Les différents biotopes, <strong>de</strong>s hêtraies du piémont (pour l’automne) auxpâturages d’altitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> haute vallée d’Aspe constituent <strong>de</strong>s terrains particulièrementfavorab<strong>les</strong> à l’ours brun. Ils sont en ce<strong>la</strong> tout à fait simi<strong>la</strong>ires à ceux <strong>de</strong> <strong>la</strong> chaîne du Caucase.(…) Ils estiment <strong>les</strong> potentialités à environ 1 ours/ 1 000 hectares, soit 40 à 50 ours <strong>sur</strong> <strong>la</strong> zoneactuelle. Ainsi, estiment-ils que <strong>la</strong> forêt d’Issaux à elle seule pourrait abriter une dizained’ours. 162 »Espagnols <strong>et</strong> Russes à vingt ans d’intervalle sentent <strong>et</strong> disent au fond <strong>la</strong> même chose.Quelques éléments <strong>sur</strong> l’ours en SlovénieLa Slovénie est un p<strong>et</strong>it pays <strong>de</strong> 2 millions d’habitants à peine, mais dont <strong>la</strong> <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong>popu<strong>la</strong>tion en 1995 était <strong>de</strong> 99 habitants/km2 163 , soit une <strong>de</strong>nsité analogue à celle <strong>de</strong> <strong>la</strong>France. La plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours vit <strong>dans</strong> un territoire accolé à <strong>la</strong>frontière croate, qui en1966 est <strong>de</strong>venue une zone réservée à <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>et</strong> à <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>l’ours brun (Zone centrale <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours), sans par ailleurs que <strong>la</strong> Slovénie neprenne <strong>de</strong> me<strong>sur</strong>es particulières <strong>de</strong> limitation <strong>de</strong>s activités humaines. Nous évoquerons ici <strong>la</strong>région <strong>de</strong> Kocevje <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quelle vivent une gran<strong>de</strong> quantité d’ours <strong>et</strong> dont proviennent ceuxlâchés <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées en 1996 <strong>et</strong> 1997 <strong>et</strong> une partie <strong>de</strong> ceux lâchés en 2006. J’ai passé près<strong>de</strong> neuf semaines, réparties en trois séjours, <strong>de</strong> 2005 à 2008, <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te région. J’étais presqu<strong>et</strong>ous <strong>les</strong> jours <strong>sur</strong> le terrain, parfois <strong>de</strong>s journées <strong>et</strong> nuits entières, seul ou accompagné. J’aicôtoyé <strong>de</strong> très nombreux habitants, <strong>de</strong>s forestiers, <strong>de</strong>s chasseurs, <strong>de</strong>s éleveurs.161 J.-M. Par<strong>de</strong>, « Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> faisabilité du renforcement <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions d’ours brun <strong>de</strong>s Pyrénées centra<strong>les</strong> <strong>et</strong>orienta<strong>les</strong>. Potentialités biologiques », A.R.E.M.I.P., S.P.N.M.P., contrat <strong>de</strong> <strong>la</strong> D.P.N., juill<strong>et</strong> 1989, page 4.162 Compte-rendu <strong>de</strong> <strong>la</strong> visite <strong>de</strong> chercheurs soviétiques spécialistes <strong>de</strong> l’ours brun en vallée d’Aspe, 30 <strong>et</strong> 31 mai1989, O.N.F. <strong>et</strong> Parc National <strong>de</strong>s Pyrénées.163 <strong>Rapport</strong> d’enquête en vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> réintroduction <strong>de</strong> l’ours brun <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées centra<strong>les</strong>, A<strong>la</strong>in Arquillière <strong>et</strong>Ro<strong>la</strong>nd Guichard, Ministère <strong>de</strong> l’Environnement, Artus, mai 1995.122


C<strong>et</strong>te région est un grand karst boisé, entrecoupé <strong>de</strong> <strong>la</strong>rges prairies <strong>de</strong> fauche, <strong>de</strong> prairiesd’élevage <strong>de</strong> vaches <strong>et</strong> <strong>de</strong> moutons 164 <strong>et</strong> <strong>de</strong> champs <strong>de</strong> maïs. La <strong>de</strong>nsité humaine y était <strong>de</strong> 22habitants au km2 en 1991. La plus forte <strong>de</strong>nsité a été connue en 1869, avec presque 33habitants au km2. Puis pour <strong>de</strong>s raisons économiques <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion a lentement diminué, pourchuter pendant <strong>et</strong> après guerre pour <strong>de</strong>s raisons politiques <strong>et</strong> <strong>et</strong>hniques. De 17 199 habitants en1936, elle est en eff<strong>et</strong> passée à 9 434 habitants en 1948. C’est à c<strong>et</strong>te époque que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tiond’ours fut <strong>la</strong> plus faible, une cinquantaine d’individus (peut-être plus) pour une <strong>de</strong>nsitéhumaine <strong>de</strong> 11,32 habitants au km2. La popu<strong>la</strong>tion d’ours a <strong>la</strong>rgement augmenté <strong>de</strong>puis, celle<strong>de</strong>s hommes aussi puisqu’elle a presque doublé entre 1948 <strong>et</strong> 1991. C<strong>et</strong>te popu<strong>la</strong>tion s’estconcentrée <strong>dans</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Kocevje <strong>et</strong> <strong>dans</strong> un moins grand nombre <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ges qu’avantguerre. En eff<strong>et</strong>, <strong>la</strong> politique hitlérienne a entraîné l’abandon <strong>de</strong> nombreux vil<strong>la</strong>ges autrefoispeuplés d’une vieille souche germanique. Ces vil<strong>la</strong>ges avaient d’ailleurs été détruits pendant<strong>la</strong> guerre par <strong>les</strong> troupes italiennes qui combattaient <strong>les</strong> résistants slovènes. De 173 vil<strong>la</strong>ges <strong>et</strong>hameaux en 1930 il n’en restait que 96 en 1961 <strong>et</strong> 76 en 1992 165 . Comme l’avait si bien notéRobert Hainard, <strong>la</strong> méchanc<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s hommes entre eux a favorisé <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> <strong>la</strong> faune sauvage.La forêt couvre <strong>de</strong> 80 à 95% <strong>de</strong>s districts <strong>de</strong> ce territoire, est exploitée en très gran<strong>de</strong>partie, excepté quelques forêts primaires, intelligemment conservées par le prince Auesbergen 1892, <strong>et</strong> <strong>les</strong> parties vraiment inaccessib<strong>les</strong>. Un réseau très <strong>de</strong>nse <strong>de</strong> routes <strong>et</strong> pistesforestières tout à fait carrossab<strong>les</strong> sillonne <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s massifs, ce qui étonne d’ailleurs tous<strong>les</strong> naturalistes <strong>et</strong> forestiers qui visitent <strong>la</strong> région 166 . Ce réseau s’explique par <strong>la</strong> gestionforestière dite naturelle qui impose <strong>de</strong> choisir arbre par arbre <strong>et</strong> donc <strong>de</strong> s’en rapprocher. Il estfréquent d’y rencontrer, outre <strong>de</strong>s forestiers, <strong>de</strong>s apiculteurs autour <strong>de</strong> dizaines <strong>de</strong> ruchesréunies parfois <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s camions. Les routes <strong>et</strong> pistes sont empruntées par tout un chacun.Selon <strong>les</strong> lieux, on y voit aussi <strong>de</strong>s promeneurs <strong>de</strong> tous âges, <strong>de</strong>s personnes à cheval, <strong>de</strong>scoureurs, <strong>et</strong>c. L’image d’un « désert forestier » véhiculée par certains est un fantasmeultrapastoral.L’ours jouit cependant d’une gran<strong>de</strong> tranquillité <strong>et</strong> ce pour plusieurs raisons. D’une part,le relief karstique est très accusé, mê<strong>la</strong>nt grosses pierres <strong>et</strong> blocs en équilibre, immensesdolines, gouffres, <strong>et</strong>c., un territoire idéal pour se réfugier <strong>et</strong> échapper aux intrus. D’autre part,<strong>la</strong> chasse telle qu’elle est pratiquée est peu dérangeante pour <strong>la</strong> faune puisqu’il s’agitessentiellement <strong>de</strong> tirs <strong>de</strong> sélection <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s miradors. Enfin, l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion estconciliante avec l’ours <strong>et</strong> <strong>la</strong> faune en général, même si, comme <strong>dans</strong> tous <strong>les</strong> pays habités parl’ours, on peut rencontrer <strong>de</strong>s personnes ayant peur <strong>de</strong> lui.Dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Kocevje, il est possible <strong>de</strong> voir un ours à peu près partout, même en<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, étant entendu que <strong>les</strong> rencontres sont rares hormis <strong>de</strong>puis <strong>les</strong> miradors.Nous avons collecté divers témoignages qui démontrent <strong>la</strong> parfaite adaptation <strong>de</strong> l’ours à unenvironnement anthropisé qui est celui <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> pays d’Europe occi<strong>de</strong>ntale <strong>et</strong> centrale.Plusieurs personnes nous ont raconté leur rencontre avec une ourse <strong>et</strong> ses p<strong>et</strong>its à quelques164 L’Etat slovène a décidé au début <strong>de</strong>s années 90 <strong>de</strong> revitaliser l’agriculture <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’élevage, avec notamment<strong>de</strong>s subventions à l’élevage ovin alors que l’économie <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone centrale <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours était fondée<strong>sur</strong> l’élevage bovin (<strong>sur</strong>tout en stabu<strong>la</strong>tion après-guerre).165 B. Kryštufek, Božidar F<strong>la</strong>jšman <strong>et</strong> H. Griffiths, Living with bears, A <strong>la</strong>rge european carnivore in a shrinkingworld, L.D.S, Ljubljana, 2003.166 Pierre Commeville (O.N.F.) <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> Slovénie en 2001 note <strong>dans</strong> son rapport que <strong>la</strong> région dispose d’unemoyenne <strong>de</strong> 20m/ha <strong>de</strong> pistes forestières <strong>et</strong> 90m/ha <strong>de</strong> <strong>la</strong>yons <strong>de</strong> débardage. Seulement 2% du réseau est ouvertentre novembre <strong>et</strong> avril à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> neige (document prêté par Cl. Berducou). En 1994, Miha Adamitch citait2 809 kilomètres <strong>de</strong> routes construites en Slovénie entre 1980 <strong>et</strong> 1989, <strong>la</strong> plupart <strong>dans</strong> <strong>les</strong> hêtraies dinariques.123


mètres <strong>de</strong> distance, sans que l’animal n’ait été agressif. Une serveuse d’un restaurant a évoqué<strong>de</strong>vant nous <strong>la</strong> banalité que représente le passage nocturne <strong>de</strong> l’ours aux abords du bâtiment.Il lui arrive <strong>de</strong> quitter son travail après le coucher du soleil. C<strong>et</strong>te jeune femme albanomonténégrine,mère d’une p<strong>et</strong>ite fille, est-elle plus courageuse qu’un grand gail<strong>la</strong>rdpyrénéen ? Ou bien ses origines balkaniques <strong>la</strong> condamne-t-elle à être inconsciente ? Nousposons ces questions aux agitateurs <strong>et</strong> provocateurs <strong>de</strong> fausses nouvel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s groupesultrapastoraux <strong>et</strong> aux élus qui <strong>les</strong> soutiennent.Un ancien légionnaire nous a raconté également avoir vu <strong>de</strong>puis sa fenêtre un vieilhomme <strong>et</strong> son p<strong>et</strong>it chien <strong>sur</strong>pris par une ourse suitée. L’homme a pris son chien, effrayé,<strong>dans</strong> ses bras, <strong>et</strong> l’ourse a poursuivi tranquillement son chemin. Notons que <strong>dans</strong> ce cas ils’agit d’un passage utilisé fréquemment par une ourse entre <strong>la</strong> lisière forestière <strong>et</strong> <strong>de</strong>s prairies<strong>et</strong> bouqu<strong>et</strong>s <strong>de</strong> p<strong>et</strong>its sau<strong>les</strong> inondés où l’animal se cache <strong>et</strong> va boire. Ce passage se situe à <strong>la</strong>sortie <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Kocevje en pleine zone urbanisée, territoire p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it gagné <strong>sur</strong> celui <strong>de</strong>l’ours. L’ancien directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve <strong>de</strong> Rog (Medved aujourd’hui), M. Lado Švigelj, grandchasseur, nous a confirmé le passage très régulier <strong>de</strong> ces ours qu’il observe lui aussi.Nous avons-nous-mêmes quelques expériences <strong>et</strong> observations à ce suj<strong>et</strong>. Il nous estarrivé <strong>de</strong> passer une semaine avec plus <strong>de</strong> dix personnes, dont <strong>de</strong>s enfants, <strong>dans</strong> une maisonforestière, alors que plusieurs ours vivaient à très faible distance <strong>de</strong> nous. Nous r<strong>et</strong>rouvions<strong>de</strong>s indices <strong>de</strong> leur présence aux abords immédiats <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison, <strong>les</strong> avons entendus à <strong>de</strong>uxreprises en fin d’après-midi, nous <strong>les</strong> avons gu<strong>et</strong>tés <strong>de</strong> nuit <strong>et</strong> ne <strong>les</strong> avons jamais vus. Aumois <strong>de</strong> mai 2008, peu après le coucher du soleil, nous avons observé à quinze mètres <strong>de</strong> nous<strong>de</strong>ux ours, sans doute <strong>dans</strong> leur <strong>de</strong>uxième année, <strong>sur</strong> une route forestière. Une fois le moteur<strong>de</strong> <strong>la</strong> voiture coupé, un <strong>de</strong>s ours s’est arrêté, s’est assis <strong>et</strong> nous a regardé, a même mangéquelques herbes alors qu’il était éc<strong>la</strong>iré par <strong>les</strong> phares. Il a tranquillement repris sa route,rejoint le second <strong>et</strong> tous <strong>de</strong>ux ont fuit <strong>de</strong>vant l’arrivée d’un… quad tonitruant ! Terminons endisant qu’au terme <strong>de</strong> semaines entières en plein cœur du territoire <strong>de</strong>s ours, nous l’avons vutrois fois sans l’artifice d’un mirador <strong>et</strong> l’avons manqué plusieurs fois <strong>de</strong> peu, au vu <strong>de</strong> traces<strong>et</strong> crottes fraîches. Preuve que l’homme <strong>et</strong> l’ours peuvent évoluer <strong>sur</strong> un même territoire, àcondition bien évi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong> respecter <strong>de</strong>s règ<strong>les</strong> élémentaires <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce.Si <strong>de</strong>s conflits entre <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ours ont eu lieu <strong>et</strong> auront lieu en Slovénie, ilssont bien peu nombreux. Ils obéissent d’une part à l’invasion du domaine <strong>de</strong> l’ours par <strong>les</strong>hommes qui édifient <strong>de</strong>s maisons près <strong>de</strong> passages ou s’aventurent trop près <strong>de</strong>s femel<strong>les</strong>suitées. D’autre part, ils sont causés par l’arrivée <strong>dans</strong> <strong>les</strong> territoires habités par l’ours <strong>de</strong>personnes n’ayant aucune expérience <strong>de</strong> ces animaux, <strong>et</strong> qui par ignorance en ontpeur 167 . Enfin, ils proviennent <strong>de</strong> prédations, faib<strong>les</strong>, <strong>de</strong> l’ours <strong>sur</strong> le bétail. Cependant, le loupcause plus <strong>de</strong> problèmes que l’ours <strong>et</strong> un p<strong>et</strong>it éleveur <strong>de</strong> moutons nous a confirmé que nil’ours ni le loup n’attaquaient son troupeau mais <strong>les</strong> grands corbeaux oui. Nous avonsd’ailleurs passé dix jours <strong>dans</strong> un hameau où plusieurs personnes possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s moutonsautour <strong>de</strong> leurs propriétés, alors que <strong>les</strong> ours vivent <strong>de</strong> part <strong>et</strong> d’autre <strong>de</strong>s maisons, traversentle hameau <strong>la</strong> nuit pour aller notamment manger <strong>de</strong>s fruits <strong>dans</strong> <strong>les</strong> vergers, <strong>de</strong>s <strong>la</strong>rves <strong>de</strong>fourmis ou <strong>de</strong> l’ail <strong>de</strong>s ours, très abondant. On ne relève aucun dégât <strong>sur</strong> <strong>les</strong> bêtesdomestiques.Au diable <strong>les</strong> clichés ! L’ours vit en bonne intelligence avec <strong>les</strong> hommes <strong>dans</strong> <strong>les</strong>territoires <strong>de</strong> Slovénie <strong>et</strong> ne prolifère pas. Les Slovènes sont très conscients <strong>de</strong>s réalitésqu’imposent <strong>la</strong> vie aux côtés <strong>de</strong>s ours. Les ours ont un régime alimentaire c<strong>la</strong>ssique par167 Living with bears, op.cit. Un <strong>de</strong> nos amis slovènes confirme ces dires.124


apport aux autres ours d’Europe, essentiellement végétarien. Les chasseurs appâtent <strong>les</strong> ourspour <strong>les</strong> faire venir aux p<strong>la</strong>ces <strong>sur</strong> <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils seront tirés, <strong>et</strong> pour réduire <strong>les</strong> conflits avec<strong>les</strong> activités humaines. Une réserve <strong>de</strong> chasse autorise le dépôt <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>. Miha Adamic écritqu’il serait très dur <strong>de</strong> prouver que <strong>les</strong> apports <strong>de</strong> nourriture sont <strong>la</strong> raison principaled’attitu<strong>de</strong>s nouvel<strong>les</strong> vis-à-vis <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>et</strong> <strong>de</strong> leurs biens. Il estime que <strong>la</strong> distributionspatiale <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges <strong>et</strong> hameaux, mêlés à <strong>la</strong> forêt, favorise <strong>la</strong> venue <strong>de</strong>s ours en quête <strong>de</strong> restes<strong>la</strong>issés par <strong>les</strong> hommes ou d’autres sources <strong>de</strong> nourriture 168 .La Slovénie est un pays très équipé, <strong>les</strong> gens roulent vite <strong>sur</strong> <strong>les</strong> routes au vo<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>voitures <strong>de</strong> cylindrée souvent bien plus importante qu’en France, <strong>et</strong> l’ours paie ainsi un lourdtribut aux trafics routier <strong>et</strong> ferroviaire puisque 103 individus ont été tués entre 2002 <strong>et</strong> 2006(voir ci-après).Ceux qui préten<strong>de</strong>nt que <strong>dans</strong> ce pays on aurait trouvé un équilibre durable <strong>dans</strong> <strong>la</strong>séparation <strong>de</strong>s zones à ours <strong>et</strong> <strong>de</strong>s activités humaines, pour promouvoir un "cantonnement"<strong>de</strong>s ours, mentent. Comme partout, <strong>les</strong> hommes tentent <strong>de</strong> partager au mieux leur territoireavec l’espace vital <strong>de</strong>s ours.Les menaces pesant <strong>sur</strong> l’espace vital <strong>de</strong> l’oursMalgré une p<strong>la</strong>sticité étonnante, l’ours ne s’accommo<strong>de</strong> pas <strong>de</strong> certains travaux <strong>et</strong>dérangements <strong>sur</strong> son territoire, <strong>et</strong> notamment <strong>dans</strong> ses zones refuge où il hiverne, sereproduit, se nourrit à l’automne.Dans <strong>la</strong> pré-fiche mentionnée plus haut, l’Equipe Technique Ours a évalué l’état <strong>de</strong>l’habitat comme favorable, malgré <strong>les</strong> pressions <strong>et</strong> menaces suivantes. Nous <strong>les</strong> reprenons ànotre compte.- Activités agrico<strong>les</strong> <strong>et</strong> forestières : gestion forestière, élimination <strong>de</strong>s sous-étages,élimination <strong>de</strong>s arbres morts ou dépérissants, déboisement, brû<strong>la</strong>ge (feux pastoraux).- Activités minières : menaces- Infrastructures- routes <strong>et</strong> autoroutes : menaces- amélioration <strong>de</strong> l’accès du site : menaces- Loisirs <strong>et</strong> tourisme- complexe <strong>de</strong> ski : menaces- sports <strong>et</strong> loisirs <strong>de</strong> nature : menaces.La gestion forestière défavorable à l’oursSi <strong>la</strong> forêt regagne du terrain <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, mais peu <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> pression <strong>de</strong>s feux pastoraux (commentaire personnel recueilli à <strong>la</strong> D.D.A.F.<strong>de</strong>s P.-A.), ce n’est pas sans exciter <strong>de</strong>s convoitises. Et <strong>dans</strong> certains cas, l’ours, mais aussi legrand tétras <strong>et</strong> d’autres espèces sensib<strong>les</strong>, souffrent d’une exploitation <strong>de</strong> leurs refuges. On lenote partout y compris <strong>dans</strong> <strong>les</strong> grands espaces russes. Dans le Caucase septentrional, <strong>de</strong>schercheurs décrivent <strong>les</strong> conséquences négatives <strong>de</strong> certaines coupes <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s hêtraiesd’engraissement automnal, d’hélibardage qui effraient <strong>les</strong> animaux 169 .168 Living with bears, op. cit., pp. 167 <strong>et</strong> s.169 Bobyr <strong>et</strong> Koudatkine, « L’ours brun <strong>dans</strong> le Caucase septentrional », in Les ours en U.R.S.S., Académie <strong>de</strong>ssciences, 1991.125


Dès l’origine <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours s’est heurtée aux ambitions <strong>de</strong>s communes <strong>et</strong> <strong>de</strong>l’O.N.F. qui exploite <strong>les</strong> forêts à leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. C’est ainsi, par exemple, qu’à <strong>la</strong> réunion du30 janvier 1981 à <strong>la</strong> D.N.P., on parle <strong>de</strong> problèmes <strong>de</strong> « <strong>sur</strong><strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> bois en Luchonnais quiren<strong>de</strong>nt l’exploitation nécessaire ». Le seul principe est d’interdire l’exploitation <strong>dans</strong> unpérimètre autour <strong>de</strong>s tanières. Une dizaine <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>s en cours ou non sont jugés perturbantspour l’ours.Assez tôt, on a également posé <strong>la</strong> question <strong>de</strong> ne pas exploiter temporairement <strong>la</strong> forêtmoyennant une in<strong>de</strong>mnisation, ce qui rencontra un certain succès auprès <strong>de</strong>s communes. Leconseiller général <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Aspe, Robert Ba<strong>la</strong>ngué, répondait favorablement pour <strong>les</strong>communes aspoises le 3 juill<strong>et</strong> 1981. Des reports <strong>de</strong> coupe furent donc in<strong>de</strong>mnisés au profit<strong>de</strong>s communes forestières.Lors d’une réunion du 28 novembre 1985 à l’O.N.C. pour faire le bi<strong>la</strong>n d’application <strong>de</strong><strong>de</strong>ux ans du P<strong>la</strong>n Ours, il est jugé <strong>dans</strong> le compte-rendu que ; « Actuellement <strong>les</strong> négociationssont assez partiel<strong>les</strong> <strong>et</strong> il s’agit d’une politique menée au coup par coup. On constate que <strong>les</strong>réunions avant <strong>les</strong> proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> mise en vente <strong>de</strong> coupes ne sont pas systématiques <strong>et</strong> tous <strong>les</strong>membres du groupe ours <strong>de</strong>vraient pouvoir connaître <strong>les</strong> programmes d’exploitation <strong>dans</strong> <strong>les</strong>5 ans à venir, au moins pour <strong>les</strong> zones rouges. » Si l’O.N.F. as<strong>sur</strong>e qu’elle informera <strong>les</strong>membres qui le souhaitent, <strong>la</strong> situation n’évolue pas beaucoup <strong>sur</strong> le terrain. Les communes<strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Aspe, <strong>de</strong> leur côté, rej<strong>et</strong>tent l’esprit <strong>de</strong> <strong>la</strong> directive ministérielle <strong>de</strong> septembre1988 quant aux aménagements forestiers.Le F.I.E.P. qui a réalisé un gros travail <strong>de</strong> préservation <strong>de</strong>s forêts as<strong>sur</strong>e en 2007 qu’unegestion adaptée à l’ours s’étend <strong>sur</strong> 42 000 hectares en France <strong>et</strong> 28 000 en Navarre <strong>et</strong>Aragon. La résistance associative, il est vrai, a freiné <strong>les</strong> ar<strong>de</strong>urs <strong>les</strong> plus néfastes à certainsmilieux. La S.E.P.A.N.S.O.-Béarn, a lutté elle aussi avec succès <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 90 pour <strong>la</strong>sauvegar<strong>de</strong> du massif <strong>de</strong>s Coundres <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Borce. Les menaces pèsent toujours.Les forêts <strong>de</strong> Lescun, ex « vil<strong>la</strong>ge aux ours », pour <strong>les</strong> citer ont considérablement souffert <strong>de</strong>l’exploitation <strong>et</strong> sont zébrées en tous sens.En Pyrénées centra<strong>les</strong>, alors que <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers ours s’éteignaient, on posait <strong>la</strong> questionsuivante : « le problème est <strong>de</strong> savoir s’il faut continuer d’imposer <strong>de</strong>s contraintes aux éluspour seulement 5 ours recensés en Midi-Pyrénées ou si l’on étudie <strong>la</strong> possibilité d’uneréimp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion. (…) D’autres inquiétu<strong>de</strong>s sont apparues comme celle <strong>de</strong> savoirsi <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ursine n’al<strong>la</strong>it pas à l’encontre du développementéconomique ; comment se fera l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt qui est un élément important <strong>de</strong>l’équilibre budgétaire <strong>de</strong>s collectivités territoria<strong>les</strong> (…) 170 »C’est qu’une fois <strong>les</strong> ours disparus, <strong>les</strong> quelques bonnes résolutions prises ou imposéess’effacent. Exemple en 1994, en Comminges. L’association Nature Comminges par <strong>la</strong> voix <strong>de</strong>son prési<strong>de</strong>nt Germain Dodos s’oppose à l’autorisation <strong>de</strong> coupe donnée par l’O.N.F. <strong>sur</strong> uneparcelle <strong>de</strong> 16 hectares <strong>dans</strong> un territoire ursin (forêt <strong>de</strong> Couledoux). Des pistes <strong>de</strong> plusieurskilomètres <strong>de</strong> longeur sont également prévues <strong>dans</strong> le massif. Nature Comminges <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>la</strong>préservation <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> parcel<strong>les</strong> non exploitées situées <strong>dans</strong> le territoire ursin. À <strong>la</strong> mêmeépoque le représentant <strong>de</strong> Nature Midi Pyrénées a démissionné du Comité technique ours.170 Compte-rendu <strong>de</strong> <strong>la</strong> réunion "Ours", préfecture <strong>de</strong> Saint-Gau<strong>de</strong>ns, 30 juin1989.126


Aujourd’hui, alors que le "P<strong>la</strong>n Ours" s’applique, on ne peut qu’être inqui<strong>et</strong>, à l’instar<strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature comme Nature Comminges ou le F.I.E.P., par <strong>la</strong>doctrine exprimée en matière <strong>de</strong> gestion forestière.La <strong>de</strong>rnière réunion du Comité technique ours <strong>de</strong> Saint-Gau<strong>de</strong>ns a eu lieu le 12 juill<strong>et</strong>2005. Au cours <strong>de</strong> celle-ci <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière du bois ont exprimé leur volonté quel’ensemble <strong>de</strong>s aménagements <strong>et</strong> <strong>de</strong>s coupes, ainsi que <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> voirie ne fassent plusl’obj<strong>et</strong> d’un examen en commun par <strong>les</strong> participants du Comité. Leur vœu sera exaucépuisque le Comité ne se réunit plus. Déjà, en juin 2003, Nature Comminges qui participait àune réunion du Comité notait que « <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s coupes n’a pas fait l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong>recommandations particulières, notamment vis-à-vis <strong>de</strong> l’habitat, ce qui nous paraît très<strong>la</strong>rgement insuffisant, étant donné <strong>les</strong> exigences <strong>de</strong> l’ours. 171 » Toutefois, <strong>les</strong> interventions <strong>de</strong>Nature Comminges avaient leur efficacité puisque l’association a permis en mai 2004 d<strong>et</strong>rouver un compromis pour éviter que <strong>de</strong>s coupes ajournées <strong>dans</strong> un très beau massif refuge<strong>de</strong> l’ours, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Mel<strong>les</strong>, ne soient mises à <strong>la</strong> vente 172 .Depuis c<strong>et</strong>te époque, <strong>les</strong> associations ont émis <strong>de</strong>s propositions en matière d’exploitationforestière. Nous réaffirmons ici <strong>la</strong> critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> Coordination Cap Ours qui constatait àl’automne 2005 que ces propositions n’avaient pas été prises en compte.Au contraire, le P<strong>la</strong>n Ours (page 28) insiste lour<strong>de</strong>ment <strong>sur</strong> <strong>les</strong> « handicaps » queprésenterait <strong>la</strong> forêt pyrénéenne :- Le relief : 82% <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>sur</strong>face forestière est située <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s pentes à 30%, mais c’estjustement le milieu refuge <strong>de</strong> l’ours, voir page 22 du même p<strong>la</strong>n.- Le « vieillissement marqué <strong>de</strong>s peuplements ».Ce <strong>de</strong>rnier point inquiète tant <strong>les</strong> rédacteurs du p<strong>la</strong>n, qu’ils préconisent « unrajeunissement vigoureux qui implique un accroissement sensible <strong>de</strong> l’effort <strong>de</strong> régénérationnaturelle <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones accessib<strong>les</strong> <strong>et</strong> l’atteinte d’un équilibre sylvo-cynégétique. » Fortheureusement, une part non négligeable <strong>de</strong>s forêts relevant du régime forestier est inaccessible<strong>et</strong> non <strong>de</strong>sservie.Une telle doctrine forestière, à l’heure du discours mondial <strong>sur</strong> <strong>la</strong> biodiversité, ne <strong>de</strong>vraitplus avoir <strong>de</strong> mise, <strong>sur</strong>tout <strong>dans</strong> un p<strong>la</strong>n qui se propose <strong>de</strong> restaurer <strong>et</strong> conserver une espèce engran<strong>de</strong> partie liée à <strong>la</strong> forêt. Les experts Servheen <strong>et</strong> Huber avaient justement énoncé en 1993qu’« il n’est pas possible d’avoir à <strong>la</strong> fois <strong>de</strong>s ours <strong>et</strong> une utilisation maximale par l’homme <strong>de</strong>l’habitat <strong>de</strong> l’ours »Rappelons qu’une forêt ne « vieillit » pas mais suit un processus d’évolution naturelle,qui s’il va à son terme, perm<strong>et</strong> aux jeunes pousses <strong>de</strong> côtoyer <strong>de</strong>s arbres murs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s arbresmorts <strong>sur</strong> pied ou en voie <strong>de</strong> décomposition au sol. Ce type <strong>de</strong> forêt, appelé « forêt naturelle »,« forêt sub-naturelle », « vieille forêt » ou « forêt primaire » est malheureusement encore troprare en France. Et c’est justement <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées que se trouve une part importante <strong>de</strong>s<strong>sur</strong>faces forestières à haute valeur pour <strong>la</strong> biodiversité remarquable, notamment l’Ariège avec105 000 hectares. (Source : Daniel Val<strong>la</strong>uri, Laurent Ponc<strong>et</strong>, « La <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s forêts en171 Le Grand Tétras, bull<strong>et</strong>in d’information <strong>de</strong> l’A. Nature Comminges, n°8, juin 2004.172 Op. cit. L’association a également réalisé un rapport très instructif <strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te affaire.127


France métropolitaine », page 111, Livre b<strong>la</strong>nc <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s forêts naturel<strong>les</strong> enFrance, W.W.F., éditions Tec <strong>et</strong> doc, 2003, un ouvrage remarquable).Rappelons aussi qu’une forêt naturelle <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ite <strong>sur</strong>face (300 ha) abrite un nombred’espèces supérieur à 5 000, <strong>et</strong> qu’une gran<strong>de</strong> forêt naturelle (plusieurs milliers d’hectares) enabrite plus <strong>de</strong> 10 000, loin <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> milieux qu’on appelle "ouverts" (Livre b<strong>la</strong>nc, op.cit,page 128)Le "P<strong>la</strong>n ours" ne mentionne pas du tout ces richesses pour se cantonner à une visiontrès économique <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt qui nie <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité, <strong>et</strong> notamment d’espècesaussi emblématiques que le grand tétras qui vit très souvent au contact <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong>forêts pyrénéennes.D’où <strong>la</strong> nécessité absolue pour l’Etat d’appuyer tous <strong>les</strong> proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> réserves biologiques,si possible intégrale, d’autant que <strong>les</strong> forêts pyrénéennes ne sont pas aussi protégées en<strong>sur</strong>face que cel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s Alpes ou <strong>de</strong>s Cévennes (Livre b<strong>la</strong>nc, op.cit. page 116). Plusieurs <strong>de</strong> cesproj<strong>et</strong>s sont attendus : <strong>de</strong>ux proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> réserves biologiques dirigées sont en attente <strong>de</strong> création<strong>de</strong>puis longtemps <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées-Orienta<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Hautes-Pyrénées, <strong>la</strong> réservebiologique <strong>de</strong> St-Pé-<strong>de</strong>-Bigorre est annoncée <strong>de</strong>puis plusieurs années aussi. Relevons encore<strong>la</strong> très faible ambition <strong>de</strong> l’O.N.F. puisqu’aucune réserve biologique intégrale n’estmanifestement envisagée. Pourtant, dès 1978, Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> Camarra écrivaient : « Il noussemble enfin que <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> considérer, à côté <strong>de</strong>s forêts productives, <strong>de</strong>s forêtsconservatoires biologiques doive émerger actuellement <strong>dans</strong> <strong>la</strong> pratique concertée O.N.F.Ministère <strong>de</strong> l’Environnement. » Laurent Nédélec rappe<strong>la</strong>it <strong>dans</strong> son rapport <strong>de</strong> 1994 rédigépour le F.I.E.P. tout l’intérêt du r<strong>et</strong>our à <strong>de</strong>s peuplements mixtes sapin-hêtre avec <strong>les</strong>caractéristiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt primaire.En outre, ce même "P<strong>la</strong>n ours" ce contente <strong>de</strong> simp<strong>les</strong> recommandations en matière <strong>de</strong>gestion forestière (pages 93 à 97) qui, l’expérience aidant, sont rarement suffisantes pourpréserver le milieu.D’une manière générale, l’instauration du "P<strong>la</strong>n Ours" s‘est traduit par unassouplissement <strong>de</strong>s règ<strong>les</strong>. Le témoignage <strong>de</strong> Nature Comminges, par <strong>la</strong> voie <strong>de</strong> sonprési<strong>de</strong>nt Guil<strong>la</strong>ume Castaing, est révé<strong>la</strong>teur d’un état d’esprit peu favorable à <strong>la</strong> préservation<strong>de</strong> l’habitat <strong>de</strong> l’ours. Avant le p<strong>la</strong>n, l’association était informée <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> coupe forestièrequi faisaient l’obj<strong>et</strong> d’un examen préa<strong>la</strong>ble par l’O.N.C.F.S. (voir <strong>la</strong> directiveinterministérielle du 22 septembre 1988). Aujourd’hui, on a "contractualisé", pour ne pas diredéréglementé, <strong>et</strong> c’est ainsi que tout est traité au cas par cas en fonction <strong>de</strong>s lieux fréquentéssans réflexion générale. La notion <strong>de</strong> "zone à ours" a même disparu sous prétexte que <strong>les</strong> oursvivent <strong>sur</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s Pyrénées <strong>et</strong> non plus centrés <strong>sur</strong> quelques sites. C’est pourquoiNature Comminges a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> conserver <strong>la</strong> cartographie <strong>de</strong> 1989 puisque <strong>les</strong> oursd’origine slovène utilisent aussi <strong>les</strong> mêmes secteurs que <strong>les</strong> ours autochtones (cf. <strong>les</strong> travaux<strong>de</strong> l’E.T.O.)On r<strong>et</strong>rouve c<strong>et</strong>te situation <strong>dans</strong> toutes <strong>les</strong> Pyrénées centra<strong>les</strong>. Du fait <strong>de</strong> l’existence dunoyau <strong>historique</strong>, <strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques conservent une certaine spécificité en <strong>la</strong> matière. I<strong>les</strong>t cependant logique <strong>et</strong> nécessaire <strong>de</strong> revenir partout aux anciens mo<strong>de</strong>s d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>sd’aménagements forestiers susceptib<strong>les</strong> d’affecter l’ours. Car si <strong>les</strong> cours du hêtre ont chutéces <strong>de</strong>rnières années <strong>et</strong> ainsi freiné l’exploitation <strong>de</strong>s bois, l’irruption <strong>de</strong>s pseudo économies128


d’énergie pourrait avoir <strong>de</strong> fâcheuses conséquences <strong>sur</strong> <strong>les</strong> forêts dites naturel<strong>les</strong> <strong>de</strong>sPyrénées.Le serpent <strong>de</strong> mer <strong>de</strong>s pistes/routes forestières, pastora<strong>les</strong> <strong>et</strong>/ou touristiquesHormis <strong>de</strong>s coupes en zone très sensible, un <strong>de</strong>s grands problèmes a été <strong>et</strong> reste <strong>la</strong>création <strong>de</strong> pistes forestières <strong>et</strong>/ou pastora<strong>les</strong> <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion <strong>sur</strong> ces pistes à vocationplus ou moins touristique. Ces pistes sont nécessaires pour <strong>les</strong> tracteurs qui récoltent le bois.La technique du câble autrefois très utilisée s’est perdue, malgré quelques tentatives récentes<strong>de</strong> <strong>la</strong> voir revenir 173 . Relevons, comme nous invite à le faire Thierry <strong>de</strong> Noblens, écologisteariégeois 174 , que ces pistes se multiplient aussi parce qu’el<strong>les</strong> rapportent <strong>de</strong>s primessubstantiel<strong>les</strong> à certains agents <strong>de</strong> l’Etat. Un scandale pas assez souvent dénoncé qui contribueà <strong>la</strong> dégradation <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> à <strong>la</strong> banalisation <strong>de</strong> nos paysages.Ces pistes ren<strong>de</strong>nt le milieu <strong>de</strong> l’ours alors très facile à pénétrer pour tout un chacun,muni <strong>de</strong> bonnes ou <strong>de</strong> mauvaises intentions. Par artifice, il est désormais facile <strong>de</strong> gagner <strong>la</strong>moyenne montagne <strong>et</strong> ainsi d’accroître le dérangement <strong>de</strong>s secteurs refuge <strong>de</strong> l’ours. C’estva<strong>la</strong>ble pour <strong>les</strong> chasseurs, <strong>les</strong> randonneurs, <strong>les</strong> skieurs, <strong>les</strong> chercheurs <strong>de</strong> champignons <strong>et</strong>ceux qui pratiquent <strong>la</strong> raqu<strong>et</strong>te. Les chiens qui accompagnent bien évi<strong>de</strong>mment leurs maîtresajoutent au problème.Très tôt, ce problème a été i<strong>de</strong>ntifié comme crucial. Les naturalistes le dénoncent maisaussi l’administration. Jean-Pierre Farthouat pointait du doigt ce problème <strong>dans</strong> son rapport <strong>de</strong>1981. Le directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> D.P.N., Jean Servat, ariégeois, reconnaissait en 1983 <strong>les</strong>conséquences fâcheuses <strong>de</strong> <strong>la</strong> pénétration <strong>de</strong> plus en plus fréquente du biotope <strong>de</strong> l’espèce par<strong>de</strong>s routes à vocation forestière ou touristique 175 . Malgré le "P<strong>la</strong>n ours" <strong>de</strong> 1984, le problèmen’a pas été réglé. Les groupes restreints <strong>de</strong> travail <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> nefonctionnent que trois mois en 1985 <strong>et</strong> cessent toute activité après un conflit dur à Etsaut (lireci-<strong>de</strong>ssous). Un groupe local se reconstitue en janvier 1988 autour <strong>de</strong>s seu<strong>les</strong> administrations.Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en vain <strong>la</strong> ferm<strong>et</strong>ure <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> pistes au 1 er septembre 1988, avant l’ouverture<strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. Si <strong>de</strong>s arrêtés sont pris par <strong>les</strong> maires, ils contiennent tous trop <strong>de</strong> dérogations <strong>et</strong>per<strong>de</strong>nt leurs sens. La pose <strong>de</strong> blocs <strong>de</strong> pierre, <strong>la</strong> plus efficace, est très peu r<strong>et</strong>enue 176 . Membre<strong>de</strong> <strong>la</strong> D.N.P., Jean-Pierre Tane remarquait <strong>dans</strong> une note <strong>de</strong> janvier 1988 <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> difficultépour <strong>les</strong> maires <strong>de</strong> refuser <strong>les</strong> routes <strong>et</strong> pistes forestières <strong>et</strong>/ou pastora<strong>les</strong> qui profitent à tous,perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> boucler <strong>de</strong>s circuits, facilitent l’accès à <strong>de</strong>s stations <strong>de</strong> ski, <strong>et</strong>c.En Pyrénées centra<strong>les</strong>, on r<strong>et</strong>ient <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> affaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> route touristique <strong>de</strong> l’Hospice <strong>de</strong>France, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Luchon (Haute-Garonne), qui <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 80 entraîna <strong>la</strong>disparition à terme <strong>de</strong>s ours présents <strong>de</strong> manière permanente. Dendal<strong>et</strong>che évoque <strong>dans</strong> saCause <strong>de</strong> l’ours l’idée qui naquit <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées : l’ours empêcheur <strong>de</strong> développer en rond.173 Ce sont <strong>les</strong> associations qui ont poussé au r<strong>et</strong>our du câble. C<strong>et</strong>te technique n’est pas sans impact mais nenécessite pas une pénétration du massif.174 Il est un <strong>de</strong>s membres actifs du Comité écologique ariégeois dont il fut le prési<strong>de</strong>nt durant 17 ans.175 L<strong>et</strong>tre du 16 mai 1983 à Jean-Pierre Raffin, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fédération française <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong><strong>la</strong> nature.176 <strong>Rapport</strong> <strong>de</strong> M. Brun<strong>et</strong>aud, ingénieur général du G.R.E.F. à l’O.N.F., <strong>sur</strong> <strong>les</strong> problèmes forestiers liés à <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> l’ours <strong>de</strong>s Pyrénées, 15 février 1989.129


On compte aujourd’hui plus <strong>de</strong> 3 300 kilomètres <strong>de</strong> pistes <strong>et</strong> routes forestières <strong>dans</strong> le HautComminges 177 .Parmi <strong>les</strong> pistes très néfastes en Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>, r<strong>et</strong>enons celle <strong>de</strong> Bélonce(Borce, Aspe) proj<strong>et</strong> appuyé au début <strong>de</strong>s années 80 par M. Dubois <strong>de</strong> l’O.N.F., qui faitremarquer l’intérêt pour le pastoralisme, contre l’avis du directeur du Parc, Bernard G<strong>la</strong>ss. En1985, l’affaire d’une piste <strong>et</strong> d’une coupe proj<strong>et</strong>ées <strong>dans</strong> un milieu très favorable à Etsaut(Aspe) engendrera un conflit très vif avec l’administration. Il y eut également <strong>la</strong> pistepastorale d’Arrioutort en vallée d’Ossau en 1990.En 1991, <strong>la</strong> commune d’Aydius réalise <strong>la</strong> piste <strong>de</strong>s Ichantes, longue <strong>de</strong> 5 kilomètresqui pénètrera une zone <strong>de</strong> présence régulière <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> du grand tétras. Voici ce qu’écrit G.caussimont, prési<strong>de</strong>nt du F.I.E.P. au préf<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques le 18 décembre : « Dansle cadre <strong>de</strong>s consultations que vous avez définies le 18 novembre, M. Géron<strong>de</strong>au m’a<strong>de</strong>mandé le 26 <strong>de</strong>s avis <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> voirie en zone à ours. Le chemin <strong>de</strong>s Ichantes nefigurait pas parmi ces proj<strong>et</strong>s, alors que M. G. m’avait indiqué qu’il souhaitait avoir un avisdu Comité dès que <strong>la</strong> D.D.E. lui transm<strong>et</strong>trait le tracé exact. Quelle n’a donc pas été mastupéfaction d’appendre que <strong>les</strong> travaux avaient commencé <strong>et</strong> que l’on me <strong>de</strong>mandaitverbalement ce que j’en pensais… » Une manifestation menée par l’association Aspe Naturen’y fera rien, elle manquera <strong>de</strong> tourner très violemment <strong>et</strong> le coup <strong>de</strong> force sera avalisé !En 1992, <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Borce réalise <strong>la</strong> piste pastorale <strong>de</strong> Couecq <strong>sur</strong> un terraingéologiquement difficile <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> zone centrale du Parc. Peu avant <strong>la</strong> création <strong>de</strong> l’I.P.H.B.,une très longue piste est créée à Aran (Sarrance, Aspe). L’I.P.H.B. sort <strong>de</strong>s cartons un<strong>et</strong>rentaine <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> provoque <strong>la</strong> panique chez <strong>les</strong> naturalistes. Elle provoque même unecrise entre plusieurs d’entre eux au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> piste d’Ansabère (Lescun, Aspe) <strong>de</strong>venue unepiste pour « mini tracteurs ». Devant le saccage du site <strong>de</strong>s fontaines d’Escoueste, le chantiersera interrompu <strong>sur</strong> intervention <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.E.P.A.N.S.O.-Béarn, mais reprendra épargnant un peuc<strong>et</strong>te superbe ré<strong>sur</strong>gence. Rappelons qu’un précé<strong>de</strong>nt directeur du Parc avait désiré inclure <strong>les</strong>ite d’Ansabère <strong>dans</strong> <strong>la</strong> zone centrale du Parc pour le préserver vraiment. Nous en sommesloin !En Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>, le F.I.E.P. r<strong>et</strong>ient que <strong>la</strong> réglementation en vigueur <strong>de</strong>puis1996 semble mieux respectée, d’autant que <strong>sur</strong> 132 visites, on relève <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> panneauxco<strong>de</strong> <strong>dans</strong> 70% <strong>de</strong>s cas. Cependant, <strong>dans</strong> 69% <strong>de</strong>s cas, <strong>les</strong> panneaux prévus par l’I.P.H.B. nesont pas installés, 55% <strong>de</strong>s barrières non plus <strong>et</strong> 83% <strong>de</strong>s ferm<strong>et</strong>ures à clefs prévues ne sontpas réalisées. A Laruns, <strong>les</strong> chasseurs peuvent utiliser <strong>les</strong> pistes <strong>et</strong> à Sarrance <strong>la</strong> pisteprincipale a été ouverte à <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion 178 .Même si <strong>de</strong>s progrès ont pu être notés, nous sommes loin d’un respect <strong>de</strong> <strong>la</strong>réglementation, si bien que le F.I.E.P. réc<strong>la</strong>me toujours, <strong>de</strong>s années après le Groupe Ours, unvéritable dispositif <strong>de</strong> réglementation.La lecture du "P<strong>la</strong>n Ours" n’est guère ras<strong>sur</strong>ante en ce qui concerne l’accès aux routesforestières. Il ne prévoit que <strong>de</strong>s recommandations qui, nous le savons, restent souvent l<strong>et</strong>tremorte. Seule une réglementation (avec panneaux <strong>et</strong> moyens <strong>de</strong> ferm<strong>et</strong>ure non dégradés !)perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> limiter <strong>la</strong> pénétration <strong>de</strong>s massifs. Les résultats obtenus via <strong>les</strong> observatoires mis en177 Observatoire <strong>de</strong>s espaces naturels <strong>dans</strong> le Haut Comminges, réactualisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> synthèse 2000-2001,situation années 2002 <strong>et</strong> 2003, Association Nature Comminges.178 Eléments communiqués par Gérard Caussimont, novembre 2007.130


p<strong>la</strong>ce par le F.I.E.P., en Haut-Béarn, <strong>et</strong> par Nature Comminges, en Haute-Garonne, ledémontrent bien.« Force est <strong>de</strong> constater que <strong>les</strong> dispositifs <strong>les</strong> plus efficaces repérés au fil <strong>de</strong>s annéessont <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> barrières fermées à clef lorsqu’el<strong>les</strong> sont entr<strong>et</strong>enues régulièrement.Là où <strong>les</strong> habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> bonne fréquentation sont prises <strong>et</strong> où <strong>les</strong> dispositifs sont présents <strong>et</strong>entr<strong>et</strong>enus, <strong>les</strong> usagers semblent respecter en gran<strong>de</strong> majorité <strong>la</strong> réglementation en vigueur <strong>et</strong>ce<strong>la</strong> contribue amplement à <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> tranquillité <strong>de</strong>s habitats <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage.C<strong>et</strong>te situation n’est vraiment effective qu’en forêt domaniale <strong>et</strong> à <strong>de</strong> rares exceptions près, enforêt communale. 179 »Pour autant, puisque le p<strong>la</strong>n prévoit <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ns <strong>de</strong> circu<strong>la</strong>tion par massif (page 97), il seratrès instructif d’en connaître l’avancement.Au final, si l’on veut préserver une gran<strong>de</strong> faune <strong>dans</strong> <strong>la</strong> montagne, <strong>et</strong> r<strong>et</strong>rouver aussiune certaine tranquillité que <strong>la</strong> majorité appréciera, nous n’échapperons pas à uneréglementation dûment respectée <strong>de</strong> <strong>la</strong> voirie. Le coût élevé <strong>de</strong> l’essence nous y ai<strong>de</strong>ra sansdoute…Les aménagements routiersLongtemps, certains territoires pyrénéens furent privés <strong>de</strong> routes. Il en était ainsi d<strong>et</strong>oute <strong>la</strong> région entre <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong>s Arbail<strong>les</strong>, Mendive <strong>et</strong> Larrau au Pays Basque, si bien quel’ornithologue Rochon-Duvignaud l’appe<strong>la</strong>it le « pays sans route ». C’était <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années1930. Depuis, c<strong>et</strong>te région s’est <strong>la</strong>rgement rattrapée puisque outre <strong>de</strong>s routes passant par <strong>les</strong>cols, le syndicat <strong>de</strong> Soule a fait réalisé une quantité impressionnante <strong>de</strong> pistes à <strong>la</strong> foisforestières, pastora<strong>les</strong> <strong>et</strong> cynégétiques (tir commercial à <strong>la</strong> palombe) qui zèbrent <strong>et</strong> dégra<strong>de</strong>nt<strong>les</strong> paysages <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tent d’aller à peu près partout.Plus près <strong>de</strong> nous, jusqu’aux années 1970, <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Sainte-Engrâce, qui abritaitencore <strong>de</strong>s ours sé<strong>de</strong>ntaires <strong>et</strong> constituait une zone <strong>de</strong> repli, était peu aménagée. LaissonsC<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che : « Entre Ar<strong>et</strong>te en vallée <strong>de</strong> Barétous, Isaba en vallée <strong>de</strong> Roncal, Sainte-Engrâce <strong>et</strong> Larrau en terre basque orientale, s’étendait un immense espace totalement vi<strong>de</strong> enhiver, au printemps <strong>et</strong> en automne si l’on excepte, en c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière saison, <strong>les</strong> quelqueschasseurs <strong>de</strong> palombes du pays. L’ours jouissait donc <strong>dans</strong> ses contrées isolées d’une re<strong>la</strong>tiv<strong>et</strong>ranquillité, <strong>les</strong> autochtones n’ayant pas <strong>de</strong> temps à gaspiller en <strong>de</strong>s traques dont ils savaientl’improductivité tant <strong>la</strong> bête maligne sait affoler <strong>les</strong> chiens puis <strong>les</strong> perdre. » Un tel territoirevierge <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisme <strong>de</strong>vait assez vite cé<strong>de</strong>r. En 1964 rapporte Dendal<strong>et</strong>che avait étédémarrée une piste au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Sainte-Engrâce. Les travaux reprirent en 1981 <strong>et</strong> durentcesser <strong>de</strong>vant l’intervention <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fédération S.E.P.A.N.S.O.La colère gron<strong>de</strong> si fort que le quotidien national La Croix dépêche un correspondant :« "Bientôt, seuls seront admis en montagne <strong>les</strong> ours <strong>et</strong> <strong>les</strong> écologistes. Mais <strong>les</strong> premiersmangeront <strong>les</strong> seconds, car ils n’auront plus <strong>les</strong> moutons <strong>de</strong>s bergers à se m<strong>et</strong>tre sous <strong>la</strong><strong>de</strong>nt !", a résumé un conseiller général <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques (…) Espérons que <strong>la</strong>conclusion sera favorable à <strong>la</strong> reprise. Pour perm<strong>et</strong>tre aux habitants <strong>et</strong> aux ours <strong>de</strong> vivre enpaix <strong>dans</strong> une montagne qui est <strong>la</strong> leur. 180 » Au final, rapporte toujours Dendal<strong>et</strong>che, en 1986,179 Observatoire <strong>de</strong>s espaces naturels <strong>dans</strong> le Haut Comminges, op.cit.180 « La construction d’une route bloquée… par <strong>les</strong> ours », Paul Guilhot, La Croix, 4-5 janvier 1981.131


le conseiller général du Barétous <strong>et</strong> maire <strong>de</strong> Lanne, fit rectifier <strong>et</strong> goudronner sans <strong>la</strong> moindreautorisation <strong>de</strong>s pistes forestières qui "désenc<strong>la</strong>vèrent" Sainte-Engrâce. En conclusion : <strong>les</strong>ours qui vivaient à <strong>de</strong>meure ont disparu à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 1970, <strong>les</strong> moutons sont toujoursaussi nombreux <strong>et</strong> le Tour <strong>de</strong> France emprunte c<strong>et</strong>te route fruit <strong>de</strong> l’acte illégal d’un élu sansscrupu<strong>les</strong>.Dans <strong>la</strong> version définitive <strong>de</strong> <strong>la</strong> fiche Ursus arctos citée ci-<strong>de</strong>ssus on peut lire : « Lafragmentation <strong>de</strong>s habitats, phénomène habituel <strong>de</strong>s zones comportant <strong>de</strong>s fonds <strong>de</strong> valléesfortement humanisées, est une <strong>de</strong>s principa<strong>les</strong> menaces. Elle conduit au cloisonnement <strong>de</strong>smassifs montagneux <strong>et</strong> donc à <strong>de</strong>s iso<strong>la</strong>ts. Ce phénomène pourrait s’intensifier en valléed’Aspe (Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques.) <strong>et</strong> <strong>dans</strong> une moindre me<strong>sur</strong>e <strong>dans</strong> celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> Garonne (Haute-Garonne) avec l’accroissement du trafic routier. »Il est nécessaire ici <strong>de</strong> rappeler que <strong>les</strong> passages protégés pour l’ours en vallée d’Aspe,malgré <strong>les</strong> promesses <strong>de</strong> l’Etat, n’ont jamais été réalisés à ce jour. Le trafic a pourtantaugmenté, <strong>la</strong> vitesse <strong>de</strong>s véhicu<strong>les</strong> aussi, <strong>et</strong> le cas <strong>de</strong> l’ourse Franska démontre <strong>la</strong> dangerosité<strong>de</strong> tels axes routiers mo<strong>de</strong>rnes pour <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune. Une collision nocturne a c<strong>et</strong>te fois-ci étéévitée entre l’ours Boutxy <strong>et</strong> un camion <strong>sur</strong> <strong>la</strong> RN 20, alors que c<strong>et</strong> ours avait traversé 46 fois<strong>la</strong> route entre l’automne 1999 <strong>et</strong> mai 2002 (voir page 36 du "P<strong>la</strong>n Ours"). Laurent Nédélecavait annoncé ce risque probable <strong>dans</strong> une étu<strong>de</strong> d’impact <strong>de</strong> travaux routiers en valléed’Aspe.Il est donc <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> importance pour l’avenir du noyau occi<strong>de</strong>ntal d’ours, quisera tôt ou tard renforcé, <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en œuvre <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> limiter le trafic routier, <strong>et</strong> <strong>de</strong>spoids lourds en particulier (ce que tous <strong>les</strong> habitants réc<strong>la</strong>ment aussi !), <strong>et</strong> <strong>de</strong> rem<strong>et</strong>tre à l’ordredu jour <strong>la</strong> construction <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> franchissement, que le "P<strong>la</strong>n Ours" ignoresuperbement.La mort <strong>de</strong> l’ourse Franska ne peut perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> conclure à l’exiguïté <strong>de</strong> l’espace vital<strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées. D’une part, l’association Ferus a établi par un ensemble <strong>de</strong> piècesque c<strong>et</strong>te ourse a fait l’obj<strong>et</strong> d’une véritable traque qui n’a pu que <strong>la</strong> perturber, au point d<strong>et</strong>raverser <strong>de</strong> nombreuses fois <strong>la</strong> route qui lui fut mortelle. D’autre part, <strong>les</strong> collisions entre ours<strong>et</strong> véhicu<strong>les</strong> à moteur sont également monnaie courante en Slovénie, où <strong>les</strong> ours vivent <strong>dans</strong>un pays au très bon réseau routier <strong>et</strong> ferré.Ces cinq <strong>de</strong>rnières années, 103 ours ont été tués en Slovénie du fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion :« Ces cinq <strong>de</strong>rnières années, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 2002-2006, 489 ours ont été "arrachés" à <strong>la</strong>nature. De ce total, 269 ont été tirés par balle <strong>dans</strong> le cadre du p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> chasse, 109 ont été tirés<strong>et</strong> éliminés à cause d’évènements conflictuels avec <strong>de</strong>s personnes, 8 ont été capturés vivants à<strong>de</strong>s fins <strong>de</strong> réintroduction <strong>dans</strong> d’autres pays (Italie <strong>et</strong> France), enfin, 103 ont été qualifiéscomme "pertes", principalement dues au trafic.Ces pertes peuvent se c<strong>la</strong>sser comme suit : 20% ours ont été tués <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s portionsd’autoroutes, 40% par <strong>de</strong>s collisions <strong>sur</strong> <strong>les</strong> voies ferrées <strong>et</strong> 40% <strong>sur</strong> l’ensemble du réseauroutier secondaire. (Selon Marko Jonozovic, directeur du département <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong>sanimaux forestiers auprès <strong>de</strong> l’Institut Slovène <strong>de</strong>s Forêts). 181 »181 Artic<strong>les</strong> <strong>de</strong>s journaux Slovenske Novice, Vecer <strong>et</strong> Delo (Mi<strong>la</strong>n G<strong>la</strong>vonjic, Marjan Tos), cités par Lovec, Revue<strong>de</strong> l’association <strong>de</strong>s chasseurs slovènes, juill<strong>et</strong>-août 2007, p.355. Traduction : Marc Bal<strong>de</strong>ck.132


Notons que contrairement à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion pyrénéenne, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours <strong>de</strong> Slovéniepeut "encaisser" une telle mortalité routière <strong>et</strong> ferroviaire, en partie due à <strong>la</strong> recolonisation duterritoire par <strong>les</strong> ours <strong>et</strong> leur émigration vers l’Italie <strong>et</strong> l’AutricheEnfin, délivrons c<strong>et</strong> extrait du compte-rendu <strong>de</strong> notre premier séjour en Asturies (février2008), qui démontre toute <strong>la</strong> nocivité <strong>de</strong> travaux routiers en apparence banals.« Nous empruntons une route bordée par <strong>la</strong> montagne d’une part <strong>et</strong> une rivière <strong>et</strong>quelques prairies d’autre part. La route est en cours d’é<strong>la</strong>rgissement. Est-ce vraimentnécessaire ? Non. Alors pourquoi <strong>de</strong> tels travaux ? Tout simplement, répond AlfonsoHartasánchez, parce que l’Espagne a décroché <strong>de</strong>s fonds communautaires disponib<strong>les</strong> pourle faire. Le drame pour <strong>la</strong> nature, dit-il aussi, c’est qu’une bonne part <strong>de</strong> l’économieespagnole repose <strong>sur</strong> <strong>les</strong> travaux publics (<strong>les</strong> chantiers sont incessants en eff<strong>et</strong> pour quivoyage en Espagne). Et Alfonso Hartasánchez <strong>de</strong> nous dire qu’il espère <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s fondscommunautaires pour son pays, sachant toutefois qu’ils seront utilisés pour <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong><strong>la</strong> nature <strong>de</strong>s pays d’Europe centrale <strong>et</strong> orientale… 182Ce chantier est mauvais pour l’ours (un site <strong>de</strong> tanières d’un côté <strong>et</strong> un territoired’alimentation <strong>de</strong> l’autre), car si le trafic n’augmentera sans doute pas beaucoup(vraiment ?), <strong>la</strong> vitesse <strong>de</strong>s véhicu<strong>les</strong> elle augmentera <strong>et</strong> <strong>les</strong> risques <strong>de</strong> collision avec <strong>la</strong> fauneavec. De plus, l’ours traverse aisément <strong>les</strong> chaussées lorsqu’el<strong>les</strong> sont bordées <strong>de</strong> végétation<strong>de</strong>nse. Or, ce que nous constatons c’est <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> pente boisée <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne sous<strong>les</strong> coups d’explosifs, <strong>et</strong> l’apparition d’un nouveau profil presque vertical <strong>et</strong> rocheux.Malgré tout, mais avec bien <strong>de</strong>s difficultés, le Fapas a pu obtenir l’arrêt <strong>de</strong>s tirsd’explosifs pendant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> d’hivernation, <strong>et</strong>, çà <strong>et</strong> là le long du tronçon le plus sensiblepour l’ours, que l’on conserve <strong>la</strong> végétation côté montagne en é<strong>la</strong>rgissant <strong>la</strong> chaussée <strong>sur</strong>quelques p<strong>et</strong>ites prairies qui bor<strong>de</strong>nt le cours d’eau. Alfonso Hartasánchez est cependant trèsinqui<strong>et</strong> <strong>de</strong> voir <strong>la</strong> poursuite du chantier 183 .»Il n’est pas question ici d’empêcher <strong>de</strong> réaliser <strong>les</strong> routes nécessaires à <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> tous <strong>les</strong>jours, mais d’affirmer que <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s nouvel<strong>les</strong> routes occasionnent <strong>de</strong>s festivalsd’agressions en tous genres, comme le remarquait si bien François Terrasson. Marées <strong>de</strong>camions <strong>de</strong> transit en montagne, vitesse accélérée <strong>et</strong> acci<strong>de</strong>nts graves, mortalité animaleaugmentée, bruits insupportab<strong>les</strong> <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s espaces alors calmes…Notre société si aménagée, si bruyante mérite qu’on ferme <strong>de</strong>s routes créées pour <strong>de</strong>sraisons stupi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> fal<strong>la</strong>cieuses.Les aménagements touristiques <strong>et</strong> industrielsOn cite parfois <strong>la</strong> réalisation d’aménagements touristiques comme une <strong>de</strong>s raisons quiempêcheraient l’ours <strong>de</strong> vivre sereinement <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées. S’il est vrai qu’une station <strong>de</strong>ski comme celle <strong>de</strong> La Pierre Saint-Martin, <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques, a eu un impactimportant <strong>sur</strong> l’ours (mais il faut compter aussi malheureusement <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te région avecl’élimination directe <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers ours <strong>de</strong> <strong>la</strong> Soule), <strong>les</strong> Pyrénées ne sont pas altéréesgravement au point d’être inhabitab<strong>les</strong> par l’espèce.182 Ce que nous avons vérifié au printemps 2007 en Bulgarie.183 La raison officielle <strong>de</strong> ce chantier est <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> se rendre plus vite à l’hôpital le plus proche. Commecertaines "nob<strong>les</strong>" raisons humanitaires, elle est un prétexte.133


Toutefois, <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s actuels comme ceux <strong>de</strong> l’extension <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong> ski <strong>de</strong> fond <strong>de</strong>Mijanès en Ariège sont à proscrire, tant du point <strong>de</strong> vue écologique (grand tétras <strong>et</strong> ours)qu’économique, comme le Comité écologique ariégeois l’a si bien décrypté.Il va aussi <strong>de</strong> <strong>la</strong> cohérence d’une politique <strong>de</strong> restauration <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’oursbrun que <strong>les</strong> services <strong>de</strong> l’Etat ne délivrent pas d’autorisations <strong>de</strong> travaux lourds au cœur <strong>de</strong>secteurs vitaux <strong>de</strong> l’ours encore utilisés il y a 30 ans. Par exemple, en Haute Soule, a étéréalisée en 2006 une piste <strong>dans</strong> un <strong>de</strong>s canyons <strong>de</strong> Sainte-Engrâce afin d’installer <strong>dans</strong> <strong>la</strong> salledite <strong>de</strong> La Verna une centrale hydroélectrique. Notons qu’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers ours du noyauocci<strong>de</strong>ntal fréquente encore le haut <strong>de</strong> ces canyons soul<strong>et</strong>ins, que <strong>les</strong> milieux sont encoreriches <strong>et</strong> peuvent être un jour recolonisés par l’ours.Les sports dits <strong>de</strong> natureMarcher <strong>dans</strong> <strong>la</strong> montagne, sauf à s’aventurer <strong>dans</strong> un refuge vital, n’a jamais dérangél’ours. Il n’est pas <strong>de</strong> même avec certaines activités rendues d’autant plus néfastes qu’el<strong>les</strong>sont pratiquées en masse. Le cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> photographie est un peu à part 184 , <strong>et</strong> il s’apparente à unechasse il est vrai moins <strong>de</strong>structrice qu’un coup <strong>de</strong> fusil.Le quad <strong>et</strong> <strong>la</strong> moto trial viennent d’abord à l’esprit. Ce serait oublier <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong>raqu<strong>et</strong>te qui se révèle très perturbatrice selon <strong>les</strong> lieux <strong>et</strong> <strong>les</strong> mois <strong>de</strong> l’année. Pour l’ours quihiverne, c’est un peu moins dérangeant, pour le grand tétras ce<strong>la</strong> peut occasionner sa mort parpertes répétées <strong>de</strong> ses calories en réserve.Dans l’absolu, nous jugeons que <strong>la</strong> réflexion <strong>sur</strong> le suj<strong>et</strong> est faible. Des chartes <strong>de</strong>ssports dits <strong>de</strong> nature ont été approuvées en Ariège <strong>et</strong> en Haute-Garonne. Nous avons été mêlésindirectement à l’approbation <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques. Force est <strong>de</strong> constater qu’ils’agit d’une simple charte, donc sans valeur réglementaire <strong>et</strong> donc non assortie <strong>de</strong> sanctions.En outre, leur adoption occulte le fait qu’il existe une réglementation <strong>de</strong> <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>svéhicu<strong>les</strong> à moteur. Certains usagers prennent allégrement <strong>de</strong>s pistes interdites à <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tionavec leurs quads notamment (cas fréquents en Haute-Garonne cités par Nature Comminges).Le risque est manifeste que sous couvert <strong>de</strong> développement touristique, on ne veuille paslimiter certaines pratiques. Nous ne sommes pas <strong>les</strong> seuls à le réc<strong>la</strong>mer. Combien <strong>de</strong> chasseursse p<strong>la</strong>ignent du trop grand nombre <strong>de</strong> personnes <strong>dans</strong> <strong>la</strong> montagne à <strong>la</strong> saison <strong>de</strong> chasse. Maiscombien d’entre eux utilisent un 4x4 pour aller chasser ? Et rappelons qu’ils ne sont paspropriétaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne. Toutefois, <strong>dans</strong> certains cas, en augmentation, nous relevonsque <strong>de</strong>s sentiers autrefois non signalés <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cartes, <strong>et</strong> qui mènent à <strong>de</strong>s territoires sensib<strong>les</strong>pour l’ours <strong>et</strong> <strong>la</strong> faune, sont désormais indiqués. Par qui ? La Fédération <strong>de</strong> randonnéepé<strong>de</strong>stre ?Pour mémoire, le secteur du Pic du Midi d’Ossau était encore <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 50 un hautlieu pour l’ours. Couturier écrit qu’il ne pouvait s’y rendre sans trouver <strong>de</strong> traces. Il est envahiaujourd’hui, à tel point qu’on organise le garage <strong>de</strong>s voitures plus bas. L’Italien Zunino avaitnoté en 1984 que l’afflux important <strong>de</strong> touristes <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones à ours du Parc national <strong>de</strong>s184 On avait évoqué <strong>la</strong> réglementation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse photographique liée à l’ours en Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong>années 70. Aujourd’hui, un arrêté est re<strong>la</strong>tif à <strong>la</strong> prise <strong>de</strong> vues <strong>de</strong>s aires <strong>de</strong> gypaètes. Un photographe a étélour<strong>de</strong>ment condamné <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées centra<strong>les</strong> en 2007.134


Abruzzes serait à l’origine <strong>de</strong> leur décantonnement <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s secteurs non protégés, <strong>dans</strong><strong>les</strong>quels certains ont été braconnés 185 .Dans le Parc naturel <strong>de</strong> Somiedo (Asturies), <strong>de</strong>s aires d’usage restreint (areas <strong>de</strong> usorestringido) ont été créées il y a 20 ans <strong>sur</strong> <strong>les</strong> refuges vitaux <strong>de</strong>s ours. El<strong>les</strong> sont réservéesaux popu<strong>la</strong>tions loca<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> contrevenants risquent une forte amen<strong>de</strong> à y pénétrer. Nousavons constaté <strong>et</strong> appris qu’el<strong>les</strong> sont respectées par le public en gran<strong>de</strong> majorité espagnol.Est-ce ce<strong>la</strong> qui perm<strong>et</strong> aux ours <strong>de</strong> se dép<strong>la</strong>cer tranquillement <strong>la</strong> journée ? Ce<strong>la</strong> doitgran<strong>de</strong>ment y contribuer. Toujours est-il que c<strong>et</strong>te me<strong>sur</strong>e perm<strong>et</strong> à <strong>de</strong>s passionnés <strong>de</strong> plus enplus nombreux, parfois <strong>de</strong>s famil<strong>les</strong> entières, à une distance <strong>de</strong> quelques centaines <strong>de</strong> mètres,<strong>de</strong> pouvoir observer un ou plusieurs ours en pleine vie sociale <strong>et</strong> en plein jour 186 . Faut-il créerce type <strong>de</strong> réserve chez nous ? Le débat est encore embryonnaire autour <strong>de</strong> responsab<strong>les</strong> duréseau <strong>de</strong> suivi <strong>et</strong> <strong>de</strong> naturalistes. Il faut le nourrir sans tabou ni complexe.Il est urgent <strong>de</strong> poser le problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> fréquentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne en re<strong>la</strong>tion avec <strong>la</strong>tranquillité <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> d’y trouver <strong>de</strong>s solutions concrètes <strong>et</strong> sérieuses. Ceci passera parl’invitation <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> associations concernées, <strong>et</strong> pas simplement quelques unes d’entreel<strong>les</strong>. Puis il s’agira d’é<strong>la</strong>borer <strong>de</strong>s règ<strong>les</strong> à l’opposé <strong>de</strong> toute autogestion dont on connaît <strong>les</strong>faib<strong>les</strong>ses.Ces menaces dressées, faisons un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s espaces au sein <strong>de</strong>squels l’ours seraittranquille <strong>et</strong> protégé.Quels espaces protégés pour l’ours ?C’est un chapitre très décevant ! Il y a en réalité bien peu d’espaces vraiment protégéspour l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées françaises, au sens où il peut évoluer sans risque d’êtregravement dérangé.Le Parc national couvre environ 5% du domaine <strong>de</strong>s ours <strong>de</strong>s Pyrénées occi<strong>de</strong>nta<strong>les</strong>.Dès 1978, à <strong>la</strong> toute fin <strong>de</strong> leur rapport scientifique, Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> Camarra proposaientl’idée d’une réserve biologique en vallée d’Aspe pour protéger l’ours <strong>et</strong> sa gran<strong>de</strong> faune. Ilsajoutaient même qu’ils <strong>la</strong> vou<strong>la</strong>ient « <strong>de</strong> préférence à responsabilité locale, non nationale,pour éviter que <strong>la</strong> <strong>sur</strong>veil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone correspondante ne soit ressentie par <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionlocale comme une atteinte à l’intégrité territoriale <strong>et</strong> "psychologique" <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne ! »Nous en sommes très loin ! On sait ce qu’il est <strong>de</strong>venu <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s associatifs <strong>de</strong> réserves<strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 80 <strong>et</strong> 90. Et s’il existe <strong>de</strong>s réserves naturel<strong>les</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées, aucune nejoue un rôle majeur pour l’espèce.Les réserves naturel<strong>les</strong> nationa<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> réserves naturel<strong>les</strong> régiona<strong>les</strong> sont au nombre <strong>de</strong>15. Les plus gran<strong>de</strong>s, cel<strong>les</strong> <strong>de</strong> Pyrénées-Orienta<strong>les</strong> (Py, 3 930 ha <strong>et</strong> Mant<strong>et</strong>, 3 028 ha, crééesen 1984), ainsi que <strong>les</strong> autres regroupées au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> fédération <strong>de</strong>s réserves naturel<strong>les</strong>cata<strong>la</strong>nes (5% <strong>de</strong> <strong>la</strong> superficie du département) pourraient jouer un rôle lorsque <strong>les</strong> ours sereproduiront <strong>dans</strong> le département. Jean-Michel Par<strong>de</strong> avait d’ailleurs estimé <strong>dans</strong> son étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>faisabilité du renforcement <strong>de</strong> juill<strong>et</strong> 1989 que le territoire al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>s gorges <strong>de</strong> <strong>la</strong> Frau au185 Lire <strong>Rapport</strong> L. Nédélec/F.I.E.P., page 84.186 Nous l’avons constaté personnellement.135


mont Coronat (66) via Orlu, Quérigut <strong>et</strong> le versant nord du massif <strong>de</strong>s Madres était unexcellent habitat pour l’ours, en raison <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong> superficie forestière, quand bien même <strong>la</strong>région est coupée par <strong>la</strong> route <strong>de</strong>s gorges <strong>de</strong> l’Au<strong>de</strong> <strong>et</strong> qu’elle est occupée par plusieursstations <strong>de</strong> ski 187 .Celle <strong>de</strong> Néouvielle (créée en 1968, 2 313 ha) <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Hautes-Pyrénées n’est qu<strong>et</strong>raversée <strong>de</strong> temps à autre par l’ours.Les gestionnaires <strong>de</strong> cel<strong>les</strong> du Pibeste (créée en 1994, Hautes-Pyrénées, 2 609 ha)avaient <strong>de</strong>mandé le r<strong>et</strong>rait <strong>de</strong> l’ourse Franska au motif qu’elle était exotique. Un <strong>de</strong>s mairesconcernés par <strong>la</strong> réserve a eu ce commentaire officieux : « Ça fait bien pour nous <strong>et</strong> en plus onn’a pas <strong>de</strong> contraintes. » En eff<strong>et</strong>, on chasse <strong>dans</strong> <strong>la</strong> réserve, notamment le mouflon dont <strong>les</strong>effectifs seraient <strong>sur</strong>estimés pour accroître le nombre d’animaux fixé au p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> chasse.Notons que toutes ces réserves n’excluent pas <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. Quatre réservesautorisent librement <strong>la</strong> chasse, six <strong>la</strong> limitent <strong>dans</strong> l’espace, une <strong>dans</strong> le temps <strong>et</strong> <strong>de</strong>uxl’interdisent totalement. Pour <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières, nous manquons <strong>de</strong> données.Remarquons <strong>la</strong> différence entre <strong>la</strong> pauvr<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s Pyrénées-At<strong>la</strong>ntiques dotée d’une seuleréserve, celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Ossau qui protège <strong>les</strong> fa<strong>la</strong>ises <strong>de</strong> reproduction <strong>de</strong>s vautoursfauves, <strong>et</strong> <strong>la</strong> richesse <strong>de</strong>s Pyrénées-Orienta<strong>les</strong>.L’O.N.F. <strong>de</strong> son côté peut déci<strong>de</strong>r <strong>la</strong> création <strong>de</strong> réserves dites biologiques au sein<strong>de</strong>squel<strong>les</strong> <strong>la</strong> forêt sera moins exploitée (réserve dirigée), voire plus du tout (réserveintégrale).Pour ce qui est <strong>de</strong> ces réserves biologiques, qui n’excluent pas non plus <strong>la</strong> pratiquecynégétique, cel<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt domaniale <strong>de</strong> Luchon (333 ha) <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> Burat-Pa<strong>la</strong>quère (522ha), en Haute-Garonne, sont fréquentées par l’ours, même si el<strong>les</strong> ont été créées pour le grandtétras. Pour autant, celle <strong>de</strong> Luchon est d’une faible superficie alors que le secteur a été ungrand refuge <strong>de</strong> l’espèce avant <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong>s individus autochtones (éliminés directementaprès réalisation <strong>de</strong> pistes néfastes) <strong>et</strong> qu’il est fréquenté aujourd’hui par <strong>les</strong> ours d’origineslovène.Aucune réserve biologique intégrale n’existe à ce jour <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong>zone <strong>de</strong> présence régulière <strong>de</strong> l’ours, signe <strong>de</strong> <strong>la</strong> faible ambition protectrice <strong>de</strong> l’O.N.F. <strong>et</strong> <strong>de</strong>scommunes. Nombreux s’en étonnent, y compris <strong>de</strong>s juristes tel que Philippe Lan<strong>de</strong>lle 188 .D’après d’excellents connaisseurs <strong>de</strong>s forêts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s me<strong>sur</strong>es <strong>de</strong> <strong>protection</strong> existantes (GilbertCoch<strong>et</strong>, Pierre Athanaze du groupe "Forêts sauvages"), seul le c<strong>la</strong>ssement en réservebiologique intégrale perm<strong>et</strong> une <strong>protection</strong> sérieuse <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. Le c<strong>la</strong>ssement en réservebiologique dirigée est manifestement une occasion pour l’O.N.F. <strong>de</strong> verdir sa politique sanscontraintes particulières.ConclusionLe r<strong>et</strong>our d’animaux sauvages s’est toujours accompagné <strong>de</strong> difficultés, même pour <strong>de</strong>sbêtes paisib<strong>les</strong> comme le castor. Lorsqu’il a été réintroduit en Suisse <strong>dans</strong> <strong>les</strong> années 50, cefut l’occasion <strong>de</strong> joutes entre ses défenseurs <strong>et</strong> <strong>les</strong> propriétaires <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntations, <strong>de</strong> peuplierscarolins notamment. Aujourd’hui une situation analogue existe en Belgique.187 Jean-Michel Par<strong>de</strong>, op.cit. pp.27-28188 Aspects juridiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours brun en France, Pulim, 2002, page 50.136


Chose en apparence paradoxale, le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong>s grands herbivores est finalement plusdifficile en Europe que celui <strong>de</strong>s carnivores. Les bisons <strong>et</strong> <strong>les</strong> é<strong>la</strong>ns ont bien du mal à se frayerun chemin vers l’ouest actuellement 189 . L’histoire montre que tout partage du territoire entre<strong>les</strong> hommes – animaux territoriaux eux aussi ! – <strong>et</strong> <strong>les</strong> bêtes sauvages est toujours assezdifficile.Des situations variab<strong>les</strong> démontrent par ailleurs que tout est possible. Hans Kruuk,naturaliste <strong>de</strong> réputation mondiale <strong>et</strong> professeur honoraire à l’université d’Aber<strong>de</strong>en (Ecosse)prend l’exemple saisissant <strong>de</strong> ces hyènes tach<strong>et</strong>ées vivant <strong>dans</strong> certaines vil<strong>les</strong> d’Afrique, <strong>et</strong>notamment d’Ethiopie, où el<strong>les</strong> viennent profiter <strong>de</strong>s restes <strong>la</strong>issés par <strong>les</strong> hommes. Il rappellequ’en Roumanie, c’est le cas en Transylvanie à Brasov, que <strong>de</strong>s loups <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ourss’accommo<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>et</strong> viennent se nourrir aux décharges, comme tous <strong>les</strong> mammifèresopportunistes. Plus près <strong>de</strong> nous, il décrit une scène étonnante d’un homme entouré d’unevingtaine <strong>de</strong> b<strong>la</strong>ireaux à qui il <strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s cacahuètes <strong>dans</strong> sa maison <strong>de</strong> <strong>la</strong> banlieue <strong>de</strong>Birminghan en Angl<strong>et</strong>erre. Le cas <strong>de</strong>s renards qui ont colonisé <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> ang<strong>la</strong>ises <strong>dans</strong> <strong>la</strong>secon<strong>de</strong> moitié du XXe siècle, bien connu, est narré aussi : « Un soir que je promenais notrechien, juste à <strong>la</strong> périphérie d’Oxford, en <strong>de</strong>ux heures je comptais 23 renards dont plusieursrenar<strong>de</strong>aux… Les <strong>de</strong>nsités <strong>dans</strong> <strong>et</strong> autour <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong> ont atteint <strong>de</strong>s chiffres étonnammentélevés, bien supérieurs à ceux constatés <strong>dans</strong> <strong>la</strong> nature. 190 »Dans <strong>les</strong> Pyrénées, tout concourt à montrer que l’ours a <strong>de</strong> l’espace pour vivre <strong>et</strong> qu’ilpeut re<strong>de</strong>venir un commensal <strong>de</strong> l’homme pour peu que nous fassions <strong>de</strong>s efforts en ce sens,<strong>de</strong>s efforts sans doute plus psychiques que matériels. Si l’ours, comme le loup, peut vivre<strong>dans</strong> une nature très marquée par l’homme, nous souscrivons au souhait, <strong>de</strong> plus en pluspartagé, <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> tranquillité pour <strong>la</strong> nature… <strong>et</strong> l’homme que nousn’oublions <strong>sur</strong>tout pas. On pourrait reprendre <strong>les</strong> idées du juriste français Cyrille <strong>de</strong> Klemm 191qui pensait voici déjà 20 ans qu’il était grand temps <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s territoires sauvages(wil<strong>de</strong>rness areas) <strong>sur</strong> le modèle américain (1964), c’est-à-dire <strong>de</strong>s zones où sont interdites<strong>les</strong> constructions <strong>de</strong> routes <strong>et</strong> l’usage <strong>de</strong>s véhicu<strong>les</strong> à moteur. Certains pays scandinavesauraient adopté <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es, preuve que développement économique ne rime pastoujours avec élimination <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature sauvage. Plus près <strong>de</strong> nous, <strong>les</strong> naturalistes Gilbert <strong>et</strong>Philppe Coch<strong>et</strong> ou Jean-C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Génot, inspirés par Robert Hainard ou <strong>les</strong> grands écologistesnord-américains, posent <strong>la</strong> création <strong>de</strong> hauts lieux <strong>de</strong> naturalité, <strong>de</strong> 100 kilomètres carréminimum, où <strong>la</strong> nature pourra s’exprimer librement. Nous y arriverons pour le plus grandbonheur <strong>de</strong> <strong>la</strong> majorité.« Le fait <strong>de</strong> reléguer <strong>les</strong> grizzlis <strong>dans</strong> l’A<strong>la</strong>ska, c’est à peu près comme <strong>de</strong> reléguer lebonheur au paradis ; si ce<strong>la</strong> se trouve, on n’aura jamais l’occasion d’y aller. » Aldo Leopold,Almanach d’un comté <strong>de</strong>s sab<strong>les</strong>.189 Annick Schnitzler, « Les herbivores <strong>et</strong> <strong>les</strong> grands carnivores, leur rôle <strong>dans</strong> <strong>les</strong> forêts naturel<strong>les</strong> », Livre b<strong>la</strong>nc<strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong>s forêts, op.cit.190 Chasseurs <strong>et</strong> chassés, re<strong>la</strong>tions entre l’homme <strong>et</strong> <strong>les</strong> grands prédateurs, De<strong>la</strong>chaux <strong>et</strong> Niestlé, 2005.191 K. Elgmork, « Impact <strong>de</strong> l’homme <strong>sur</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’ours », Conseil <strong>de</strong> l’Europe, 1988.137


L’OURS ET LE TOURISME« Los amigos <strong>de</strong>l oso y <strong>de</strong>l FAPAS son nuestros amigos. 192 »Le couple <strong>de</strong> propriétaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> casa rural, "La Sinriel<strong>la</strong>", vallée <strong>de</strong> Proaza,Asturies, avril 2008Il n’est pas <strong>dans</strong> notre propos <strong>de</strong> défendre le tourisme, qui a ses professionnels <strong>et</strong> sessyndicats pour le faire, d’autant que le tourisme <strong>de</strong> masse présente <strong>de</strong>s aspects néfastes pour <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> l’ours en particulier. Non, il s’agit <strong>de</strong> dénoncer icil’affirmation selon <strong>la</strong>quelle l’ours ne serait pas bon pour le tourisme familial <strong>dans</strong> <strong>les</strong>Pyrénées, ferait fuir <strong>les</strong> gens <strong>de</strong>puis <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers lâchers d’ours d’origine slovène.Effrayer <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion : un boomerang imbécileDès avant <strong>les</strong> lâchers du printemps 2006, <strong>les</strong> groupes ultra pastoraux ont tenté d’effrayer<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Ainsi, à sa création au début <strong>de</strong> l’année 2006, l’A.S.P.A.P. écrivait : « Mais pireque tout, nous sommes <strong>de</strong> plus en plus nombreux à être inqui<strong>et</strong>s quant au risque majeurd’acci<strong>de</strong>nts <strong>sur</strong> <strong>les</strong> habitants <strong>et</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> utilisateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne. Nous signalonsrégulièrement aux autorités l’importance <strong>de</strong> ce risque. Faut-il attendre qu’un drame seproduise pour réagir ? (danger accru pendant <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux années d’al<strong>la</strong>itement <strong>de</strong> l’ourson,danger du patou face aux randonneurs). Quel serait l’impact d’un tel acci<strong>de</strong>nt <strong>sur</strong> <strong>la</strong>fréquentation touristique <strong>de</strong> notre département ? 193 »Dans un autre document, ils préten<strong>de</strong>nt que « <strong>les</strong> professionnels du tourisme sontinqui<strong>et</strong>s, ils reçoivent déjà <strong>de</strong> très nombreux courriers <strong>de</strong> vacanciers qui renoncent auxPyrénées à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence d’ours. Le tourisme familial - très important <strong>dans</strong> notre région- pourrait se détourner <strong>de</strong>s Pyrénées à <strong>la</strong> première attaque d’ours <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s personnes. Car lerisque existe, <strong>sur</strong>tout en cas <strong>de</strong> femelle suitée. »Avant d’en venir au fond, remarquons que <strong>la</strong> prétendue dangerosité <strong>de</strong> l’ours passecomme l’argument principal <strong>de</strong> l’opposition <strong>de</strong> l’A.S.P.A.P., avant <strong>la</strong> soit disantincompatibilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>s ours avec le pastoralisme exposé au point précé<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leurdocument. Il est bien écrit : « Mais pire que tout… » Ceci n’est en rien étonnant <strong>de</strong> <strong>la</strong> partd’une telle association qui agite <strong>les</strong> peurs <strong>les</strong> plus faci<strong>les</strong> <strong>dans</strong> le but officieux <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r unlobby. M. Bruno Besche-Commenge le révé<strong>la</strong>it presque explicitement à <strong>la</strong> fin d’une émissiondiffusée <strong>sur</strong> France Culture en 2007.Invoquer <strong>la</strong> peur <strong>de</strong> <strong>la</strong> bête sauvage, c’est nous ressortir le P<strong>et</strong>it chaperon rouge auXXIème siècle. Et c’est chose aisée, car <strong>la</strong> peur <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature règne chez bon nombre <strong>de</strong>personnes issues <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong> ou <strong>de</strong>s campagnes, fruit d’une civilisation occi<strong>de</strong>ntale qui s’estconstruite <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong>, même <strong>de</strong>s millénaires, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> peur <strong>et</strong> <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> <strong>la</strong>nature. Il n’est pas rare <strong>de</strong> croiser <strong>sur</strong> <strong>les</strong> chemins <strong>de</strong> montagne <strong>de</strong>s randonneurs urbainseffrayés par une couleuvre comme il est encore fréquent <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s paysans <strong>les</strong> tuer d’uncoup <strong>de</strong> bâton (observation personnelle). Combien <strong>de</strong> chasseurs craignent <strong>les</strong> sangliers quisont effectivement agressifs lorsqu’on <strong>les</strong> chasse <strong>et</strong> bien plus s’ils sont poursuivis par <strong>de</strong>schiens ou lorsqu’ils sont b<strong>les</strong>sés. Qui, à part une poignée <strong>de</strong> passionnés ou <strong>de</strong>…braconniers,connaît <strong>la</strong> nature <strong>la</strong> nuit, un moment pourtant essentiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> nombre d’espèces ?192 « Les amis <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> du FAPAS sont nos amis. »193 Appel à cotisation <strong>de</strong> l’A.S.P.A.P., 17 février 2006.138


La très gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong> nos contemporains n’a ainsi qu’une vision très restreinte <strong>de</strong> <strong>la</strong>nature. Elle se limite alors aux jardins, aux parcs urbains ou aux alentours <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges. Lesplus aventureux parcourent nos parcs nationaux ou <strong>de</strong>s réserves naturel<strong>les</strong> sans s’écarter <strong>de</strong>schemins <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> randonnée ou <strong>de</strong> sentiers qui mènent à <strong>de</strong>s cabanes d’observation. Un<strong>et</strong>oute p<strong>et</strong>ite minorité s’éprend véritablement <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, quand elle reste pour <strong>la</strong> plupart un<strong>et</strong>erra incognitae. Devant un massif forestier abritant une forêt primaire, <strong>de</strong>s ours, <strong>de</strong>s loups <strong>et</strong><strong>de</strong>s lynx <strong>et</strong> quantité d’autres bêtes, une peintre slovène nous disait : « Ici, c’est Mars pour <strong>les</strong>gens ! »Craindre l’ours est donc chose compréhensible chez l’homme mo<strong>de</strong>rne coupé d’uncontact avec <strong>la</strong> nature, qui plus est d’une nature complète avec ses grands prédateurs. Leseff<strong>et</strong>s médiatiques <strong>de</strong> telle ou telle affaire n’arrangent rien bien évi<strong>de</strong>mment. Un amiornithologue nous racontait qu’à l’été 2007 il fut appelé par un inspecteur d’académie qui lui<strong>de</strong>mandait s’il n’était pas dangereux <strong>de</strong> se rendre <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées avec ses enfants à cause<strong>de</strong>s… vautours ! D’un autre côté, on voit <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> gens prêts à observer <strong>de</strong>s animauxsauvages, il est vrai parfois inconsciemment comme nous le confiait un forestier slovène àpropos d’une famille française qui cherchait à approcher … une ourse <strong>et</strong> ses p<strong>et</strong>its.Les Pyrénéens seraient très inspirés d’étudier l’expérience italienne <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Abruzzes,celle <strong>de</strong>s Slovènes ou encore celle <strong>de</strong>s Espagnols <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Asturies. Ils y constateraient quel’homme vit au contact <strong>de</strong>s ours, parfois aussi <strong>de</strong>s loups <strong>et</strong> <strong>de</strong>s lynx également, sans craindred’acci<strong>de</strong>nts. On compte <strong>de</strong>ux cas d’acci<strong>de</strong>nts <strong>sur</strong> un <strong>de</strong>mi-siècle en Slovénie, <strong>de</strong>s casrarissimes qui trouvent leur origine <strong>dans</strong> une faute humaine ou une gran<strong>de</strong> malchance (commecelle <strong>de</strong> prendre une pierre <strong>sur</strong> <strong>la</strong> tête en montagne). Le <strong>de</strong>rnier en date est celui d’un hommeparti couper du bois le 24 février 2000 aux abords d’un vil<strong>la</strong>ge avec son chien. Celui-ci estmanifestement allé provoquer une femelle <strong>dans</strong> sa tanière puis est revenu <strong>dans</strong> <strong>les</strong> jambes <strong>de</strong>son maître, poursuivi par l’ourse ! L’homme a été b<strong>les</strong>sé assez sérieusement au bras droit,puis a été hospitalisé jusqu’au 14 mars, date à <strong>la</strong>quelle il a complètement récupéré <strong>de</strong>l’attaque 194 . Notons que <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> personnes fréquentent <strong>la</strong> forêt slovène en quête <strong>de</strong>champignons, pour le traditionnel piégeage <strong>de</strong>s loirs ou pour y chasser, donc <strong>sur</strong>tout àl’automne lorsque <strong>les</strong> ours (5 à 700) sont très actifs <strong>et</strong> engraissent avant l’hiver. Le reste <strong>de</strong>l’année, <strong>les</strong> Slovènes sont nombreux à parcourir <strong>la</strong> forêt à pied.Dans <strong>les</strong> Asturies, <strong>les</strong> hommes vivent <strong>de</strong> manière analogue à celle <strong>de</strong>s Pyrénéens sansdéplorer d’acci<strong>de</strong>nts. Les Pyrénéens constateraient aussi que <strong>de</strong>s famil<strong>les</strong> entières viennentdésormais observer c<strong>et</strong>te gran<strong>de</strong> faune <strong>et</strong> louent <strong>de</strong>s gîtes, achètent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> épiceries loca<strong>les</strong>,se ren<strong>de</strong>nt au restaurant, <strong>et</strong>c., bref font vivre une économie locale <strong>et</strong> ses produits <strong>de</strong> qualité.Nous avons constaté personnellement combien <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Somiedo où vivent <strong>de</strong> nombreuxours attire <strong>de</strong>s famil<strong>les</strong> avec enfants, dont certaines viennent spécifiquement observer <strong>les</strong> ours,<strong>les</strong> voient !, <strong>et</strong> s’en reviennent régulièrement aux mêmes gîtes <strong>et</strong> restaurants. Il s’agitincontestablement d’une évolution <strong>de</strong>s mœurs qui ne fera sans doute que s’accentuer <strong>et</strong>touchera <strong>de</strong> plus en plus nos montagnes <strong>de</strong>s Pyrénées.L’ours facteur <strong>de</strong> déso<strong>la</strong>tion générale, <strong>de</strong> <strong>la</strong> lèpre <strong>et</strong> du choléra !Le ressort <strong>de</strong> <strong>la</strong> peur déjà usé (car fort heureusement il s’use), <strong>les</strong> ultrapastorauxcherchent ainsi à démontrer que l’entr<strong>et</strong>ien <strong>et</strong> le maintien d’espaces ouverts par l’activité194 B. Kryštufek, H. I. Griffiths, « Anatomy of a human bear conflict. Case study from Slovenia in 1999-2000”,Living with bears, A <strong>la</strong>rge European carnivore in a shrinking world, L.D.S., Ljubljana, 2003, pp. 127 <strong>et</strong> s.139


agropastorale serait menacé, non seulement par le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> l’ours, <strong>et</strong> du loup, mais aussi parl’« ensauvagement » du massif. C’est ainsi qu’ils tentent <strong>de</strong> faire croire que leurs intérêts(grossièrement comparés à ceux <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong>s vallées) sont liés à ceux <strong>de</strong>s urbains quijouissent <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne. Sans pastoralisme, il serait par exemple impossible <strong>de</strong>main <strong>de</strong>randonner <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s sentiers d’une montagne <strong>de</strong>venue « impénétrable » !C’est ainsi que ces groupes ont <strong>la</strong>ncé une campagne stupéfiante faisant <strong>de</strong> l’ours (<strong>et</strong> duloup) <strong>les</strong> vecteurs d’un « ensauvagement », dont l’objectif caché serait <strong>de</strong> faire déguerpir tous<strong>les</strong> êtres humains au profit <strong>de</strong>s animaux sauvages. Lors <strong>de</strong> l’assemblée générale <strong>de</strong>l’Association pour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> du patrimoine pyrénéen (A.S.P.P. 65), présidée par Marie-Lise Broueilh, il a été question <strong>de</strong> rallier le grand public <strong>dans</strong> <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r unemontagne vivante, sans prédateurs. « L’ours : ce n’est pas bon pour le tourisme » titrait alorsLa Dépêche du Midi du 23 avril 2008, citant Bernard Mou<strong>les</strong> : « Le pastoralisme est <strong>la</strong> basequi perm<strong>et</strong> à toutes <strong>les</strong> autres activités économiques, <strong>et</strong> notamment le tourisme <strong>de</strong> vivre <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées. Et si <strong>les</strong> éleveurs disparaissent <strong>de</strong>s montagnes, on ne donnera pas cher <strong>de</strong> toutes<strong>les</strong> activités autour. (…) « Des choix doivent s’opérer. Ou l’on veut d’une montagne que l’onva <strong>la</strong>isser à <strong>la</strong> nature qui va reprendre le <strong>de</strong>ssus, ou l’on veut une vie <strong>dans</strong> nos montagnes avec<strong>de</strong>s acteurs économiques. (…) La présence <strong>de</strong> l’ours ne favorise pas le tourisme, il le fait fuir.Les utilisateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt d’abord à ne pas rencontrer l’ours. Notre combatest aussi le leur. »Pour Philippe Lacube, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'A.D.D.I.P., « 2008 sera une année charnière <strong>dans</strong><strong>les</strong> Pyrénées. S'appuyant <strong>sur</strong> l'évaluation du P<strong>la</strong>n ours qu'il vient d'achever, l'État va prendre<strong>dans</strong> <strong>les</strong> tous prochains jours <strong>de</strong>s décisions qui engageront le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> notre massif d'unefaçon déterminante : au nom <strong>de</strong> <strong>l'ours</strong> <strong>et</strong> du loup tout puissants, c'est bien <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s activitéshumaines que l'État <strong>et</strong> <strong>les</strong> associations environnementalistes tentent <strong>de</strong> réduire ou d'éliminer :pastoralisme, développement économique <strong>et</strong> touristique, chasse, libre circu<strong>la</strong>tion ... À courtterme, c'est l'équilibre remarquable pyrénéen qui est menacé <strong>de</strong> disparaître, tel que <strong>de</strong>sgénérations d'hommes ont su le sauvegar<strong>de</strong>r, l'adapter <strong>et</strong> le faire progresser <strong>dans</strong> <strong>les</strong>conditions diffici<strong>les</strong> du milieu montagnard. »C<strong>la</strong>mer que l’ours menace l’existence du pastoralisme est une ab<strong>sur</strong>dité quand <strong>les</strong> prixdu marché mondial <strong>et</strong> <strong>la</strong> concurrence internationale sont <strong>les</strong> raisons sérieuses du ma<strong>la</strong>isepastoral pyrénéen. C’est d’autant plus malhonnête que <strong>les</strong> groupes ultrapastoraux sontsoutenus par le syndicat F.N.S.E.A. dont on connaît <strong>de</strong>puis l’après-guerre sa phi<strong>la</strong>nthropie àl’égard <strong>de</strong>s p<strong>et</strong>its paysans français… Prétendre que le pastoralisme est nécessaire à l’exercice<strong>de</strong>s autres activités économiques est pour une bonne part un autre mensonge. Sur <strong>la</strong> simplequestion <strong>de</strong>s sentiers, chacun <strong>dans</strong> nos Pyrénées sait que nombreux sont <strong>les</strong> chemins ouverts<strong>et</strong> entr<strong>et</strong>enus aujourd’hui par <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites entreprises. Dans <strong>les</strong> forêts, <strong>les</strong> cerfs, <strong>les</strong> sangliers,voire <strong>les</strong> ours, entr<strong>et</strong>iennent eux aussi <strong>de</strong>s sentiers <strong>sur</strong> <strong>les</strong>quels on marche sans <strong>la</strong> moindredifficulté. En Slovénie, là où <strong>la</strong> <strong>de</strong>nsité humaine est <strong>la</strong> plus faible, conséquence <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>de</strong>uxième guerre mondiale, <strong>les</strong> sentiers n’ont pas disparu <strong>et</strong> sont très entr<strong>et</strong>enus par le passage<strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune. La montagne slovène, peuplée par <strong>de</strong> nombreux ours, loups <strong>et</strong>lynx, n’est pas le désert humain, impénétrable, décrit par <strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong> mauvaise foi.Le révisionnisme patrimonialLa haine qui entoure le r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> l’ours <strong>et</strong> <strong>les</strong> intérêts <strong>de</strong> certains à se débarrasser d’unemontagne habitée par l’ours ont généré <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s nouvel<strong>les</strong> en matière <strong>de</strong> promotiontouristique. C’est ainsi que <strong>dans</strong> certains départements comme l’Ariège ou <strong>les</strong> Hautes-140


Pyrénées, l’ours n’est pas présenté comme <strong>la</strong> figure essentielle qu’il est <strong>dans</strong> le patrimoinenaturel <strong>et</strong> culturel pyrénéen, relégué comme une bête visitable <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zoos <strong>et</strong> culs-<strong>de</strong>-bassefosse,quand il n’est pas tout simplement occulté.Sans doute parce que <strong>la</strong> pression ultrapastorale est forte <strong>dans</strong> certaines parties <strong>de</strong>sHautes-Pyrénées, certains responsab<strong>les</strong> du tourisme <strong>de</strong> ce département négligent ou occultentl’existence <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> documents publiés à <strong>de</strong>stination du public. Dans l’édition 2008<strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>qu<strong>et</strong>te <strong>de</strong> Hautes-Pyrénées Tourisme Environnement distribuée, « Hautes-Pyrénées,<strong>les</strong> séjours heureux », disponible <strong>dans</strong> <strong>les</strong> offices du tourisme, également jointe à un magazined’informations, on ne trouve aucune mention <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> l’ours. À propos du Parc <strong>de</strong>sPyrénées, on peut lire : « (…) Sa faune est aussi diverse que fragile, avec l’isard, symbole <strong>de</strong>sPyrénées (sic !), le grand tétras 195 ou encore le gypaète barbu. (…) » Au chapitre <strong>de</strong>s écovacances, on propose une transhumance à <strong>la</strong> rencontre <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s troupeaux, avecl’inévitable coupl<strong>et</strong> <strong>sur</strong> le rôle soit disant essentiel du pastoralisme <strong>dans</strong> l’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong>spaysages <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. Et en lisant bien, on trouve écrit en p<strong>et</strong>its caractères<strong>la</strong> seule mention du roi <strong>de</strong>s montagnes, du symbole <strong>de</strong>s Pyrénées par <strong>de</strong>là <strong>les</strong> sièc<strong>les</strong>, sousl’annonce d’un séjour naturaliste <strong>dans</strong> un gîte <strong>la</strong>bellisé « Etape du pays <strong>de</strong> l’ours » C’est tout !Curieusement, on propose un sentier balisé <strong>sur</strong> le site du tournage du film « Le Pacte <strong>de</strong>sloups ». Qu’on se ras<strong>sur</strong>e, <strong>les</strong> loups ne peuplent pas (encore !) <strong>la</strong> forêt.Nous pourrions évoquer d’autres exemp<strong>les</strong> <strong>de</strong> ce qu’il faut bien appeler unrévisionnisme patrimonial. N’en doutons pas, ceux qui tentent d’occulter l’existence <strong>de</strong> l’oursà l’époque pré<strong>historique</strong>, comme <strong>dans</strong> l’exposition à l’entrée <strong>de</strong> <strong>la</strong> grotte <strong>de</strong> Niaux (où nefigure aucune mention ni aucune image d’un animal majeur pour <strong>les</strong> hommes <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>smillénaires), connaîtront tôt ou tard l’eff<strong>et</strong> du boomerang. On ne peut nier <strong>les</strong> évi<strong>de</strong>nces, pasplus que <strong>la</strong> très longue histoire.ConclusionToutes <strong>les</strong> personnes <strong>de</strong> bonne foi constatent ou constateront que vivre avec <strong>de</strong>s ours, <strong>et</strong>plus généralement avec une gran<strong>de</strong> faune, est possible sans désagréments majeurs <strong>et</strong>n’empêche nullement, au contraire, le tourisme familial c<strong>la</strong>ssique. Les éleveurs ne pourrontpas longtemps défendre leur profession en agitant <strong>de</strong>s élucubrations aussi grossières.En outre, <strong>la</strong> mort violente d’animaux aussi chargés symboliquement que <strong>les</strong> ours n’estjamais neutre. Plusieurs témoignages collectés en vallée d’Aspe, notamment auprès <strong>de</strong>spropriétaires <strong>de</strong> l’hôtel <strong>de</strong>s Pyrénées à Etsaut, démontrent que <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’ourse "Cannelle" aeu un impact négatif <strong>sur</strong> <strong>la</strong> fréquentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée d’Aspe. La presse au mois <strong>de</strong> novembre2004 s’était d’ailleurs fait l’écho <strong>de</strong> nombreuses réactions en ce sens <strong>et</strong> <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>intes <strong>de</strong>smaires qui recevaient quantité <strong>de</strong> courriers, appels téléphoniques <strong>et</strong> courriels <strong>de</strong> protestation <strong>et</strong>d’injure. Certaines personnes annonçaient qu’el<strong>les</strong> ne reviendraient pas <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te vallée.L’équipe <strong>de</strong> l’événement "Eldorando", organisé en 2006 en vallée d’Aspe, affichait d’ailleurssa volonté <strong>de</strong> redorer le b<strong>la</strong>son d’une vallée en partie terni par <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’ourse. Après <strong>la</strong>mort <strong>de</strong> l’ourse "Mellba", à l’automne 1997, il avait également été noté par diversprofessionnels du tourisme, notamment le patron <strong>et</strong> cuisinier <strong>de</strong> l’auberge du Crabère àMel<strong>les</strong>, une désaffection soudaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> région fréquentée par <strong>de</strong>s touristes anglo-saxons suiteà <strong>la</strong> réintroduction <strong>de</strong> 1996.195 La chasse du grand tétras est permise <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Hautes-Pyrénées. C<strong>et</strong>te espèce est désignée comme fragile pour <strong>les</strong>touristes, mais <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> administratifs, politiques <strong>et</strong> cynégétiques ne doivent pas lire <strong>les</strong> documents <strong>de</strong>s offices d<strong>et</strong>ourisme…141


Nous Pyrénéens <strong>de</strong>vons réfléchir à ce<strong>la</strong> <strong>et</strong> inventer un rapport sain avec l’ours.Marie, 11 ans, achève le mou<strong>la</strong>ge d’une empreinte d’ours <strong>sur</strong> une piste forestière,Slovénie, mai 2008 (Cliché : S. Carbonnaux). Quelques jours plus tard, vers 13h00, en sacompagnie, celle <strong>de</strong> son père <strong>et</strong> <strong>de</strong> son grand-père, nous avons moulé une autre empreintealors qu’un ours passait à moins <strong>de</strong> 50 mètres <strong>de</strong> nous, le plus silencieusement du mon<strong>de</strong>. Deforts effluves nous sont parvenus grâce à <strong>de</strong>s rafa<strong>les</strong> <strong>de</strong> vent. Interrompant notre travail, nousavons remonté le vent <strong>et</strong> avons alors découvert <strong>les</strong> traces fraîches d’un ours.Marie, qui a vu ses premiers ours à l’âge <strong>de</strong> 10 ans <strong>et</strong> a dormi à <strong>la</strong> belle étoile <strong>dans</strong> <strong>la</strong>forêt, mais aussi Quentin, Maylis, Nico<strong>la</strong>s, Nathan, Mathis <strong>et</strong> Adèle, sont <strong>les</strong> enfants d’unegénération qui découvrent entre 10 <strong>et</strong> 15 ans ce que nous avons connu beaucoup plus tard. Ilssont <strong>la</strong> preuve <strong>la</strong> plus vivante que l’homme peut cohabiter avec l’ours en parfaite intelligence.142


POUR UN OURS LIBRE SANS PUCE NI COLLIER ELECTRONIQUES« Mais l’existence <strong>de</strong> l’ours pyrénéen aurait-elle un sens, si on savait tout ? »Office national <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, 1985La tentation toujours plus gran<strong>de</strong> <strong>de</strong> contrôler l’animal sauvage a <strong>de</strong>s racines profon<strong>de</strong>s.Elle se niche au carrefour <strong>de</strong>s volontés <strong>de</strong> dominer <strong>la</strong> nature, <strong>de</strong> démontrer que l’animal nepeut se passer <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’homme, elle se nourrit sans doute d’un vieux fond <strong>de</strong> jalousiepour <strong>la</strong> bête sauvage souveraine <strong>et</strong> libre.Dans <strong>les</strong> Pyrénées, en vallée d’Aspe, il avait été imaginé en 1977 d’attraper un <strong>de</strong>s<strong>de</strong>rniers ours, au moyen <strong>de</strong> fosses <strong>et</strong> <strong>de</strong> cages trappes, <strong>et</strong> <strong>de</strong> lui p<strong>la</strong>cer un radio ém<strong>et</strong>teur. C’estainsi qu’un journaliste d’Ec<strong>la</strong>ir-Pyrénées annonce une première insolite au Parc national enoctobre <strong>de</strong> <strong>la</strong> même année : « L’expérience est séduisante, car si un jour, c<strong>et</strong> ours s’attaque àune brebis, nous aurons un enregistrement authentique <strong>de</strong> c<strong>et</strong> acte criminel ! (…) Bientôtviendra le temps où <strong>la</strong> radio nous m<strong>et</strong>tra "en direct" avec l’antre intime… Pour <strong>la</strong> télévision, ilfaudra patienter davantage car l’approche restera toujours difficile, à moins que l’ours<strong>de</strong>vienne cabotin à <strong>la</strong> vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> caméra, <strong>et</strong> se <strong>la</strong>isse… croquer ! 196 »Le directeur du Parc national, Bernard G<strong>la</strong>ss, réagit aussitôt par courrier du 10 octobreauprès <strong>de</strong> <strong>la</strong> rédaction du quotidien :« (…) En tout état <strong>de</strong> cause, le proj<strong>et</strong> concernant <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es télémétriques qui seraientproj<strong>et</strong>ées pour suivre l’ours à <strong>la</strong> trace, pour séduisant qu’il soit, n’est pas susceptible d’êtreengagé à court terme car c<strong>et</strong>te métho<strong>de</strong> peut présenter quelques inconvénients alors que <strong>les</strong>ours <strong>sur</strong>vivants se comptent <strong>sur</strong> <strong>les</strong> dix doigts <strong>de</strong> <strong>la</strong> main.Par contre, le Conseil national <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage envisage <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r,sous le contrôle <strong>de</strong> <strong>la</strong> Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, à une importante investigationportant <strong>sur</strong> l’ours en vue <strong>de</strong> mieux protéger c<strong>et</strong>te espèce dont le biotope, chacun le sait, ne sesitue pas pour majorité <strong>dans</strong> le Parc national, mais en zone périphérique. 197 »Dans leur rapport scientifique <strong>de</strong> 1978, C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che <strong>et</strong> Jean-Jacques Camarrafont alors état <strong>de</strong> leur opposition à c<strong>et</strong>te « méthodologie », proposée par le professeur Röben<strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Hei<strong>de</strong>lberg <strong>et</strong> soutenue un temps par <strong>la</strong> direction du Parc national. « Il esten eff<strong>et</strong> délicat d’envisager, du point <strong>de</strong> vue éthique <strong>et</strong> technique, l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> radioém<strong>et</strong>teurs<strong>sur</strong> le dos d’un animal préa<strong>la</strong>blement capturé. »Une douzaine d’années plus tard, <strong>la</strong> pression <strong>sur</strong> l’animal se fait plus forte à l’occasiond’attaques répétées commis par un ours dit "familier", une femelle, en vallées d’Aspe <strong>et</strong>d’Ossau. Assez vite, il sera question <strong>de</strong> le capturer pour lui poser un collier ém<strong>et</strong>teur aux fins<strong>de</strong> le suivre <strong>et</strong> d’anticiper <strong>les</strong> dégâts qu’il pourrait comm<strong>et</strong>tre. Alors directeur du Centre <strong>de</strong>biologie <strong>de</strong>s écosystèmes <strong>de</strong> montagne (Université <strong>de</strong> Pau <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Pays <strong>de</strong> l’Adour) <strong>et</strong> prési<strong>de</strong>ntdu Comité scientifique du Parc national, C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Dendal<strong>et</strong>che, donne le 20 novembre 1991 unavis <strong>sur</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s ours <strong>de</strong>s Pyrénées franco-espagno<strong>les</strong> après décision <strong>de</strong> capturer l’ours"familier", <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’équiper d’un collier ém<strong>et</strong>teur. Il rappelle <strong>les</strong> risques jugés inadmissib<strong>les</strong>pour une popu<strong>la</strong>tion d’ours si faible <strong>et</strong> estime que c<strong>et</strong>te ce proj<strong>et</strong> accrédite «l’idée (fausse)qu’on ne dispose pas assez <strong>de</strong> connaissances pour protéger efficacement <strong>les</strong> biotopes <strong>de</strong>196 Jean Bruno, « Pour "trahir l’ours" un poste radio-ém<strong>et</strong>teur ? », Ec<strong>la</strong>ir-Pyrénées, 8-9 octobre 1977 (archives <strong>de</strong>J.-P. Raffin).197 Archives <strong>de</strong> J.-P. Raffin143


l’ours. Elle conforte une sorte <strong>de</strong> fuite en avant technique qui reporte à toujours plus tard <strong>la</strong>résolution <strong>de</strong>s vrais problèmes (biologiques, sociologiques, économiques) d’aménagement <strong>de</strong>l’espace. » En outre, il juge nécessaire une équipe scientifique comprenant <strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong>diverses disciplines <strong>et</strong> constate qu’elle manque aux Pyrénées.En juill<strong>et</strong> 1992, c<strong>et</strong>te ourse est finalement capturée au <strong>la</strong>c<strong>et</strong> mais se libère faute d’avoirété anesthésiée à temps. La porte est désormais bien ouverte pour d’autres expérimentations <strong>et</strong>dérives. C’est ainsi que durant <strong>les</strong> gesticu<strong>la</strong>tions organisées autour <strong>de</strong> l’I.P.H.B., il avait étédécidé du principe <strong>de</strong> capturer un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers ours autochtones aux seu<strong>les</strong> fins <strong>de</strong> ras<strong>sur</strong>ercertains responsab<strong>les</strong> échaudés par le raté <strong>de</strong> 1992. Il y eut un débat vif au sein <strong>de</strong>sassociations <strong>de</strong> <strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature à qui l’on présentait c<strong>et</strong>te capture comme un <strong>de</strong>spréa<strong>la</strong>b<strong>les</strong> à un futur renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’ours en Béarn.La réintroduction <strong>de</strong> l’ours <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées centra<strong>les</strong> en 1996 <strong>et</strong> 1997 <strong>et</strong> l’avancéeconsidérable <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong>s animaux, ont banalisé le contrôle <strong>de</strong>s ours. Certainsfurent capturés <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Pyrénées. Dans une note personnelle à A<strong>la</strong>in Reille, en qualité <strong>de</strong>membre du C.N.P.N., Ro<strong>la</strong>nd Guichard, alors directeur d’Artus, exprime alors ses craintesaprès <strong>la</strong> capture d’un ourson <strong>de</strong> 14 mois <strong>de</strong> <strong>la</strong> femelle Živa, <strong>sur</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>protection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> Catalogne. Au seul motif <strong>de</strong> changer le collier <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère, l’équipeespagnole, avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> D. Huber, avait piégé le jeune ours dont <strong>la</strong> vie avait été mise endanger par une importante chute <strong>de</strong> neige <strong>et</strong> <strong>la</strong> fuite <strong>de</strong> sa mère, finalement revenue lechercher. Ro<strong>la</strong>nd Guichard cite alors le berger Pascal Wick pour qui <strong>la</strong> mortalité peutatteindre 21% <strong>de</strong>s cas, <strong>et</strong> prétend que <strong>les</strong> biologistes minimisent ou cachent le risque. Lesanimaux risquent un choc après anesthésie, per<strong>de</strong>nt l’équilibre au réveil <strong>et</strong> risquent unenoya<strong>de</strong> en cherchant à s’abreuver.D’autres cas mériteraient <strong>de</strong>s commentaires <strong>et</strong> nous y reviendrons. Dans <strong>les</strong> années1990, un ours est mort pendant l’opération <strong>de</strong> capture <strong>dans</strong> <strong>les</strong> Cantabriques parce qu’il avaitattendu trop longtemps qu’on vienne l’endormir. C<strong>et</strong>te affaire a <strong>la</strong>issé <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s b<strong>les</strong><strong>sur</strong>esentre <strong>les</strong> Espagnols chargés du suivi <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> l’ours. L’ours "Papillon" futégalement capturé en 2004 <strong>sur</strong> décision <strong>de</strong> l’État qui céda aux pressions <strong>de</strong> certains éleveursultrapastoraux du Pays Toy (Hautes-Pyrénées). Très âgé, il fut très affecté par sa capture <strong>et</strong>mourut quelques semaines après. Les ours lâchés en 2006 furent enfin l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> diversescaptures dont l’obj<strong>et</strong> est très contestable.Nous p<strong>la</strong>idons une défense inconditionnelle du sauvage par respect pour l’animal libre <strong>et</strong>pour regagner le terrain perdu par une société <strong>de</strong> plus en plus sécurisée, mortifère, hantée parle risque zéro.144


Mai 2008FERUSBP 11413 718 Al<strong>la</strong>uch Ce<strong>de</strong>xwww.ferus.org145

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